Texte intégral
F. Laborde .- Les mouvements de grève partent assez fort ce matin semble-t-il, notamment à la SNCF et un peu aussi à EDF-GDF. A la SNCF, le mouvement est-il assez suivi ?
J.-C. Mailly .- Oui, apparemment. D'après les premières informations que l'on a, le mouvement est effectivement suivi sur les cheminots. Mais il y a un malaise fort aujourd'hui dans l'ensemble du secteur public et de la fonction publique, comme il y a un malaise dans le secteur privé sur la question des salaires.
Q- La première revendication est celle des salaires et du pouvoir d'achat ?
R- Oui, la première revendication, dans le public comme dans le privé, c'est le pouvoir d'achat aujourd'hui. A la fois parce qu'il y a la mise en place des 35 heures qui s'est traduite par de la modération salariale, et également le fait que les prix augmentent, les loyers augmentent, quand les enfants n'ont pas de travail, les parents doivent les aider... Tout cela pèse énormément sur le pouvoir d'achat. Et si l'on veut relancer la consommation et l'emploi, la priorité est l'augmentation des salaires.
Q- D'autant que, comme on l'a vu hier par un rapport des préfets, les Français n'ont pas le moral, ne croient plus en rien, c'est la "sinistrose", ils ne font pas confiance aux politiques, ils ne croient pas à la reprise de l'économie... Tout cela n'est pas très bon ? Cela ne nous étonne pas. Quand on est militant syndicaliste, que l'on discute avec les salariés, cela fait un bout de temps qu'il y a de l'inquiétude, du mécontentement. Il faut que cela s'exprime un moment donné. Et il y a un manque de perspective à moyen et long terme. Quand on regarde le pouvoir d'achat, l'emploi, l'avenir du service public, cela fait beaucoup de raisons pour qu'effectivement, il y ait une sinistrose.
Q- Mais est-ce que cette sinistrose touche aussi l'activité syndicale ? Après tout, si les Français doutent de tout, ils pourraient aussi douter de la contestation. Par exemple, hier, on s'est rendu compte que la grève à La Poste n'était pas extraordinairement bien suivie [...], que ce n'était pas une mobilisation maximum.
R- Non, mais cela fait quand même plusieurs dizaines de milliers de salariés postiers qui étaient en grève hier. Et aujourd'hui, le mouvement est en train de monter. Vous verrez que demain, dans la fonction publique, il y aura un mouvement de grève important, avec des manifestations. Il y a un mécontentement réel. Le syndicalisme est en train de retrouver, après la période 2003, une capacité de mobilisation. Et cela ne peut aller que crescendo dans les semaines à venir.
Q- C'est-à-dire que vous avez de nouveaux jeunes adhérents ; qui vous disent qu'ils n'ont jamais milité ni dans un parti politique ni dans un syndicat, et qui viennent vous voir ?
R- On rencontre effectivement depuis plusieurs mois des jeunes qui viennent au syndicat, qui ne croient plus aux politiques - on peut se poser le problème en terme de démocratie d'ailleurs - et qui veulent des résultats concrets et rapides dans l'action syndicale.
Q- Aujourd'hui, l'une des remises en question, ce sont les 35 heures telles qu'elles existaient. Le Gouvernement veut les aménager, en accordant, dit-il, plus de souplesse au système, permettre à ceux qui le veulent de travailler davantage. Les syndicalistes disent que ce n'est absolument pas possible. Mais si certains salariés veulent faire des heures supplémentaires, ils devraient pouvoir le faire ?
R- C'est déjà le cas aujourd'hui. Mais ce n'est pas le salarié qui choisit de faire des heures supplémentaires, c'est l'employeur qui décide des heures supplémentaires. Et un salarié qui les refuse peut être licencié pour ce motif. Regardez ce qu'a déclaré M. Seillière hier : il a dit "mission accomplie". Cela veut donc bien dire qu'il a satisfaction. Le problème est que l'on ne peut pas accepter que le Gouvernement et le patronat nous disent : "Vous voulez gagner plus ? Eh bien, maintenant, travaillez plus". Ce n'est pas acceptable en tant que tel. Et par ailleurs, le Gouvernement est en train d'anticiper sur des révisions de directives européennes. Il faut savoir que demain, si la directive européenne en préparation passe, la durée hebdomadaire du travail peut aller jusqu'à 61 heures par dérogation. On ne peut pas l'accepter, par principe. A partir de là, à FO, on met la question des salaires prioritaire, et la durée du travail découle de cela. Notre slogan, en ce moment, c'est "augmentez les salaires, pas les horaires". On a été critiques sur les 35 heures, quand elles se sont mises en place, et on n'a pas à revenir là-dessus, on est toujours critiques. Ce que l'on ne veut pas, c'est que les salariés soient victimes de la double peine.
