Texte intégral
Emmanuel Cugny : Nous recevons ce matin le président de la CFE-CGC. Nous allons évidemment parler largement de la rentrée sociale en ce début d'année. Beaucoup de pain sur la planche attend les syndicats en 2005. Ce matin, vers 11 heures, vous allez à l'Elysée recevoir les vux du président de la République et présenter vos voeux à Jacques Chirac en tant que force vive de la nation. Quels seront vos vux au président de la République ?
Jean-Luc Cazettes : Nos voeux au président de la République vont être d'essayer d'arrêter un peu la casse qui a commencé à se produire cette année vis-à-vis de l'ensemble des salariés et les menaces que l'on nous promet demain avec la réforme du code du travail. Nous souhaitons exprimer effectivement au chef de l'Etat qu'on ne peut pas faire trop de choses trop vite et qu'on sent bien une certaine impatience dans les rangs de sa majorité pour multiplier les réformes et heurter un peu plus le corps social, ce qui n'est jamais très sain dans une démocratie.
EC : C'est donc ce que vous attendez, en fait, en règle générale, des voeux de Jacques Chirac. C'est aussi les voeux que vous allez formuler mais concrètement, à travers quoi tous ces voeux ? Dans l'application concrète en 2005, à quoi Jean-Luc Cazettes serez-vous particulièrement attentif ?
JLC : On sera particulièrement attentif à toute la dérive vis-à-vis de l'individualisation des relations entre le salarié et le chef d'entreprise. On voit petit à petit se mettre en place un système où tous nos accords collectifs sont remis en cause et où on nous prétend en permanence maintenant que la vraie liberté, c'est la liberté du salarié pris individuellement avec son chef d'entreprise parce que là, les relations sont confirmées. On sait très bien que là les relations sont carrément pas concurrentes parce qu'il n'y a pas de rapport de force équilibré. On sait très bien qu'à ce moment-là, cette liberté qu'on nous vante, c'est la "liberté du renard libre dans le poulailler libre". Nous voulons impérativement rétablir le côté collectif de la vie dans les entreprises et dans les branches professionnelles.
EC : Avec l'an nouveau, les dossiers nouveaux, parfois les dossiers en souffrance qu'il va falloir régler. Janvier, c'est généralement la deuxième ou plutôt la seconde rentrée pour les syndicats après celle de septembre. Des coups de gueule, des négociations, des grèves par-ci par-là mais pas de véritable grande mobilisation, de mouvement de masse, pas de grandes manifestations comme on les a connu il fut un temps. Quelque chose a changé dans le syndicalisme en France ?
JLC : Non, je ne suis pas persuadé. Je pense simplement que la période est telle que les gens sont inquiets. Et quand les gens sont inquiets, ils ne sont pas tellement mobilisables. Vous remarquerez que toutes les grandes mobilisations qu'il a pu y avoir ces dernières années - 1995, 2003 - avaient lieu à un moment où l'économie et la croissance repartaient, au moment où les gens étaient un peu moins inquiets et pouvaient se permettre d'exprimer leur mécontentement. Quand on est inquiet, quand on a la peur de perdre son emploi du jour au lendemain, quand on sait qu'on aura ensuite des mois et des mois avant d'en retrouver un, c'est clair que la mobilisation n'est pas forcément à la hauteur des ambitions des uns et des autres.
EC : C'est une ambiance pesante mais on ne peut plus vraiment parler, quand même, d'un véritable consensus syndical aujourd'hui. Chacun a tendance à plus ou moins tirer dans son coin, non ?
JLC : C'est sûr qu'il n'y a pas un énorme consensus syndical et c'est une litote.
EC : Vous le regrettez ?
JLC : Moi je le regrette parce que j'ai l'impression que chacun essaye maintenant de faire son petit effet médiatique dans son petit coin.
EC : Et ça ne sert pas les intérêts.
