Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Nous sommes au terme du rite annuel des vux, qui pour certains d'entre vous doit prendre un tour lassant.
Permettez-moi cependant de formuler des souhaits chaleureux pour chacun d'entre vous, pour les journalistes qui sont nos invités, pour les élus qui portent chaque jour nos convictions, pour les candidats qui seront nos porte-drapeaux, et pour les militants qui les défendent.
Nous sommes, ensemble, les acteurs de la démocratie française. Cette démocratie ne marche pas très bien, chacun le voit, et pour ceux qui s'obstineraient à l'ignorer, la somme des abstentions et des votes contestataires de la démocratie devrait suffire à les alerter.
Nous avons donc une responsabilité dans la refondation d'une démocratie d'adhésion des citoyens. L'UDF a l'intention d'exercer cette responsabilité sous toutes ses formes dans l'année qui vient.
Mais pour aussi responsables, et publiquement engagés que nous soyons, chacun d'entre nous a sa vie, ses enthousiasmes, ses bonheurs et ses angoisses, parfois ses chagrins. Je souhaite, au nom de l'UDF, pour chacun d'entre vous, pour chacun d'entre nous que l'année soit riche et pleine, qu'elle épanouisse ce qu'il y a de plus heureux et qu'elle cicatrise ce qu'il y a de douloureux dans votre vie.
C'est une année importante pour notre pays.
Plus que d'autres la société française est inquiète.
Politiquement, c'est le pays d'Europe où l'extrémisme est le plus fort. C'est un pays qui voit tous les jours se multiplier les crispations, s'approfondir le fossé social, le fossé identitaire, le fossé des convictions religieuses ou philosophiques affrontées.
Sans doute, ces mouvements sont à l'uvre partout. Mais c'est en France qu'ils sont le plus douloureusement ressentis, qu'ils créent le plus d'inquiétude et d'angoisse, parce que la France est fille de son histoire.
Elle s'est bâtie, au travers du temps, sous la monarchie comme sous la République, comme une histoire d'unité. Parfois, même, souvenons-nous en, comme une histoire d'unité presque caricaturale. Les langues et cultures régionales de la France ont payé au prix fort cette obsession. Les communes, les corporations, sous la domination de la pensée jacobine, les protestants français sous Louis XIV, en ont été pareillement les victimes, parfois jusqu'au crime.
Telle est notre histoire. Elle nous marque.
C'est aussi un pays où la volonté politique a été honorée comme elle ne l'a été nulle part ailleurs. Et, aujourd'hui, les limites imposées brutalement par la mondialisation de l'économie aux impulsions politiques nationales sont ressenties comme insupportables.
Mondialisation, intégrismes, extrême richesse et extrême pauvreté.
Voilà à quelles secousses, quels tremblements de terre nous devons faire face.
Pour lutter contre ces risques, il faut une vision de l'avenir.
C'est cette vision de l'avenir que l'UDF a l'intention de proposer et de défendre.
Cette vision est différente de celle des forces politiques qui nous entourent.
Elle repose d'abord sur une idée différente de la démocratie.
Nous croyons à la démocratie, non pas comme à un mot, mais comme à la clé de la grande recherche que les peuples mènent pour choisir leur chemin.
Nous croyons que le pluralisme est le premier droit des citoyens. Jamais, dans l'histoire du monde, la concentration du pouvoir entre des mains uniques ou peu nombreuses, n'a donné de bons fruits. Les anglo-saxons ont deux mots pour définir l'essence de la démocratie : check and balance, le contrôle et l'équilibre. La concentration du pouvoir entre les mêmes mains n'a jamais donné de bons fruits et en tout cas, les peuples, et le peuple français plus que tout autre, ne l'accepteront plus.
Vous savez le contexte dans lequel nous nous trouvons : une tentative a été conduite, méthodiquement, pour que la majorité se réduise à un parti unique, détenteur de tous les pouvoirs, représentant soi-disant toutes les opinions, ayant plus de pouvoirs qu'aucun parti n'en a jamais eu en France depuis la naissance de la République.
Par notre détermination, par la détermination des élus, des militants et des responsables de l'UDF, cette tentative a échoué.
Il est apparu aux yeux de tous que ce parti unique c'était forcément le verrouillage du débat, la mise en cause du droit même d'amendement. Il commence à apparaître aux yeux de tous que le parti unique c'est aussi, forcément, les guerres de clans internes.
La volonté de confiscation du pouvoir ne se divise pas. Si l'on veut concentrer le pouvoir à l'extérieur, on veut forcément aussi concentrer le pouvoir à l'intérieur. Et donc la guerre pour le contrôle du pouvoir est inéluctable.