Q- Que serait un bon aménagement des 35 heures, qui aurait votre aval et qui serait bon pour les salariés ? Serait-ce de mettre un peu plus de souplesse ? Ou de payer davantage encore les heures supplémentaires, de les bloquer à un certain niveau ?
R- Déjà, il les ont augmentées. La souplesse existe, les souplesses ont même été élargies l'année dernière par M. Fillon, quand il était ministre du Travail. Les employeurs ne les ont même pas utilisées. Cela veut dire que les besoins ne sont pas là. La moyenne des heures supplémentaires, l'année dernière, c'était 75 heures, on avait un plafond de 180. Et là, ils viennent de le passer à 220. C'est bien une question idéologique, ce n'est pas une question de répondre à l'activité économique. Le patronat en fait une question idéologique et le Gouvernement de M. Raffarin a voulu donner satisfaction à M. Seillière, qui s'en est félicité hier.
Q- Justement, c'était une des dernières réunions de M. Seillière. Comment voyez-vous l'après-Seillière au Medef ? G. Sarkozy, le "frère de l'autre" si je puis me permettre cette expression, ferait-il un bon patron des patrons ?
R- M. Sarkozy est patron, il a une entreprise. Ceci étant, ce n'est pas un leader syndical qui va choisir l'interlocuteur patronal, c'est aux patrons de décider. Après, on verra. Ce qui est souhaitable, c'est qu'effectivement, le patronat, d'une manière générale, retrouve le chemin de la négociation. En ce moment - et on l'a encore vu hier avec M. Seillière -, ils font appel à l'Etat quand les lois les intéressent. Et quand cela ne les intéresse pas, ils ne veulent pas de loi. C'est donc cette démarche-là : la négociation pour les patrons ne doit se faire maintenant uniquement au niveau des entreprises, à tel point que l'on peut de demander à quoi sert le Medef...
R- Vous espérez donc qu'il y aura une nouvelle génération de responsables patronaux, un peu comme il y a une nouvelle génération de responsables syndicaux qui est apparue avec vous, avec B. Thibault ?
Q- En tout cas, des patrons qui acceptent de négocier, y compris au niveau interprofessionnel et au niveau des branches, ce qui est de plus en plus difficile. Et effectivement, si le patronat retrouve le chemin de la négociation, ce ne peut être que positif, ce qui n'était pas le cas ces dernières années avec la "refondation sociale" avec cette volonté de remettre en cause le code du travail. Encore hier, M. Seillière a réclamé une remise du code du travail, réclamé que l'on discute au niveau des entreprises. La solidarité et la régulation, ce n'est pas au niveau de l'entreprise que cela se fait.
Q- A EDF, vous avez une préoccupation majeure : c'est l'ouverture du capital. En quoi cette ouverture du capital remet-elle en cause le statut de la maison, puisque déjà, à l'international, EDF se comporte un peu comme une entreprise privée ?
R- D'ailleurs, on avait déjà dit à l'époque qu'il n'était peut-être pas utile pour EDF d'aller faire des investissements à l'étranger...
Q- Encore que cela a fait gagner de l'argent...
R- Oui, mais attendez, quand vous investissez à l'étranger, le retour est que les étrangers veulent investir chez vous, c'est logique. Et ça, on l'avait contesté à l'époque. Le problème à EDF, c'est comme France Télécom ou d'autres secteurs publics aujourd'hui : on commence à ouvrir le capital et, derrière cela, c'est la privatisation qui s'installe. Parce que l'on nous dira, au nom des contraintes budgétaires, au nom du Pacte de stabilité européen, il faut à nouveau accroître l'ouverture du capital. Et ça, c'est la privatisation. Or la privatisation conduit, par définition, d'abord à des problèmes de sécurité, et ensuite à des augmentations de tarifs - on le voit d'ailleurs sur France Télécom aujourd'hui. C'est pour cela que les salariés d'EDF-GDF sont dans l'action aussi aujourd'hui, c'est parce qu'ils refusent cette ouverture du capital. Quand les salariés du service public font grève, c'est quand même eux qui défendent les valeurs républicaines. A contrario, on a un gouvernement qui se réclame des valeurs républicaines, en général au moment des élections, et qui dans sa gestion quotidienne, les oublie complètement. Et c'est nous qui défendons les valeurs républicaines aujourd'hui.
