Texte intégral
Chers amis radicaux,
Dans un mois s'ouvrira, à Lyon, notre Congrès qui sera principalement consacré à l'élection du Président du parti et au grand débat de politique générale auquel participeront toutes nos fédérations.
Je me réjouis de retrouver à cette occasion tous les délégués radicaux qui seront accueillis, je le sais, dans la grande tradition d'hospitalité et de convivialité de notre fédération du Rhône et d'une ville dont l'histoire républicaine est étroitement liée à celle du radicalisme.
Je ne sous-estime pas pour autant l'importance des problèmes dont nous aurons à débattre et la difficulté des tâches qui s'offriront, après le Congrès, à la nouvelle direction du parti.
Je veux confirmer ici que j'ai décidé d'être candidat à la présidence de notre parti et vous présenter les principales orientations sur lesquelles je veux fonder cette candidature et solliciter votre confiance renouvelée.
Quelques mots suffiront à caractériser ensemble les trois grandes orientations que je vous propose pour les deux années à venir : je ne me résigne pas. Pas plus que vous, je ne me résigne à subir les difficultés que connaît notre parti, à observer sans agir la situation politique de notre pays et de la gauche, à déplorer de façon impuissante un état du monde à tant d'égards insatisfaisant. Ne nous résignons pas.
Puisque nos statuts et notre souci commun de la démocratie nous commandent de conduire d'abord nos débats internes, je veux, en premier lieu, vous parler du parti, de son bilan depuis notre Congrès de Toulouse et de nos perspectives d'avenir.
Soyez tout d'abord bien assurés que je n'entends éluder aucune des questions, des interrogations, voire des critiques qui sont régulièrement adressées à la direction du parti par l'impatience militante. Elles témoignent de la vitalité du PRG et permettent d'ouvrir des débats souvent utiles.
Comme vous, je regrette -puisque c'est la critique la plus fréquente- le manque de "visibilité" de notre parti et donc les limites de son influence politique.
J'observe cependant que, mises à part quelques résurgences ponctuelles qui ont démontré la force maintenue mais malheureusement potentielle de l'idée radicale, le déclin de notre influence est constant et régulier depuis plus de quarante années.
A cela trois raisons. Les institutions de la Ve République forment la plus puissante, qui justifie, aujourd'hui plus que jamais que nous les combattions énergiquement. A la culture du compromis chère aux radicaux, à la démocratie représentative privilégiant le Parlement, au pragmatisme fondé sur la raison, les institutions actuelles ont substitué une bipolarisation outrancière, une prééminence nocive d'un exécutif omnipotent et des querelles de personnes dominées par l'image et l'intérêt partisan.
Les effets déplorables de la Constitution de 1958 se sont malheureusement combinés -c'est la deuxième raison- avec la montée en puissance des grands médias audiovisuels. Le radicalisme, qui est scrupule de la raison, doute méthodique, pédagogie républicaine constante, avait partie liée avec la presse écrite et avec le débat civique traditionnel. Il ne s'est pas accommodé, c'est vrai, de la communication-désinformation qui privilégie l'image à chaud, le commentaire lapidaire, la caricature et la simplification. Le radicalisme ne serait pas assez " sensationnel ".
Il le serait d'autant moins -et c'est la troisième raison de son déclin relatif, mais celle-ci est positive- que la plupart de ses thèmes les plus importants ont été récupérés par d'autres, et pas seulement par le parti socialiste, ou totalement intégrés au fonds commun des valeurs républicaines comme on a pu le voir dans les débats récents sur la laïcité.
Je reconnais volontiers ces motifs qui ont progressivement limité notre influence nationale tandis que les mutations sociologiques rapides de notre pays transformaient nos bases électorales pour ne laisser subsister que quelques bastions radicaux. Pour ma part et tout au long des années où vous m'avez accordé votre confiance, j'ai essayé d'enrayer ce déclin et je crois y être parvenu notamment lors des scrutins législatifs ou, plus récemment, lors des élections régionales tandis que notre candidature courageuse à la présidentielle de 2002 démontrait qu'à des conditions politiques à approfondir, le radicalisme politique pouvait trouver de nouveaux terrains sociaux.
Les radicaux savent tout cela et leurs critiques portent souvent sur des questions d'organisation de notre action : direction insuffisamment collégiale, voire autoritaire, présence sur le terrain trop épisodique, administration du parti peu interactive, etc. Je les entends et je ne les juge pas toutes infondées mais je veux vous dire, en pensant surtout à notre avenir, que, si j'assume ma part de responsabilités, l'amélioration de notre action politique doit être une oeuvre commune qui concerne tous les radicaux.
Comment, par exemple, être sur le terrain quand il n'y a pas de terrain, quand chaque radical ne produit pas, dans sa proximité, les efforts d'élargissement de notre base militante qui nous rendraient plus visibles et plus influents ? Comment mieux travailler avec les fédérations quand certains d'entre elles ne répondent pas aux interrogations, aux demandes d'informations venues du siège ? Comment diriger le PRG avec une équipe plus large et plus soudée quand certains radicaux ayant exigé d'appartenir aux instances nationales n'assistent ensuite à aucune de leurs réunions ? Comment administrer notre parti lorsque ceux qui sont les plus prompts à solliciter son investiture avant les élections oublient, sitôt élus, les engagements qu'ils avaient pris ? Comment, surtout, tenir fermement une ligne politique lorsque des leçons de radicalisme nous sont -comme aujourd'hui encore- adressées depuis les marges extérieures ou même intérieures du parti par ceux-là qui ont choisi, dans les occasions les plus importantes, de ne pas suivre et de combattre la ligne qu'il avait fixée ?
Vous le voyez, c'est à un effort de tous sur nous-mêmes que je vous appelle pour la période qui s'ouvre. L'individualisme qui caractérise les radicaux est leur grande richesse s'il s'agit de distinguer et d'enrichir encore notre philosophie politique par rapport à celles des autres partis. Mais il est notre handicap majeur s'il se laisse voir dans l'organisation commune et dans le travail militant quotidien.
