Texte intégral
Mes chers camarades, ce matin, j'ai deux idées qui, je crois, peuvent nous réunir, qui dictent, me semble-t-il, le comportement que nous pouvons avoir ensemble, dans toute la période qui vient : le rassemblement des socialistes et l'ancrage à gauche de notre parti.
Je voudrais, sur ces thèmes-là, car tout est lié, faire deux ou trois commentaires très brefs.
D'abord sur le référendum, non pas pour revenir sur la campagne. Elle a eu lieu. La position du Parti socialiste est désormais fixée, même si cela a été fort bien dit par François et par d'autres, on ne veut pas demander à qui que ce soit de renier sa conviction.
Mais ma réflexion est autre. Nous avons eu recours à une procédure, pour la première fois je crois : le référendum. Il y a du pour, il y a des choses plus difficiles. Et je ne pense pas qu'il faille que nous portions notre réflexion sur le référendum en fonction du résultat, satisfaisant pour les uns, décevant pour d'autres, parce que, comme cela a été souligné, la question de l'usage du référendum peut se poser dans notre cas. Et je voudrais à ce stade faire d'autres remarques tellement évidentes qu'elles montrent bien à quel point il faudra pousser le débat.
Côté certainement positif : la mobilisation extraordinaire. On a cité le chiffre de 80 et quelques pour cents qui, peut-être, je n'en sais rien, tranchera avec le référendum national car là, la particularité du référendum qui avait été choisie, c'est que c'est un référendum interne sur une question qui, elle-même, fait l'objet d'un référendum.
Le fait que 100 000 militants sur 120 000 se soient mobilisés est évidemment quelque chose d'extraordinairement positif.
De la même façon, très positif, le sérieux avec lequel les militants ont pioché le texte. Je ne crois pas que la plupart d'entre eux se soient contentées, comme on l'a dit, d'écouter les arguments. Partout où je suis allé, les militants avaient le texte, ils l'avaient lu. Et on sait bien que ce n'est pas du roman-feuilleton.
Donc ces deux aspects sont extraordinairement positifs.
L'aspect le plus difficile, et il nous revient à nous dans le futur de montrer ce que nous en faisons, c'est la question de l'affrontement. Ne soyons pas hypocrites, le débat qui a eu lieu a été un débat vif, même s'il a été maîtrisé, mais voilà, cela fait longtemps, Henri le disait, qu'on n'avait pas tranché une question, et quand il y a un affrontement comme celui-ci, il risque de laisser des traces. Et c'est la raison pour laquelle, n'allant pas plus loin, je voudrais simplement, sous forme individuelle, peut-être, François, sous forme collective, que nous réfléchissions, éléments pratiques à l'appui, quelle leçon nous tirons de cette procédure référendaire, indépendamment du fait que 60 % se sont prononcés dans un sens et 40 % dans l'autre.
Ma deuxième remarque est à propos de la droite.
(...) c'est emporté par les débats que nous avons d'être déconnecté des soucis des Français. Les Français vont êtres saisis dans les semaines qui viennent de la question du référendum. Pour le moment, mon sentiment, c'est qu'ils n'en sont pas du tout saisis. Ils en sont saisis à travers nos propres débats, mais ils ne sont pas entrés dans les textes, quasiment aucun d'entre eux, sauf les spécialistes. Ils vont le faire et nous allons les accompagner. Mais le piège dans lequel il ne faut absolument pas tomber, et je suis sûr que nous n'y tomberons pas, c'est de laisser se développer le sentiment que nous nous occupons de cela comme des spécialistes et que nous n'assurons pas ce qui est tout de même notre tâche centrale, c'est-à-dire notre tâche d'opposants vis-à-vis de la droite. Nous avons un petit peu levé le pied pendant les deux derniers mois pour des raisons évidentes, mais je crois que là il faut que nous réaccélérions.
Et de ce point de vue-là, ce qui s'est passé à l'UMP, je partage un certain nombre d'analyses faites, mais je pense qu'il faut aller un peu plus loin. D'abord, ce qui s'est passé, évidemment, avec l'accession de Sarkozy et de hautes responsabilités n'a rien d'anodin. On a fait, les uns et les autres, l'analyse. On a dit : c'est une droite plus libérale encore que d'habitude, plus atlantiste encore que d'habitude et même communautariste. Et j'ai noté, je ne sais pas si vous l'avez fait, j'ai eu le grand plaisir de lire l'intégralité du discours de Sarkozy, et c'est quand même la première fois que, dans un discours d'investiture, on cite Jean-Paul II. Donc ce n'est pas quelque chose qui n'a pas de fondement.
