Texte intégral
Q- Bonjour F. Chérèque... Hier, lors des voeux de la presse présentés à Matignon, J.-P. Raffarin a indiqué que la proposition de loi visant à assouplir les 35 heures était, je le cite, "finalisée", et elle sera donc déposée la semaine prochaine sur le bureau de l'Assemblée Nationale. Et c'est justement pour tenter de s'opposer à cet assouplissement que les délégations de la CGT, de FO, de la CFTC et de la CFDT que vous dirigez, se retrouveront cet après-midi. Il s'agira pour vous d'essayer de définir une stratégie commune pour vous opposer à cet assouplissement. Mais on se dit que le combat est un peu perdu d'avance et que votre réunion n'y changera pas grand chose F. Chérèque...
R- Je crois que dans les jours et dans les semaines qui viennent, on a une bataille effectivement importante à mener, et surtout une bataille de convictions vis-à-vis des salariés qui sont concernés, pour qu'ils suivent l'appel que les organisations syndicales vont donner dès cet après-midi.
Q- B. Thibault, qui sort un livre : "Ma voix ouvrière", chez Stock, dit ceci - c'est très rare je trouve chez un dirigeant syndical - "on est bien forcé de reconnaître, c'est B. Thibault de la CGT qui parle, que le mouvement syndicat français n'a pas la capacité d'enrayer le processus de dégradation de la situation faite aux salariés". C'est terrible comme aveu !
R- On sait très bien qu'en France le syndicalisme est faible dans les petites et moyennes entreprises, et qu'on a un syndicalisme qui s'est surtout installé dans les services publics et dans les grandes entreprises. Or on sait très bien aussi, effectivement, que la réforme sur les 35 heures que le gouvernement propose s'adresse surtout aux salariés des petites entreprises. Et je crois que notre proposition de faire une manifestation un samedi est justement, d'une part pour pouvoir mobiliser ces salariés là, mais pouvoir mobiliser aussi les salariés des autres entreprises ou des autres secteurs, pour venir en soutien à ces salariés, parce que le Gouvernement propose tout simplement une espèce de marché de dupes. Comme il est en échec sur sa politique de l'emploi, et qu'il est en échec sur sa politique sur le pouvoir d'achat, il fait croire aux salariés qu'ils vont pouvoir travailler plus pour gagner plus. Or on sait très bien que c'est un leurre, que c'est un leurre parce que les salariés n'ont pas le choix, simplement parce que c'est les entreprises et les employeurs qui décident, et que dans la situation économique actuelle, il n'y a pas d'heures supplémentaires qui se font. Donc je crois qu'on a besoin effectivement de faire passer ce message-là, sinon on va se retrouver avec une nouvelle inégalité. Une nouvelle inégalité qui est soulevée, là, telle que vous le dites : des salariés des grandes entreprises qui auront les moyens de s'opposer à la volonté de leur employeur, des salariés des petites entreprises qui n'auront plus le choix, qui feront des heures supplémentaires, et des heures supplémentaires qui ne seront pas mieux payées, qui ne feront pas travailler plus pour gagner plus, parce qu'on voit qu'à chaque fois que les employeurs augmentent le temps de travail, ce n'est pas pour gagner plus. Donc je crois qu'on a un enjeu effectivement : pouvoir s'adresser aux salariés de ces entreprises-là, dans un milieu où on est mal implanté, mais je ne désespère pas de pouvoir les mobiliser.
Q- Mais ce n'est pas ça qui fera reculer les députés, et la loi va changer sans doute.
R- L'important chez les députés, c'est d'obtenir - et là je pense que par notre action, on peut le faire - d'obtenir qu'il y ait des négociations dans les entreprises, et dans les branches professionnelles, pour discuter d'éventuels assouplissements sur le temps de travail en fonction de la réalité de l'entreprise, et la réalité de l'emploi. Et la loi, telle qu'elle existe aujourd'hui le permet. Augmenter les heures supplémentaires si ça passe par des négociations dans les entreprises et dans les branches, on a la capacité de lier, d'une part la réalité économique de l'entreprise, la création d'emplois quand c'est nécessaire, et éventuellement des assouplissements, et pourquoi pas parfois des heures supplémentaires, là où ça ne va pas contre l'emploi. Donc je crois que la bataille que les syndicalistes doivent engager, c'est une bataille qui permet des négociations partout où c'est possible, avec les organisations syndicales. On ne peut pas dans notre pays dire éternellement que les organisations syndicales sont faibles, et permettre des évolutions du temps de travail, de la législation ou de la réglementation dans les entreprises, sans que ça passe par des négociations. Donc nous on va insister sur le fait des négociations, dans les branches, dans les entreprises, pour reconnaître le fait syndicat et faire en sorte qu'on puisse décider au plus près de ce que veulent les salariés et de la possibilité des entreprises.