JLC : Ca ne sert pas les intérêts communs de l'ensemble des salariés, y compris de ceux de l'encadrement. Moi je constate que l'année dernière à cette même époque j'avais écrit, mais sans aucune publicité, à l'ensemble de mes collègues des autres organisations en leur proposant une rencontre pour commencer à débattre et à échanger compte tenu de ce qui nous attendait déjà.
EC : Quelle fut la réponse ?
JLC : Aucune.
EC : D'aucun autre syndicat vous n'avez reçu une réponse.
JLC : Aucune. Et maintenant, chacun dit on va faire une intersyndicale. Ils commencent par le dire dans les médias avant de prévenir ses interlocuteurs syndicaux, ce qui ne paraît pas forcément la meilleure formule. C'est vrai qu'on est dans un climat où chacun se regarde un peu de travers et c'est vrai aussi que ce qui s'est passé entre la CFDT, la CGT, avec les transferts de section syndicale, n'a pas forcément arrangé les choses.
EC :On va prendre quelques exemples. Alors que les autres fédérations syndicales quittent la table des négociations salariales dans la fonction publique, la CFE-GCC que vous présidez fait bande à part en quelque sorte en reconnaissant à Renaud Dutreil des mesures significatives. Dire non, c'est se démarquer des autres mais sans faire bande à part ?
JLC : Oui et on peut parfaitement reconnaître que pour une fois dans les fonctions publiques on essaye de ne pas creuser la fosse aux cadres. Cette expression de la fosse aux cadres, elle est née de la fonction publique parce qu'on avait à la fois des augmentations relativement importantes pour les cadres dirigeants et les cadres supérieurs de la fonction publique et puis des mesures de rattrapage systématiques pour les plus défavorisés et les moins payés. A l'intérieur, vous avez cette masse énorme des cadres moyens qui, eux, voyaient leur pouvoir d'achat stagner quand ce n'était pas régresser.
EC : Tout va donc bien selon la CFE-CGC dans la fonction publique aujourd'hui ?
JLC : On n'irait pas jusqu'à dire que tout va bien mais pour une fois on n'a pas creusé la fosse aux cadres, ce qui est quand même extraordinaire parce que généralement les ministres successifs de la fonction publique se sont toujours payé leurs mesures sur la peau des cadres.
EC : Monsieur Dutreil ne doit donc pas aller plus loin pour l'instant.
JLC : Pour l'instant, non, il ne doit pas aller plus loin et renouer avec les pratiques un peu déplorables de l'ensemble de ses prédécesseurs.
EC : A la SNCF les syndicats appellent à la mobilisation le 19 janvier contre le budget 2005 de la société nationale des chemins de fer. Est-ce que la CFE-CGC se joindra à ce mouvement ?
JLC : Je n'ai pas encore rencontré mes collègues parce qu'on est en pleine période de reprise de la SNCF pour savoir si on se joignait à ce mouvement. Je pense effectivement que le budget n'est pas à la hauteur des ambitions de la société nationale. Je pense qu'il y a de vrais problèmes, sans compter les menaces pesant sur le service public et les menaces sur le droit de grève. Cette ambiance est un peu pesante dans la SNCF et réseaux ferrés de France. Je pense que notre organisation s'associera au mouvement intersyndical.
EC : Mais il n'y a pas de véritable consensus aujourd'hui ou ce n'est simplement qu'un problème de calendrier du fait de la reprise de vos travaux ? Là, le mot d'ordre est unanime des autres syndicats : on y va.
JLC : Je pense que c'est un problème de calendrier uniquement. L'ensemble de la direction confédérale a pris un peu la trêve des confiseurs entre Noël et le jour de l'an donc on reprend contact avec nos fédérations et on verra quel sera l'avis de la fédération des transports sur ce conflit à la SNCF.
EC : Je le disais, beaucoup de dossiers sur la table des négociations en ce début 2005 : les salaires, le temps de travail. Concernant les salaires, vous avez demandé en décembre au ministre de l'économie, Hervé Gaymard, d'appliquer une politique dynamique des salaires afin de relancer la croissance. C'est quoi une politique dynamique des salaires ?