C'est pourquoi je vous présenterai, à Lyon, un plan détaillé pour la réorganisation de notre action. Les maîtres mots en seront collégialité, que je suis le premier à souhaiter, responsabilisation, les instances devant porter des projets, spécialisation, chaque dirigeant devant présenter un programme et rendre compte de son action, décentralisation, le parti ne pouvant se réduire à son siège parisien, ambition collective, chacun de nous recevant une " feuille de route " pour l'élargissement du parti, diversification, le PRG étant invité à sortir de ses habitudes pour travailler sur des terrains nouveaux, internationalisation, le radicalisme étant manifestement utile au-delà du cadre national.
Ces directions de travail ne seront pas les seules et c'est un contrat exigeant et ambitieux que je vous proposerai. Si vous l'acceptez, nous aurons surtout à conduire ensemble la modernisation de notre parti, qui ne souffre pas de la qualité de ses militants -elle est remarquable- ou de la pertinence de ses idées -elles sont actuelles et utiles- mais d'un déficit d'image qu'il nous faudra combler. Nous ne pouvons pas faire éternellement et seulement le procès des institutions et des médias, fût-il nécessaire. Nous devrons aussi nous adapter à ces contraintes extérieures et, sur ce point crucial, je vous soumettrai un plan précis et concret pour que le Parti Radical de Gauche soit débarrassé de son image injuste de parti vieilli, provincial et peu indépendant. Pas plus que vous, je ne me résigne à ce que le radicalisme se transforme en une nostalgie. Ensemble, nous en referons une force d'avenir.
Le travail considérable que nous avons à conduire sur notre organisation interne constitue la condition préalable de la restauration de notre influence sur la vie politique nationale et au sein de la gauche.
Là non plus, nous ne pouvons pas nous résigner au spectacle lamentable de la vie politique actuelle.
Dépassées les ambiguïtés semées par Jacques Chirac aussi bien lors de sa campagne de 1995 sur la fracture sociale que lors de sa réélection par tous les républicains en 2002, la droite se donne clairement à voir pour ce qu'elle est : un pouvoir fort contre les faibles et faible devant les puissants.
Même s'il organise sa communication sur des thèmes oecuméniques le Président de la République doit assumer toute la responsabilité de cette politique qui creuse le fossé social, qui complait au MEDEF et aux notaires, qui remet en cause les acquis sociaux, qui livre la guerre au service public, qui marginalise un peu plus les exclus, qui fait ramer toujours plus à fond de cale ceux qui travaillent pour que d'autres puissent profiter, sur le pont, d'une brise plus agréable à leurs privilèges.
Le Premier ministre n'existe plus que comme un fusible à la merci d'un sondage, d'un caprice présidentiel, d'un froncement de sourcils du maire de Neuilly, mais tellement déconnecté de la réalité politique qu'il paraît hors d'atteinte des sanctions électorales populaires à répétition. Les ministres n'existent guère plus, les plus en vue étant chargés de contrer les ambitieux dans la distribution médiatique du music-hall politique. Pour le reste le Gouvernement, théoriquement en charge de la conduite de la politique de la nation, est devenu une haute administration.
Cette situation impose, à l'évidence, un changement de nos institutions.
Je vous exhorterai lors de notre Congrès à reprendre ce travail, celui de la République moderne. Suppression du poste de Premier Ministre, instauration d'une vice-présidence, abandon symétrique de la censure et de la dissolution, restauration du pouvoir législatif, telles sont les principales mesures qui permettraient de revenir à l'équilibre républicain et de sortir d'un système de concentration de pouvoir qui réduit toute la vie civique de ce pays au deuxième tour de l'élection présidentielle pour les véritables enjeux et au consumérisme politique pour le quotidien.
Nos amis de gauche se réjouissent -et escomptent beaucoup- de la fracture apparue à droite. Le parti de Jacques Chirac est désormais aux mains de Nicolas Sarkozy et l'on ne sait ce qui sera plus fort, de la haine du premier ou de l'ambition du second. Je vous invite cependant à réfléchir à la promptitude avec laquelle les chiraquiens et les gaullistes prétendument historiques se sont résolus à confier la direction du navire amiral au " traître " balladurien. C'est qu'ils sont bien certains d'une chose au moins : si Nicolas Sarkozy venait à réaliser ses projets dès 2007, il mènerait sans le moindre scrupule exactement la politique souhaitée par toute la droite. En plus libéral s'il se peut, en moins social encore, en plus atlantiste comme il l'a annoncé, en plus énergique dans le discours, en plus télégénique dans la forme, ce serait quand même bien la droite la plus dure qui se consoliderait au pouvoir et voilà qui suffit à rassurer ceux qui feignent encore de combattre Sarkozy mais qui se rallieront sans complexe, y compris les pseudo-centristes, quand sa mainmise sur la droite sera bien assurée.
Voilà pourquoi je suggère à la gauche de ne pas trop tabler sur les divisions de la droite mais de compter plutôt sur ses propres forces et sur son unité.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Il semble, si l'on se réfère aux dernières élections régionales et européennes que la gauche dispose d'une majorité au moins relative.
On se rappellera toutefois qu'il s'agit là de scrutins intermédiaires dont les enjeux véritables ne sont pas toujours perçus par les citoyens qui les utilisent traditionnellement comme des occasions de sanctionner la majorité nationale. Il faut donc relativiser : 2007 ne sera pas une répétition de 2004.
Mais la question la plus sérieuse concernant l'échéance capitale de 2007, où pourraient, en théorie au moins, se dérouler cinq scrutins qui seraient donc plus que jamais dominés par l'élection présidentielle, c'est bien celle de l'unité de la gauche.
Tout d'abord, les tensions internes de nos partenaires socialistes ne laissent d'inquiéter toutes les forces de gauche. Le parti socialiste a remis à plus tard l'élaboration de son projet, l'essentiel paraissant être de constituer et de renforcer les écuries présidentielles. Il est désormais clair que tous les thèmes de débat, surtout les plus importants, sont utilisés par les principaux dirigeants socialistes, non pour exprimer des convictions mais comme des prétextes à un positionnement interne tactique. Nul ne sait quel sera le résultat de ces manoeuvres mais il est bien certain qu'elles ne serviront pas le nécessaire rassemblement.
