Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Je suis très heureux de vous présenter mes voeux pour l'année 2005. Je me réjouis de partager avec vous ce moment. Certes, nous ne pouvons occulter les préoccupations du moment et nous aurons une pensée particulière pour ceux, dont nos compatriotes, touchés par la tragédie qui s'est déroulée au moment des fêtes en Asie ; vous savez que notre ministère a pris part à des mesures d'urgence pour venir en aide aux populations. Cette évocation nous rappelle notre fragilité et renvoie à notre sens des responsabilités pour notre quotidien et les événements du monde. A tous, je souhaite que l'année 2005 apporte joie, bonheur pour vous et vos familles et, également, réussite professionnelle.
Je veux bien entendu formuler également des voeux particuliers pour l'avenir de l'agriculture, de la pêche et de la ruralité qui vivent des mutations profondes.
L'environnement économique et international dans lequel s'inscrit notre action se précise. L'accord obtenu le 2 août dernier ayant relancé les discussions du cycle de DOHA sur des bases satisfaisantes, les négociations à l'OMC entreront dans une phase très active en 2005, avec la perspective de conclure le cycle en 2006 si un consensus est trouvé lors de la conférence ministérielle de Hong-Kong en décembre prochain. Sur le volet agricole, il est essentiel pour l'Europe de bien négocier d'une part la formule de réduction tarifaire et, d'autre part, le traitement particulier réservé aux produits sensibles. Quoi qu'il en soit, je voudrais insister sur l'idée que l'horizon européen de l'agriculture est dégagé pour une dizaine d'années : budget PAC acquis, réforme de la PAC précisée.
Cette situation ouvre des perspectives pour définir une vision de l'agriculture partagée par la société et les exploitants. Il appartient au Ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et de la Ruralité d'éclairer leurs choix et, surtout, d'accompagner les adaptations souhaitées qui se dégageront à l'occasion de la rédaction de la loi d'orientation agricole. L'année 2005 permettra de transformer progressivement notre agriculture - l'application de la réforme de la PAC procède par étape - et de poser les jalons d'une agriculture nouvelle pour les 10 ans à venir.
Mon propos s'articulera donc autour de trois idées :
· un secteur, agriculture et pêche, qui connaît une profonde mutation ;
· des exigences nouvelles de la part de la société ;
· un ministère qui fait face à cet environnement nouveau en s'adaptant.
I Un secteur central dans la vie économique française qui vit une profonde mutation
L'agriculture et la pêche connaissent une période de transformation essentielle liée à un contexte nouveau. Notre objectif est d'assurer leur compétitivité tant dans ces secteurs que dans les industries agroalimentaires qui en dépendent.
I-A 2005 : l'année de l'adaptation à la réforme de la PAC
S'agissant de la PAC, les primes liées à la conditionnalité introduisent, à côté des exigences nécessaires de production de notre agriculture, la dimension de gestion d'un patrimoine rural de qualité auquel les Français sont profondément attachés. La qualité de nos productions, je l'espère, devrait s'en trouver accrue, et les produits français et européens bénéficier ainsi d'une différenciation bienvenue sur des marchés fortement concurrentiels.
Les exploitants peuvent aussi légitimement s'interroger sur les évolutions engagées. Je tiens à les rassurer car je veille à une mise en oeuvre de la réforme de la PAC non seulement progressive mais aussi menée avec pédagogie et discernement.
1 - L'application de la conditionnalité
Concernant la conditionnalité, le Conseil des Ministres de l'Union Européenne et la Commission de Bruxelles ont préconisé, dans une déclaration conjointe le 22 décembre, une application efficace et équilibrée de la réforme. Un bilan pour l'année 2005 sera établi par les Etats-membres et la Commission, et je donnerai des instructions pour une évaluation semestrielle du dispositif en France.
