Texte intégral
DAVID PUJADAS
Madame le ministre, première question : quand avez-vous appris que la libération allait se faire ? On a l'impression que tout le monde a été pris au dépourvu.
MICHELE ALLIOT-MARIE
C'est un peu vrai. Depuis plusieurs jours, nous avions un certain nombre d'indications, par l'un des quatre réseaux que nous avions, qui nous donnaient le sentiment que les choses, cette fois-ci, avançaient mieux que les fois précédentes quand leur libération nous avait semblé l'affaire de quelques jours, parfois de quelques heures, et malheureusement ne s'était pas produite. Depuis quelques jours, il y avait une certaine avancée, mais rien qui ne nous permettait de savoir exactement le moment. Et puis il y a eu brusquement.
DAVID PUJADAS
Quelques heures avant, finalement. Le mardi matin ou le mardi midi.
MICHELE ALLIOT-MARIE
Quelques heures avant, absolument. C'était le mardi dans l'après-midi.
DAVID PUJADAS
Dans l'après-midi. La question que tout le monde se pose, on entendait qu'elle était posée : y a-t-il eu contrepartie ? Et d'abord contrepartie financière. Le Premier ministre dit " Non, il n'y a pas eu de rançon ", mais on sent bien qu'il y a des doutes.
MICHELE ALLIOT-MARIE
Il n'y a pas de doute. Tout simplement parce que depuis très longtemps, nous savions que les ravisseurs ne demandaient pas de rançon. C'était d'ailleurs pour nous une interrogation. Les ravisseurs ont dit très vite, et cela a d'ailleurs été diffusé sur Internet, à travers des messages rappelant qu'ils ne voulaient pas de rançon, ajoutant même que si des personnes, des intermédiaires, se présentaient comme susceptibles de faire libérer nos compatriotes en demandant une rançon, ils seraient systématiquement désavoués. Ce qui fait que nous nous trouvions nous-mêmes un peu perturbés par cela. Le temps passant, cette absence de demande était pour nous un élément contrariant.
DAVID PUJADAS
Simplement, pour ceux qui nous écoutent, s'il y avait eu une rançon versée, est-ce que vous nous le diriez ce soir ?
MICHELE ALLIOT-MARIE
Mais pourquoi le cacherions-nous ? Je crois qu'il faut être clair dans ce genre de choses : qui y verrait un inconvénient quelconque ?
DAVID PUJADAS
Est-ce qu'il y a eu une autre contrepartie ?
MICHELE ALLIOT-MARIE
Jamais aucune contrepartie ne nous a été demandée. Nous n'arrivions pas à savoir. Cela a été une de nos questions. Nous nous sommes dits, à un moment donné, qu'il y avait eu ce fameux texte sur le voile. Nous nous sommes demandés " Est-ce que c'est cela ? ", mais finalement, ce n'était pas très crédible, et les nouvelles déclarations montrent que finalement, cette libération est intervenue aussi du fait de la prise en compte de la politique de la France. On se dit que c'est sans doute cela.
DAVID PUJADAS
Vous dites qu'en fait il n'y a pas eu de négociations.
MICHELE ALLIOT-MARIE
Non, il n'y a pas eu de négociations parce que nous n'avons jamais été en contact direct avec les ravisseurs. Nous avons eu des intermédiaires, ce fut aussi une de nos difficultés, parce qu'il y a eu des quantités d'intermédiaires et parmi tous ceux-ci, il fallait distinguer ceux qui étaient crédibles de ceux qui recherchaient un avantage soit politique, soit financier. Nous avons toujours veillé, nos services ont veillé très étroitement à vérifier à chaque fois la crédibilité de ces intermédiaires, en demandant un certain nombre de preuves, de façon à s'assurer notamment qu'ils pouvaient être véritablement en contact avec les ravisseurs et avec Georges et Christian.
DAVID PUJADAS
Et qu'est-ce qui a été le déclencheur de cette libération d'après vous ? Pourquoi maintenant et pas il y a 15 jours ou dans 15 jours ?
MICHELE ALLIOT-MARIE
Nous nous posons la question. Nous le saurons peut-être davantage en entendant dans les prochains jours Georges et Christian. Je les ai rencontrés tout à l'heure, mais il est évident que ce n'est pas au moment des retrouvailles avec leurs familles que nous allions leur poser des questions très précises.
DAVID PUJADAS
Justement, et ce sera ma dernière question, on parle de " debriefing ". Qu'est-ce que c'est ? Ce sont ces questions-là qui vont leur être posées cette nuit ? On va leur demander s'ils savent qui étaient leurs ravisseurs ?
MICHELE ALLIOT-MARIE
Pas cette nuit. Nous allons les laisser décompresser un peu, nous allons les laisser voir leurs familles et puis, au fur et à mesure, effectivement, nous essaierons de recouper tous les éléments dont disposent nos services et notamment la DGSE que vous avez citée tout à l'heure, puisque c'est elle qui, en liaison avec le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'intérieur, a énormément travaillé. Nous avons mobilisé une cellule de crise de plus d'une centaine de personnes pendant toute cette période. Nous avons activé tous nos réseaux, nous avons donc eu un certain nombre d'indications. Ces indications, nous allons maintenant les valider avec ce que nous diront Georges et Christian dans les prochains jours et cela nous permettra de faire le point et de dire très clairement ce qui s'est passé, parce que les Français ont aussi le droit de le savoir, parce qu'ils ont joué un rôle formidable.
DAVID PUJADAS
Merci madame le ministre d'avoir accepté notre invitation.