Tout occupés par leurs dissensions et par leurs divisions, les socialistes n'accordent aucune attention à leurs partenaires. Lors des élections européennes, il est apparu qu'après la manipulation du mode de scrutin, censée servir les intérêts de l'UMP et du PS, le moindre courant, la moindre sensibilité, la plus petite faction socialiste était plus digne de considération par le PS que les alliés traditionnels. On ne préparait pas, à cette occasion, le rassemblement des forces de gauche mais la procédure de désignation du candidat socialiste à l'élection présidentielle.
Nous avons déjà éprouvé les effets de cette stratégie en 1995 et surtout en 2002. Les radicaux avaient alors tiré à de nombreuses reprises la sonnette d'alarme et répété que la gauche ne peut l'emporter que si son candidat travaille au rassemblement au moins si les conditions en sont sauvegardées pour le deuxième tour. Du haut de leur supériorité -du moins du sentiment qu'ils en ont- les socialistes nous ont répondu que chacun était libre de mesurer ses forces électorales au premier tour et n'ont pris aucune initiative pour arrêter la dispersion qui s'installait. Après quoi, ils ont adressé à leurs " alliés " le reproche d'avoir fait perdre le candidat socialiste...
Pour leur part, les radicaux n'ont pas adressé aux socialistes le grief pourtant légitime d'avoir fait perdre toute la gauche. Mais nous les mettons en garde aujourd'hui de façon solennelle : ne recommençons pas les mêmes erreurs qui se paieraient au même prix.
Je reste croire que les partis de gauche auraient dû travailler depuis l'échec de 2002 à la mise en place d'une forme d'organisation plus intégrée, et les radicaux avaient émis des propositions précises en ce sens lors du Congrès de Toulouse. Je n'éviterai pas ce sujet et je vous présenterai à Lyon, avant de le présenter à nos partenaires si vous en décidez, le projet d'un regroupement confédéral des partis de progrès qui satisferait l'aspiration profonde de l'électorat à l'unité tout en sauvegardant nos identités.
Il est toutefois à craindre qu'un tel regroupement ne rencontre pas aujourd'hui la faveur de nos amis socialistes. Pour eux, et malgré les exemples de dynamique politique de la F.G.D.S. ou du programme commun, il est toujours trop tôt ou trop tard.
Nous ne devons pas nous laisser enfermer dans cette logique. C'est pourquoi j'estime que dès leur Congrès de Lyon les radicaux devront afficher leur objectif : nous devrons avoir un candidat à l'élection présidentielle. Nous y avons trois motivations fortes.
C'est d'abord la logique imposée par les institutions, si négatif que puisse être notre jugement sur celles-ci. Si nous ne sommes pas décidés à peser sur l'élection présidentielle, nous ne pouvons espérer influer sérieusement sur la vie politique de notre pays.
C'est ensuite l'intérêt de la gauche. Les radicaux ont un électorat spécifique qui se retrouverait d'autant moins dans une candidature socialiste de premier tour que celle-ci aurait été décidée par une procédure interne propre à nos alliés.
C'est enfin le souhait des radicaux eux-mêmes. Nous l'avons vu en 2002 : même quand le combat est difficile, les militants ne sont jamais aussi fiers et mobilisés que lorsqu'ils le livrent sous leurs propres couleurs. Des adhérents nouveaux affluent, l'organisation s'ébroue et rajeunit, notre doctrine est revisitée par l'actualité. Car les radicaux savent qu'on ne peut vire comme un parti politique indépendant en se dérobant toujours face au combat électoral.
A ces trois motifs d'avoir un candidat à l'élection présidentielle s'ajoute évidemment, s'il devait être renouvelé, le désintérêt de nos alliés pour notre propre stratégie. Ce serait un encouragement supplémentaire. Dans tous les cas, préparons-nous.
Pour autant, ne fermons pas les portes du rassemblement à gauche. Nous ne disposons pas aujourd'hui de tous les éléments qui permettront d'analyser la situation politique à la veille de l'élection présidentielle. Nous ne devons pas désespérer absolument d'une soudaine volonté de dialoguer de nos partenaires. Peut-être l'intérêt supérieur nous commandera-t-il de réévaluer nos choix.
Dans tous les cas, nous devons ménager toutes les possibilités que la gauche se rassemble et l'emporte au deuxième tour.
C'est pourquoi je vous proposerai, à Lyon, une initiative politique ménageant à la fois l'objectif radical d'une candidature et l'objectif de la gauche d'une victoire.
Il s'agira de mettre en place un cadre de concertation permanente des forces de gauche. Non pas sous la forme des accords bilatéraux qu'affectionne le parti socialiste pour d'évidentes raisons d'hégémonisme mais sous la forme d'une conférence semestrielle de l'ensemble des partis de progrès.
Ce rendez-vous nous permettrait d'abord de réagir en commun aux aspects les plus délétères de la politique de la droite.
Il fournirait en outre un atelier pour l'élaboration d'une plate-forme programmatique en vue du deuxième tour de l'élection présidentielle et d'un code de bonne conduite si les campagnes de premier tour devaient être concurrentes. Il préparerait surtout un accord politique complet car j'entends pour ma part subordonner tout désistement au deuxième tour à des engagements précis sur notre place au gouvernement en cas de victoire et sur le nombre et la qualité des investitures connues pour toutes les échéances électorales de la séquence 2007-2008, les législatives bien sûr, mais également les municipales, les cantonales et les sénatoriales.
Les radicaux appellent à un partenariat rénové et rééquilibré. Là non plus, ils ne se résignent pas à la division.
Tels sont les principaux enjeux de notre Congrès : l'élection du Président sur la base d'un projet pour le parti et d'une stratégie à gauche.
Ce n'est pas principalement à Lyon que nous débattrons des lourdes questions européennes actuellement posées puisque nous avons déjà arrêté la date et le lieu de la Convention nationale que nous consacrerons à ce seul sujet.
Mais nul ne comprendrait pour autant, parmi les radicaux ou parmi ceux qui les observent, que le Congrès du PRG n'évoque pas du tout ces questions, comme si nous étions, là aussi, résignés à un échec de l'Europe ou résignés devant l'état du monde.