A ma demande, les Directeurs Départementaux de l'Agriculture et de la Forêt ne devront pas pénaliser financièrement, lors de la première année d'application du dispositif, les écarts réglementaires très secondaires, c'est-à-dire les " anomalies mineures ". Je préfère y substituer un mécanisme d'alerte et d'accompagnement. En outre, l'absence d'une boucle ou son caractère illisible sur un seul animal ne seront pas relevés comme anomalie.
A l'issue des contrôles, les agriculteurs pourront noter leurs observations avant la communication des sanctions éventuelles. Celles-ci leur seront transmises en même temps qu'aux organismes payeurs. Je serai vigilant pour que les procédures mettent l'accent sur une vraie pratique de dialogue entre mes services et les exploitants afin de faciliter un véritable apprentissage de cette réforme. Une évaluation attentive en cours d'année sera assurée pour garantir la bonne application de ces orientations et préparer les adaptations éventuellement nécessaires.
2 - Les droits à paiement unique
Pour les droits à paiement unique (DPU), l'année 2005, année de simulation, impliquera une forte mobilisation des services déconcentrés afin que nous abordions l'année réelle de mise en oeuvre, 2006, dans les meilleures conditions possibles.
La première phase consistera à envoyer le moment venu aux agriculteurs leurs droits historiques accompagnés des notices explicatives pour leur calcul. La deuxième phase aura pour but de recenser les événements intervenus sur les exploitations depuis le 1er janvier 2000 et qui auront un impact sur la détermination des D.P.U. reçus par les agriculteurs dans le régime futur.
L'exercice implique, au delà des deux premières phases, que soient définies les règles d'utilisation de la réserve nationale de droits permettant d'attribuer gratuitement des droits sous certaines conditions. Avant de lancer la simulation, je ferai expertiser au cours des prochaines semaines l'ensemble du volet " droits à paiement unique ". Nous procéderons alors au niveau national, après validation des instances européennes, avec lesquelles je compte évoquer ce volet, à tous les ajustements possibles garantissant un exercice pragmatique et le plus adapté possible aux réalités de terrain.
I-B Pêche : la modernisation doit se poursuivre
S'agissant de la pêche, la politique du ministère est orientée suivant deux axes essentiels : d'abord la modernisation des navires ; ensuite, la préservation de la ressource halieutique.
De ce point de vue, nos efforts lors de la négociation lors du dernier Conseil des Ministres de l'Union Européenne, les 21 et 22 décembre, ont eu pour objectif de concilier l'objectif économique de la pêche française et la nécessité de ne pas surexploiter la mer grâce à un diagnostic précis et équilibré des ressources halieutiques.
I-C Enjeu : la compétitivité et l'emploi pour un secteur central dans l'économie française
Même si la compétitivité n'est pas l'objectif immédiat de la Réforme de la PAC, elle pourrait bien constituer un atout supplémentaire pour l'Europe et notre pays. L'attention portée aux méthodes de production et la qualité qui devrait en être la conséquence appréciable, sont susceptibles d'augmenter les avantages comparatifs de notre agriculture.
Je veux souligner ma très grande vigilance à l'égard de la santé économique des filières, notamment celle des fruits et légumes ou la filière viticole. Comme vous le savez, un premier train de mesures a été pris concernant les viticulteurs que j'ai reçus courant décembre. Le conseil de modération sera créé durant ce mois de janvier et des mesures significatives de soutien de cette filière seront annoncées. De même, la filière fruits et légumes a bénéficié d'actions ciblées. Par ailleurs, la question de l'emploi me préoccupe et nous travaillons en commun avec mes collègues Jean-Louis BORLOO et Gérard LARCHER, notamment sur le volet de l'emploi saisonnier. J'ai par ailleurs proposé au Premier Ministre, qui l'a accepté, de confier une mission à Jacques LE GUEN, Député du Finistère, sur les distorsions de concurrence en termes de main d'oeuvre.
II Une agriculture qui fait face avec détermination à une société plus exigeante
Les préoccupations des consommateurs semblent symétriques de celles des producteurs. La société formule des exigences nouvelles que je veille à intégrer et que les exploitants partagent dans le cadre de la conditionnalité par exemple.