Nous défendons une autre vision : un équilibre du pouvoir, où chacun est respecté et écouté, un équilibre du pouvoir où chacun est écouté et à sa place. Non pas parce qu'il est un parti, ou un appareil, mais parce qu'il représente des millions de Français, parce que ce sont des millions de Français qui s'expriment par ce canal.
Il y a une grande loi : quand il y a pluralisme, la voix des citoyens est entendue. Quand il y a monopole, la voix des citoyens est ignorée.
Ce sera un des enjeux nationaux des élections régionales qui viennent.
Car ces élections auront, bien entendu, un enjeu national. Elles devront donner aux régions des présidents et des majorités pour les conduire pendant six ans. Mais elles auront forcément un enjeu national et le premier terme de cet enjeu national, ce sera le pluralisme.
C'est pourquoi nous avons décidé lors de notre conseil national du 13 décembre que l'UDF défendra le pluralisme dans ces élections régionales.
Saisissant cette vielle règle républicaine d'une élection à deux tours, nous disons, le premier tour, c'est le tour du pluralisme.
Nous avons isolé trois régions, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Rhône-Alpes, Alsace, dans lesquelles les circonstances politiques étaient exceptionnelles. Alsace et Provence-Alpes-Côte-d'Azur, parce que le Front national y a réalisé ses scores les plus hauts. Rhône-Alpes en raison à la fois des scores et plus encore des événements graves qui s'y sont déroulés, et qui ont failli faire perdre confiance à beaucoup de citoyens dans la solidité des valeurs de leurs dirigeants. Et dans ces régions, nous avons proposé des listes de rassemblement.
En contrepartie, nous avons exigé un accord équilibré fondé sur le respect mutuel.
Cet équilibre a pu se concrétiser en Rhône-Alpes. Nous espérons qu'il en sera de même rapidement dans les deux autres régions. Si le respect mutuel n'était pas garanti, l'UDF se présentera au premier tour, sans que cela fasse un drame.
Je disais vision différente de la démocratie. Je ne crois pas que le Front national puisse emporter, où que ce soit en France, une élection à deux tours. On l'a vu en 2002 : si les hommes publics sont responsables, le deuxième tour rassemble naturellement les démocrates et les républicains et le score est sans appel.
Mais si l'on veut que ce risque extrémiste recule au premier tour, alors il faut choisir entre deux attitudes : ou bien on se replie de plus en plus sur soi-même, on se comporte en forteresse assiégée, on fait dépendre toute la vie politique française de cette unique question du Front national.
Ou bien, on choisit l'attitude contraire et on prend conscience d'une exigence nouvelle : la seule chose qui puisse détourner les électeurs lassés du système du vote protestataire, c'est une nouvelle proposition politique !
Au lieu de la forteresse assiégée, on choisit le mouvement, l'ouverture. Au lieu de la défensive, on choisit l'offensive, et une pensée nouvelle.
Et c'est pourquoi ayant choisi l'offensive, l'UDF proposera des listes libres et autonomes dans l'immense majorité des régions françaises.
Et cela suppose une pensée nouvelle. Il faut que la proposition politique soit authentiquement nouvelle.
Je voudrais vous sen donner quelques exemples puisque l'année nous permettra de le décliner tant à l'échelon régional au mois de février nous organiserons un grand conseil national sur notre vision de la région qu'à l'échelon national tout au long de l'année et au niveau européen lors des élections européennes du printemps. Quelques exemples de cette pensée nouvelle.
À l'échelon régional , c'est la première fois que les présidents de région vont être élus au suffrage universel. Naturellement, leur statut change et le statut des régions change avec le statut de leur président.
L'UDF veut des idées et une vision des régions plus offensive. Les régions doivent permettre de proposer et d'expérimenter des politiques que la lourdeur du cadre national ne permet pas d'envisager. La vocation de la région, c'est de faire ce que l'État ne peut pas faire pas de se limiter au strict exercice des compétences classiques toutes les mêmes qui sont aujourd'hui exercées, une idée des régions laboratoires des politiques nouvelles.
En même temps, nous voulons faire sortir les régions du dialogue entre initiés que trop souvent elles représentent aujourd'hui. Avez-vous écouté les premières confrontations sur les régions, la manière dont les élus parlent entre eux et eux se comprennent : leurs mots, leur langue, cela fait des codes entre eux. Mais, le citoyen n'y comprend absolument rien. Il a l'impression qu'on dit toujours la même chose abstraite, conceptuelle, lointaine, alors que nous, nous voulons au contraire que ce soit des idées concrètes que chacun des citoyens pourra se représenter et qui changeront réellement sa vie. Tout l'effort que nous allons faire, toutes les idées que nous allons proposer dans les jours et les semaines qui viennent, jusqu'au 21 mars, elles ont ce point commun. Ce seront des idées concrètes dont tout le monde pourra se représenter la réalisation. Elles seront, j'espère, audacieuses. Un certain nombre d'entre elles feront couler de l'encre. Mais en tout cas elles seront compréhensibles. Et c'est aussi naturellement cette nouvelle étape des régions que représente l'élection de leur président au suffrage universel.