Pour moi, je ne fuirai pas le sujet européen même si je sais qu'il peut nous diviser. Dès lors que les positions des uns et des autres sont fondées sur des convictions, le débat ne peut être que fécond. J'ai dit devant l'Université d'été quelle était ma position : le Traité qu'on nous soumet est certes imparfait, il ne constitue qu'une modeste avancée vers notre projet d'Europe fédérale, il devra être amélioré, tout cela est vrai, mais jamais depuis l'échec de la Communauté Européenne de Défense, jamais en cinquante années, les radicaux ne se sont opposés à un progrès de la construction européenne.
J'entends les arguments de certains pro-européens -et parmi mes proches amis- qui voudraient rejeter le Traité parce qu'il ne réalise pas instantanément les Etats-Unis d'Europe auxquels nous sommes attachés. Nous voterions en quelque sorte contre l'Europe au nom de l'Europe. Je dis à ces amis que le mieux est souvent l'ennemi du bien et que la route est encore longue vers l'Europe fédérale. Gardons le cap et progressons à la vitesse du possible sans se réfugier dans l'utopie.
J'entends aussi, même si je les considère moins, les arguments de ceux qui se défient de l'Europe au nom de ce qu'il faut bien appeler une sorte d'intégrisme républicain. De même que la République ne s'est pas dissoute, comme on le craignait ou comme on feignait de le craindre, dans la décentralisation mais a, au contraire, enrichi son unité d'une diversité enfin reconnue, elle ne s'évaporera pas plus demain dans une Europe qui, même si elle était beaucoup plus intégrée, devrait respecter les nations qui la composent et les compétences des Etats qui la construisent. Cette peur devant l'Europe n'est pas fondée ; elle est une fausse peur invoquée, de bonne ou de mauvaise foi, par tous ceux qui cherchent des raisons de mêler leurs voix à celles des souverainistes et de tous les extrémistes. Je crois que ce n'est pas un chemin digne des radicaux.
A tous ceux qui veulent plus d'Europe et à ceux qui veulent plus de République, il nous faut dire aujourd'hui que le processus de construction européenne constitue la seule chance pour la France, dans un contexte de mondialisation débridée et inorganisée, d'exporter ses valeurs et d'en assurer la diffusion. Nous ne nous battrons pas pour l'humanisme laïque républicain dans un fortin assiégé mais au contraire depuis une Europe renforcée.
Au reste, lorsque nous parlons de mondialisation inorganisée, nous ne manquons pas d'observer que l'actuel état du monde est au moins organisé par la loi du plus fort.
Les élections américaines viennent de renforcer encore le camp des gendarmes du monde qui décident, sans aucun égard pour le droit international ni pour l'O.N.U., de bombarder tel Etat, de l'occuper et de le piller, de boycotter tel autre ou d'ostraciser un troisième, tout en protégeant toutes les dictatures qui servent les intérêts des firmes américaines et respectent la pseudo-morale forgée, à Washington, par des évangélistes ultra- conservateurs.
Et face à ce déferlement de puissance militaire, économique et culturelle, toutes les frustrations du monde vont se durcir et s'enkyster dans l'ethnicisme, le tribalisme et la religiosité. Sommés de choisir entre Bush et Ben Laden, entre deux caricatures de l'universalité et de l'identité, les radicaux ne se résignent pas et refusent cette simplification lourde de toutes les menaces pour la liberté.
Ils entendent le message de George Bush et de son entourage sur leur " croisade contre les forces du mal ". Ils voient les résultats de cette politique en Irak, en Afghanistan, mais aussi au Soudan, en Iran ou en Palestine. Et ils observent que ce qui fait le plus défaut pour aller vers un nouvel ordre mondial juste et équilibré, c'est précisément la laïcité.
Contrairement à une idée répandue, la laïcité n'est pas un concept spécifique à la France. Elle existe comme garantie de la neutralité des institutions publiques et donc de la liberté de conscience individuelle dans la législation ou la culture politique de nombreux pays. Elle existe surtout dans le besoin qu'expriment des partis importants de l'opinion publique chez nos partenaires européens même s'il est vrai qu'aujourd'hui les institutions européennes elles-mêmes ne sont pas protégées par le principe de laïcité.
Voilà donc ce que je crois être la grande contribution à apporter par la France, par la gauche française et au sein de la gauche, spécialement par les radicaux : nous devons militer pour une laïcité progressivement étendue à l'Union Européenne.
Nous pourrions alors espérer assister au reflux progressif des communautarismes qui transforment nos pays en marqueteries ethniques et religieuses totalement contraires à l'idéal républicain. Nous pourrions en escompter aussi un progrès de l'idée républicaine elle-même tant il est vrai que la laïcité n'est compatible avec aucune institution enracinée dans le " droit divin ". Nous y gagnerions sans doute en qualité et en extension des systèmes scolaires publics. Et nous pourrions nourrir l'espoir raisonnable que la diplomatie européenne saurait rappeler avec force à tous les belligérants que les questions religieuses doivent être cantonnées dans la sphère privée.
Il s'agit d'un grand chantier, ambitieux et difficile. Mais qui peut l'entreprendre si ce n'est les radicaux avec tous les alliés républicains qui se reconnaîtraient dans ce nouvel horizon militant ? Et c'est précisément la raison qui me fait proposer l'internationalisation de notre action comme une des principales orientations de la période qui s'ouvre.
Un parti radical de gauche rénové, plus ouvert et doté d'une image plus moderne, des radicaux porteurs d'initiatives pour le rassemblement et pour les futures victoires de la gauche, un radicalisme offensif en Europe pour y faire progresser l'idée laïque, telles sont les principales propositions que je détaillerai sous forme d'un contrat lors de notre Congrès de Lyon et autour desquelles j'appelle d'ores et déjà tous les militants à se rassembler pour les porter comme des exigences nouvelles.
Comme hier, mais dans des formes renouvelées, je me tiens pour ma part à la disposition de notre parti et de chacune et chacun d'entre vous.
Ne nous résignons pas. Ouvrons ensemble une ère nouvelle pour le radicalisme.
