Déclaration, point de presse et entretiens de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, avec la chaîne marocaine 2M, RFI et TV-Dubai et avec le journal marocain "Al Ahdath al-Maghrebiya" le 11 décembre 2004 à Rabat, sur le soutien de l'Occident aux réformes politiques et économiques dans les pays arabes, proposé par le G8 et engagé dans le processus européen de Barcelone, et l'urgence d'un règlement de paix au Proche-Orient.

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Circonstance : Forum de l'avenir au Maroc le 11 décembre 2004 : participation de Michel Barnier à la réunion co-présidée par le Maroc et les Etats-Unis au titre du G8 à Rabat le 11

Média : 2 M - Al Ahdath al-Maghrebiya - Presse étrangère - Radio France Internationale - Télévision - TV-Dubai

Texte intégral

(Intervention au Forum de l'avenir à Rabat le 11 décembre 2004) :
Je souhaite tout d'abord remercier le Maroc et son ministre des Affaires étrangères, cher Mohamed, pour l'accueil qui nous est offert ici, à Rabat. Je salue également Colin Powell, que je viens de voir à Bruxelles, qui co-préside notre réunion au titre du G8, et lui redis, alors qu'il se prépare à quitter ses fonctions, toute mon amitié et toute notre estime.
Cette réunion est importante car elle nous permet d'examiner concrètement la mise en oeuvre d'orientations débattues à Sea Island et lors de la réunion de New York sur notre coopération en matière de réforme et de modernisation.
La déclaration et le plan d'action adoptés au dernier Sommet du G8 témoignent en effet de notre volonté d'accompagner les pays de cette région afin qu'ils acquièrent la place qui leur revient dans une mondialisation mieux maîtrisée.
Le plan d'action trouve aujourd'hui l'une de ses premières traductions concrètes. Nous sommes conscients des attentes et parfois des interrogations des pays de la région sur la démarche qui s'engage. Ce Forum doit nous permettre d'entendre cette complexité, de croiser nos cultures et nos approches du changement et de témoigner d'une meilleure écoute de la société civile mieux que nous avons l'habitude de le faire.
L'Europe entretient avec cette région une relation singulière. Notre proximité, notre passé commun, nous ont permis de construire, avec un grand nombre d'entre vous, un partenariat euro-méditerranéen riche et original.
Ce partenariat, né il y a dix ans, dans un moment d'espoir d'un règlement des crises régionales, nous a appris à travailler ensemble, à échanger nos idées. Malgré les difficultés, Barcelone nous a permis de développer une compréhension partagée des défis et, très largement, d'identifier ensemble des solutions.
Avec ce Partenariat, avec le dialogue entre l'Union et les pays du Golfe, le dialogue UE-Yémen et d'autres outils, nous disposons d'instruments élaborés de coopération. Le "Partenariat stratégique pour la Méditerranée et le Moyen-Orient élargi", adopté en juin dernier, en est le plus récent développement. Nous sommes profondément attachés à ces cadres de travail commun.
C'est fort de ces acquis que nous participons à l'initiative BMENA, que nous nous inscrivons dans l'effort collectif, avec nos outils.
Notre soutien aux réformes doit s'accompagner, simultanément, avec la même énergie, d'un engagement renforcé dans le règlement des conflits qui déchirent la région, au premier rang desquels le conflit israélo-palestinien, qui minent le développement et qui nourrissent le ressentiment des populations. C'est un impératif si l'on veut que notre action réussisse : si la paix progresse, les investissements, la confiance dans les échanges et la réforme seront encouragés ; l'environnement permettra de surmonter les blocages, de réduire les crispations identitaires.
Comme l'ont souligné les auteurs des rapports du PNUD sur la région, un des défis majeurs qui se posent à la région, est celui de la transmission du savoir. C'est pourquoi le Plan d'action de Sea Island a fait des réformes éducatives l'une de ses priorités. La France souscrit à l'idée d'organiser le moment venu une conférence des ministres de l'Éducation de nos pays. Ce sujet sensible et délicat sera un test de notre capacité à marier réforme et respect des identités. Disposons d'abord d'un état des lieux et inscrivons-nous dans le prolongement des efforts menés dans les enceintes internationales, comme le programme "Éducation pour tous" de l'UNESCO.
Le plan d'action de Sea Island a aussi fait de la démocratie un élément central de l'engagement de la communauté internationale. Les travaux que la Turquie, le Yémen et l'Italie ont entrepris à Rome, résumés dans la déclaration du 25 novembre, identifient bien les conditions d'une démocratisation réussie : réformes induites de l'intérieur, nourrie par les sociétés civiles, fondées sur une plus grande participation de tous, notamment des femmes, trop souvent laissées pour compte.
Mais nous ne devons pas réduire la dynamique de notre dialogue en l'encadrant dans un carcan institutionnel contraignant. C'est pourquoi la France demeure réservée sur l'idée d'un secrétariat permanent du "dialogue d'assistance à la démocratie" et, plus généralement, sur l'institutionnalisation de nos initiatives au-delà de celles qui existent déjà.