JLC : Une politique dynamique des salaires, c'est d'éviter justement les mesures qui avaient été prises par le prédécesseur de monsieur Gaymard en débloquant par anticipation de l'intéressement ou de la participation. Ca amuse un peu les foules, ça donne tout de suite un peu plus d'argent, mais ce n'est pas du pouvoir d'achat supplémentaire. Ca n'a rien à voir avec des augmentations de salaires. C'est une anticipation de débloquage de sommes qu'on avait déjà. Nous, nous demandons des augmentations de la rémunération, d'abord dans le secteur public puisque ce qui est en charge du gouvernement c'est le secteur public, mais de façon à ce que ça ait un effet d'entraînement dans le secteur privé.
EC : Est-ce que les entreprises ont les moyens aujourd'hui, j'en viens directement au temps de travail, selon vous relancer la croissance passe par cette dynamique des salaires mais quelle place pour le travail, la valeur travail ? Dans une économie concurrentielle, mondialisée, un pays peut-il se permettre d'augmenter les salaires en baissant sans cesse le temps de travail ? On cherche l'erreur, non, logiquement ?
JLC : On ne baisse pas sans cesse le temps de travail. Il y a eu des décisions qui ont été prises, il y en a d'autres maintenant qui sont prises en sens inverse et au total les salaires n'ont pas bougé. Les 35 heures, on se les ait payé quand même : trois ans de blocage salarial. Trois ans de blocage salarial, ça fait l'équivalent des 11 % que coûtaient les 35 heures et maintenant on nous dit : on annule les 35 heures mais on continue à bloquer les salaires. Il y a quand même quelque chose qui ne va pas à un moment. Moi je vois que les résultats des entreprises n'ont jamais été aussi brillants que cette année. La France est quand même le pays où la productivité par "tête de pipe" et par heure est la meilleure au monde. C'est quand même le pays qui attire le plus de capitaux étrangers à l'exception de la Chine, c'est donc qu'on est bien attractif. Je ne vois pas la raison pour laquelle on ferait l'impasse sur des augmentations de salaires pour les gens qui bossent. La valeur travail, faut pas rigoler, au moins au niveau de l'encadrement le travail on sait ce que c'est : on veut le faire et on tient à en faire le plus possible.
EC : Comment réformer les 35 heures ? Quelle réforme idéale selon la CFE-CGC pour cette fameuse RTT ?
JLC : Je pense qu'il faut éviter l'individualisation qui est contenue quand même en germe par les mesures annoncées par Jean-Pierre Raffarin, ceci étant que l'on puisse permettre pour les jours de RTT qui ne sont pas pris de les convertir en les rachetant.
EC : De racheter ses RTT, vous y êtes favorable ?
JLC : Ce n'est pas forcément une mesure idiote. On sait très bien que dans un certain nombre d'entreprises, les gens ne peuvent pas prendre leurs jours de RTT.
EC : C'est encore plus vrai pour les cadres, d'ailleurs, pour beaucoup de cadres.
JLC : Bien sûr, surtout pour les cadres. Des boîtes comme la grande distribution, on sait très bien qu'à la fin de chaque année les gens ont pas loin de 20 jours de RTT qu'ils n'ont pas pu prendre, il faut au moins qu'on les leur paye.
EC : Le compte épargne-temps ?
JLC : Le compte épargne-temps, c'est trop compliqué. Ca ne fonctionnera pas, il vaut mieux arrêter tout de suite.
EC : Mais vous en avez quand même parlé avec Gérard Larcher, le ministre délégué au droit du travail.
JLC : On en a parlé, oui. Il est bien d'accord sur un fait, c'est qu'actuellement c'est trop complexe par rapport aux cotisations sociales, par rapport aux provisions qu'il faut passer et que c'est un produit qui malheureusement ne va pas se développer. Je dis malheureusement parce que ce ne serait pas un mauvais produit s'il était un peu plus simple.
EC : Mais que vous a dit concrètement Gérard Larcher ? On abandonne ou on continue à étudier un peu ?