(Source http://www.planeteradicale.org, le 10 décembre 2004)
Dans un mois s'ouvrira, à Lyon, notre Congrès qui sera principalement consacré à l'élection du Président du parti et au grand débat de politique générale auquel participeront toutes nos fédérations.
Je me réjouis de retrouver à cette occasion tous les délégués radicaux qui seront accueillis, je le sais, dans la grande tradition d'hospitalité et de convivialité de notre fédération du Rhône et d'une ville dont l'histoire républicaine est étroitement liée à celle du radicalisme.
Je ne sous-estime pas pour autant l'importance des problèmes dont nous aurons à débattre et la difficulté des tâches qui s'offriront, après le Congrès, à la nouvelle direction du parti.
Je veux confirmer ici que j'ai décidé d'être candidat à la présidence de notre parti et vous présenter les principales orientations sur lesquelles je veux fonder cette candidature et solliciter votre confiance renouvelée.
Quelques mots suffiront à caractériser ensemble les trois grandes orientations que je vous propose pour les deux années à venir : je ne me résigne pas. Pas plus que vous, je ne me résigne à subir les difficultés que connaît notre parti, à observer sans agir la situation politique de notre pays et de la gauche, à déplorer de façon impuissante un état du monde à tant d'égards insatisfaisant. Ne nous résignons pas.
Puisque nos statuts et notre souci commun de la démocratie nous commandent de conduire d'abord nos débats internes, je veux, en premier lieu, vous parler du parti, de son bilan depuis notre Congrès de Toulouse et de nos perspectives d'avenir.
Soyez tout d'abord bien assurés que je n'entends éluder aucune des questions, des interrogations, voire des critiques qui sont régulièrement adressées à la direction du parti par l'impatience militante. Elles témoignent de la vitalité du PRG et permettent d'ouvrir des débats souvent utiles.
Comme vous, je regrette -puisque c'est la critique la plus fréquente- le manque de "visibilité" de notre parti et donc les limites de son influence politique.
J'observe cependant que, mises à part quelques résurgences ponctuelles qui ont démontré la force maintenue mais malheureusement potentielle de l'idée radicale, le déclin de notre influence est constant et régulier depuis plus de quarante années.
A cela trois raisons. Les institutions de la Ve République forment la plus puissante, qui justifie, aujourd'hui plus que jamais que nous les combattions énergiquement. A la culture du compromis chère aux radicaux, à la démocratie représentative privilégiant le Parlement, au pragmatisme fondé sur la raison, les institutions actuelles ont substitué une bipolarisation outrancière, une prééminence nocive d'un exécutif omnipotent et des querelles de personnes dominées par l'image et l'intérêt partisan.
Les effets déplorables de la Constitution de 1958 se sont malheureusement combinés -c'est la deuxième raison- avec la montée en puissance des grands médias audiovisuels. Le radicalisme, qui est scrupule de la raison, doute méthodique, pédagogie républicaine constante, avait partie liée avec la presse écrite et avec le débat civique traditionnel. Il ne s'est pas accommodé, c'est vrai, de la communication-désinformation qui privilégie l'image à chaud, le commentaire lapidaire, la caricature et la simplification. Le radicalisme ne serait pas assez " sensationnel ".
Il le serait d'autant moins -et c'est la troisième raison de son déclin relatif, mais celle-ci est positive- que la plupart de ses thèmes les plus importants ont été récupérés par d'autres, et pas seulement par le parti socialiste, ou totalement intégrés au fonds commun des valeurs républicaines comme on a pu le voir dans les débats récents sur la laïcité.
Je reconnais volontiers ces motifs qui ont progressivement limité notre influence nationale tandis que les mutations sociologiques rapides de notre pays transformaient nos bases électorales pour ne laisser subsister que quelques bastions radicaux. Pour ma part et tout au long des années où vous m'avez accordé votre confiance, j'ai essayé d'enrayer ce déclin et je crois y être parvenu notamment lors des scrutins législatifs ou, plus récemment, lors des élections régionales tandis que notre candidature courageuse à la présidentielle de 2002 démontrait qu'à des conditions politiques à approfondir, le radicalisme politique pouvait trouver de nouveaux terrains sociaux.
Les radicaux savent tout cela et leurs critiques portent souvent sur des questions d'organisation de notre action : direction insuffisamment collégiale, voire autoritaire, présence sur le terrain trop épisodique, administration du parti peu interactive, etc. Je les entends et je ne les juge pas toutes infondées mais je veux vous dire, en pensant surtout à notre avenir, que, si j'assume ma part de responsabilités, l'amélioration de notre action politique doit être une oeuvre commune qui concerne tous les radicaux.
Comment, par exemple, être sur le terrain quand il n'y a pas de terrain, quand chaque radical ne produit pas, dans sa proximité, les efforts d'élargissement de notre base militante qui nous rendraient plus visibles et plus influents ? Comment mieux travailler avec les fédérations quand certains d'entre elles ne répondent pas aux interrogations, aux demandes d'informations venues du siège ? Comment diriger le PRG avec une équipe plus large et plus soudée quand certains radicaux ayant exigé d'appartenir aux instances nationales n'assistent ensuite à aucune de leurs réunions ? Comment administrer notre parti lorsque ceux qui sont les plus prompts à solliciter son investiture avant les élections oublient, sitôt élus, les engagements qu'ils avaient pris ? Comment, surtout, tenir fermement une ligne politique lorsque des leçons de radicalisme nous sont -comme aujourd'hui encore- adressées depuis les marges extérieures ou même intérieures du parti par ceux-là qui ont choisi, dans les occasions les plus importantes, de ne pas suivre et de combattre la ligne qu'il avait fixée ?
Vous le voyez, c'est à un effort de tous sur nous-mêmes que je vous appelle pour la période qui s'ouvre. L'individualisme qui caractérise les radicaux est leur grande richesse s'il s'agit de distinguer et d'enrichir encore notre philosophie politique par rapport à celles des autres partis. Mais il est notre handicap majeur s'il se laisse voir dans l'organisation commune et dans le travail militant quotidien.
