Déclaration de Mme Nicole Guedj, secrétaire d'Etat aux droits des victimes, en hommage aux victimes du terrorisme international, à Paris le 3 juin 2004.

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Circonstance : Inauguration d'une exposition de photos organisée par la Fondation Victimes du terrorisme et la Fondation Miguel Angel Blanco à l'Institut Cervantes de Paris

Texte intégral

Madame le Ministre,
Monsieur l'Ambassadeur d'Espagne,
Madame le Président,
Mesdames les responsables de la Fondation Victimes du terrorisme et de la Fondation Miguel Angel Blanco,
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
Deux ans et six mois après les attentats contre les États-Unis, le 11 mars 2004, Al-Qaïda frappait en Europe, à Madrid, dans le but manifeste d'influencer le processus démocratique espagnol et de déterminer l'actualité politique. De même, peut-on imaginer que la très meurtrière prise d'otages de la semaine dernière à Khobar, en Arabie Saoudite, était avant tout destinée à faire croître les cours du pétrole pour fragiliser les économies des pays industrialisés.
Au moment où tout nous rappelle les sacrifices consentis pour vaincre le nazisme, nombreux sont ceux qui s'accordent désormais à parler d'une quatrième guerre mondiale qui se cacherait sous le masque ignoble et lâche du terrorisme. Guerre sans généraux, sans drapeaux, sans champ de bataille, mais guerre terriblement meurtrière. Les victimes du terrorisme n'ont pas été envoyées au front dans le cadre d'un conflit déclaré et codifié : ravalées au rang d'objets, elles ne sont plus que des pions placés sur un échiquier qui les dépasse et les engloutit à jamais, au nom d'une idéologie ou d'une religion dévoyée, d'une barbarie vêtue des oripeaux d'une pseudo résistance à l'oppression ou à l'impérialisme.
Policiers, journalistes, touristes, chefs d'entreprises, hommes politiques, élus ou simples citoyens, l'injustice est toujours aussi criante, insoutenable et rien ne saura jamais justifier le recours à ces méthodes barbares et haineuses qui refusent la confrontation et le débat démocratiques, mais surtout nient l'Homme lui-même. C'est en cela que le terrorisme est une insulte à l'humanité, tout autant qu'un crime contre elle.
C'est justement l'Homme dans sa souffrance, ses tourments, sa mort, que cette exposition remet au centre de nos préoccupations, à sa vraie place, celle d'où les totalitarismes, fanatismes, fondamentalismes de toutes sortes veulent le chasser. ETA est de ceux là.
Le martyrologe du terrorisme est difficile à regarder en face, mais y a-t-il plus belle démonstration de respect, de mémoire et d'espoir que le regard des photographes porté sur la douleur des victimes et le nôtre sur leurs clichés ? Bien loin de la curiosité malsaine ou du voyeurisme auxquels certains peuvent parfois se livrer, ces photographies et les commentaires qui les accompagnent, tendent à canaliser notre révolte. Ne pas détourner les yeux, commenter ces tragiques événements, chercher à comprendre leur vraie nature, essayer humblement d'exprimer dans quelle prison de l'âme les victimes sont désormais enfermées, voilà bien l'immense mérite de cette exposition.
Entrer dans cette exposition, c'est commencer à entrer en résistance. Par ma voix le Gouvernement de la France remercie les Fondations Miguel Angel Blanco et Victimes du terrorisme d'avoir pris cette initiative et vous, Monsieur l'Ambassadeur, d'avoir bien voulu qu'avant Madrid, les grandes villes d'Espagne et d'Europe et enfin New York, Paris soit la première ville à l'accueillir.
Le combat contre l'oubli reste à gagner et le devoir de mémoire à entretenir, toujours, en tous lieux et par tous les moyens. Cette exposition y contribue et, à quelques jours d'un déplacement que je dois effectuer à Madrid pour comprendre le traitement que les autorités espagnoles et les associations réservent à certaines victimes, notamment celles du terrorisme, je me dis que les valeurs, si essentielles à la démocratie, que nous avons en commun et que nous partageons avec les autres pays de l'Union européenne, exigent que nous les défendions ensemble, sans relâche, au-delà de toute différence et de tout clivage. Préservons cette richesse, notre liberté : nous le ferons pour nous, mais encore plus pour les générations futures.


(Source http://www.justice.gouv.fr, le 9 décembre 2004)