Enfin, comment ne pas insister sur l'importance de la dimension économique et financière de notre dialogue, sur les perspectives ouvertes par une ouverture au commerce international, et je rejoins Mme Ferrero-Walner pour ses propositions en ce sens, dont le volet économique d'Euromed constitue un bel exemple, ou par une insertion réussie dans les institutions économiques multilatérales ? Nos collègues ministres des Finances passeront ainsi en revue les nombreux projets concrets de coopération décidés à Sea Island, tels que la Facilité de la Société de financement internationale, sur laquelle la France confirme son engagement.
Soyons à la fois volontaristes et lucides des réalités : les sociétés d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient sont très diverses par leur histoire, leurs traditions, leurs expériences. Elles ont beaucoup évolué depuis cinquante ans ; davantage - soyons en conscients - que les sociétés occidentales. Elles n'ont peur ni de la réforme, ni de la modernité. Nous pouvons, avec elles, aller plus loin, dès lors que nos mots d'ordre sont respect mutuel, dialogue, volonté de comprendre et de connaître plutôt que d'imposer un modèle.
L'Occident doit au monde arabe et musulman une part essentielle de sa culture, de ses connaissances scientifiques, de son art. Ce qu'il nous a transmis nous montre la voie : celle de l'échange et du mélange. Il n'est pas de meilleur principe pour bâtir entre nous l'avenir que nous souhaitons : un avenir de paix, de liberté et de progrès.
Je vous remercie.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2004)
(Ppoint de presse à Rabat le 11 décembre 2004) :
Mesdames, Messieurs,
Je tiens à vous dire dans quel esprit constructif je suis venu participer, au nom du gouvernement français, à ce forum pour la paix et à remercier les autorités marocaines et Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour l'hospitalité dont le Maroc, une nouvelle fois, fait preuve pour cette réunion qui est importante.
Pour nous, c'est une réunion de confirmation. Confirmation de la volonté de tous les pays qui sont autour de cette table d'associer leurs forces pour mieux travailler ensemble au progrès économique, politique et social. Confirmation aussi - nous avons été plusieurs à le dire - de l'engagement singulier et ancien de l'Union européenne depuis 10 ans pour donner, au-delà des mots, une réalité concrète à ce partenariat euro-méditerranéen qui est une des dimensions fondamentales, et qui doit le rester, de l'action extérieure de l'Union européenne.
J'ai même, j'ouvre une parenthèse, suggéré à mes collègues européens - parce que j'ai été pendant cinq ans commissaire européen chargé des politiques structurelles - que l'on imagine, avec la Commission européenne, d'appliquer à telle ou telle région de cette rive, notamment dans le Maghreb, les méthodes de la politique régionale européenne qui a fait ses preuves dans les régions les moins développées de l'Union. Donc, ce processus de Barcelone est une des dimensions majeures de l'action extérieure de l'Union. Et je le dis parce que je comprends qu'il y a des craintes ou des doutes sur cette dimension méditerranéenne de l'action de l'Union européenne au moment où nous venons d'accueillir dix pays d'Europe centrale, orientale ou baltique. Je veux dire comme ministre français et comme ancien commissaire européen, que cette dimension méditerranéenne restera une dimension majeure de notre action extérieure.
Confirmation aussi de notre disponibilité à agir en tant que Français, en tant qu'Européens, avec d'autres partenaires, notamment au sein du G8, mais toujours, je le répète, dans le souci permanent du respect du processus de Barcelone.
Nous sommes donc ici dans une démarche de participation, comme membre du G8, comme membre de l'Union européenne, comme voisin et ami de cette région. Mais c'est une participation vigilante, parce que nous tenons à préserver la spécificité du processus central qui est celui de Barcelone.
J'ai enfin rappelé dans mon intervention que progrès, démocratie, modernisation exigent le règlement des crises et, d'abord, exigent le règlement du conflit israélo-palestinien. Si on essaie de contourner cette exigence-là, cette exigence initiale, qui a été rappelée par beaucoup de mes collègues, alors on fait deux fois fausse route et on n'aura ni la paix, ni le progrès. Le progrès de cette région doit aller avec la relance du Processus de paix et du dialogue entre Israéliens et Palestiniens. Et je le dis en partageant l'espérance que nous sentons en ce moment. Nous sommes très nombreux à avoir l'impression que 2005 peut-être l'année de la paix, si Américains, Européens dans le cadre du Quartet avec les Russes et les Nations Unies, l'ensemble des pays arabes qui sont les premiers concernés, et à raison, par ce conflit, agissent ensemble. J'ai, avant la disparition du président Arafat, dans les mois qui ont suivi ma nomination comme ministre des Affaires étrangères de la France, effectué une visite à Ramallah, et au mois d'octobre j'ai effectué une visite officielle en Israël, et je suis revenu avec cette conviction qu'il y avait des éléments permettant la relance de ce dialogue et de ce Processus de paix. Ces éléments sont toujours là. Et aujourd'hui, c'est une nouvelle étape qui commence, une nouvelle page qui peut être écrite et notre responsabilité, celle de notre génération est de remettre en route ce Processus de paix à partir de la Feuille de route. Donc, pour moi, comme pour mes collègues européens, qui sont unanimes à propos de ce conflit et des moyens d'en sortir, ce sera la priorité de notre action dans les semaines et les mois qui viennent.