C'est pourquoi je vous présenterai, à Lyon, un plan détaillé pour la réorganisation de notre action. Les maîtres mots en seront collégialité, que je suis le premier à souhaiter, responsabilisation, les instances devant porter des projets, spécialisation, chaque dirigeant devant présenter un programme et rendre compte de son action, décentralisation, le parti ne pouvant se réduire à son siège parisien, ambition collective, chacun de nous recevant une " feuille de route " pour l'élargissement du parti, diversification, le PRG étant invité à sortir de ses habitudes pour travailler sur des terrains nouveaux, internationalisation, le radicalisme étant manifestement utile au-delà du cadre national.
Ces directions de travail ne seront pas les seules et c'est un contrat exigeant et ambitieux que je vous proposerai. Si vous l'acceptez, nous aurons surtout à conduire ensemble la modernisation de notre parti, qui ne souffre pas de la qualité de ses militants -elle est remarquable- ou de la pertinence de ses idées -elles sont actuelles et utiles- mais d'un déficit d'image qu'il nous faudra combler. Nous ne pouvons pas faire éternellement et seulement le procès des institutions et des médias, fût-il nécessaire. Nous devrons aussi nous adapter à ces contraintes extérieures et, sur ce point crucial, je vous soumettrai un plan précis et concret pour que le Parti Radical de Gauche soit débarrassé de son image injuste de parti vieilli, provincial et peu indépendant. Pas plus que vous, je ne me résigne à ce que le radicalisme se transforme en une nostalgie. Ensemble, nous en referons une force d'avenir.
Le travail considérable que nous avons à conduire sur notre organisation interne constitue la condition préalable de la restauration de notre influence sur la vie politique nationale et au sein de la gauche.
Là non plus, nous ne pouvons pas nous résigner au spectacle lamentable de la vie politique actuelle.
Dépassées les ambiguïtés semées par Jacques Chirac aussi bien lors de sa campagne de 1995 sur la fracture sociale que lors de sa réélection par tous les républicains en 2002, la droite se donne clairement à voir pour ce qu'elle est : un pouvoir fort contre les faibles et faible devant les puissants.
Même s'il organise sa communication sur des thèmes oecuméniques le Président de la République doit assumer toute la responsabilité de cette politique qui creuse le fossé social, qui complait au MEDEF et aux notaires, qui remet en cause les acquis sociaux, qui livre la guerre au service public, qui marginalise un peu plus les exclus, qui fait ramer toujours plus à fond de cale ceux qui travaillent pour que d'autres puissent profiter, sur le pont, d'une brise plus agréable à leurs privilèges.
Le Premier ministre n'existe plus que comme un fusible à la merci d'un sondage, d'un caprice présidentiel, d'un froncement de sourcils du maire de Neuilly, mais tellement déconnecté de la réalité politique qu'il paraît hors d'atteinte des sanctions électorales populaires à répétition. Les ministres n'existent guère plus, les plus en vue étant chargés de contrer les ambitieux dans la distribution médiatique du music-hall politique. Pour le reste le Gouvernement, théoriquement en charge de la conduite de la politique de la nation, est devenu une haute administration.
Cette situation impose, à l'évidence, un changement de nos institutions.
Je vous exhorterai lors de notre Congrès à reprendre ce travail, celui de la République moderne. Suppression du poste de Premier Ministre, instauration d'une vice-présidence, abandon symétrique de la censure et de la dissolution, restauration du pouvoir législatif, telles sont les principales mesures qui permettraient de revenir à l'équilibre républicain et de sortir d'un système de concentration de pouvoir qui réduit toute la vie civique de ce pays au deuxième tour de l'élection présidentielle pour les véritables enjeux et au consumérisme politique pour le quotidien.
Nos amis de gauche se réjouissent -et escomptent beaucoup- de la fracture apparue à droite. Le parti de Jacques Chirac est désormais aux mains de Nicolas Sarkozy et l'on ne sait ce qui sera plus fort, de la haine du premier ou de l'ambition du second. Je vous invite cependant à réfléchir à la promptitude avec laquelle les chiraquiens et les gaullistes prétendument historiques se sont résolus à confier la direction du navire amiral au " traître " balladurien. C'est qu'ils sont bien certains d'une chose au moins : si Nicolas Sarkozy venait à réaliser ses projets dès 2007, il mènerait sans le moindre scrupule exactement la politique souhaitée par toute la droite. En plus libéral s'il se peut, en moins social encore, en plus atlantiste comme il l'a annoncé, en plus énergique dans le discours, en plus télégénique dans la forme, ce serait quand même bien la droite la plus dure qui se consoliderait au pouvoir et voilà qui suffit à rassurer ceux qui feignent encore de combattre Sarkozy mais qui se rallieront sans complexe, y compris les pseudo-centristes, quand sa mainmise sur la droite sera bien assurée.
Voilà pourquoi je suggère à la gauche de ne pas trop tabler sur les divisions de la droite mais de compter plutôt sur ses propres forces et sur son unité.
Qu'en est-il aujourd'hui ?
Il semble, si l'on se réfère aux dernières élections régionales et européennes que la gauche dispose d'une majorité au moins relative.
On se rappellera toutefois qu'il s'agit là de scrutins intermédiaires dont les enjeux véritables ne sont pas toujours perçus par les citoyens qui les utilisent traditionnellement comme des occasions de sanctionner la majorité nationale. Il faut donc relativiser : 2007 ne sera pas une répétition de 2004.
Mais la question la plus sérieuse concernant l'échéance capitale de 2007, où pourraient, en théorie au moins, se dérouler cinq scrutins qui seraient donc plus que jamais dominés par l'élection présidentielle, c'est bien celle de l'unité de la gauche.
Tout d'abord, les tensions internes de nos partenaires socialistes ne laissent d'inquiéter toutes les forces de gauche. Le parti socialiste a remis à plus tard l'élaboration de son projet, l'essentiel paraissant être de constituer et de renforcer les écuries présidentielles. Il est désormais clair que tous les thèmes de débat, surtout les plus importants, sont utilisés par les principaux dirigeants socialistes, non pour exprimer des convictions mais comme des prétextes à un positionnement interne tactique. Nul ne sait quel sera le résultat de ces manoeuvres mais il est bien certain qu'elles ne serviront pas le nécessaire rassemblement.