Je voudrais parler un instant de la démocratie nationale pour voir quelle pensée nouvelle nous allons défendre à cette occasion.
Nous voulons une démocratie qui fonctionne. Pour cela, il va falloir repenser nos institutions. Le parlement est marginalisé. On apprend, comme tombé du ciel, que la taxe professionnelle va disparaître, sans que nul ne dise, ne sache par quoi elle va être remplacée. Même si on sait désormais avec certitude que ce qui ne sera plus payé par les uns devra être payé par les autres, y compris à l'intérieur des entreprises.
Le parlement est marginalisé. Bien entendu parce que ses méthodes de travail ne sont pas adaptées. Bien entendu parce que ceux qui détiennent successivement le pouvoir regardent le parlement la plupart du temps comme une chambre d'enregistrement.
Mais aussi parce que sa composition ne représente pas la France. Or, pour être crédible, un parlement doit représenter toutes les tendance principales du pays. Un parlement qui représenterait réellement le pays aurait des débats crédibles. L'UDF va donc réfléchir cette année à une règle nouvelle qui garantira, à la fois, une majorité et la représentation crédible de toutes les minorités. Une règle qui fasse que l'Assemblée nationale puisse à la fois dégager des majorités et représenter de manière crédible toutes les minorités ayant atteint un certain seuil.
Je voudrais vous dire quelques mots que sur la pensée nouvelle que nous allons défendre sur le grand projet européen.
La pensée nouvelle : elle devra reposer les termes du grand projet européen.
Nous sommes parvenus à un point d'impasse. Le choix du gouvernement, après le désastreux traité de Nice, que l'UDF avait été seule à dénoncer, en pleine période de négociations sur la constitution européenne, de mettre à bas le pacte de stabilité et de remplacer le concert avec tous les partenaires européens par le seul condominium franco-allemand a été sanctionné par une perte de confiance et un blocage généralisé.
Au plan européen, il n'y a plus de force politique qui porte l'espoir européen. Les deux partis numériquement les plus importants, le PPE dont nous étions fondateurs, et le PSE, ont été tous deux colonisés de l'intérieur par des eurosceptiques explicites ou implicites.
Je forme le vu que l'année qui vient, année des élections européennes, puisse voir naître à l'échelle de l'union une force politique nouvelle, une force centrale et clairement européenne, qui se donne pour objectif de réellement changer les choses.
Cette nouvelle vision de l'Europe doit porter un projet de société. L'UDF a ouvert en son sein une réflexion sur la protection des valeurs sociales européennes. Les vagues actuelles de délocalisation touchent désormais tous les secteurs. La Chine, avec sa monnaie dévaluée d'au moins 50 %, et ses salaires trente fois inférieurs aux nôtres, l'Inde qui capte les services avec des avantages comparables, les Etats-Unis avec ses déficits généralisés, et leur protection clairement assumée, se livrent un combat planétaire dont la cible est trop souvent les sociétés socialement avancées.
L'Europe peut-elle accepter sans rien dire de se voir vidée de sa substance ? Telle est la question que nous devrons débattre. Elle impose une originalité de pensée, une liberté de proposition qui tranchera avec la grisaille des débats européens actuels.
L'UDF a proposé aux élections européennes de 1999, et elle seule, une constitution et un président pour l'Europe. Elle devra proposer en 2004 une approche crédible d'un projet de société européen.
Enfin dernier pilier de cette pensée nouvelle, une pensée nouvelle sur la politique française .
Il existe une majorité silencieuse parmi les Français. Des millions d'hommes et de femmes, et ils sont majoritaires, refusent le tout-assistance et refusent de s'abandonner au tout-marché.
Ils cherchent une synthèse nouvelle. Jusqu'en 2002 ils ont vu des gouvernants socialistes, qui refusaient les réformes, alourdissaient sans cesse les handicaps de leur pays, au nom du tout assistance. Ils ont eu le sentiment d'être traillis.
Et aujourd'hui, ils ont l'impression de voir un autre système politique qui leur explique que le progrès doit nécessairement se payer par l'augmentation de la précarité.
Notre proposition nouvelle, celle dans le cadre de laquelle nous inscrirons notre réflexion et notre action, c'est celle-ci : nous voulons le progrès, nous voulons la réactivité de l'économie, nous voulons le respect de l'entreprise, nous voulons des réformes qui libèrent et nous voulons faire, en même temps, reculer la précarité.
Plus exactement, nous voulons le progrès économique et les réformes par le recul de la précarité.
