Texte intégral
A. Ardisson - Le Premier ministre, J.-P. Raffarin, a tenu une conférence de presse, hier, pour présenter ses projets pour la rentrée, à commencer par le budget. Mais au-delà du contenu, il a manifestement voulu montrer qu'il se projetait à Matignon pour l'année qui vient, pour "la troisième phase de son action", comme il dit. Croyez-vous que cela va faire taire rumeurs et supputations sur un éventuel départ ?
R - "Cela ne fera pas taire, puisqu'il y a tout ceux qui veulent prendre sa place, qui sont derrière, et qui attendent et qui poussent. Le problème ne se pose pas en ces termes. D'abord, permettez-moi de constater, parce que, comme je dis quand je ne suis pas favorable, je vais vous dire quand j'approuve : le bilan législatif du Gouvernement est positif. Quand je regarde ce qui a été fait à la demande du président de la République par le Gouvernement, en s'appuyant sur la majorité - réforme des retraites, modification du statut de l'EDF, rénovation de l'assurance maladie, élaboration d'une loi réaffirmant la laïcité de l'école publique et beaucoup d'autres dispositions législatives -, il y a une oeuvre réformatrice qui s'est mise en place depuis le nouveau mandat présidentiel et depuis le Gouvernement de J.-P. Raffarin. Le problème se posait jadis, en ce sens que le septennat imposait, face à la durée du mandat présidentiel et du fait de la non-concordance entre les élections législatives et les élections présidentielles, un tempo politique différent parce qu'il fallait, en cours de mandat présidentiel, changer de Premier ministre."
A. Ardisson - Est-ce que je peux rappeler que vous n'étiez pas pour le quinquennat ?
R - "Oui, tout à fait. Aujourd'hui, le schéma institutionnel est totalement différent, puisqu'il y a un quinquennat et qu'il y a concordance entre l'élection du président de la République et l'élection de la majorité. Donc, il n'y plus le même tempo. Et le changement de Premier ministre n'est plus la conséquence d'un rythme institutionnel mais la conséquence de considérations politiques. Par conséquent, changer de Premier ministre aujourd'hui, cela dépend du président de la République et de ce qu'il vaut faire dans la deuxième partie de son quinquennat. Un bilan a été fait, un bilan est important pour la première moitié du quinquennat ; est-ce que le président de la République veut pour la seconde partie de son quinquennat un autre Premier ministre, d'autres réformes ? Si, oui, c'est à lui de le dire et pas à moi."
A. Ardisson - Vous n'avez pas une petite idée de ce qu'il pense ?
R - "Aucune !"
A. Ardisson - Tant pis pour nous...
R - "Vous voyez bien la différence : dans le cas du septennat, la non-concordance avec l'élection présidentielle et les élections législatives imposait un changement de Gouvernement. Aujourd'hui, il n'y a plus cette distorsion."
A. Ardisson - Vous ne trouvez pas qu'on ne sait pas trop dans quel régime on vit ?
R - "On ne sait pas trop parce que vous êtes encore influencée par les études de droit où l'on classait les régimes politiques, entre régime d'assemblée, régime parlementaire et régime présidentiel. Nous avons un régime qui a plusieurs lectures différentes, qui a une lecture parlementaire lorsqu'il y a non-concordance entre la majorité parlementaire et la majorité présidentielle, et qui a une lecture présidentielle lorsqu'il y a une majorité qui soutient la politique du président de la République. Donc, la non-concordance de ces majorités ou la concordance, donne un aspect particulier aux institutions de la Ve République. C'est ce qui est important : c'est que les institutions ne fassent pas plaisir au professeur de droit, mais qu'elles correspondent à ce dont ont besoin les Français."
A. Ardisson - Et puisque vous êtes tombé dans cette marmite depuis toujours...
R - "Quelle marmite ?!"