MICHELE ALLIOT-MARIE
Merci.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 30 décembre 2004)
Madame le ministre, première question : quand avez-vous appris que la libération allait se faire ? On a l'impression que tout le monde a été pris au dépourvu.
MICHELE ALLIOT-MARIE
C'est un peu vrai. Depuis plusieurs jours, nous avions un certain nombre d'indications, par l'un des quatre réseaux que nous avions, qui nous donnaient le sentiment que les choses, cette fois-ci, avançaient mieux que les fois précédentes quand leur libération nous avait semblé l'affaire de quelques jours, parfois de quelques heures, et malheureusement ne s'était pas produite. Depuis quelques jours, il y avait une certaine avancée, mais rien qui ne nous permettait de savoir exactement le moment. Et puis il y a eu brusquement.
DAVID PUJADAS
Quelques heures avant, finalement. Le mardi matin ou le mardi midi.
MICHELE ALLIOT-MARIE
Quelques heures avant, absolument. C'était le mardi dans l'après-midi.
DAVID PUJADAS
Dans l'après-midi. La question que tout le monde se pose, on entendait qu'elle était posée : y a-t-il eu contrepartie ? Et d'abord contrepartie financière. Le Premier ministre dit " Non, il n'y a pas eu de rançon ", mais on sent bien qu'il y a des doutes.
MICHELE ALLIOT-MARIE
Il n'y a pas de doute. Tout simplement parce que depuis très longtemps, nous savions que les ravisseurs ne demandaient pas de rançon. C'était d'ailleurs pour nous une interrogation. Les ravisseurs ont dit très vite, et cela a d'ailleurs été diffusé sur Internet, à travers des messages rappelant qu'ils ne voulaient pas de rançon, ajoutant même que si des personnes, des intermédiaires, se présentaient comme susceptibles de faire libérer nos compatriotes en demandant une rançon, ils seraient systématiquement désavoués. Ce qui fait que nous nous trouvions nous-mêmes un peu perturbés par cela. Le temps passant, cette absence de demande était pour nous un élément contrariant.
DAVID PUJADAS
Simplement, pour ceux qui nous écoutent, s'il y avait eu une rançon versée, est-ce que vous nous le diriez ce soir ?
MICHELE ALLIOT-MARIE
Mais pourquoi le cacherions-nous ? Je crois qu'il faut être clair dans ce genre de choses : qui y verrait un inconvénient quelconque ?
DAVID PUJADAS
Est-ce qu'il y a eu une autre contrepartie ?
MICHELE ALLIOT-MARIE
Jamais aucune contrepartie ne nous a été demandée. Nous n'arrivions pas à savoir. Cela a été une de nos questions. Nous nous sommes dits, à un moment donné, qu'il y avait eu ce fameux texte sur le voile. Nous nous sommes demandés " Est-ce que c'est cela ? ", mais finalement, ce n'était pas très crédible, et les nouvelles déclarations montrent que finalement, cette libération est intervenue aussi du fait de la prise en compte de la politique de la France. On se dit que c'est sans doute cela.
DAVID PUJADAS
Vous dites qu'en fait il n'y a pas eu de négociations.
MICHELE ALLIOT-MARIE
Non, il n'y a pas eu de négociations parce que nous n'avons jamais été en contact direct avec les ravisseurs. Nous avons eu des intermédiaires, ce fut aussi une de nos difficultés, parce qu'il y a eu des quantités d'intermédiaires et parmi tous ceux-ci, il fallait distinguer ceux qui étaient crédibles de ceux qui recherchaient un avantage soit politique, soit financier. Nous avons toujours veillé, nos services ont veillé très étroitement à vérifier à chaque fois la crédibilité de ces intermédiaires, en demandant un certain nombre de preuves, de façon à s'assurer notamment qu'ils pouvaient être véritablement en contact avec les ravisseurs et avec Georges et Christian.
DAVID PUJADAS
Et qu'est-ce qui a été le déclencheur de cette libération d'après vous ? Pourquoi maintenant et pas il y a 15 jours ou dans 15 jours ?
MICHELE ALLIOT-MARIE
Nous nous posons la question. Nous le saurons peut-être davantage en entendant dans les prochains jours Georges et Christian. Je les ai rencontrés tout à l'heure, mais il est évident que ce n'est pas au moment des retrouvailles avec leurs familles que nous allions leur poser des questions très précises.
DAVID PUJADAS
Justement, et ce sera ma dernière question, on parle de " debriefing ". Qu'est-ce que c'est ? Ce sont ces questions-là qui vont leur être posées cette nuit ? On va leur demander s'ils savent qui étaient leurs ravisseurs ?
MICHELE ALLIOT-MARIE
Pas cette nuit. Nous allons les laisser décompresser un peu, nous allons les laisser voir leurs familles et puis, au fur et à mesure, effectivement, nous essaierons de recouper tous les éléments dont disposent nos services et notamment la DGSE que vous avez citée tout à l'heure, puisque c'est elle qui, en liaison avec le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'intérieur, a énormément travaillé. Nous avons mobilisé une cellule de crise de plus d'une centaine de personnes pendant toute cette période. Nous avons activé tous nos réseaux, nous avons donc eu un certain nombre d'indications. Ces indications, nous allons maintenant les valider avec ce que nous diront Georges et Christian dans les prochains jours et cela nous permettra de faire le point et de dire très clairement ce qui s'est passé, parce que les Français ont aussi le droit de le savoir, parce qu'ils ont joué un rôle formidable.
DAVID PUJADAS
Merci madame le ministre d'avoir accepté notre invitation.
MICHELE ALLIOT-MARIE
Merci.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 30 décembre 2004)