Mais, je crois qu'on commettrait une erreur (François y faisait allusion en un mot), si on laissait à croire l'idée que c'est une droite radicalement nouvelle. Car d'une part, Sarkozy est suffisamment intelligent (il nous le montre tous les jours) pour que son action ou ses propositions ne ressemblent pas à une vision schématique qu'on pourrait en donner. Donc ce ne sera pas exactement cela. Deuxièmement, je pense que ce serait une faute (j'emploie le mot à dessein) que de créditer la droite d'un changement au sein d'elle-même, car c'est la vieille rengaine depuis maintenant vingt ans. Et troisièmement, on recentrerait Chirac qui n'est pas encore parti. Je pense que nous commettons toujours une faute lorsque nous considérons qu'il est hors de la partie.
C'est la raison pour laquelle (je ne vais pas plus loin sur ce point), comme il ne faut laisser se développer ce double jeu, je recommande, certain que ce sera le choix du Parti, que nous ayons un double travail, à la fois contre la droite et sur la droite, plus que nous ne l'avons fait probablement sur la droite jusqu'ici.
Dernier point : le projet. Il va être élaboré dans les conditions qui ont été dites, mais pour qu'il soit très convaincant, je pense qu'il faudra faire preuve de beaucoup d'imagination, et c'est la raison pour laquelle il faut vraiment qu'une fenêtre soit ouverte pour que chacun puisse y participer, ait le sentiment de pouvoir y participer. Je pense aussi que nous devons, et cela se relie au point de vue que j'abordais il y a un instant, étayer notre critique par rapport à ce qu'a fait la droite. Mes chers camarades, je ne pense pas que, malgré tout notre travail, nous ayons encore convaincu les Français que les " réformes " engagées par la droite étaient inutiles. Je ne le crois pas. C'est peut-être désagréable à entendre. Je pense que les Français, beaucoup d'entre eux en tout cas, estiment que ces réformes sont injustes, mais ils estiment que des réformes étaient nécessaires. Donc nous avons un travail (si nous voulons étayer, il faut quand même bâtir sur un ciment solide) à faire pour revenir, d'une façon critique, en particulier sur deux terrains qui vont être décisifs : le terrain de la retraite et le terrain de l'assurance maladie. Car je pense que sur ce point, on nous renvoie pour le moment à peu près dos-à-dos.
A partir du moment où ce travail, tout à fait à notre portée, sera fait, je crois que l'élaboration du projet est évidemment la priorité. La question qui devra être tranché parmi beaucoup d'autres, c'est : jusqu'à où avançons-nous dans notre projet et qu'est-ce qui sépare le projet du programme ? C'est très difficile à maîtriser. Et je pourrais me faire le reproche à moi-même puisque je ne me suis pas beaucoup investi jusqu'ici dans le projet, mais lorsque, prenant connaissance de la première réunion un peu publique du projet, j'ai vu, alors que ce n'était pas du tout notre intention, que le débat qui en sortait, c'est : est-ce qu'on est pour ou contre mai 68 ? Ce n'est pas du tout le débat. Et donc, il va falloir qu'on maîtrise la publicisation du projet d'une façon évidemment très, très précise. De la même façon, je pense qu'il faudra bien articuler la question projet et programme, et en particulier (je n'apporte évidemment pas de réponse à ce stade) savoir comment nous répondons à la question : qu'est-ce que vous conservez dans ce qui a été fait par le gouvernement et qu'est-ce que vous annulez ? Ce qui est une question extrêmement difficile parce que si on se lance dans un ping-pong généralisé, les gens ne nous suivront pas, mais si on ne porte pas notre volonté d'annulation sur un certain nombre de mesures fortes et symboliques, la rupture sera difficile à percevoir.
Je termine, mes camarades, ce très court propos en disant que les résultats sont acquis. Personne n'a à l'esprit de les contester. Je disais au début : rassemblement des socialistes et ancrage à gauche. Pour nous tous, évidemment, les deux choses sont liées, et j'ai comme vous bon espoir que, dans les mois qui viennent, autour d'un ancrage à gauche très ferme, le rassemblement de nous tous puisse s'opérer. Merci.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 6 décembre 2004)
Je voudrais, sur ces thèmes-là, car tout est lié, faire deux ou trois commentaires très brefs.