A. Ardisson - La marmite institutionnelle et constitutionnelle. Je rappelle que le monsieur qui a élaboré la Constitution originelle de la Ve République est votre père... Hier, dans une interview à La Croix, vous avez dit que vous souhaitiez revenir sur la session unique ; pourquoi ?
R - "Parce que je pense qu'elle est une erreur. Le député est à la fois député de la Nation, et donc, il doit venir à l'Assemblée nationale voter la loi et contrôler le Gouvernement. Mais il fonde sa légitimité sur son contact avec son électorat et avec sa circonscription. Par conséquent, il faut plus et mieux lui permettre d'être au contact de ses électeurs. Premier élément. Deuxièmement, nous assistons, depuis quelques années - ce n'est pas que ce Gouvernement -, à une inflation législative. On multiplie les lois, on fait des lois bavardes, on légifère sur des domaines réglementaires. Pourquoi ? En partie parce que le Parlement est tout le temps présent et siège en permanence. Il faut revenir à l'essentiel : la loi n'est pas là pour régler tous les détails, elle est là pour fixer des grands principes. Un tout petit retour sur l'Histoire : les grandes lois de la République, la loi sur la liberté de la presse, sur le droit d'association, sur le droit de grève, sur les grandes libertés publiques sont des lois qui ont fixé des principes et qui ne sont pas allées régler des petits détails. Et comme on siège de manière permanente aujourd'hui, on fait non seulement des lois qui ont des principes mais on va dans chaque détail pour l'application de ces lois. C'est une erreur."
A. Ardisson - Le Premier ministre a manifesté la volonté de revenir sur les 35 heures. Pensez-vous que c'est du domaine de la loi ? On sait qu'il y a actuellement des problèmes d'adaptation avec les entreprises. Est-ce du domaine de la loi, du domaine du règlement, de la négociation ?
R - "C'est du domaine de l'intelligence. Il y a une durée légale du travail ; elle est fixée à 35 heures. Et il faut permettre, comme c'est déjà le cas, en fonction des considérations locales ou des entreprises, des adaptations pour permettre à ces entreprises de traverser les difficultés. Il ne faut donc pas revenir sur le principe mais il faut permettre des assouplissements. Ayons, nous, législateurs, un peu de modestie. Ne pensons pas qu'on légifère pour des siècles, pour tout le monde, que l'on va faire un carcan. Essayons de laisser un peu de spontanéité aux uns et aux autres. Il faut leur faire confiance pour qu'ils s'adaptent. On fixe des objectifs : l'objectif, c'est la durée du travail, c'est 35 heures, et puis, en fonction des considérations des uns et des autres, ils s'adaptent."
A. Ardisson - Il y a quelques jours, vous avez écrit une tribune dans Le Monde intitulée : "Etre républicain aujourd'hui". Entre autres, vous proposiez, à propos de l'Union européenne, qu'elle se dote de tarifs extérieurs communs, comme l'avait voulu les pères fondateurs, et que cette proposition soit faite à l'OMC.
R - "Oui, vous savez que je suis très profondément européen, que je crois que le combat qui doit être le nôtre dans les prochaines années est un combat pour construire une Europe, mais non pas simplement pour faire croire qu'on construit l'Europe, mais pour donner à l'ensemble des peuples européens une communauté de destins. On ne peut plus accepter sans réagir, de voir qu'un certain nombre de produits rentrent dans l'Union européenne et qu'ils sont fabriqués dans des pays où on fait travailler les enfants à 12 ans, où on ne paie pas le travail, et qu'ils viennent mettre notre économie en difficulté. Donc, je crois, comme l'avaient d'ailleurs voulu les pères fondateurs de l'Europe, c'est que l'Europe soit, à l'intérieur, un marché unique, que les produits peuvent passer d'un pays à l'autre, les hommes également, mais que les produits qui sont fabriqués à l'extérieur dans des conditions qui ne sont pas acceptables humainement et socialement, eh bien, ils soient taxés."