Q- Vous parlez ce matin, F. Chérèque, des syndicats, mais jamais peut-être la division entre syndicats n'a été aussi forte, et ce qui la symbolise un peu c'est, encore une fois, B. Thibault dans son livre qui parle de vous, qui vous prend à partie, qui vous reproche - on croyait que c'était oublié - votre comportement du printemps 2003, F. Chérèque, votre soutien à la réforme des retraites du gouvernement. Et Bernard Thibault dit dans son livre : "cette attitude - la vôtre F. Chérèque - je ne peux pas la comprendre, et je ne peux pas la pardonnez". Que lui répondez-vous ?
R- Il n'y a pas de pardon à donner, et personne ne demande à Bernard
Thibault de pardonner. Nous ne sommes pas dans une relation judéo-chrétienne entre lui et moi. Je crois qu'on n'est pas dans ce type de démarche. Il y avait deux attitudes à avoir face à cette réforme. C'était, ou si opposer éternellement et être dans une démarche d'opposition systématique, ou s'engager avec des contreparties, et c'est ce que la CFDT a fait. Moi je ne critique pas, et je ne commente pas ce qu'ont fait les autres organisations syndicales, et je pense que ça doit être la liberté de chacun de faire ce qui lui semble bon. Maintenant, la situation dans laquelle on est aujourd'hui, c'est-à-dire la difficulté sur le temps de travail, en particulier pour les salariés du privé, et la difficulté par exemple du pouvoir d'achat dans le public... je crois que l'utilité aujourd'hui c'est d'avoir un discours syndical le plus unitaire Gouvernement, et non pas je dirais, semer la division, comme certaines communications peuvent le faire.
Q- "Je ne peux pas pardonner", dit B. Thibault : c'est une façon de dire qu'il ne veut plus parler avec vous.
R- Mais vous savez, on s'est rencontrés la semaine dernière aux voeux du Président de la République, on a décidé d'une rencontre cet après-midi entre responsables de syndicat. Moi je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour faire en sorte que les organisations syndicales parlent d'une seule voix. On ne peut pas se cantonner à des conflits qui ont commencé il y a deux ans. On a eu un désaccord il y a deux ans, deux ans après, je crois que les choses doivent être dépassées. S'il y a des rancoeurs personnelles, je crois que ça doit se discuter dans le cadre de l'intimité des personnes, des rencontres des personnes, mais ce qu'attendent les salariés aujourd'hui, c'est que les syndicats puissent parler d'une seule voix, et la CFDT se prête à cette démarche-là, et ira jusqu'au bout pour que tous les salariés puissent se mobiliser pour défendre ces 35 heures, et surtout défendre l'emploi puisque notre objectif c'était bien sûr un objectif de créations d'emplois.
Q- Vous vous êtes vus avec B. Thibault la semaine dernière à l'Elysée. La poignée de main a été fraîche ?
R- Bien évidemment... les relations entre nous sont difficiles. Personne ne le nie. Moi non plus. Mais je crois que la responsabilité de responsables syndicaux au niveau national, c'est de dépasser ces rancoeurs-là, dépasser ces difficultés. Les salariés attendent des syndicats qu'ils puissent sur les éléments importants du combat syndical parler d'une seule voix. C'est ce que je veux faire, et c'est ce que j'essaie de faire depuis deux ans, malgré les difficultés que l'on a.
Q- Il vous a dédicacé son livre, B. Thibault ?