D'abord sur le référendum, non pas pour revenir sur la campagne. Elle a eu lieu. La position du Parti socialiste est désormais fixée, même si cela a été fort bien dit par François et par d'autres, on ne veut pas demander à qui que ce soit de renier sa conviction.
Mais ma réflexion est autre. Nous avons eu recours à une procédure, pour la première fois je crois : le référendum. Il y a du pour, il y a des choses plus difficiles. Et je ne pense pas qu'il faille que nous portions notre réflexion sur le référendum en fonction du résultat, satisfaisant pour les uns, décevant pour d'autres, parce que, comme cela a été souligné, la question de l'usage du référendum peut se poser dans notre cas. Et je voudrais à ce stade faire d'autres remarques tellement évidentes qu'elles montrent bien à quel point il faudra pousser le débat.
Côté certainement positif : la mobilisation extraordinaire. On a cité le chiffre de 80 et quelques pour cents qui, peut-être, je n'en sais rien, tranchera avec le référendum national car là, la particularité du référendum qui avait été choisie, c'est que c'est un référendum interne sur une question qui, elle-même, fait l'objet d'un référendum.
Le fait que 100 000 militants sur 120 000 se soient mobilisés est évidemment quelque chose d'extraordinairement positif.
De la même façon, très positif, le sérieux avec lequel les militants ont pioché le texte. Je ne crois pas que la plupart d'entre eux se soient contentées, comme on l'a dit, d'écouter les arguments. Partout où je suis allé, les militants avaient le texte, ils l'avaient lu. Et on sait bien que ce n'est pas du roman-feuilleton.
Donc ces deux aspects sont extraordinairement positifs.
L'aspect le plus difficile, et il nous revient à nous dans le futur de montrer ce que nous en faisons, c'est la question de l'affrontement. Ne soyons pas hypocrites, le débat qui a eu lieu a été un débat vif, même s'il a été maîtrisé, mais voilà, cela fait longtemps, Henri le disait, qu'on n'avait pas tranché une question, et quand il y a un affrontement comme celui-ci, il risque de laisser des traces. Et c'est la raison pour laquelle, n'allant pas plus loin, je voudrais simplement, sous forme individuelle, peut-être, François, sous forme collective, que nous réfléchissions, éléments pratiques à l'appui, quelle leçon nous tirons de cette procédure référendaire, indépendamment du fait que 60 % se sont prononcés dans un sens et 40 % dans l'autre.
Ma deuxième remarque est à propos de la droite.
(...) c'est emporté par les débats que nous avons d'être déconnecté des soucis des Français. Les Français vont êtres saisis dans les semaines qui viennent de la question du référendum. Pour le moment, mon sentiment, c'est qu'ils n'en sont pas du tout saisis. Ils en sont saisis à travers nos propres débats, mais ils ne sont pas entrés dans les textes, quasiment aucun d'entre eux, sauf les spécialistes. Ils vont le faire et nous allons les accompagner. Mais le piège dans lequel il ne faut absolument pas tomber, et je suis sûr que nous n'y tomberons pas, c'est de laisser se développer le sentiment que nous nous occupons de cela comme des spécialistes et que nous n'assurons pas ce qui est tout de même notre tâche centrale, c'est-à-dire notre tâche d'opposants vis-à-vis de la droite. Nous avons un petit peu levé le pied pendant les deux derniers mois pour des raisons évidentes, mais je crois que là il faut que nous réaccélérions.
Et de ce point de vue-là, ce qui s'est passé à l'UMP, je partage un certain nombre d'analyses faites, mais je pense qu'il faut aller un peu plus loin. D'abord, ce qui s'est passé, évidemment, avec l'accession de Sarkozy et de hautes responsabilités n'a rien d'anodin. On a fait, les uns et les autres, l'analyse. On a dit : c'est une droite plus libérale encore que d'habitude, plus atlantiste encore que d'habitude et même communautariste. Et j'ai noté, je ne sais pas si vous l'avez fait, j'ai eu le grand plaisir de lire l'intégralité du discours de Sarkozy, et c'est quand même la première fois que, dans un discours d'investiture, on cite Jean-Paul II. Donc ce n'est pas quelque chose qui n'a pas de fondement.