Nous ne pouvons pas être le pays du monde où les prélèvements augmentent parallèlement à l'augmentation de la précarité.
D'où, par exemple, notre combat pour les chômeurs en fin de droits dont nous considérons qu'il est scandaleux avec leur 13,49 euros par jour qu'on les ait pris pour cibles, au moment même où l'on accordait des avantages nouveaux aux plus favorisés.
Ceci est un projet de société. Le progrès, les réformes et le recul de la précarité. Le progrès, les réformes, par le recul de la précarité.
Cela impose de résister à bien des forces de pression. Il en est de même des questions de société . Ces sujets sont trop graves pour qu'on les laisse gouverner par les sondages. Je voudrais en évoquer un certain nombre, deux.
Un sujet sur lequel il n'y a pas eu de débat public : la création d'une prime individuelle pour les magistrats , on pourrait poser parallèlement le problème d'une prime individuelle pour les médecins, dans le système hospitalier. Il y a bien des sujets, y compris dans la fonction publique, où nous croyons à l'individualisation des parcours, des carrières et où nous trouvons que c'est nécessaire. Est-ce le cas du juge dans une société comme la nôtre ?
Nous serions le seul pays en Europe et dans le monde à ma connaissance où le juge recevrait une prime. C'est un débat de société. Je dois exprimer ma très grande réserve à l'égard de cette idée. Il me semble que l'idée de justice impose que l'on renonce à primer le juge, qu'il y a une contradiction forte et naturellement, je crois que ce sujet se posera aussi en matière de santé, à l'hôpital. Je demande la réflexion. Je crois que, sur le juge, cette idée est impropre et inadaptée et qu'une des vertus du pluralisme que nous voulons imposer dans la majorité, c'est précisément qu'on puisse poser ce genre de problème au nom de la défense de valeurs de société qui sont les nôtres.
Je voudrais dire quelques mots sur la loi sur le voile.
J'ai exprimé depuis longtemps notre prudence et notre réserve quant à ce sujet.
Je l'ai fait en tant qu'auteur de la circulaire encore en vigueur sur la question, mais aussi en tant que citoyen qui pense que l'histoire a une très grande importance dans la vie d'un peuple.
Nous pensons qu'il faut à la fois la fermeté sur les principes et conserver une capacité de médiation et de pédagogie. J'ai craint qu'une telle loi, qui satisfait, au début, les sondages, ne fasse très vite monter les tensions et n'offre aux intégristes un terrain de développement qu'ils n'auraient pas pu rêver. Je crains que nous n'assistions à un tel mouvement. Je pense qu'une telle loi serait largement inapplicable - que fera-t-on à Mayotte, que fera-t-on à la Réunion ? - et qu'elle ne sera pas plus facilement applicable que les textes aujourd'hui en vigueur dans nos quartiers et dans nos collèges. C'est même, me semble-t-il, l'état du droit actuel.
Je parle toujours de ce sujet avec prudence. Mais, il me semble, faisant référence à l'histoire, que la France aurait dû être vaccinée contre les risques de conflits en matière religieuse ou philosophique. J'ai vu avec intérêt, cette semaine, que des hommes aussi expérimentés qu'Edouard Balladur et Alain Madelin exprimaient des réserves du même ordre. Je continue à appeler à la réflexion sur ce sujet dangereux, sans compter les implications diplomatiques qui ne sont pas minces dans cette affaire.
Vision nouvelle et pensée nouvelle.
Nous allons dans cette année et à l'occasion des élections régionales défendre le pluralisme qui est la condition du changement et une vision qui peut porter ce changement. Pluralisme et vision différente.
Je veux saluer et je suis sensible à leur présence, tous les candidats à l'élection régionale, de toutes les régions, qui sont là.
Je me suis beaucoup réjoui de voir des enquêtes d'opinion, cher André Santini, montrer à quel point l'opinion publique était sensible aux combats que nous menons. Dès l'instant que ce combat prend un visage, l'opinion publique y adhère. Et c'est pour moi un grand motif d'espoir pour l'année qui vient.
Le 21 et le 28 mars, je crois qu'une surprise peut intervenir, qui va changer l'architecture de la vie politique française, qui va ouvrir une ère nouvelle de la politique française parce qu'au lieu d'avoir des débats verbaux, des échanges d'arguments, les citoyens auront exprimer une volonté. Alors ces femmes et ces hommes qui vont porter le drapeau du pluralisme et de cette vision nouvelle, je suis très heureux qu'ils soient là, déterminés et courageux. Je suis heureux des points qu'ils marquent. Et je pense que 2004 peut être la première année de cette République renouvelée, l'an I d'une République qui changera à la fois dans son organisation et dans sa vision.
Très bonne année à tous.
Je vous remercie.