Q- La SNCF a aussi un comité directeur aujourd'hui. Là encore, on va sans doute annoncer des suppressions d'emplois. Ce n'est pas forcément une surprise, parce que c'est lié à la modernisation du chemin de fer, mais en même temps, vous considérez que ce n'est pas absolument pas supportable ?
R- Ce sont 4.000 postes supprimés...
Q- Ce ne sont pas des licenciements...
R- D'accord, ce ne sont pas des licenciements, mais ce sont aussi 4.000 jeunes qui ne trouveront pas de boulot et que l'on retrouvera au chômage ou en CDD. Et à force de vouloir gérer les services publics comme des entreprises privées, avec les mêmes critères de rentabilité et de profit, en faisant des centres de profits des différentes activités, eh bien, on est en train de privatiser le service public.
Q- La grève à la SNCF signifie-t-elle que la fameuse alarme sociale, qui avait été négociée avec les syndicats et signée par L. Gallois, ne fonctionne pas ?
R- Cela n'interdisait pas le mouvement de grève, la preuve...
Q- E.-A. Seillière demandait hier où était le service minimum qu'on nous avait promis ?
R- Oui, il veut toujours tout : le service minimum, la fin des 35 heures etc. Sur le service minimum, si le Gouvernement s'avisait - ce qu'il ne dit pas pour le moment - à mettre en place une loi effective sur le service minimum, cela préjugerait de nouveaux conflits dans la SNCF, qui seraient durs par définition.
Q- Aujourd'hui, on peut dire qu'il y a d'une certaine façon un service minimum, puisqu'il y a quand même certains trains qui fonctionnent ?
R- Mais il y a toujours des trains qui fonctionnent, cela n'a jamais été bloqué
à 100 %. Ce que l'on ne peut pas accepter, c'est une remise en cause du droit de grève.
Q- Ces mouvements vont-ils continuer ou se calmer ?
R- En tout les cas, pour le moment, il y en a. Il y a des mouvements dans le secteur public, il y a des mouvements le 5 février... Dernier point sur le service public, il faudrait peut-être que le Gouvernement, et en tous les cas le ministre chargé de la Fonction publique, ne méprise pas les fonctionnaires...
Q- Comme il a dit que les jours de grève ne seraient pas payés...
R- Bien sûr, c'est de la provocation. Quand on n'aime pas les fonctionnaires, c'est difficile d'être ministre de la Fonction publique.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 janvier 2005)
J.-C. Mailly .- Oui, apparemment. D'après les premières informations que l'on a, le mouvement est effectivement suivi sur les cheminots. Mais il y a un malaise fort aujourd'hui dans l'ensemble du secteur public et de la fonction publique, comme il y a un malaise dans le secteur privé sur la question des salaires.
Q- La première revendication est celle des salaires et du pouvoir d'achat ?
R- Oui, la première revendication, dans le public comme dans le privé, c'est le pouvoir d'achat aujourd'hui. A la fois parce qu'il y a la mise en place des 35 heures qui s'est traduite par de la modération salariale, et également le fait que les prix augmentent, les loyers augmentent, quand les enfants n'ont pas de travail, les parents doivent les aider... Tout cela pèse énormément sur le pouvoir d'achat. Et si l'on veut relancer la consommation et l'emploi, la priorité est l'augmentation des salaires.
Q- D'autant que, comme on l'a vu hier par un rapport des préfets, les Français n'ont pas le moral, ne croient plus en rien, c'est la "sinistrose", ils ne font pas confiance aux politiques, ils ne croient pas à la reprise de l'économie... Tout cela n'est pas très bon ? Cela ne nous étonne pas. Quand on est militant syndicaliste, que l'on discute avec les salariés, cela fait un bout de temps qu'il y a de l'inquiétude, du mécontentement. Il faut que cela s'exprime un moment donné. Et il y a un manque de perspective à moyen et long terme. Quand on regarde le pouvoir d'achat, l'emploi, l'avenir du service public, cela fait beaucoup de raisons pour qu'effectivement, il y ait une sinistrose.
Q- Mais est-ce que cette sinistrose touche aussi l'activité syndicale ? Après tout, si les Français doutent de tout, ils pourraient aussi douter de la contestation. Par exemple, hier, on s'est rendu compte que la grève à La Poste n'était pas extraordinairement bien suivie [...], que ce n'était pas une mobilisation maximum.
R- Non, mais cela fait quand même plusieurs dizaines de milliers de salariés postiers qui étaient en grève hier. Et aujourd'hui, le mouvement est en train de monter. Vous verrez que demain, dans la fonction publique, il y aura un mouvement de grève important, avec des manifestations. Il y a un mécontentement réel. Le syndicalisme est en train de retrouver, après la période 2003, une capacité de mobilisation. Et cela ne peut aller que crescendo dans les semaines à venir.