Mais ce que je dis à propos de ce conflit central, qui est le conflit israélo-palestinien, est également juste pour tous les autres conflits. Il n'y aura de progrès pour cette grande région que s'il y a la paix. Je suis venu ici réaffirmer cette vision que la France a de cette modernisation. Il faut qu'elle soit progressive, il faut qu'elle soit respectueuse des identités et des peuples, que les peuples s'approprient cette démarche, qu'elle soit marquée par la coopération dans le respect mutuel et elle doit être accompagnée sans relâche de la recherche de la paix.
Q - Ne trouvez-vous pas que le plan de réformes envisagé est un peu timide au regard de l'ampleur du chômage et des problèmes de la région ?
R - D'abord, je trouve très important qu'on prenne l'habitude de se parler. L'idée que tous les pays de cette très grande région, qui va au-delà du Maghreb où nous nous trouvons et du bassin méditerranéen lui-même, que tous ces pays prennent l'habitude de se retrouver dans un forum, les ministres de se rencontrer - aujourd'hui, les ministres des Finances sont avec nous, j'ai le souci de rappeler que je suis accompagné par M. Devedjian qui est ministre délégué auprès du ministre de l'Économie et des Finances français et qui participe à la deuxième partie de ce forum en ce moment -, tout cela est très important. Ce n'est pas si facile que cela, à part dans l'enceinte des Nations unies, d'avoir dans cette grande région, où il y a des problématiques communes, une occasion de se retrouver entre responsables de ces pays, les Américains, les Européens, les Canadiens aussi, et d'autres encore. Donc, la démarche est utile. Encore une fois, elle ne se substitue pas à d'autres instruments, à d'autres démarches. Elle s'y ajoute. Vous évoquez tel projet, telle ou telle initiative. Ces projets sont modestes, il y en a quelques-uns qui sont concrets. C'est plutôt l'état d'esprit qui est important. Et parce que cela s'ajoute et que cela ne se substitue pas, ce qui reste, pour moi, l'instrument principal de cette coopération, c'est le processus de Barcelone. Et quand vous regardez ce que nous faisons dans ce processus depuis 10 ans, qui mérite d'être relancé, amplifié, continué, notamment la nouvelle politique de voisinage que mène l'Union européenne, là vous avez quand même des sommes et des initiatives qui ont une autre dimension. Voilà ce que je peux dire.
Q -Monsieur le Ministre, vous avez dit tout à l'heure que les progrès exigent le règlement d'un certain nombre de crises, en particulier le conflit israélo-palestinien et aussi l'Irak. Et on sait que les positions de l'Europe et des États-Unis ne sont pas les mêmes. En avez-vous parlé ?
R - Non, le sujet n'était pas celui de l'Irak, puisque nous avons eu une autre conférence à laquelle j'ai participé, à Charm el-Cheikh il y a quelques semaines, consacrée au processus politique qui doit enfin être mis en oeuvre en Irak, puisqu'on ne sortira de cette crise de l'Irak ni par des opérations militaires, ni par des armes, ni par des soldats supplémentaires mais par le dialogue, par les élections, qui doivent être bien organisées pour être équitables et intéresser l'ensemble du territoire irakien, le 30 janvier prochain.
Nous avons eu cette conférence de Charm el-Cheikh et nous étions - pratiquement tous ceux qui sont autour de cette table, et quelques autres qui n'y sont pas aujourd'hui à Rabat -, nous étions à Charm el-Cheikh. Donc, je ne veux pas revenir sur ce sujet, sauf pour dire que nous souhaitons consolider la sortie de cette crise par la démocratie et par l'action politique. C'est dans cet esprit que la France a participé à la réunion de Charm el-Cheikh. Et nous sommes prêts à contribuer à la reconstruction politique et économique de l'Irak tout en confirmant qu'il n'y aura pas, ni aujourd'hui, ni demain, de soldats français en Irak.
Ce que j'ai dit de cette double exigence de progrès et de paix vaut d'abord pour le conflit israélo-palestinien parce que c'est le conflit central, et il vaut pour tous les autres conflits.
Q -Monsieur le Ministre, pourquoi dites-vous que vous n'êtes pas favorable à l'institutionnalisation d'initiatives telles que celle qui vient d'avoir lieu ?
R - Parce qu'il ne faut pas multiplier les structures administratives - derrière le mot institutionnalisation, il y a cette idée de créer des structures qui s'ajouteront à celles qui existent déjà - et la raison, si vous lisez bien le texte de mon intervention, vous trouvez la réponse, c'est que, pour nous, nous avons déjà une structure en tant qu'Européens et le président de la République l'a dit à Sea Island, je l'ai dit à New York, je le redis aujourd'hui. On a besoin, sans doute de ce forum, d'initiatives concrètes à condition de s'en donner les moyens. C'est une bonne chose de se retrouver pour parler et pour coopérer mais tout cela ne remplace pas, ne se substitue pas, à une politique institutionnelle, qui est pour nous fondamentale et dont nous allons fêter le dixième anniversaire l'année prochaine, qui est le processus de Barcelone.