II-A Une attention portée à l'intégration des territoires : le projet de loi sur le développement des territoires ruraux
Le Projet de Loi sur le Développement des Territoires Ruraux dont l'adoption doit intervenir courant janvier s'inscrit dans le cadre des réformes engagées. Celui-ci, premier texte législatif spécifiquement dédié à la ruralité, a pour ambition de replacer l'ensemble des territoires ruraux au coeur de notre politique d'aménagement du territoire. Il est évident que la réalité du monde rural a profondément changé depuis une dizaine d'années mais, surtout, que la ruralité est aujourd'hui diverse, et ne peut ni ne doit plus être appréhendée de manière uniforme.
II-B Une société soucieuse de qualité, de santé, de préservation de l'environnement
Les mutations en cours chez les producteurs sont indissociables non seulement d'un environnement économique concurrentiel mais aussi des exigences nouvelles des consommateurs.
Je soulignerai le volontarisme de mon Ministère. Par exemple, le Programme de Maîtrise des Pollutions Agricoles (PPMOA), dont l'objet est l'amélioration de la qualité des eaux, est doté en 2005 de 133 millions d'euros d'autorisations de programme. Le programme de développement des biocarburants concilie intérêts économiques et souci écologique.
Le soutien apporté par l'Etat soit à l'Institut des Appellations d'Origine soit à " l'Agence Bio " doit concourir à rassurer les Français sur la qualité des produits.
Je conclurai sur mon souci d'élever à son maximum la sécurité sanitaire des aliments et la santé des végétaux. Le Ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et de la Ruralité doit être fortement positionné dans le domaine de l'alimentation, y compris pour son volet nutritionnel. Notre mobilisation pour la prévention et la gestion des risques alimentaires, et la concertation avec les professionnels de l'agriculture et de l'agroalimentaire doivent être le garant de la confiance entre les consommateurs et les producteurs. J'ajoute que cette politique doit aussi se concevoir dans le cadre communautaire, l'exigence de sécurité sanitaire des aliments devant s'appliquer également aux pays tiers qui exportent vers l'Union Européenne. Je veillerai notamment au respect des principes de réciprocité et d'uniformité tant pour des raisons sanitaires que pour des raisons économiques dans le cadre d'un marché concurrentiel.
II-C Une vision nouvelle qui doit s'exprimer au service des agriculteurs et de la société dans le projet de loi d'orientation
Sur tous ces sujets sociétaux, la Commission Nationale d'Orientation, installée par Hervé GAYMARD et Nicolas FORISSIER, a travaillé à préparer la discussion du projet de loi d'orientation sur l'agriculture à venir. Elle a posé un diagnostic solide et remis un compte rendu riche de 500 pages à exploiter.
Permettez-moi de me féliciter du succès des débats, qui ont permis à 3000 acteurs de terrain en métropole comme outremer de prendre la parole. Ils peuvent être consultés sur l'Intranet du Ministère.
Le Président de la République à MURAT le 21 octobre dernier nous a donné un certain nombre d'orientations qui constituent une première feuille de route. Sur des thèmes forts, qui structurent l'activité agricole, comme l'installation, les métiers de l'agriculture, l'accès au foncier ou les mécanismes de gestion de crise comme l'assurance-récolte, des perspectives claires doivent être tracées. Les contours d'une nouvelle organisation économique sont aussi à dessiner. Ainsi la Commission ouvre-t-elle la voie d'une réflexion sur le regroupement de l'offre ou le renforcement des interprofessions.
Au total, la loi d'orientation agricole offrira la possibilité de définir des perspectives à moyen terme pour assurer progrès économique, avancées sociales et respect accru de l'environnement . En termes d'horizon, je vous confirme que je maintiens l'objectif du Président de la République et du Premier Ministre d'une entrée en application de la loi en 2006.