R- Oui, une dédicace assez fraîche, mais une dédicace personnelle. Les débats entre B. Thibault et moi, qui sont d'abord des débats privés, je les garde pour le privé. Et dans la scène publique, je suis pour essayer de parler d'une seule voix, y compris avec la CGT.
Q- Mais là, si on en a parlé ce matin c'est parce que c'est public, et
c'est dans un livre.
R- C'est son choix.
F. Chérèque était l'invité d'RTL ce matin. Bonne journée.
R- Je crois que dans les jours et dans les semaines qui viennent, on a une bataille effectivement importante à mener, et surtout une bataille de convictions vis-à-vis des salariés qui sont concernés, pour qu'ils suivent l'appel que les organisations syndicales vont donner dès cet après-midi.
Q- B. Thibault, qui sort un livre : "Ma voix ouvrière", chez Stock, dit ceci - c'est très rare je trouve chez un dirigeant syndical - "on est bien forcé de reconnaître, c'est B. Thibault de la CGT qui parle, que le mouvement syndicat français n'a pas la capacité d'enrayer le processus de dégradation de la situation faite aux salariés". C'est terrible comme aveu !
R- On sait très bien qu'en France le syndicalisme est faible dans les petites et moyennes entreprises, et qu'on a un syndicalisme qui s'est surtout installé dans les services publics et dans les grandes entreprises. Or on sait très bien aussi, effectivement, que la réforme sur les 35 heures que le gouvernement propose s'adresse surtout aux salariés des petites entreprises. Et je crois que notre proposition de faire une manifestation un samedi est justement, d'une part pour pouvoir mobiliser ces salariés là, mais pouvoir mobiliser aussi les salariés des autres entreprises ou des autres secteurs, pour venir en soutien à ces salariés, parce que le Gouvernement propose tout simplement une espèce de marché de dupes. Comme il est en échec sur sa politique de l'emploi, et qu'il est en échec sur sa politique sur le pouvoir d'achat, il fait croire aux salariés qu'ils vont pouvoir travailler plus pour gagner plus. Or on sait très bien que c'est un leurre, que c'est un leurre parce que les salariés n'ont pas le choix, simplement parce que c'est les entreprises et les employeurs qui décident, et que dans la situation économique actuelle, il n'y a pas d'heures supplémentaires qui se font. Donc je crois qu'on a besoin effectivement de faire passer ce message-là, sinon on va se retrouver avec une nouvelle inégalité. Une nouvelle inégalité qui est soulevée, là, telle que vous le dites : des salariés des grandes entreprises qui auront les moyens de s'opposer à la volonté de leur employeur, des salariés des petites entreprises qui n'auront plus le choix, qui feront des heures supplémentaires, et des heures supplémentaires qui ne seront pas mieux payées, qui ne feront pas travailler plus pour gagner plus, parce qu'on voit qu'à chaque fois que les employeurs augmentent le temps de travail, ce n'est pas pour gagner plus. Donc je crois qu'on a un enjeu effectivement : pouvoir s'adresser aux salariés de ces entreprises-là, dans un milieu où on est mal implanté, mais je ne désespère pas de pouvoir les mobiliser.
Q- Mais ce n'est pas ça qui fera reculer les députés, et la loi va changer sans doute.
R- L'important chez les députés, c'est d'obtenir - et là je pense que par notre action, on peut le faire - d'obtenir qu'il y ait des négociations dans les entreprises, et dans les branches professionnelles, pour discuter d'éventuels assouplissements sur le temps de travail en fonction de la réalité de l'entreprise, et la réalité de l'emploi. Et la loi, telle qu'elle existe aujourd'hui le permet. Augmenter les heures supplémentaires si ça passe par des négociations dans les entreprises et dans les branches, on a la capacité de lier, d'une part la réalité économique de l'entreprise, la création d'emplois quand c'est nécessaire, et éventuellement des assouplissements, et pourquoi pas parfois des heures supplémentaires, là où ça ne va pas contre l'emploi. Donc je crois que la bataille que les syndicalistes doivent engager, c'est une bataille qui permet des négociations partout où c'est possible, avec les organisations syndicales. On ne peut pas dans notre pays dire éternellement que les organisations syndicales sont faibles, et permettre des évolutions du temps de travail, de la législation ou de la réglementation dans les entreprises, sans que ça passe par des négociations. Donc nous on va insister sur le fait des négociations, dans les branches, dans les entreprises, pour reconnaître le fait syndicat et faire en sorte qu'on puisse décider au plus près de ce que veulent les salariés et de la possibilité des entreprises.