JLC : Pour l'instant, on continue à étudier mais si l'amendement parlementaire proposant que l'on puisse payer tout de suite les jours non consommés de RTT passe, il n'y a plus aucun intérêt à avoir un compte-épargne temps.
(Source http://www.cfecgc.org, le 5 janvier 2005)
Jean-Luc Cazettes : Nos voeux au président de la République vont être d'essayer d'arrêter un peu la casse qui a commencé à se produire cette année vis-à-vis de l'ensemble des salariés et les menaces que l'on nous promet demain avec la réforme du code du travail. Nous souhaitons exprimer effectivement au chef de l'Etat qu'on ne peut pas faire trop de choses trop vite et qu'on sent bien une certaine impatience dans les rangs de sa majorité pour multiplier les réformes et heurter un peu plus le corps social, ce qui n'est jamais très sain dans une démocratie.
EC : C'est donc ce que vous attendez, en fait, en règle générale, des voeux de Jacques Chirac. C'est aussi les voeux que vous allez formuler mais concrètement, à travers quoi tous ces voeux ? Dans l'application concrète en 2005, à quoi Jean-Luc Cazettes serez-vous particulièrement attentif ?
JLC : On sera particulièrement attentif à toute la dérive vis-à-vis de l'individualisation des relations entre le salarié et le chef d'entreprise. On voit petit à petit se mettre en place un système où tous nos accords collectifs sont remis en cause et où on nous prétend en permanence maintenant que la vraie liberté, c'est la liberté du salarié pris individuellement avec son chef d'entreprise parce que là, les relations sont confirmées. On sait très bien que là les relations sont carrément pas concurrentes parce qu'il n'y a pas de rapport de force équilibré. On sait très bien qu'à ce moment-là, cette liberté qu'on nous vante, c'est la "liberté du renard libre dans le poulailler libre". Nous voulons impérativement rétablir le côté collectif de la vie dans les entreprises et dans les branches professionnelles.
EC : Avec l'an nouveau, les dossiers nouveaux, parfois les dossiers en souffrance qu'il va falloir régler. Janvier, c'est généralement la deuxième ou plutôt la seconde rentrée pour les syndicats après celle de septembre. Des coups de gueule, des négociations, des grèves par-ci par-là mais pas de véritable grande mobilisation, de mouvement de masse, pas de grandes manifestations comme on les a connu il fut un temps. Quelque chose a changé dans le syndicalisme en France ?
JLC : Non, je ne suis pas persuadé. Je pense simplement que la période est telle que les gens sont inquiets. Et quand les gens sont inquiets, ils ne sont pas tellement mobilisables. Vous remarquerez que toutes les grandes mobilisations qu'il a pu y avoir ces dernières années - 1995, 2003 - avaient lieu à un moment où l'économie et la croissance repartaient, au moment où les gens étaient un peu moins inquiets et pouvaient se permettre d'exprimer leur mécontentement. Quand on est inquiet, quand on a la peur de perdre son emploi du jour au lendemain, quand on sait qu'on aura ensuite des mois et des mois avant d'en retrouver un, c'est clair que la mobilisation n'est pas forcément à la hauteur des ambitions des uns et des autres.
EC : C'est une ambiance pesante mais on ne peut plus vraiment parler, quand même, d'un véritable consensus syndical aujourd'hui. Chacun a tendance à plus ou moins tirer dans son coin, non ?
JLC : C'est sûr qu'il n'y a pas un énorme consensus syndical et c'est une litote.
EC : Vous le regrettez ?
JLC : Moi je le regrette parce que j'ai l'impression que chacun essaye maintenant de faire son petit effet médiatique dans son petit coin.
EC : Et ça ne sert pas les intérêts.
JLC : Ca ne sert pas les intérêts communs de l'ensemble des salariés, y compris de ceux de l'encadrement. Moi je constate que l'année dernière à cette même époque j'avais écrit, mais sans aucune publicité, à l'ensemble de mes collègues des autres organisations en leur proposant une rencontre pour commencer à débattre et à échanger compte tenu de ce qui nous attendait déjà.
EC : Quelle fut la réponse ?