Tout occupés par leurs dissensions et par leurs divisions, les socialistes n'accordent aucune attention à leurs partenaires. Lors des élections européennes, il est apparu qu'après la manipulation du mode de scrutin, censée servir les intérêts de l'UMP et du PS, le moindre courant, la moindre sensibilité, la plus petite faction socialiste était plus digne de considération par le PS que les alliés traditionnels. On ne préparait pas, à cette occasion, le rassemblement des forces de gauche mais la procédure de désignation du candidat socialiste à l'élection présidentielle.
Nous avons déjà éprouvé les effets de cette stratégie en 1995 et surtout en 2002. Les radicaux avaient alors tiré à de nombreuses reprises la sonnette d'alarme et répété que la gauche ne peut l'emporter que si son candidat travaille au rassemblement au moins si les conditions en sont sauvegardées pour le deuxième tour. Du haut de leur supériorité -du moins du sentiment qu'ils en ont- les socialistes nous ont répondu que chacun était libre de mesurer ses forces électorales au premier tour et n'ont pris aucune initiative pour arrêter la dispersion qui s'installait. Après quoi, ils ont adressé à leurs " alliés " le reproche d'avoir fait perdre le candidat socialiste...
Pour leur part, les radicaux n'ont pas adressé aux socialistes le grief pourtant légitime d'avoir fait perdre toute la gauche. Mais nous les mettons en garde aujourd'hui de façon solennelle : ne recommençons pas les mêmes erreurs qui se paieraient au même prix.
Je reste croire que les partis de gauche auraient dû travailler depuis l'échec de 2002 à la mise en place d'une forme d'organisation plus intégrée, et les radicaux avaient émis des propositions précises en ce sens lors du Congrès de Toulouse. Je n'éviterai pas ce sujet et je vous présenterai à Lyon, avant de le présenter à nos partenaires si vous en décidez, le projet d'un regroupement confédéral des partis de progrès qui satisferait l'aspiration profonde de l'électorat à l'unité tout en sauvegardant nos identités.
Il est toutefois à craindre qu'un tel regroupement ne rencontre pas aujourd'hui la faveur de nos amis socialistes. Pour eux, et malgré les exemples de dynamique politique de la F.G.D.S. ou du programme commun, il est toujours trop tôt ou trop tard.
Nous ne devons pas nous laisser enfermer dans cette logique. C'est pourquoi j'estime que dès leur Congrès de Lyon les radicaux devront afficher leur objectif : nous devrons avoir un candidat à l'élection présidentielle. Nous y avons trois motivations fortes.
C'est d'abord la logique imposée par les institutions, si négatif que puisse être notre jugement sur celles-ci. Si nous ne sommes pas décidés à peser sur l'élection présidentielle, nous ne pouvons espérer influer sérieusement sur la vie politique de notre pays.
C'est ensuite l'intérêt de la gauche. Les radicaux ont un électorat spécifique qui se retrouverait d'autant moins dans une candidature socialiste de premier tour que celle-ci aurait été décidée par une procédure interne propre à nos alliés.
C'est enfin le souhait des radicaux eux-mêmes. Nous l'avons vu en 2002 : même quand le combat est difficile, les militants ne sont jamais aussi fiers et mobilisés que lorsqu'ils le livrent sous leurs propres couleurs. Des adhérents nouveaux affluent, l'organisation s'ébroue et rajeunit, notre doctrine est revisitée par l'actualité. Car les radicaux savent qu'on ne peut vire comme un parti politique indépendant en se dérobant toujours face au combat électoral.
A ces trois motifs d'avoir un candidat à l'élection présidentielle s'ajoute évidemment, s'il devait être renouvelé, le désintérêt de nos alliés pour notre propre stratégie. Ce serait un encouragement supplémentaire. Dans tous les cas, préparons-nous.
Pour autant, ne fermons pas les portes du rassemblement à gauche. Nous ne disposons pas aujourd'hui de tous les éléments qui permettront d'analyser la situation politique à la veille de l'élection présidentielle. Nous ne devons pas désespérer absolument d'une soudaine volonté de dialoguer de nos partenaires. Peut-être l'intérêt supérieur nous commandera-t-il de réévaluer nos choix.
Dans tous les cas, nous devons ménager toutes les possibilités que la gauche se rassemble et l'emporte au deuxième tour.
C'est pourquoi je vous proposerai, à Lyon, une initiative politique ménageant à la fois l'objectif radical d'une candidature et l'objectif de la gauche d'une victoire.
Il s'agira de mettre en place un cadre de concertation permanente des forces de gauche. Non pas sous la forme des accords bilatéraux qu'affectionne le parti socialiste pour d'évidentes raisons d'hégémonisme mais sous la forme d'une conférence semestrielle de l'ensemble des partis de progrès.
Ce rendez-vous nous permettrait d'abord de réagir en commun aux aspects les plus délétères de la politique de la droite.
Il fournirait en outre un atelier pour l'élaboration d'une plate-forme programmatique en vue du deuxième tour de l'élection présidentielle et d'un code de bonne conduite si les campagnes de premier tour devaient être concurrentes. Il préparerait surtout un accord politique complet car j'entends pour ma part subordonner tout désistement au deuxième tour à des engagements précis sur notre place au gouvernement en cas de victoire et sur le nombre et la qualité des investitures connues pour toutes les échéances électorales de la séquence 2007-2008, les législatives bien sûr, mais également les municipales, les cantonales et les sénatoriales.
Les radicaux appellent à un partenariat rénové et rééquilibré. Là non plus, ils ne se résignent pas à la division.
Tels sont les principaux enjeux de notre Congrès : l'élection du Président sur la base d'un projet pour le parti et d'une stratégie à gauche.
Ce n'est pas principalement à Lyon que nous débattrons des lourdes questions européennes actuellement posées puisque nous avons déjà arrêté la date et le lieu de la Convention nationale que nous consacrerons à ce seul sujet.
Mais nul ne comprendrait pour autant, parmi les radicaux ou parmi ceux qui les observent, que le Congrès du PRG n'évoque pas du tout ces questions, comme si nous étions, là aussi, résignés à un échec de l'Europe ou résignés devant l'état du monde.