Q- Vous parlez ce matin, F. Chérèque, des syndicats, mais jamais peut-être la division entre syndicats n'a été aussi forte, et ce qui la symbolise un peu c'est, encore une fois, B. Thibault dans son livre qui parle de vous, qui vous prend à partie, qui vous reproche - on croyait que c'était oublié - votre comportement du printemps 2003, F. Chérèque, votre soutien à la réforme des retraites du gouvernement. Et Bernard Thibault dit dans son livre : "cette attitude - la vôtre F. Chérèque - je ne peux pas la comprendre, et je ne peux pas la pardonnez". Que lui répondez-vous ?
R- Il n'y a pas de pardon à donner, et personne ne demande à Bernard
Thibault de pardonner. Nous ne sommes pas dans une relation judéo-chrétienne entre lui et moi. Je crois qu'on n'est pas dans ce type de démarche. Il y avait deux attitudes à avoir face à cette réforme. C'était, ou si opposer éternellement et être dans une démarche d'opposition systématique, ou s'engager avec des contreparties, et c'est ce que la CFDT a fait. Moi je ne critique pas, et je ne commente pas ce qu'ont fait les autres organisations syndicales, et je pense que ça doit être la liberté de chacun de faire ce qui lui semble bon. Maintenant, la situation dans laquelle on est aujourd'hui, c'est-à-dire la difficulté sur le temps de travail, en particulier pour les salariés du privé, et la difficulté par exemple du pouvoir d'achat dans le public... je crois que l'utilité aujourd'hui c'est d'avoir un discours syndical le plus unitaire Gouvernement, et non pas je dirais, semer la division, comme certaines communications peuvent le faire.
Q- "Je ne peux pas pardonner", dit B. Thibault : c'est une façon de dire qu'il ne veut plus parler avec vous.
R- Mais vous savez, on s'est rencontrés la semaine dernière aux voeux du Président de la République, on a décidé d'une rencontre cet après-midi entre responsables de syndicat. Moi je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour faire en sorte que les organisations syndicales parlent d'une seule voix. On ne peut pas se cantonner à des conflits qui ont commencé il y a deux ans. On a eu un désaccord il y a deux ans, deux ans après, je crois que les choses doivent être dépassées. S'il y a des rancoeurs personnelles, je crois que ça doit se discuter dans le cadre de l'intimité des personnes, des rencontres des personnes, mais ce qu'attendent les salariés aujourd'hui, c'est que les syndicats puissent parler d'une seule voix, et la CFDT se prête à cette démarche-là, et ira jusqu'au bout pour que tous les salariés puissent se mobiliser pour défendre ces 35 heures, et surtout défendre l'emploi puisque notre objectif c'était bien sûr un objectif de créations d'emplois.
Q- Vous vous êtes vus avec B. Thibault la semaine dernière à l'Elysée. La poignée de main a été fraîche ?
R- Bien évidemment... les relations entre nous sont difficiles. Personne ne le nie. Moi non plus. Mais je crois que la responsabilité de responsables syndicaux au niveau national, c'est de dépasser ces rancoeurs-là, dépasser ces difficultés. Les salariés attendent des syndicats qu'ils puissent sur les éléments importants du combat syndical parler d'une seule voix. C'est ce que je veux faire, et c'est ce que j'essaie de faire depuis deux ans, malgré les difficultés que l'on a.
Q- Il vous a dédicacé son livre, B. Thibault ?
R- Oui, une dédicace assez fraîche, mais une dédicace personnelle. Les débats entre B. Thibault et moi, qui sont d'abord des débats privés, je les garde pour le privé. Et dans la scène publique, je suis pour essayer de parler d'une seule voix, y compris avec la CGT.
Q- Mais là, si on en a parlé ce matin c'est parce que c'est public, et
c'est dans un livre.
R- C'est son choix.
F. Chérèque était l'invité d'RTL ce matin. Bonne journée.