(source http://www.udf.fr, le 21 janvier 2004)
Chers amis,
Nous sommes au terme du rite annuel des vux, qui pour certains d'entre vous doit prendre un tour lassant.
Permettez-moi cependant de formuler des souhaits chaleureux pour chacun d'entre vous, pour les journalistes qui sont nos invités, pour les élus qui portent chaque jour nos convictions, pour les candidats qui seront nos porte-drapeaux, et pour les militants qui les défendent.
Nous sommes, ensemble, les acteurs de la démocratie française. Cette démocratie ne marche pas très bien, chacun le voit, et pour ceux qui s'obstineraient à l'ignorer, la somme des abstentions et des votes contestataires de la démocratie devrait suffire à les alerter.
Nous avons donc une responsabilité dans la refondation d'une démocratie d'adhésion des citoyens. L'UDF a l'intention d'exercer cette responsabilité sous toutes ses formes dans l'année qui vient.
Mais pour aussi responsables, et publiquement engagés que nous soyons, chacun d'entre nous a sa vie, ses enthousiasmes, ses bonheurs et ses angoisses, parfois ses chagrins. Je souhaite, au nom de l'UDF, pour chacun d'entre vous, pour chacun d'entre nous que l'année soit riche et pleine, qu'elle épanouisse ce qu'il y a de plus heureux et qu'elle cicatrise ce qu'il y a de douloureux dans votre vie.
C'est une année importante pour notre pays.
Plus que d'autres la société française est inquiète.
Politiquement, c'est le pays d'Europe où l'extrémisme est le plus fort. C'est un pays qui voit tous les jours se multiplier les crispations, s'approfondir le fossé social, le fossé identitaire, le fossé des convictions religieuses ou philosophiques affrontées.
Sans doute, ces mouvements sont à l'uvre partout. Mais c'est en France qu'ils sont le plus douloureusement ressentis, qu'ils créent le plus d'inquiétude et d'angoisse, parce que la France est fille de son histoire.
Elle s'est bâtie, au travers du temps, sous la monarchie comme sous la République, comme une histoire d'unité. Parfois, même, souvenons-nous en, comme une histoire d'unité presque caricaturale. Les langues et cultures régionales de la France ont payé au prix fort cette obsession. Les communes, les corporations, sous la domination de la pensée jacobine, les protestants français sous Louis XIV, en ont été pareillement les victimes, parfois jusqu'au crime.
Telle est notre histoire. Elle nous marque.
C'est aussi un pays où la volonté politique a été honorée comme elle ne l'a été nulle part ailleurs. Et, aujourd'hui, les limites imposées brutalement par la mondialisation de l'économie aux impulsions politiques nationales sont ressenties comme insupportables.
Mondialisation, intégrismes, extrême richesse et extrême pauvreté.
Voilà à quelles secousses, quels tremblements de terre nous devons faire face.
Pour lutter contre ces risques, il faut une vision de l'avenir.
C'est cette vision de l'avenir que l'UDF a l'intention de proposer et de défendre.
Cette vision est différente de celle des forces politiques qui nous entourent.
Elle repose d'abord sur une idée différente de la démocratie.
Nous croyons à la démocratie, non pas comme à un mot, mais comme à la clé de la grande recherche que les peuples mènent pour choisir leur chemin.
Nous croyons que le pluralisme est le premier droit des citoyens. Jamais, dans l'histoire du monde, la concentration du pouvoir entre des mains uniques ou peu nombreuses, n'a donné de bons fruits. Les anglo-saxons ont deux mots pour définir l'essence de la démocratie : check and balance, le contrôle et l'équilibre. La concentration du pouvoir entre les mêmes mains n'a jamais donné de bons fruits et en tout cas, les peuples, et le peuple français plus que tout autre, ne l'accepteront plus.
Vous savez le contexte dans lequel nous nous trouvons : une tentative a été conduite, méthodiquement, pour que la majorité se réduise à un parti unique, détenteur de tous les pouvoirs, représentant soi-disant toutes les opinions, ayant plus de pouvoirs qu'aucun parti n'en a jamais eu en France depuis la naissance de la République.
Par notre détermination, par la détermination des élus, des militants et des responsables de l'UDF, cette tentative a échoué.
Il est apparu aux yeux de tous que ce parti unique c'était forcément le verrouillage du débat, la mise en cause du droit même d'amendement. Il commence à apparaître aux yeux de tous que le parti unique c'est aussi, forcément, les guerres de clans internes.
La volonté de confiscation du pouvoir ne se divise pas. Si l'on veut concentrer le pouvoir à l'extérieur, on veut forcément aussi concentrer le pouvoir à l'intérieur. Et donc la guerre pour le contrôle du pouvoir est inéluctable.