Q - Monsieur le Ministre, quelles sont, pour vous, les principales divergences entre notre position et la position américaine par rapport au Proche-Orient pour le règlement du conflit ?
Vous avez eu une rencontre bilatérale avec votre homologue saoudien. Quelle a été la teneur des discussions ?
R - L'habitude n'est pas que je rende compte de mes rencontres bilatérales. Nous avons évoqué, avec mon homologue saoudien, au-delà de questions bilatérales franco-saoudiennes, les deux conflits que nous venons d'évoquer. Je lui ai demandé comment il voyait les choses sur le conflit irakien et sur la relance du Processus de paix entre Israéliens et Palestiniens.
Je ne suis pas dans l'état d'esprit de chercher des différences avec les Américains à propos du conflit israélo-palestinien. Il y avait une différence, que vous connaissez tous, qui était que nous respections et que nous parlions avec Yasser Arafat - c'est dans cet esprit que je suis allé à Ramallah à la fin du mois de juin. Il y avait un souci commun, puisque nous l'avons élaboré ensemble, de préserver la Feuille de route et d'utiliser le Quartet. Il me semble que, sur ces deux points fondamentaux aujourd'hui, nous sommes d'accord. Nous sommes dans l'état d'esprit, non pas de chercher des différences ou des divergences, mais de pousser à un nouveau volontarisme entre Américains et Européens. On a beaucoup parlé à Bruxelles cette semaine, avant-hier je m'y trouvais, au Conseil ministériel de l'OTAN, de la relation transatlantique. Je vais vous dire ma conviction, c'est que si, comme je le souhaite, on relance, on rénove cette relation transatlantique entre Européens et Américains, le test ou la preuve doit en être le règlement du conflit israélo-palestinien. C'est pour moi l'objet, le sujet principal aujourd'hui de cette relation transatlantique, que de contribuer à la relance du Processus de paix entre Israéliens et Palestiniens.
Q - Si je suis votre raisonnement, Monsieur le Ministre, dans ce cas qu'est-ce qui nous empêche de nous impliquer plus en Irak, militairement ? Au final, la stabilisation de l'Irak est dans l'intérêt mondial et dans notre intérêt aussi.
R - Mais nous sommes engagés. Je vous ai dit depuis longtemps que nous n'avons pas approuvé cette guerre et qu'il n'y aurait pas de soldats français. On peut aider à la reconstruction politique et économique de l'Irak autrement qu'avec des soldats. Voilà ma réponse.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez dit que les réformes devaient être induites de l'intérieur. Est-ce que vous avez le sentiment que les gouvernements des pays arabes sont prêts à les mener?
R - Écoutez, j'ai le sentiment en écoutant ceux qui se sont exprimés qu'ils étaient prêts à ces progrès. Mais ce sont eux que vous devez interroger. Beaucoup ont parlé de démocratie, de progrès, de Droits de l'Homme, moi-même, j'ai parlé des Droits de l'Homme et du droit des femmes. Après, il faut voir si les actes correspondent aux promesses et aux engagements, mais il y a quand même, dans beaucoup de ces pays, un mouvement de modernisation. Je pense qu'il sera facilité et accentué si, dans cette région, on retrouve la stabilité et la paix.
Q - On sent un peu les hésitations de l'Union européenne à aller franchement vers cette initiative et vous-même vous venez justement de le confirmer...
R - Vous avez senti cela ?
Q - On sent franchement que l'Union européenne n'est pas...
R - Mais nous sommes là : Javier Solana, Mme Ferrero-Waldner, plusieurs ministres de l'Union européenne qui participent au G8, le Britannique, l'Allemand, l'Italien, le Français. Nous sommes là, donc si nous ne voulions pas y être, nous n'y serions pas. Nous sommes là en rappelant que cette grande idée de dialogue, dans cette très grande région, ne nous détourne pas de notre action patiente, tenace, partenariale depuis 10 ans, qui s'est inscrite dans le processus de Barcelone. Et, pour nous, c'est l'instrument et l'initiative principale, et qui le restera.
Il n'y a pas d'hésitations ou de frilosité. Nous sommes là. Encore une fois, si nous ne voulions pas être là, nous n'y serions pas. Et nous rappelons que, depuis dix ans, nous avons engagé ce processus de dialogue euro-méditerranéen, que nous l'avons amplifié, que nous l'avons nourri avec beaucoup de projets et beaucoup d'argent et que nous souhaitons continuer parce que cette région a besoin d'un dialogue continu et partenarial durable.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez insisté sur le partenariat euro-méditerranéen, les Américains insistent sur leurs accords de libre-échange. Vous ne croyez pas que la région, sans le vouloir, est une zone de concurrence entre les Européens et les Américains sur ce plan là ?
