Communiqué de MM. François Vaudreuil, président de la Confédération des Syndicats Démocratiques CSD et Jacques Voisin, président de la CFTC, sur le Comité confédéral de la Confédération mondiale du travail (CMT), Paris le 15 janvier 2004.

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La solidarité entre les travailleurs n'a pas de frontière. Comme membres et dirigeants d'une organisation syndicale nationale, nous avons la responsabilité de poursuivre sur le plan international l'action entreprise jour après jour sur le terrain par chacun de nos syndicats affiliés afin d'améliorer les conditions de travail et de vie des travailleurs et de défendre leurs droits syndicaux et démocratiques chaque fois qu'ils sont attaqués. L'action syndicale internationale s'alimente de tous ces gestes quotidiens posés dans nos milieux de travail.
À défaut d'assumer cette responsabilité, ce sont des millions de femmes et d'hommes, voire d'enfants qui, laissés à eux-mêmes, dépourvus de tout droit d'association et de négociation collective, continueraient à être les victimes d'une exploitation éhontée menée au nom du sacro-saint profit.
Sans la solidarité de tous les travailleurs au-delà de leurs différences sociales, culturelles, sans l'action concertée de toutes les organisations syndicales au-delà des frontières, la redistribution de la richesse est impensable, l'aggravation des inégalités est inévitable.
Sans cette nécessaire solidarité, ceux qui, en Asie, en Amérique latine, en Afrique, se battent pour un mouvement syndical et social libre, indépendant et démocratique continueront d'être l'objet de harcèlement, de violence, quand ils ne seront pas emprisonnés, voire assassinés.
Mais nous pouvons changer le cours de l'histoire et contrebalancer le discours que véhiculent les tenants du néo-libéralisme. Notre affiliation à la CMT nous offre l'opportunité de tisser, voire de resserrer nos liens avec des syndicalistes du monde entier partageant les mêmes valeurs et d'organiser à l'échelle internationale de nouvelles formes de solidarité.
C'est dans ce contexte de défense et de promotion de valeurs aussi fondamentales que la liberté, la démocratie, l'égalité, la justice sociale que s'inscrit notre participation au Comité confédéral de la CMT.
Un organisme décisionnel
Le Comité confédéral est composé de 51 personnes venant des différents secteurs professionnels et parties du monde. Il est l'un des trois organes décisionnels que compte la CMT, les deux autres étant le Congrès et le Bureau exécutif.
Le Comité confédéral, dont une des principales responsabilités est d'assurer la direction générale de la CMT, conformément aux décisions et aux orientations du Congrès, se réunit tous les ans, chaque fois sur un continent différent. Cette année, la rencontre s'est déroulée à Jakarta, en Indonésie, fin octobre 2003.
Il a également la responsabilité de définir la position de la CMT sur des questions dont l'urgence ne permet pas d'attendre la tenue du prochain congrès, plus particulièrement en ce qui concerne la situation précaire des droits de l'homme et des travailleurs.
Le Comité confédéral était l'hôte du Serikat Buruh Sejahtera Indonesia (SBSI), organisation membre de la CMT et seul syndicat indépendant du pays, alors que l'organisation régionale de la CMT en Asie est le Brotherhood of Asian Trade Unionists (BATU), présent dans treize pays : Bangladesh, Corée, Hong-Kong, Inde, Indonésie, Iran, Malaisie, Pakistan, Philippines, Sri Lanka, Thaïlande, Taïwan et Vietman.
Dans son allocution d'ouverture, Willy Thys, secrétaire général de la CMT, a souligné que l'Indonésie, pays de quelque 220 millions d'habitants, en majorité des musulmans, est un des seuls pays de l'Asie Pacifique qui a ratifié toutes les conventions de l'Organisation Internationale du Travail (OIT) mais malgré tout, les inégalités y encore très fortes et les violations des droits des travailleurs fréquentes.
La compagnie Nike est, selon Willy Thys, un de ces exemples qui illustrent le partage inéquitable de la richesse. En 1991, en Indonésie, le salaire d'un travailleur de Nike était de 0,45 $ par jour alors qu'un PDG de la compagnie recevait 3,2 millions $, ce qui faisait de lui une des personnes les plus riches au monde.