Q- C'est-à-dire que vous avez de nouveaux jeunes adhérents ; qui vous disent qu'ils n'ont jamais milité ni dans un parti politique ni dans un syndicat, et qui viennent vous voir ?
R- On rencontre effectivement depuis plusieurs mois des jeunes qui viennent au syndicat, qui ne croient plus aux politiques - on peut se poser le problème en terme de démocratie d'ailleurs - et qui veulent des résultats concrets et rapides dans l'action syndicale.
Q- Aujourd'hui, l'une des remises en question, ce sont les 35 heures telles qu'elles existaient. Le Gouvernement veut les aménager, en accordant, dit-il, plus de souplesse au système, permettre à ceux qui le veulent de travailler davantage. Les syndicalistes disent que ce n'est absolument pas possible. Mais si certains salariés veulent faire des heures supplémentaires, ils devraient pouvoir le faire ?
R- C'est déjà le cas aujourd'hui. Mais ce n'est pas le salarié qui choisit de faire des heures supplémentaires, c'est l'employeur qui décide des heures supplémentaires. Et un salarié qui les refuse peut être licencié pour ce motif. Regardez ce qu'a déclaré M. Seillière hier : il a dit "mission accomplie". Cela veut donc bien dire qu'il a satisfaction. Le problème est que l'on ne peut pas accepter que le Gouvernement et le patronat nous disent : "Vous voulez gagner plus ? Eh bien, maintenant, travaillez plus". Ce n'est pas acceptable en tant que tel. Et par ailleurs, le Gouvernement est en train d'anticiper sur des révisions de directives européennes. Il faut savoir que demain, si la directive européenne en préparation passe, la durée hebdomadaire du travail peut aller jusqu'à 61 heures par dérogation. On ne peut pas l'accepter, par principe. A partir de là, à FO, on met la question des salaires prioritaire, et la durée du travail découle de cela. Notre slogan, en ce moment, c'est "augmentez les salaires, pas les horaires". On a été critiques sur les 35 heures, quand elles se sont mises en place, et on n'a pas à revenir là-dessus, on est toujours critiques. Ce que l'on ne veut pas, c'est que les salariés soient victimes de la double peine.
Q- Que serait un bon aménagement des 35 heures, qui aurait votre aval et qui serait bon pour les salariés ? Serait-ce de mettre un peu plus de souplesse ? Ou de payer davantage encore les heures supplémentaires, de les bloquer à un certain niveau ?
R- Déjà, il les ont augmentées. La souplesse existe, les souplesses ont même été élargies l'année dernière par M. Fillon, quand il était ministre du Travail. Les employeurs ne les ont même pas utilisées. Cela veut dire que les besoins ne sont pas là. La moyenne des heures supplémentaires, l'année dernière, c'était 75 heures, on avait un plafond de 180. Et là, ils viennent de le passer à 220. C'est bien une question idéologique, ce n'est pas une question de répondre à l'activité économique. Le patronat en fait une question idéologique et le Gouvernement de M. Raffarin a voulu donner satisfaction à M. Seillière, qui s'en est félicité hier.
Q- Justement, c'était une des dernières réunions de M. Seillière. Comment voyez-vous l'après-Seillière au Medef ? G. Sarkozy, le "frère de l'autre" si je puis me permettre cette expression, ferait-il un bon patron des patrons ?
R- M. Sarkozy est patron, il a une entreprise. Ceci étant, ce n'est pas un leader syndical qui va choisir l'interlocuteur patronal, c'est aux patrons de décider. Après, on verra. Ce qui est souhaitable, c'est qu'effectivement, le patronat, d'une manière générale, retrouve le chemin de la négociation. En ce moment - et on l'a encore vu hier avec M. Seillière -, ils font appel à l'Etat quand les lois les intéressent. Et quand cela ne les intéresse pas, ils ne veulent pas de loi. C'est donc cette démarche-là : la négociation pour les patrons ne doit se faire maintenant uniquement au niveau des entreprises, à tel point que l'on peut de demander à quoi sert le Medef...
R- Vous espérez donc qu'il y aura une nouvelle génération de responsables patronaux, un peu comme il y a une nouvelle génération de responsables syndicaux qui est apparue avec vous, avec B. Thibault ?