R - Il n'y a pas de concurrence, nous sommes là ensemble.
Q - En même temps vous refusez d'institutionnaliser. Vous redoutez donc un peu cette concurrence, puisque vous refusez que le forum soit institutionnalisé ?
R - Vous pouvez dire cela.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2004)
(Entretien avec la chaîne marocaine 2M, RFI et TV-Dubai à Rabat le 11 décembre 2004) :
Q - Comment le Forum va traiter le conflit culturel ou l'aspect culturel, la divergence entre le Sud et le Nord, entre le Moyen-Orient et l'Europe, surtout qu'il reflète des conflits : l'islam radical...?
R - J'ai beaucoup insisté pour que ce dialogue réussisse, et sur l'esprit dans lequel on doit le conduire. C'est d'ailleurs l'esprit que nous avons nous-mêmes initié avec le processus de Barcelone qui est un vrai processus partenarial où l'Europe et l'autre rive de la Méditerranée dialoguent en partenaires, en se respectant mutuellement, en respectant leur identité. Et cette diversité de culture est la marque même de notre identité. Donc, si nous sommes ici, ce n'est pas dans un état d'esprit différent. Nous sommes là pour rappeler que le processus de Barcelone reste pour nous l'instrument principal et nous allons d'ailleurs en fêter le dixième anniversaire l'année prochaine. Nous allons le consolider. Au moment même d'ailleurs où l'Europe s'élargit vers l'Est, nous souhaitons, nous Français, avec nos partenaires européens, préserver cette dimension majeure de notre action extérieure qui est la dimension méditerranéenne. Et naturellement, dans cet esprit-là, comme nous le prouvons depuis une dizaine d'années, si nous participons à ce grand dialogue dans cette région plus grande encore, c'est avec le même état d'esprit, pour préserver et pour respecter les identités et la diversité culturelle.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez souligné, durant cette conférence, la nécessité de réaliser un progrès sur les volets politiques, notamment sur le conflit au Proche-Orient. Est-ce que vous avez eu l'impression que votre discours a été entendu ?
R - Comment imaginer qu'on réalise le progrès pour les hommes et les femmes qui en ont besoin pour la modernisation de l'économie, la croissance, l'emploi si l'on continue, dans cette grande région, à avoir autant de conflits, autant d'instabilité ? Donc, il faut ne pas se tromper et si on se trompe on aura ni le progrès, ni la paix. Le progrès et la paix vont ensemble. Donc, il faut avancer ensemble sur ces deux terrains. Voilà pourquoi j'ai insisté avant d'autres et après d'autres parce que cette opinion a été largement exprimée autour de la table, qu'il fallait maintenant s'attaquer sérieusement, puisque nous avons ce cadre de dialogue, aux conflits qui troublent et déstabilisent cette région et d'abord le premier d'entre eux, le plus ancien, qui est le conflit israélo-palestinien. J'ai exprimé le sentiment partagé par beaucoup de mes collègues que cette nouvelle page peut être écrite maintenant, que 2005 peut enfin être l'année d'une paix ou d'une négociation de paix durable entre Israéliens et Palestiniens à condition que l'on y arrive tous ensemble dans le même sens, c'est-à-dire les Américains, les Européens - et nous sommes prêts à accompagner ce processus de paix - et les pays arabes naturellement.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez parlé d'une participation vigilante de la France à ce Forum, pourquoi ?
R - Nous sommes dans ce forum et nous pensons qu'il est utile, puisqu'il associe des pays de part et d'autre de l'Atlantique, de part et d'autre de la Méditerranée et d'une manière très large. Nous avons simplement le souci de rappeler, c'est cette vigilance que j'ai exprimée, que depuis dix ans les Européens n'ont pas attendu pour engager un vrai dialogue avec l'autre rive de la Méditerranée. Cela s'appelle le processus de Barcelone et c'est un dialogue politique, c'est un dialogue de progrès économique, c'est un dialogue qui s'accompagne de crédits importants - on appelle cela la politique de voisinage et j'ai participé à cette politique comme commissaire européen pendant 5 ans. Notre vigilance c'est simplement de dire que ce grand dialogue suggéré par les Américains, auquel nous participons, ne se substitue pas, ne remplace pas ce que les Européens ont engagé depuis 10 ans avec le processus de Barcelone.
Q - Monsieur le Ministre, est-ce que vous avez senti auprès des délégations arabes ou bien de vos interlocuteurs arabes, une certaine crainte qui vient de l'exigence que cette démocratie puisse provoquer le raz-de-marée islamiste au pouvoir?
R - Non, je n'ai pas entendu cette crainte et je crois qu'il faut faire confiance à ces dirigeants pour faire progresser la démocratie, la tolérance, la modération. Voilà, j'ai plutôt le sentiment que ce qui peut provoquer de telles dérives extrêmes ce serait que la pauvreté, le sous-développement, l'absence d'éducation, la guerre continuent. Donc, il faut encore une fois faire progresser ensemble la modernisation économique avec la paix.