Mais, je crois qu'on commettrait une erreur (François y faisait allusion en un mot), si on laissait à croire l'idée que c'est une droite radicalement nouvelle. Car d'une part, Sarkozy est suffisamment intelligent (il nous le montre tous les jours) pour que son action ou ses propositions ne ressemblent pas à une vision schématique qu'on pourrait en donner. Donc ce ne sera pas exactement cela. Deuxièmement, je pense que ce serait une faute (j'emploie le mot à dessein) que de créditer la droite d'un changement au sein d'elle-même, car c'est la vieille rengaine depuis maintenant vingt ans. Et troisièmement, on recentrerait Chirac qui n'est pas encore parti. Je pense que nous commettons toujours une faute lorsque nous considérons qu'il est hors de la partie.
C'est la raison pour laquelle (je ne vais pas plus loin sur ce point), comme il ne faut laisser se développer ce double jeu, je recommande, certain que ce sera le choix du Parti, que nous ayons un double travail, à la fois contre la droite et sur la droite, plus que nous ne l'avons fait probablement sur la droite jusqu'ici.
Dernier point : le projet. Il va être élaboré dans les conditions qui ont été dites, mais pour qu'il soit très convaincant, je pense qu'il faudra faire preuve de beaucoup d'imagination, et c'est la raison pour laquelle il faut vraiment qu'une fenêtre soit ouverte pour que chacun puisse y participer, ait le sentiment de pouvoir y participer. Je pense aussi que nous devons, et cela se relie au point de vue que j'abordais il y a un instant, étayer notre critique par rapport à ce qu'a fait la droite. Mes chers camarades, je ne pense pas que, malgré tout notre travail, nous ayons encore convaincu les Français que les " réformes " engagées par la droite étaient inutiles. Je ne le crois pas. C'est peut-être désagréable à entendre. Je pense que les Français, beaucoup d'entre eux en tout cas, estiment que ces réformes sont injustes, mais ils estiment que des réformes étaient nécessaires. Donc nous avons un travail (si nous voulons étayer, il faut quand même bâtir sur un ciment solide) à faire pour revenir, d'une façon critique, en particulier sur deux terrains qui vont être décisifs : le terrain de la retraite et le terrain de l'assurance maladie. Car je pense que sur ce point, on nous renvoie pour le moment à peu près dos-à-dos.
A partir du moment où ce travail, tout à fait à notre portée, sera fait, je crois que l'élaboration du projet est évidemment la priorité. La question qui devra être tranché parmi beaucoup d'autres, c'est : jusqu'à où avançons-nous dans notre projet et qu'est-ce qui sépare le projet du programme ? C'est très difficile à maîtriser. Et je pourrais me faire le reproche à moi-même puisque je ne me suis pas beaucoup investi jusqu'ici dans le projet, mais lorsque, prenant connaissance de la première réunion un peu publique du projet, j'ai vu, alors que ce n'était pas du tout notre intention, que le débat qui en sortait, c'est : est-ce qu'on est pour ou contre mai 68 ? Ce n'est pas du tout le débat. Et donc, il va falloir qu'on maîtrise la publicisation du projet d'une façon évidemment très, très précise. De la même façon, je pense qu'il faudra bien articuler la question projet et programme, et en particulier (je n'apporte évidemment pas de réponse à ce stade) savoir comment nous répondons à la question : qu'est-ce que vous conservez dans ce qui a été fait par le gouvernement et qu'est-ce que vous annulez ? Ce qui est une question extrêmement difficile parce que si on se lance dans un ping-pong généralisé, les gens ne nous suivront pas, mais si on ne porte pas notre volonté d'annulation sur un certain nombre de mesures fortes et symboliques, la rupture sera difficile à percevoir.
Je termine, mes camarades, ce très court propos en disant que les résultats sont acquis. Personne n'a à l'esprit de les contester. Je disais au début : rassemblement des socialistes et ancrage à gauche. Pour nous tous, évidemment, les deux choses sont liées, et j'ai comme vous bon espoir que, dans les mois qui viennent, autour d'un ancrage à gauche très ferme, le rassemblement de nous tous puisse s'opérer. Merci.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 6 décembre 2004)