JLC : Aucune.
EC : D'aucun autre syndicat vous n'avez reçu une réponse.
JLC : Aucune. Et maintenant, chacun dit on va faire une intersyndicale. Ils commencent par le dire dans les médias avant de prévenir ses interlocuteurs syndicaux, ce qui ne paraît pas forcément la meilleure formule. C'est vrai qu'on est dans un climat où chacun se regarde un peu de travers et c'est vrai aussi que ce qui s'est passé entre la CFDT, la CGT, avec les transferts de section syndicale, n'a pas forcément arrangé les choses.
EC :On va prendre quelques exemples. Alors que les autres fédérations syndicales quittent la table des négociations salariales dans la fonction publique, la CFE-GCC que vous présidez fait bande à part en quelque sorte en reconnaissant à Renaud Dutreil des mesures significatives. Dire non, c'est se démarquer des autres mais sans faire bande à part ?
JLC : Oui et on peut parfaitement reconnaître que pour une fois dans les fonctions publiques on essaye de ne pas creuser la fosse aux cadres. Cette expression de la fosse aux cadres, elle est née de la fonction publique parce qu'on avait à la fois des augmentations relativement importantes pour les cadres dirigeants et les cadres supérieurs de la fonction publique et puis des mesures de rattrapage systématiques pour les plus défavorisés et les moins payés. A l'intérieur, vous avez cette masse énorme des cadres moyens qui, eux, voyaient leur pouvoir d'achat stagner quand ce n'était pas régresser.
EC : Tout va donc bien selon la CFE-CGC dans la fonction publique aujourd'hui ?
JLC : On n'irait pas jusqu'à dire que tout va bien mais pour une fois on n'a pas creusé la fosse aux cadres, ce qui est quand même extraordinaire parce que généralement les ministres successifs de la fonction publique se sont toujours payé leurs mesures sur la peau des cadres.
EC : Monsieur Dutreil ne doit donc pas aller plus loin pour l'instant.
JLC : Pour l'instant, non, il ne doit pas aller plus loin et renouer avec les pratiques un peu déplorables de l'ensemble de ses prédécesseurs.
EC : A la SNCF les syndicats appellent à la mobilisation le 19 janvier contre le budget 2005 de la société nationale des chemins de fer. Est-ce que la CFE-CGC se joindra à ce mouvement ?
JLC : Je n'ai pas encore rencontré mes collègues parce qu'on est en pleine période de reprise de la SNCF pour savoir si on se joignait à ce mouvement. Je pense effectivement que le budget n'est pas à la hauteur des ambitions de la société nationale. Je pense qu'il y a de vrais problèmes, sans compter les menaces pesant sur le service public et les menaces sur le droit de grève. Cette ambiance est un peu pesante dans la SNCF et réseaux ferrés de France. Je pense que notre organisation s'associera au mouvement intersyndical.
EC : Mais il n'y a pas de véritable consensus aujourd'hui ou ce n'est simplement qu'un problème de calendrier du fait de la reprise de vos travaux ? Là, le mot d'ordre est unanime des autres syndicats : on y va.
JLC : Je pense que c'est un problème de calendrier uniquement. L'ensemble de la direction confédérale a pris un peu la trêve des confiseurs entre Noël et le jour de l'an donc on reprend contact avec nos fédérations et on verra quel sera l'avis de la fédération des transports sur ce conflit à la SNCF.
EC : Je le disais, beaucoup de dossiers sur la table des négociations en ce début 2005 : les salaires, le temps de travail. Concernant les salaires, vous avez demandé en décembre au ministre de l'économie, Hervé Gaymard, d'appliquer une politique dynamique des salaires afin de relancer la croissance. C'est quoi une politique dynamique des salaires ?