Q - Vous avez aussi souligné la nécessité d'approfondir les relations européennes et américaines ; Vous vous rendez à Washington dans deux jours. Est-ce que vous pensez que les divergences ont diminué et qu'on avance vers plus de dialogue ?
R - Nous voulons regarder devant nous dans nos relations avec les États-Unis et non pas dans le rétroviseur. Donc, dans cet état d'esprit-là, nous dialoguons et même, nous agissons ensemble dans beaucoup de domaines - que je veux rappeler - contre le terrorisme, dans la gestion de certaines crises, le Kosovo, l'Afghanistan, Haïti, en Afrique, nous sommes ensemble. C'est vrai que nous avons par ailleurs sur l'organisation du monde, sur l'exigence de combattre en même temps que le terrorisme les racines du terrorisme, c'est-à-dire la pauvreté, les crises, les guerres, nous avons parfois au cours du dialogue des désaccords avec les États-Unis. Raison de plus pour en parler. Nous voulons regarder devant nous et nous pensons que c'est le moment entre Européens, et des Européens qui s'organisent, pour être un acteur politique - c'est l'objet de la nouvelle Constitution européenne - et les Américains dont le président George Bush vient d'être réélu, c'est le moment de rénover, de relancer ce dialogue transatlantique. Mais ce qui est au coeur de ce dialogue aujourd'hui comme une preuve ou comme un test, c'est qu'ensemble nous agissions pour relancer le processus de paix israélo-palestinien.
Merci.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 14 décembre 2004)
(Entretien avec le journal marocain Al Ahdath al-Maghrebiya à Rabat le 11 décembre 2004) :
Q - Qu'attend la France du Forum de l'avenir ?
R - Selon les termes de la déclaration du G8 à Sea Island, la vocation du Forum est de "servir de cadre pour être à l'écoute des besoins de la région et veiller à ce que nos efforts collectifs répondent à ces besoins". Ce que nous attendons du Forum, c'est de permettre cette écoute et cet échange, pour que nous puissions mieux soutenir les efforts de réforme engagés dans le monde arabe dans les domaines politique, économique et social.
Le Forum n'est donc pas une institution supplémentaire. Les enceintes de partenariat et de coopération avec les Etats de la Méditerranée et du Moyen-Orient sont déjà nombreuses, chacune a sa logique propre qui doit être préservée. Mais le Forum doit favoriser le dialogue plus nécessaire que jamais pour prévenir tout risque de fracture entre l'Occident et le monde arabe.
Q - Comment voulez-vous que les peuples arabes croient en la volonté du monde occidental de faire avancer leurs sociétés, alors qu'il ne fait rien de concret, à leurs yeux, pour mettre fin à l'occupation israélienne (...) et qu'il semble impuissant face au chaos qui s'installe en Irak ?
R - Il est clair que le soutien aux réformes doit s'accompagner d'une implication renforcée de la communauté internationale dans le traitement des crises au Proche et au Moyen-Orient. Ces efforts doivent être menés de front. C'est une condition de notre crédibilité. Elle a d'ailleurs été rappelée à Sea Island, largement à la demande de la France.
Il reste qu'une dynamique de réforme s'engage dans le monde arabe, comme en témoignent le Sommet de la Ligue arabe à Tunis en mai dernier, ou les efforts remarquables des autorités marocaines. Notre devoir est de soutenir cette dynamique. Le Forum doit nous permettre de mieux identifier les attentes et les besoins de nos partenaires du Sud pour être plus efficaces, ensemble. Nous attendons beaucoup de la mobilisation de nos partenaires du Sud et de la présidence marocaine pour nourrir nos échanges.
Q - Dans la Déclaration du G8 à Sea Island, les 8 Etats mentionnent le processus de Barcelone et les accords de libre-échange entre les Etats-Unis et les pays de la région, comme exemples de la volonté des pays industrialisés de créer une dynamique dans la région. Les observateurs y voient, au contraire, une concurrence entre l'Europe et les Etats-Unis pour jouir d'une position privilégiée dans la région. Qu'en pensez-vous ?
R - Nous ne raisonnons pas en ces termes. L'objectif partagé est bien la pleine insertion des pays de la région dans le système économique et commercial multilatéral et le développement de l'intégration régionale. C'est le sens de l'engagement européen à travers le partenariat euro-méditerranéen et le dialogue avec les Etats du Golfe. Toutes les initiatives qui contribuent à cette intégration doivent être encouragées.
Q - Est-ce que le partenariat euro-méditerranéen pourrait aider l'Union européenne à se démarquer des USA dont les initiatives sont reçues avec un scepticisme grandissant dans la région ?
R - L'Europe entretient depuis longtemps un partenariat étroit et confiant avec les Etats de la Méditerranée et du Moyen-Orient. Il a sa logique propre, fondée sur notre proximité historique, géographique, culturelle, économique, humaine. Nous célébrerons en 2005 le Xe anniversaire du processus de Barcelone. C'est une occasion à saisir pour rénover et renforcer cet instrument original qui est la pierre angulaire des relations entre l'Europe et la Méditerranée. Des réflexions sont en cours, et le Maroc y participe de manière particulièrement active.
