Interview de M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales à "BFM" le 15 décembre 2004, sur les mesures à prendre, dont l'assouplissement de la loi Evin, pour faire face à la crise que connaît la viticulture française.

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Média : BFM

Texte intégral

Q- Moins d'une semaine après avoir manifesté dans toute la France par milliers, les viticulteurs étaient reçus hier soir au ministère de l'Agriculture. Ils réclament un plan gouvernemental pour sortir le secteur de la crise, due notamment à la surproduction et à la baisse de la consommation en France. N. Forissier, bonjour.
R- Bonjour.
Q- Vous êtes le secrétaire d'Etat à l'Agriculture. Vous étiez hier soir à la table des discussions avec votre ministre de tutelle, D. Bussereau. Alors, quelles mesures ont été annoncées hier soir ?
R- D'abord, nous avons fait un point complet de la situation avec les représentants professionnels de la viticulture française, y compris les producteurs et les négociants, et les organisations professionnelles agricoles, avec la volonté d'engager un travail, de poursuivre un travail, qui avait déjà d'ailleurs été engagé ces derniers mois avec H. Gaymard. Il y a deux aspects : il y a des aspects conjoncturels et puis il y a les réformes plus structurelles que l'on peut réaliser en concertation avec les professionnels.
Q- On va rappeler quand même quelques chiffres... N. Forissier : la viticulture en France c'est un chiffre d'affaires de 11 milliards d'euros dont plus de la moitié à l'exportation, et les Français, qui restent les plus importants consommateurs de vin au monde, ont vu quand même leur consommation considérablement chuter, d'environ de moitié en 40 ans, 58 litres par habitant et par an, alors que dans le même temps, la consommation des autres alcools progressait fortement.
R- On consomme beaucoup moins de vin, on cherche aussi à en consommer, soit toujours un peu meilleur, un peu plus exceptionnel. Il y a une évolution des modes de consommation mais c'est sûr qu'en volume, les choses ne sont pas au même niveau qu'autrefois, ce qui suppose de compenser et de se développer ailleurs, notamment à l'export, et c'est un des éléments sur lequel nous travaillons. Et ce que je veux dire, c'est que l'on est conscient qu'il y a des problèmes structurels sur lesquels il faut que l'on puisse avancer rapidement. C'est pour ça qu'avec D. Bussereau, nous avons annoncé la mobi... (coupure liaison)
Q- Apparemment, [on a de] petits problèmes de téléphone avec le ministère de l'Agriculture... Il est 08h38, on va faire une courte pause.
R- [Pause publicitaire]
Q- Voilà. 08h39, N. Forissier, vous êtes à nouveau avec nous ?
R- Oui.
Q- Voilà, il faudra demander un nouveau téléphone à votre collègue P. Devedjian, de l'Industrie, parce que ça ne marchait pas très bien, chez vous. Alors, quelles mesures ont été annoncées ? Dites-nous maintenant quelles mesures ont été annoncées hier soir lors de la rencontre avec les viticulteurs.
R- Nous avons annoncé la mobilisation des dispositifs de soutien qui peuvent exister, sur la base, et c'est important, d'un travail que nous réalisons, dans le mois qui vient, avec l'ensemble des professionnels et des services de l'Etat dans les départements ou les régions de production, pour bien faire l'audit et, comment dire, pour bien regarder quels sont les besoins exacts, notamment exploitation par exploitation, et nous avons pris rendez-vous pour le début ou la mi-janvier, autour du 15 janvier, de façon à apporter des réponses très précises. Mais je dois dire que nous allons...
Q- Envisager éventuellement des aides à la trésorerie.
R- ... aujourd'hui je ne peux pas vous donner de sommes, parce qu'il faut encore que l'on fasse " l'audit " ou " l'évaluation précise " des besoins, exploitation par exploitation. Ça c'est l'aspect conjoncturel. Ce que je veux dire c'est que nous sommes très mobilisés, avec D. Bussereau, et D. Bussereau l'a rappelé avec force hier : nous avons une crise qui a été exprimée avec force à l'occasion des dernières manifestations, nous avons bien entendu ce message, nous le savions d'ailleurs, mais je crois qu'il faut que l'on puisse rythmer maintenant la réponse, il ne s'agit pas de repousser cela aux calendes grecques. Il s'agit, autour du 15 au 20 janvier, d'avoir, sur la base, encore une fois, des éléments précis que l'on peut recenser dans les départements, tout un ensemble d'aides conjoncturelles.