A. Ardisson - Votre famille politique c'est le gaullisme ; quel président idéal pour l'UMP, quel profil ?
R - "Celui qui sera élu par les militants."
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 29 juillet 2004)
R - "Cela ne fera pas taire, puisqu'il y a tout ceux qui veulent prendre sa place, qui sont derrière, et qui attendent et qui poussent. Le problème ne se pose pas en ces termes. D'abord, permettez-moi de constater, parce que, comme je dis quand je ne suis pas favorable, je vais vous dire quand j'approuve : le bilan législatif du Gouvernement est positif. Quand je regarde ce qui a été fait à la demande du président de la République par le Gouvernement, en s'appuyant sur la majorité - réforme des retraites, modification du statut de l'EDF, rénovation de l'assurance maladie, élaboration d'une loi réaffirmant la laïcité de l'école publique et beaucoup d'autres dispositions législatives -, il y a une oeuvre réformatrice qui s'est mise en place depuis le nouveau mandat présidentiel et depuis le Gouvernement de J.-P. Raffarin. Le problème se posait jadis, en ce sens que le septennat imposait, face à la durée du mandat présidentiel et du fait de la non-concordance entre les élections législatives et les élections présidentielles, un tempo politique différent parce qu'il fallait, en cours de mandat présidentiel, changer de Premier ministre."
A. Ardisson - Est-ce que je peux rappeler que vous n'étiez pas pour le quinquennat ?
R - "Oui, tout à fait. Aujourd'hui, le schéma institutionnel est totalement différent, puisqu'il y a un quinquennat et qu'il y a concordance entre l'élection du président de la République et l'élection de la majorité. Donc, il n'y plus le même tempo. Et le changement de Premier ministre n'est plus la conséquence d'un rythme institutionnel mais la conséquence de considérations politiques. Par conséquent, changer de Premier ministre aujourd'hui, cela dépend du président de la République et de ce qu'il vaut faire dans la deuxième partie de son quinquennat. Un bilan a été fait, un bilan est important pour la première moitié du quinquennat ; est-ce que le président de la République veut pour la seconde partie de son quinquennat un autre Premier ministre, d'autres réformes ? Si, oui, c'est à lui de le dire et pas à moi."
A. Ardisson - Vous n'avez pas une petite idée de ce qu'il pense ?
R - "Aucune !"
A. Ardisson - Tant pis pour nous...
R - "Vous voyez bien la différence : dans le cas du septennat, la non-concordance avec l'élection présidentielle et les élections législatives imposait un changement de Gouvernement. Aujourd'hui, il n'y a plus cette distorsion."
A. Ardisson - Vous ne trouvez pas qu'on ne sait pas trop dans quel régime on vit ?
R - "On ne sait pas trop parce que vous êtes encore influencée par les études de droit où l'on classait les régimes politiques, entre régime d'assemblée, régime parlementaire et régime présidentiel. Nous avons un régime qui a plusieurs lectures différentes, qui a une lecture parlementaire lorsqu'il y a non-concordance entre la majorité parlementaire et la majorité présidentielle, et qui a une lecture présidentielle lorsqu'il y a une majorité qui soutient la politique du président de la République. Donc, la non-concordance de ces majorités ou la concordance, donne un aspect particulier aux institutions de la Ve République. C'est ce qui est important : c'est que les institutions ne fassent pas plaisir au professeur de droit, mais qu'elles correspondent à ce dont ont besoin les Français."
A. Ardisson - Et puisque vous êtes tombé dans cette marmite depuis toujours...
R - "Quelle marmite ?!"
A. Ardisson - La marmite institutionnelle et constitutionnelle. Je rappelle que le monsieur qui a élaboré la Constitution originelle de la Ve République est votre père... Hier, dans une interview à La Croix, vous avez dit que vous souhaitiez revenir sur la session unique ; pourquoi ?