Q - Que fait la France pour aider les Palestiniens à organiser leurs élections ?
R - Les prochaines élections palestiniennes sont fondamentales pour la réorganisation de l'Autorité palestinienne. La France et l'Union européenne sont attachées à leur réussite. Nous participons depuis longtemps à la préparation des processus électoraux. Pour l'élection présidentielle, nous enverrons des observateurs européens. Michel Rocard, ancien Premier ministre français, a été chargé par l'Union européenne de diriger cette équipe d'observateurs.
Q - M. Colin Powell a considéré récemment la candidature de Marwan Barghouti comme étant "problématique". Comment voyez-vous cette candidature ?
R - Il appartient aux Palestiniens de désigner les candidats à leurs élections. Nous ne portons pas de jugement sur les personnes - une dizaine - qui sont candidates à la prochaine élection présidentielle.
Q - M. Powell a aussi émis, il y a quelques semaines, des doutes sur la possibilité de voir s'établir un Etat palestinien avant la fin de 2005. Avez-vous les mêmes doutes, ou au contraire croyez-vous qu'un Etat palestinien "viable" pourrait voir le jour au courant de l'année prochaine ?
R - L'objectif de tout processus politique est de conduire à la paix entre Israéliens et Palestiniens, ce qui passe notamment par la création d'un Etat pour les Palestiniens. La France a longtemps dit qu'un Etat était de nature à répondre aux aspirations du peuple palestinien et aux exigences de sécurité d'Israël. La Feuille de route prévoit la création de cet Etat et j'ai déjà eu l'occasion de dire que la mise en forme de cet Etat ne devait pas attendre 2009 comme cela a été avancé à Washington.
Q - Que comprenez-vous de l'expression "Etat viable" ?
R - La Palestine pourra affirmer qu'elle constitue un Etat viable le jour où ses choix politiques, économiques, financiers, culturels et sociaux pourrons s'exprimer sans contrainte. Appliqué à la bande de Gaza qui devrait bénéficier en 2005 du retrait de toute présence israélienne, ce concept de viabilité concerne principalement l'économie de la zone, au sens large du terme. Cela veut dire d'abord la viabilité géographique, un territoire d'une taille suffisante, établi sur la base des frontières de 1957 et avec un lien autonome entre Gaza et la Cisjordanie. Cela veut dire aussi que l'Autorité palestinienne pourra organiser ses échanges commerciaux intérieurs et avec l'étranger, assurer une liberté de circulation pour ses nationaux et décider de ses investissements en tenant compte de ses propres intérêts.
Q - La cérémonie consacrée à la dépouille du leader Arafat a montré, une nouvelle fois, la place exceptionnelle que réserve la France à la Palestine. Mais pourquoi cela ne se traduit-il pas en un rôle efficace et vraiment influent de l'Union européenne dans la recherche d'une solution qui mettrait un terme à l'occupation israélienne ? On a, dans le monde arabe, l'impression que l'Union européenne se contente en fin de compte du rôle que les Etats-Unis et Israël veulent bien lui accorder, c'est-à-dire un bailleur de fonds pour réaliser des projets que l'armée de l'occupant ne tarde pas à démolir !
R - Il est exact que la France, pour avoir toujours compris la cause palestinienne, entretient avec le peuple palestinien et ses représentants une relation d'amitié. Contrairement à ce que certains pensent, le rôle de l'Union européenne est fort. Concrètement, la Feuille de route est une idée européenne, comme le Quartet. Mon pays, comme d'autres Etats membres de l'Union, joue également un rôle fondamental au sein des institutions internationales comme les Nations unies, avec certaines résolutions comme par exemple celle sur le mur construit en partie dans les Territoires palestiniens ou la résolution 1559 du Conseil de sécurité qui a été votée le 2 septembre dernier par tous les Européens.
Q - La France demeure pour une solution politique sur la question du Sahara, mais qu'entreprend Paris concrètement pour mettre en oeuvre cette solution, d'autant plus que ses relations avec Rabat et Alger sont très bonnes ?
R - En effet nous avons de très bonnes relations avec les deux pays qui sont des partenaires privilégiés. La France ne cesse d'oeuvrer, auprès de ses partenaires comme au sein des Nations unies, pour faire progresser l'idée que le règlement ne peut être qu'une solution politique, agréée par les parties dans le cadre des Nations unies et sur la base d'une autonomie approfondie. Aucune solution ne saurait être imposée. Une telle solution mutuellement acceptable ne pourrait être que facilitée par un dialogue et un rapprochement entre Alger et Rabat, que la France encourage.
A cet égard, le climat très positif de la relation franco-algérienne est un atout. La France favorise avec ses partenaires européens ce rapprochement de l'Algérie et du Maroc, notamment à travers les enceintes de concertation euro-méditerranéennes auxquelles les deux pays participent : Forum méditerranéen, dialogue 5+5 et Conférence euro-méditerranéenne.