JLC : Une politique dynamique des salaires, c'est d'éviter justement les mesures qui avaient été prises par le prédécesseur de monsieur Gaymard en débloquant par anticipation de l'intéressement ou de la participation. Ca amuse un peu les foules, ça donne tout de suite un peu plus d'argent, mais ce n'est pas du pouvoir d'achat supplémentaire. Ca n'a rien à voir avec des augmentations de salaires. C'est une anticipation de débloquage de sommes qu'on avait déjà. Nous, nous demandons des augmentations de la rémunération, d'abord dans le secteur public puisque ce qui est en charge du gouvernement c'est le secteur public, mais de façon à ce que ça ait un effet d'entraînement dans le secteur privé.
EC : Est-ce que les entreprises ont les moyens aujourd'hui, j'en viens directement au temps de travail, selon vous relancer la croissance passe par cette dynamique des salaires mais quelle place pour le travail, la valeur travail ? Dans une économie concurrentielle, mondialisée, un pays peut-il se permettre d'augmenter les salaires en baissant sans cesse le temps de travail ? On cherche l'erreur, non, logiquement ?
JLC : On ne baisse pas sans cesse le temps de travail. Il y a eu des décisions qui ont été prises, il y en a d'autres maintenant qui sont prises en sens inverse et au total les salaires n'ont pas bougé. Les 35 heures, on se les ait payé quand même : trois ans de blocage salarial. Trois ans de blocage salarial, ça fait l'équivalent des 11 % que coûtaient les 35 heures et maintenant on nous dit : on annule les 35 heures mais on continue à bloquer les salaires. Il y a quand même quelque chose qui ne va pas à un moment. Moi je vois que les résultats des entreprises n'ont jamais été aussi brillants que cette année. La France est quand même le pays où la productivité par "tête de pipe" et par heure est la meilleure au monde. C'est quand même le pays qui attire le plus de capitaux étrangers à l'exception de la Chine, c'est donc qu'on est bien attractif. Je ne vois pas la raison pour laquelle on ferait l'impasse sur des augmentations de salaires pour les gens qui bossent. La valeur travail, faut pas rigoler, au moins au niveau de l'encadrement le travail on sait ce que c'est : on veut le faire et on tient à en faire le plus possible.
EC : Comment réformer les 35 heures ? Quelle réforme idéale selon la CFE-CGC pour cette fameuse RTT ?
JLC : Je pense qu'il faut éviter l'individualisation qui est contenue quand même en germe par les mesures annoncées par Jean-Pierre Raffarin, ceci étant que l'on puisse permettre pour les jours de RTT qui ne sont pas pris de les convertir en les rachetant.
EC : De racheter ses RTT, vous y êtes favorable ?
JLC : Ce n'est pas forcément une mesure idiote. On sait très bien que dans un certain nombre d'entreprises, les gens ne peuvent pas prendre leurs jours de RTT.
EC : C'est encore plus vrai pour les cadres, d'ailleurs, pour beaucoup de cadres.
JLC : Bien sûr, surtout pour les cadres. Des boîtes comme la grande distribution, on sait très bien qu'à la fin de chaque année les gens ont pas loin de 20 jours de RTT qu'ils n'ont pas pu prendre, il faut au moins qu'on les leur paye.
EC : Le compte épargne-temps ?
JLC : Le compte épargne-temps, c'est trop compliqué. Ca ne fonctionnera pas, il vaut mieux arrêter tout de suite.
EC : Mais vous en avez quand même parlé avec Gérard Larcher, le ministre délégué au droit du travail.
JLC : On en a parlé, oui. Il est bien d'accord sur un fait, c'est qu'actuellement c'est trop complexe par rapport aux cotisations sociales, par rapport aux provisions qu'il faut passer et que c'est un produit qui malheureusement ne va pas se développer. Je dis malheureusement parce que ce ne serait pas un mauvais produit s'il était un peu plus simple.
EC : Mais que vous a dit concrètement Gérard Larcher ? On abandonne ou on continue à étudier un peu ?
JLC : Pour l'instant, on continue à étudier mais si l'amendement parlementaire proposant que l'on puisse payer tout de suite les jours non consommés de RTT passe, il n'y a plus aucun intérêt à avoir un compte-épargne temps.
(Source http://www.cfecgc.org, le 5 janvier 2005)