Nous défendons une autre vision : un équilibre du pouvoir, où chacun est respecté et écouté, un équilibre du pouvoir où chacun est écouté et à sa place. Non pas parce qu'il est un parti, ou un appareil, mais parce qu'il représente des millions de Français, parce que ce sont des millions de Français qui s'expriment par ce canal.
Il y a une grande loi : quand il y a pluralisme, la voix des citoyens est entendue. Quand il y a monopole, la voix des citoyens est ignorée.
Ce sera un des enjeux nationaux des élections régionales qui viennent.
Car ces élections auront, bien entendu, un enjeu national. Elles devront donner aux régions des présidents et des majorités pour les conduire pendant six ans. Mais elles auront forcément un enjeu national et le premier terme de cet enjeu national, ce sera le pluralisme.
C'est pourquoi nous avons décidé lors de notre conseil national du 13 décembre que l'UDF défendra le pluralisme dans ces élections régionales.
Saisissant cette vielle règle républicaine d'une élection à deux tours, nous disons, le premier tour, c'est le tour du pluralisme.
Nous avons isolé trois régions, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Rhône-Alpes, Alsace, dans lesquelles les circonstances politiques étaient exceptionnelles. Alsace et Provence-Alpes-Côte-d'Azur, parce que le Front national y a réalisé ses scores les plus hauts. Rhône-Alpes en raison à la fois des scores et plus encore des événements graves qui s'y sont déroulés, et qui ont failli faire perdre confiance à beaucoup de citoyens dans la solidité des valeurs de leurs dirigeants. Et dans ces régions, nous avons proposé des listes de rassemblement.
En contrepartie, nous avons exigé un accord équilibré fondé sur le respect mutuel.
Cet équilibre a pu se concrétiser en Rhône-Alpes. Nous espérons qu'il en sera de même rapidement dans les deux autres régions. Si le respect mutuel n'était pas garanti, l'UDF se présentera au premier tour, sans que cela fasse un drame.
Je disais vision différente de la démocratie. Je ne crois pas que le Front national puisse emporter, où que ce soit en France, une élection à deux tours. On l'a vu en 2002 : si les hommes publics sont responsables, le deuxième tour rassemble naturellement les démocrates et les républicains et le score est sans appel.
Mais si l'on veut que ce risque extrémiste recule au premier tour, alors il faut choisir entre deux attitudes : ou bien on se replie de plus en plus sur soi-même, on se comporte en forteresse assiégée, on fait dépendre toute la vie politique française de cette unique question du Front national.
Ou bien, on choisit l'attitude contraire et on prend conscience d'une exigence nouvelle : la seule chose qui puisse détourner les électeurs lassés du système du vote protestataire, c'est une nouvelle proposition politique !
Au lieu de la forteresse assiégée, on choisit le mouvement, l'ouverture. Au lieu de la défensive, on choisit l'offensive, et une pensée nouvelle.
Et c'est pourquoi ayant choisi l'offensive, l'UDF proposera des listes libres et autonomes dans l'immense majorité des régions françaises.
Et cela suppose une pensée nouvelle. Il faut que la proposition politique soit authentiquement nouvelle.
Je voudrais vous sen donner quelques exemples puisque l'année nous permettra de le décliner tant à l'échelon régional au mois de février nous organiserons un grand conseil national sur notre vision de la région qu'à l'échelon national tout au long de l'année et au niveau européen lors des élections européennes du printemps. Quelques exemples de cette pensée nouvelle.
À l'échelon régional , c'est la première fois que les présidents de région vont être élus au suffrage universel. Naturellement, leur statut change et le statut des régions change avec le statut de leur président.
L'UDF veut des idées et une vision des régions plus offensive. Les régions doivent permettre de proposer et d'expérimenter des politiques que la lourdeur du cadre national ne permet pas d'envisager. La vocation de la région, c'est de faire ce que l'État ne peut pas faire pas de se limiter au strict exercice des compétences classiques toutes les mêmes qui sont aujourd'hui exercées, une idée des régions laboratoires des politiques nouvelles.
En même temps, nous voulons faire sortir les régions du dialogue entre initiés que trop souvent elles représentent aujourd'hui. Avez-vous écouté les premières confrontations sur les régions, la manière dont les élus parlent entre eux et eux se comprennent : leurs mots, leur langue, cela fait des codes entre eux. Mais, le citoyen n'y comprend absolument rien. Il a l'impression qu'on dit toujours la même chose abstraite, conceptuelle, lointaine, alors que nous, nous voulons au contraire que ce soit des idées concrètes que chacun des citoyens pourra se représenter et qui changeront réellement sa vie. Tout l'effort que nous allons faire, toutes les idées que nous allons proposer dans les jours et les semaines qui viennent, jusqu'au 21 mars, elles ont ce point commun. Ce seront des idées concrètes dont tout le monde pourra se représenter la réalisation. Elles seront, j'espère, audacieuses. Un certain nombre d'entre elles feront couler de l'encre. Mais en tout cas elles seront compréhensibles. Et c'est aussi naturellement cette nouvelle étape des régions que représente l'élection de leur président au suffrage universel.