Enfin la résolution 1570 renouvelle le mandat de la MINURSO pour 6 mois et appelle les "parties et Etats de la région" à "progresser vers une solution politique". Sur le terrain, les efforts de l'ONU se concentrent sur la mise en oeuvre des mesures de confiance sous l'égide du HCR - visites familiales, lignes téléphoniques. Dans ce contexte, la France, au sein de l'Union européenne comme des Nations unies, se mobilise sur les aspects humanitaires du dossier afin d'aboutir à la libération des 412 prisonniers de guerre marocains encore détenus.
Q - Concernant l'Organisation des Nations unies, quelles sont vos premières impressions sur les propositions émises par le comité chargé par Kofi Annan pour réformer cette instance internationale qui semble être dépassée par les évènements ?
R - Il me semble au contraire que l'ONU démontre avec ce rapport sa volonté et sa capacité à réagir aux situations difficiles. Face aux nouvelles crises l'ONU s'est mobilisée : je vous rappelle que depuis un an, trois opérations de maintien de la paix ont été créées, en Côte d'Ivoire, en Haïti et au Burundi. Dans le domaine du développement, l'année 2005 connaîtra une mobilisation exceptionnelle de toutes les agences, dans la perspective du sommet de septembre à New York, qui se penchera sur la question du financement du développement. Enfin, en ce qui concerne la réforme des Nations unies, des propositions viennent d'être faites par un groupe de haut niveau. L'ONU prend acte des changements profonds survenus dans les relations internationales depuis 1945 : fin du colonialisme, droit des Etats à se défendre, nécessité de renforcer le Secrétariat général, de réformer la Commission des Droits de l'Homme. Sur la proposition visant à élargir le Conseil de Sécurité, vous savez que nous y sommes favorables.
Q - A première vue, ces propositions répondent-elles au désir français de soutenir un monde multipolaire ? Pourraient-elles rendre à l'ONU son "aura" ?
R - Derrière l'idée d'un monde multipolaire, il y a simplement le constat des réalités économiques, démographiques et culturelles de notre planète. Cette idée vise à permettre une meilleure prise en compte des perspectives de chacun des grands pôles aujourd'hui. L'ONU doit refléter ces points de vue dans leur diversité, et je crois qu'elle le propose dans son schéma de réforme. En tout cas, le rapport du comité souligne parfaitement les risques, et donc les enjeux de demain : fléau du sida, menace sur l'environnement, dégradation des conditions de vie sur certains continents, mais aussi conséquences pour tous de la raréfaction des "biens publics mondiaux" que sont l'eau potable, les sols fertiles, etc.
Si l'ONU parvient à se saisir de ces enjeux, ce n'est pas seulement son aura qui en sera grandie, mais l'ensemble de la communauté internationale.
Q - N'avez-vous pas le sentiment que quelques-unes unes des propositions tendent, d'une façon ou d'une autre, à "légitimer" le concept de "guerres préventives" cher aux néo-conservateurs américains ?
R - Ce n'est pas mon sentiment : même si le rapport accorde une large place, il est vrai, à la "prévention", il se garde bien de reprendre à son compte l'idée de guerre préventive. Prévenir, c'est guérir, dit-on en français, et il y a de la part de l'ONU une certaine légitimité à avertir les responsables politiques que le "défi de la prévention", pour reprendre l'expression du rapport, est en premier lieu le défi du développement, qualifié par le rapport de "fondement indispensable pour un système de sécurité collective".
Q - En parlant de ce concept, pourrait-on assister à une nouvelle guerre de ce genre contre l'Iran ou la Syrie ? Pourquoi pas, d'autant plus qu'il y a maintenant un antécédent, l'Irak ? A propos de l'Irak, où en sont les efforts pour libérer les deux otages français ?
R - D'abord le précédent que vous citez n'est pas à mon sens un incitatif très évident pour se lancer dans de nouvelles opérations de ce type. Ensuite, notre rencontre à Rabat démontre que nous allons plutôt dans le sens inverse : recherche de nouvelles voies pour le dialogue, concertation, écoute.
Nos efforts se poursuivent sans relâche pour parvenir à la libération de Christian Chesnot et de Georges Malbrunot.
Je n'ai pas d'autre commentaire à faire à propos de cette affaire ou la discrétion est indispensable si l'on veut être efficace.
Q - Croyez-vous que les élections irakiennes se tiendront au rendez-vous fixé (30 janvier) malgré l'atmosphère d'insécurité qui règne dans le pays ?
R - Ces élections représenteraient un moment essentiel de la vie politique irakienne. Il faut donc tout faire pour qu'elles aient lieu démocratiquement, dans la transparence, dans tout le pays. Le calendrier est fixé par la résolution 1546 du Conseil de sécurité, il a été réaffirmé lors de la conférence de Charm el-Cheikh le 23 novembre dernier. Nous voulons contribuer à ce processus, qui est politique, multilatéral. Et nous serons vigilants sur sa mise en oeuvre.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 décembre 2004)