Pour moi, je ne fuirai pas le sujet européen même si je sais qu'il peut nous diviser. Dès lors que les positions des uns et des autres sont fondées sur des convictions, le débat ne peut être que fécond. J'ai dit devant l'Université d'été quelle était ma position : le Traité qu'on nous soumet est certes imparfait, il ne constitue qu'une modeste avancée vers notre projet d'Europe fédérale, il devra être amélioré, tout cela est vrai, mais jamais depuis l'échec de la Communauté Européenne de Défense, jamais en cinquante années, les radicaux ne se sont opposés à un progrès de la construction européenne.
J'entends les arguments de certains pro-européens -et parmi mes proches amis- qui voudraient rejeter le Traité parce qu'il ne réalise pas instantanément les Etats-Unis d'Europe auxquels nous sommes attachés. Nous voterions en quelque sorte contre l'Europe au nom de l'Europe. Je dis à ces amis que le mieux est souvent l'ennemi du bien et que la route est encore longue vers l'Europe fédérale. Gardons le cap et progressons à la vitesse du possible sans se réfugier dans l'utopie.
J'entends aussi, même si je les considère moins, les arguments de ceux qui se défient de l'Europe au nom de ce qu'il faut bien appeler une sorte d'intégrisme républicain. De même que la République ne s'est pas dissoute, comme on le craignait ou comme on feignait de le craindre, dans la décentralisation mais a, au contraire, enrichi son unité d'une diversité enfin reconnue, elle ne s'évaporera pas plus demain dans une Europe qui, même si elle était beaucoup plus intégrée, devrait respecter les nations qui la composent et les compétences des Etats qui la construisent. Cette peur devant l'Europe n'est pas fondée ; elle est une fausse peur invoquée, de bonne ou de mauvaise foi, par tous ceux qui cherchent des raisons de mêler leurs voix à celles des souverainistes et de tous les extrémistes. Je crois que ce n'est pas un chemin digne des radicaux.
A tous ceux qui veulent plus d'Europe et à ceux qui veulent plus de République, il nous faut dire aujourd'hui que le processus de construction européenne constitue la seule chance pour la France, dans un contexte de mondialisation débridée et inorganisée, d'exporter ses valeurs et d'en assurer la diffusion. Nous ne nous battrons pas pour l'humanisme laïque républicain dans un fortin assiégé mais au contraire depuis une Europe renforcée.
Au reste, lorsque nous parlons de mondialisation inorganisée, nous ne manquons pas d'observer que l'actuel état du monde est au moins organisé par la loi du plus fort.
Les élections américaines viennent de renforcer encore le camp des gendarmes du monde qui décident, sans aucun égard pour le droit international ni pour l'O.N.U., de bombarder tel Etat, de l'occuper et de le piller, de boycotter tel autre ou d'ostraciser un troisième, tout en protégeant toutes les dictatures qui servent les intérêts des firmes américaines et respectent la pseudo-morale forgée, à Washington, par des évangélistes ultra- conservateurs.
Et face à ce déferlement de puissance militaire, économique et culturelle, toutes les frustrations du monde vont se durcir et s'enkyster dans l'ethnicisme, le tribalisme et la religiosité. Sommés de choisir entre Bush et Ben Laden, entre deux caricatures de l'universalité et de l'identité, les radicaux ne se résignent pas et refusent cette simplification lourde de toutes les menaces pour la liberté.
Ils entendent le message de George Bush et de son entourage sur leur " croisade contre les forces du mal ". Ils voient les résultats de cette politique en Irak, en Afghanistan, mais aussi au Soudan, en Iran ou en Palestine. Et ils observent que ce qui fait le plus défaut pour aller vers un nouvel ordre mondial juste et équilibré, c'est précisément la laïcité.
Contrairement à une idée répandue, la laïcité n'est pas un concept spécifique à la France. Elle existe comme garantie de la neutralité des institutions publiques et donc de la liberté de conscience individuelle dans la législation ou la culture politique de nombreux pays. Elle existe surtout dans le besoin qu'expriment des partis importants de l'opinion publique chez nos partenaires européens même s'il est vrai qu'aujourd'hui les institutions européennes elles-mêmes ne sont pas protégées par le principe de laïcité.
Voilà donc ce que je crois être la grande contribution à apporter par la France, par la gauche française et au sein de la gauche, spécialement par les radicaux : nous devons militer pour une laïcité progressivement étendue à l'Union Européenne.
Nous pourrions alors espérer assister au reflux progressif des communautarismes qui transforment nos pays en marqueteries ethniques et religieuses totalement contraires à l'idéal républicain. Nous pourrions en escompter aussi un progrès de l'idée républicaine elle-même tant il est vrai que la laïcité n'est compatible avec aucune institution enracinée dans le " droit divin ". Nous y gagnerions sans doute en qualité et en extension des systèmes scolaires publics. Et nous pourrions nourrir l'espoir raisonnable que la diplomatie européenne saurait rappeler avec force à tous les belligérants que les questions religieuses doivent être cantonnées dans la sphère privée.
Il s'agit d'un grand chantier, ambitieux et difficile. Mais qui peut l'entreprendre si ce n'est les radicaux avec tous les alliés républicains qui se reconnaîtraient dans ce nouvel horizon militant ? Et c'est précisément la raison qui me fait proposer l'internationalisation de notre action comme une des principales orientations de la période qui s'ouvre.
Un parti radical de gauche rénové, plus ouvert et doté d'une image plus moderne, des radicaux porteurs d'initiatives pour le rassemblement et pour les futures victoires de la gauche, un radicalisme offensif en Europe pour y faire progresser l'idée laïque, telles sont les principales propositions que je détaillerai sous forme d'un contrat lors de notre Congrès de Lyon et autour desquelles j'appelle d'ores et déjà tous les militants à se rassembler pour les porter comme des exigences nouvelles.
Comme hier, mais dans des formes renouvelées, je me tiens pour ma part à la disposition de notre parti et de chacune et chacun d'entre vous.
Ne nous résignons pas. Ouvrons ensemble une ère nouvelle pour le radicalisme.
(Source http://www.planeteradicale.org, le 10 décembre 2004)