Les questions évidentes d'autosuffisance alimentaire mais aussi les impératifs de santé publique, d'aménagement du territoire, de développement rural sont autant de raisons pour la France de mener une politique agricole à la fois active et raisonnée et justifient l'intervention publique. C'est pourquoi non seulement le gouvernement français s'implique dans cette politique mais il veille aussi à l'engagement européen.
III Un ministère qui se donne les moyens d'accompagner les changements
Venons en par conséquent aux moyens que se donne le ministère pour accompagner ces mutations.
III-A Budget et réforme budgétaire
L'enveloppe budgétaire nationale a été maintenue par rapport à 2003 comme vous le savez. Quant aux fonds européens, les aides reçues sont pérennisées, au moins jusqu'en 2013, en contrepartie des réformes entreprises. Bref sans manifester d'euphorie excessive, nous pouvons être satisfaits des moyens alloués. En revanche, le cadre de la LOLF va moderniser profondément le fonctionnement budgétaire du ministère.
Dès 2005, différentes expérimentations sont lancées, conformément aux décisions prises en juin dernier, sur l'organisation du budget du ministère. La mise en oeuvre de ce nouveau cadre budgétaire sera étayée par les Directives Nationales d'Orientations (DNO) qui préciseront les objectifs et les indicateurs des futurs programmes.
III-B La stratégie ministérielle de Réforme
Par ailleurs, je souhaite approfondir la modernisation du ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et de la Ruralité dans le cadre des principes dégagés par le Premier Ministre.
Le Secrétariat Général au sein du ministère sera mis en place au cours des prochains mois conformément à la demande du Premier Ministre. Il a pour but de renforcer l'unité et l'action de notre ministère dans le contexte de la LOLF.
S'agissant des offices agricoles d'intervention, la constitution de trois grands pôles se poursuit avec les travaux sur la mise en place de la future agence unique de paiement des aides directes et le projet immobilier qui permettra un regroupement physique de la plupart d'entre eux à l'horizon 2007.
Concernant l'organisation territoriale de l'Etat, la réforme du niveau régional est en place avec la constitution auprès des Préfets de région d'un état major de 8 chefs de pôle, dont le pôle " économie agricole et monde rural " animé par le Directeur Régional de l'Agriculture et de la Forêt. Au niveau départemental, la circulaire du Premier Ministre du 16 novembre dernier invite les Préfets à formuler des propositions d'organisation dans leurs départements pour le 31 mars prochain. Ces propositions feront l'objet d'expérimentations dans plusieurs départements. Je serai attentif à ce que ces évolutions s'appuient sur un renforcement des métiers et des compétences dans mes services déconcentrés et se mettent en place après le dialogue social nécessaire.
Enfin, la modernisation de l'administration de ce ministère doit se fixer trois objectifs :
· une meilleure accessibilité des systèmes d'information à nos usagers, par exemple par le développement des télé procédures pour nos professionnels ;
· la simplification des procédures, comme le guichet unique pour les aides à l'investissement dans les bâtiments d'élevage ;
· enfin, la poursuite des démarches qualité engagées comme la mise en oeuvre de la charte d'accueil dite " Marianne " voulue par le Premier Ministre.
CONCLUSION
Voilà la feuille de route tracée pour notre action et notre réflexion au cours de l'année 2005.
Je retiendrai les enjeux qui guident notre politique : compétitivité économique, équité, gestion des risques et aléas, équilibres écologiques. Le projet de loi sur le développement des territoires ruraux et la future loi d'orientation agricole définissent un cadre de réponses à ces enjeux.
Comme le souhaite le Président de la République, je m'attacherai à la modernisation de l'agriculture pour qu'elle soit " économiquement forte et écologiquement responsable ". Il nous appartient de conjuguer efficacité économique et culture française qui repose sur ce savoir et ce bien vivre que sont les paysages, une nature ordonnée et des repas de qualité.
Je vous présente à nouveau tous mes voeux de succès et de bonheur et vous remercie de votre attention.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 14 janvier 2005)