Q- En tout cas, des patrons qui acceptent de négocier, y compris au niveau interprofessionnel et au niveau des branches, ce qui est de plus en plus difficile. Et effectivement, si le patronat retrouve le chemin de la négociation, ce ne peut être que positif, ce qui n'était pas le cas ces dernières années avec la "refondation sociale" avec cette volonté de remettre en cause le code du travail. Encore hier, M. Seillière a réclamé une remise du code du travail, réclamé que l'on discute au niveau des entreprises. La solidarité et la régulation, ce n'est pas au niveau de l'entreprise que cela se fait.
Q- A EDF, vous avez une préoccupation majeure : c'est l'ouverture du capital. En quoi cette ouverture du capital remet-elle en cause le statut de la maison, puisque déjà, à l'international, EDF se comporte un peu comme une entreprise privée ?
R- D'ailleurs, on avait déjà dit à l'époque qu'il n'était peut-être pas utile pour EDF d'aller faire des investissements à l'étranger...
Q- Encore que cela a fait gagner de l'argent...
R- Oui, mais attendez, quand vous investissez à l'étranger, le retour est que les étrangers veulent investir chez vous, c'est logique. Et ça, on l'avait contesté à l'époque. Le problème à EDF, c'est comme France Télécom ou d'autres secteurs publics aujourd'hui : on commence à ouvrir le capital et, derrière cela, c'est la privatisation qui s'installe. Parce que l'on nous dira, au nom des contraintes budgétaires, au nom du Pacte de stabilité européen, il faut à nouveau accroître l'ouverture du capital. Et ça, c'est la privatisation. Or la privatisation conduit, par définition, d'abord à des problèmes de sécurité, et ensuite à des augmentations de tarifs - on le voit d'ailleurs sur France Télécom aujourd'hui. C'est pour cela que les salariés d'EDF-GDF sont dans l'action aussi aujourd'hui, c'est parce qu'ils refusent cette ouverture du capital. Quand les salariés du service public font grève, c'est quand même eux qui défendent les valeurs républicaines. A contrario, on a un gouvernement qui se réclame des valeurs républicaines, en général au moment des élections, et qui dans sa gestion quotidienne, les oublie complètement. Et c'est nous qui défendons les valeurs républicaines aujourd'hui.
Q- La SNCF a aussi un comité directeur aujourd'hui. Là encore, on va sans doute annoncer des suppressions d'emplois. Ce n'est pas forcément une surprise, parce que c'est lié à la modernisation du chemin de fer, mais en même temps, vous considérez que ce n'est pas absolument pas supportable ?
R- Ce sont 4.000 postes supprimés...
Q- Ce ne sont pas des licenciements...
R- D'accord, ce ne sont pas des licenciements, mais ce sont aussi 4.000 jeunes qui ne trouveront pas de boulot et que l'on retrouvera au chômage ou en CDD. Et à force de vouloir gérer les services publics comme des entreprises privées, avec les mêmes critères de rentabilité et de profit, en faisant des centres de profits des différentes activités, eh bien, on est en train de privatiser le service public.
Q- La grève à la SNCF signifie-t-elle que la fameuse alarme sociale, qui avait été négociée avec les syndicats et signée par L. Gallois, ne fonctionne pas ?
R- Cela n'interdisait pas le mouvement de grève, la preuve...
Q- E.-A. Seillière demandait hier où était le service minimum qu'on nous avait promis ?
R- Oui, il veut toujours tout : le service minimum, la fin des 35 heures etc. Sur le service minimum, si le Gouvernement s'avisait - ce qu'il ne dit pas pour le moment - à mettre en place une loi effective sur le service minimum, cela préjugerait de nouveaux conflits dans la SNCF, qui seraient durs par définition.
Q- Aujourd'hui, on peut dire qu'il y a d'une certaine façon un service minimum, puisqu'il y a quand même certains trains qui fonctionnent ?
R- Mais il y a toujours des trains qui fonctionnent, cela n'a jamais été bloqué
à 100 %. Ce que l'on ne peut pas accepter, c'est une remise en cause du droit de grève.
Q- Ces mouvements vont-ils continuer ou se calmer ?
R- En tout les cas, pour le moment, il y en a. Il y a des mouvements dans le secteur public, il y a des mouvements le 5 février... Dernier point sur le service public, il faudrait peut-être que le Gouvernement, et en tous les cas le ministre chargé de la Fonction publique, ne méprise pas les fonctionnaires...
Q- Comme il a dit que les jours de grève ne seraient pas payés...
R- Bien sûr, c'est de la provocation. Quand on n'aime pas les fonctionnaires, c'est difficile d'être ministre de la Fonction publique.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 21 janvier 2005)