Je voudrais parler un instant de la démocratie nationale pour voir quelle pensée nouvelle nous allons défendre à cette occasion.
Nous voulons une démocratie qui fonctionne. Pour cela, il va falloir repenser nos institutions. Le parlement est marginalisé. On apprend, comme tombé du ciel, que la taxe professionnelle va disparaître, sans que nul ne dise, ne sache par quoi elle va être remplacée. Même si on sait désormais avec certitude que ce qui ne sera plus payé par les uns devra être payé par les autres, y compris à l'intérieur des entreprises.
Le parlement est marginalisé. Bien entendu parce que ses méthodes de travail ne sont pas adaptées. Bien entendu parce que ceux qui détiennent successivement le pouvoir regardent le parlement la plupart du temps comme une chambre d'enregistrement.
Mais aussi parce que sa composition ne représente pas la France. Or, pour être crédible, un parlement doit représenter toutes les tendance principales du pays. Un parlement qui représenterait réellement le pays aurait des débats crédibles. L'UDF va donc réfléchir cette année à une règle nouvelle qui garantira, à la fois, une majorité et la représentation crédible de toutes les minorités. Une règle qui fasse que l'Assemblée nationale puisse à la fois dégager des majorités et représenter de manière crédible toutes les minorités ayant atteint un certain seuil.
Je voudrais vous dire quelques mots que sur la pensée nouvelle que nous allons défendre sur le grand projet européen.
La pensée nouvelle : elle devra reposer les termes du grand projet européen.
Nous sommes parvenus à un point d'impasse. Le choix du gouvernement, après le désastreux traité de Nice, que l'UDF avait été seule à dénoncer, en pleine période de négociations sur la constitution européenne, de mettre à bas le pacte de stabilité et de remplacer le concert avec tous les partenaires européens par le seul condominium franco-allemand a été sanctionné par une perte de confiance et un blocage généralisé.
Au plan européen, il n'y a plus de force politique qui porte l'espoir européen. Les deux partis numériquement les plus importants, le PPE dont nous étions fondateurs, et le PSE, ont été tous deux colonisés de l'intérieur par des eurosceptiques explicites ou implicites.
Je forme le vu que l'année qui vient, année des élections européennes, puisse voir naître à l'échelle de l'union une force politique nouvelle, une force centrale et clairement européenne, qui se donne pour objectif de réellement changer les choses.
Cette nouvelle vision de l'Europe doit porter un projet de société. L'UDF a ouvert en son sein une réflexion sur la protection des valeurs sociales européennes. Les vagues actuelles de délocalisation touchent désormais tous les secteurs. La Chine, avec sa monnaie dévaluée d'au moins 50 %, et ses salaires trente fois inférieurs aux nôtres, l'Inde qui capte les services avec des avantages comparables, les Etats-Unis avec ses déficits généralisés, et leur protection clairement assumée, se livrent un combat planétaire dont la cible est trop souvent les sociétés socialement avancées.
L'Europe peut-elle accepter sans rien dire de se voir vidée de sa substance ? Telle est la question que nous devrons débattre. Elle impose une originalité de pensée, une liberté de proposition qui tranchera avec la grisaille des débats européens actuels.
L'UDF a proposé aux élections européennes de 1999, et elle seule, une constitution et un président pour l'Europe. Elle devra proposer en 2004 une approche crédible d'un projet de société européen.
Enfin dernier pilier de cette pensée nouvelle, une pensée nouvelle sur la politique française .
Il existe une majorité silencieuse parmi les Français. Des millions d'hommes et de femmes, et ils sont majoritaires, refusent le tout-assistance et refusent de s'abandonner au tout-marché.
Ils cherchent une synthèse nouvelle. Jusqu'en 2002 ils ont vu des gouvernants socialistes, qui refusaient les réformes, alourdissaient sans cesse les handicaps de leur pays, au nom du tout assistance. Ils ont eu le sentiment d'être traillis.
Et aujourd'hui, ils ont l'impression de voir un autre système politique qui leur explique que le progrès doit nécessairement se payer par l'augmentation de la précarité.
Notre proposition nouvelle, celle dans le cadre de laquelle nous inscrirons notre réflexion et notre action, c'est celle-ci : nous voulons le progrès, nous voulons la réactivité de l'économie, nous voulons le respect de l'entreprise, nous voulons des réformes qui libèrent et nous voulons faire, en même temps, reculer la précarité.
Plus exactement, nous voulons le progrès économique et les réformes par le recul de la précarité.