Q- Alors, N. Forissier, si vous avez bien entendu aussi les manifestations de la semaine dernière, on entendait ça et là : " Chirac, t'es grave ", alors, jeu de mots, avec, évidemment, ce qui se passe... ce que l'on boit dans le Bordelais, " nous ne sommes pas des empoisonneurs ". C'est vrai qu'il y a toutes ces campagnes anti-alcool et c'est vrai qu'il y a... c'est aussi cette non possibilité, actuellement, eh bien de davantage communiquer pour la viticulture. Alors, quid de l'assouplissement, maintenant, de la loi Evin. Qu'est-ce que vous leur avez dit aux viticulteurs ?
R- Je crois d'abord que les viticulteurs - et moi je les comprends, et D. Bussereau l'a bien redit aussi hier - ont le sentiment d'être diabolisés, et c'est injuste, parce que ce sont des gens qui font un métier qui est leur métier, depuis souvent des générations, et qui le font avec passion, avec talent, qui font un des meilleurs produits que nous pouvons exporter dans le monde, et c'est une des richesses des terroirs français. Alors...
Q- Certes, donc, qui va en débattre à l'Assemblée nationale...
R- ... il faut que l'on arrive à sortir... Allô ?
Q- Oui, qui va en débattre à l'Assemblée nationale de cet assouplissement de la loi Evin, c'est vous, enfin, ou D. Bussereau, ou alors ça sera Douste-Blazy ?
R- Ecoutez, sur la partie santé publique, c'est du ressort du ministre de la Santé, donc, de mon collègue P. Douste-Blazy, ça, je crois que ça ne fait aucun problème, et c'est d'ailleurs comme ça que les choses se sont passées lors des premières lectures du projet de loi de territoires ruraux. Notre souci, D. Bussereau et moi-même, c'est de faire en sorte que l'on puisse en même temps apporter une réponse très concrète aux viticulteurs pour sortir de ce début de diabolisation auquel parfois on a un peu le sentiment, même si le mot est un peu fort, peut-être, mais on a un peu le sentiment que l'on est entraîné dans ce cercle-là, et je crois que la meilleure réponse, c'est celle qui a été apportée par D. Bussereau la semaine dernière et hier soir encore, sur la mise en uvre du Conseil de la modération qui est une des propositions des parlementaires qui avait été faite au Premier ministre et qui concernait, au fond, la mise en place d'une instance qui va permettre, à la fois d'analyser et de proposer, de façon concertée, de façon intelligente, les différentes mesures que l'on peut mettre en uvre, y compris au quotidien, pour communiquer sur le vin, sur sa consommation. Ce sont les professionnels eux-mêmes qui proposent ce conseil de modération et je crois que c'est une étape très importante. Nous avons annoncé hier qu'il serait mis en place très rapidement, dès le début du mois de janvier, une personnalité ayant été désignée... devant être désignée, pardon, dans les jours qui viennent, pour en définir toutes les modalités très pratiques. Il ne s'agit pas, encore une fois, de faire une commission. Donc, vous voyez que, aussi bien sur les aides conjoncturelles que sur la mise en place de ce Conseil de modération, qui doit accompagner la communication sur le vin, nous avançons. Très vite, je rappelle aussi qu'il y a eu une décision quand même importante qui a été prise au moment du débat sur les territoires ruraux, à l'Assemblée nationale et au Sénat et qui a constitué à dire : " oui, on rétablit l'équité en termes de communication collective entre les marques d'alcool qui aujourd'hui ont le droit, par exemple, de faire des publicités dans les journaux, en présentant leurs marques, et les terroirs de vins qui n'avaient pas la possibilité de le faire ". Je crois que c'est aussi un élément important.
Eh bien, très bien. Merci N. Forissier. Donc, rendez-vous dans quelques semaines, quelques mois.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 décembre 2004)