R - "Parce que je pense qu'elle est une erreur. Le député est à la fois député de la Nation, et donc, il doit venir à l'Assemblée nationale voter la loi et contrôler le Gouvernement. Mais il fonde sa légitimité sur son contact avec son électorat et avec sa circonscription. Par conséquent, il faut plus et mieux lui permettre d'être au contact de ses électeurs. Premier élément. Deuxièmement, nous assistons, depuis quelques années - ce n'est pas que ce Gouvernement -, à une inflation législative. On multiplie les lois, on fait des lois bavardes, on légifère sur des domaines réglementaires. Pourquoi ? En partie parce que le Parlement est tout le temps présent et siège en permanence. Il faut revenir à l'essentiel : la loi n'est pas là pour régler tous les détails, elle est là pour fixer des grands principes. Un tout petit retour sur l'Histoire : les grandes lois de la République, la loi sur la liberté de la presse, sur le droit d'association, sur le droit de grève, sur les grandes libertés publiques sont des lois qui ont fixé des principes et qui ne sont pas allées régler des petits détails. Et comme on siège de manière permanente aujourd'hui, on fait non seulement des lois qui ont des principes mais on va dans chaque détail pour l'application de ces lois. C'est une erreur."
A. Ardisson - Le Premier ministre a manifesté la volonté de revenir sur les 35 heures. Pensez-vous que c'est du domaine de la loi ? On sait qu'il y a actuellement des problèmes d'adaptation avec les entreprises. Est-ce du domaine de la loi, du domaine du règlement, de la négociation ?
R - "C'est du domaine de l'intelligence. Il y a une durée légale du travail ; elle est fixée à 35 heures. Et il faut permettre, comme c'est déjà le cas, en fonction des considérations locales ou des entreprises, des adaptations pour permettre à ces entreprises de traverser les difficultés. Il ne faut donc pas revenir sur le principe mais il faut permettre des assouplissements. Ayons, nous, législateurs, un peu de modestie. Ne pensons pas qu'on légifère pour des siècles, pour tout le monde, que l'on va faire un carcan. Essayons de laisser un peu de spontanéité aux uns et aux autres. Il faut leur faire confiance pour qu'ils s'adaptent. On fixe des objectifs : l'objectif, c'est la durée du travail, c'est 35 heures, et puis, en fonction des considérations des uns et des autres, ils s'adaptent."
A. Ardisson - Il y a quelques jours, vous avez écrit une tribune dans Le Monde intitulée : "Etre républicain aujourd'hui". Entre autres, vous proposiez, à propos de l'Union européenne, qu'elle se dote de tarifs extérieurs communs, comme l'avait voulu les pères fondateurs, et que cette proposition soit faite à l'OMC.
R - "Oui, vous savez que je suis très profondément européen, que je crois que le combat qui doit être le nôtre dans les prochaines années est un combat pour construire une Europe, mais non pas simplement pour faire croire qu'on construit l'Europe, mais pour donner à l'ensemble des peuples européens une communauté de destins. On ne peut plus accepter sans réagir, de voir qu'un certain nombre de produits rentrent dans l'Union européenne et qu'ils sont fabriqués dans des pays où on fait travailler les enfants à 12 ans, où on ne paie pas le travail, et qu'ils viennent mettre notre économie en difficulté. Donc, je crois, comme l'avaient d'ailleurs voulu les pères fondateurs de l'Europe, c'est que l'Europe soit, à l'intérieur, un marché unique, que les produits peuvent passer d'un pays à l'autre, les hommes également, mais que les produits qui sont fabriqués à l'extérieur dans des conditions qui ne sont pas acceptables humainement et socialement, eh bien, ils soient taxés."
A. Ardisson - Votre famille politique c'est le gaullisme ; quel président idéal pour l'UMP, quel profil ?
R - "Celui qui sera élu par les militants."
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 29 juillet 2004)