" La CMT est pour une mondialisation qui uvre pour la justice sociale, une mondialisation a visage humain et qui met tout en oeuvre pour le développement de tous ", a rappelé le secrétaire général.
L'Indonésie a une dette énorme, avec comme résultat que le gouvernement a réduit ses subsides pour les services publics, alors que dans le même temps le prix de l'électricité, de l'huile et de l'eau ont considérablement augmenté. Alors que dix millions d'Indonésiens sont sans emploi, le gouvernement continue de privatiser les sociétés d'État entraînant ainsi le licenciement de nombreux travailleurs.
Au niveau syndical, la situation n'est guère plus réjouissante, comme l'a souligné Muchtar Pakpahan, qui, jusqu'en mai dernier, assumait la présidence du SBSI avant de se lancer en politique. " J'ai toujours parlé des droits des travailleurs, de la liberté d'association, de la défense de la loi, de justice, de démocratie et du bien-être des personnes. Et à cause de cela, j'ai eu à faire face à l'intimidation, à la torture, à la prison et menacé d'être tué. Merci à la CMT et à ses organisations affiliées qui m'ont toujours supporté ainsi que mon syndicat. Grâce à vous, j'ai été relâché de prison et le SBSI peut apprécier la liberté d'association ", a-t-il déclaré.
Dans sa déclaration finale, le Comité confédéral de la CMT a offert son soutien inconditionnel au peuple indonésien et en particulier au SBSI pour leurs efforts en vue de réformer la société, de restaurer la démocratie et d'assurer le respect intégral des droits des travailleurs et de l'homme.
Pour l'ensemble de l'Asie, " où des milliers de travailleurs sont évincés, relocalisés ou licenciés en raison des demandes du marché de la mondialisation (privatisation, déréglementation des marchés et des mouvements de capitaux, libéralisation) sans qu'il n'existe une protection adéquate de leurs droits, le Comité confédéral exhorte les autorités, les institutions et la société civile à soutenir les actions des syndicats et des organisations nationales de la CMT afin d'engager un dialogue social, transparent et significatif entre les acteurs et d'intégrer une plus grande dimension sociale aux programmes de restructuration économique nationale ".
Dans cette déclaration, le Comité confédéral condamne également la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA), qui telle qu'elle est actuellement négociée, constitue une menace pour la population des Amériques. Il exhorte également la communauté internationale à entreprendre " toutes les actions diplomatiques nécessaires en vue de garantir la fin des hostilités et l'amorce d'un dialogue social qui permette d'établir démocratiquement la constitution de l'État palestinien gouverné indépendamment par les autorités palestiniennes ".
Concernant l'IRAQ, la CMT, solidaire avec la Confédération internationale des syndicats arabes (CISA), lance un appel urgent à l'établissement d'institutions économiques et sociales autonomes en vue de promouvoir la justice sociale, insistant sur le fait que l'ONU doit pouvoir y jouer pleinement son rôle.
L'Afrique a retenu, elle aussi, l'attention de la CMT, tout particulièrement la Côte d'Ivoire, où des militants syndicaux ont été brutalisés et blessés parfois même grièvement. La CMT a exhorté les autorités de ce pays à garantir la sécurité des syndicalistes tout en sollicitant l'appui de la communauté internationale afin d'éviter que la Côte d'Ivoire ne soit davantage en proie à la violence et à l'insécurité.
Toutes ces interventions sont arrimées par la solidarité, qui, plus que jamais doit être au cur de nos décisions, de notre engagement. Par l'entremise de la CMT, les organisations syndicales à travers le monde doivent travailler en synergie pour bâtir ce monde dont nous rêvons tous, solidaire, démocratique, humaniste.
La solidarité donne tout son sens à notre affiliation à la CMT, elle nous invite à dénoncer toute forme d'inégalités, d'iniquités et à lutter sans répit pour défendre les droits des travailleurs, des hommes. La mondialisation de nos solidarités est la voie privilégiée qu'il nous faut tous emprunter.
(source http://www.cftc.fr, le 20 janvier 2004)