Nous ne pouvons pas être le pays du monde où les prélèvements augmentent parallèlement à l'augmentation de la précarité.
D'où, par exemple, notre combat pour les chômeurs en fin de droits dont nous considérons qu'il est scandaleux avec leur 13,49 euros par jour qu'on les ait pris pour cibles, au moment même où l'on accordait des avantages nouveaux aux plus favorisés.
Ceci est un projet de société. Le progrès, les réformes et le recul de la précarité. Le progrès, les réformes, par le recul de la précarité.
Cela impose de résister à bien des forces de pression. Il en est de même des questions de société . Ces sujets sont trop graves pour qu'on les laisse gouverner par les sondages. Je voudrais en évoquer un certain nombre, deux.
Un sujet sur lequel il n'y a pas eu de débat public : la création d'une prime individuelle pour les magistrats , on pourrait poser parallèlement le problème d'une prime individuelle pour les médecins, dans le système hospitalier. Il y a bien des sujets, y compris dans la fonction publique, où nous croyons à l'individualisation des parcours, des carrières et où nous trouvons que c'est nécessaire. Est-ce le cas du juge dans une société comme la nôtre ?
Nous serions le seul pays en Europe et dans le monde à ma connaissance où le juge recevrait une prime. C'est un débat de société. Je dois exprimer ma très grande réserve à l'égard de cette idée. Il me semble que l'idée de justice impose que l'on renonce à primer le juge, qu'il y a une contradiction forte et naturellement, je crois que ce sujet se posera aussi en matière de santé, à l'hôpital. Je demande la réflexion. Je crois que, sur le juge, cette idée est impropre et inadaptée et qu'une des vertus du pluralisme que nous voulons imposer dans la majorité, c'est précisément qu'on puisse poser ce genre de problème au nom de la défense de valeurs de société qui sont les nôtres.
Je voudrais dire quelques mots sur la loi sur le voile.
J'ai exprimé depuis longtemps notre prudence et notre réserve quant à ce sujet.
Je l'ai fait en tant qu'auteur de la circulaire encore en vigueur sur la question, mais aussi en tant que citoyen qui pense que l'histoire a une très grande importance dans la vie d'un peuple.
Nous pensons qu'il faut à la fois la fermeté sur les principes et conserver une capacité de médiation et de pédagogie. J'ai craint qu'une telle loi, qui satisfait, au début, les sondages, ne fasse très vite monter les tensions et n'offre aux intégristes un terrain de développement qu'ils n'auraient pas pu rêver. Je crains que nous n'assistions à un tel mouvement. Je pense qu'une telle loi serait largement inapplicable - que fera-t-on à Mayotte, que fera-t-on à la Réunion ? - et qu'elle ne sera pas plus facilement applicable que les textes aujourd'hui en vigueur dans nos quartiers et dans nos collèges. C'est même, me semble-t-il, l'état du droit actuel.
Je parle toujours de ce sujet avec prudence. Mais, il me semble, faisant référence à l'histoire, que la France aurait dû être vaccinée contre les risques de conflits en matière religieuse ou philosophique. J'ai vu avec intérêt, cette semaine, que des hommes aussi expérimentés qu'Edouard Balladur et Alain Madelin exprimaient des réserves du même ordre. Je continue à appeler à la réflexion sur ce sujet dangereux, sans compter les implications diplomatiques qui ne sont pas minces dans cette affaire.
Vision nouvelle et pensée nouvelle.
Nous allons dans cette année et à l'occasion des élections régionales défendre le pluralisme qui est la condition du changement et une vision qui peut porter ce changement. Pluralisme et vision différente.
Je veux saluer et je suis sensible à leur présence, tous les candidats à l'élection régionale, de toutes les régions, qui sont là.
Je me suis beaucoup réjoui de voir des enquêtes d'opinion, cher André Santini, montrer à quel point l'opinion publique était sensible aux combats que nous menons. Dès l'instant que ce combat prend un visage, l'opinion publique y adhère. Et c'est pour moi un grand motif d'espoir pour l'année qui vient.
Le 21 et le 28 mars, je crois qu'une surprise peut intervenir, qui va changer l'architecture de la vie politique française, qui va ouvrir une ère nouvelle de la politique française parce qu'au lieu d'avoir des débats verbaux, des échanges d'arguments, les citoyens auront exprimer une volonté. Alors ces femmes et ces hommes qui vont porter le drapeau du pluralisme et de cette vision nouvelle, je suis très heureux qu'ils soient là, déterminés et courageux. Je suis heureux des points qu'ils marquent. Et je pense que 2004 peut être la première année de cette République renouvelée, l'an I d'une République qui changera à la fois dans son organisation et dans sa vision.
Très bonne année à tous.
Je vous remercie.
(source http://www.udf.fr, le 21 janvier 2004)