Interview de M. Marc-Philippe Daubresse, ministre délégué au logement et à la ville, à "La Lettre de la DIV" de janvier 2005, sur la loi de cohésion sociale et les chantiers prioritaires du ministère de la ville.

Prononcé le 1er janvier 2005

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Média : La Lettre de la DIV

Texte intégral

Q - Depuis le 28 octobre, vous avez en charge la politique de la ville, en plus du logement. Quel lien faites-vous entre vos deux "casquettes" ?
R - Tout d'abord, j'aimerais rappeler que je me suis investi dans la politique de la ville avant d'avoir la responsabilité du logement. J'ai été notamment rapporteur du budget de la politique de la ville à l'Assemblée nationale avant même de présider le Conseil national de l'habitat. Dans mon esprit, ville et logement sont indissociables. Le fait d'avoir réuni ces deux politiques au sein d'un même portefeuille nous donne pour la première fois l'occasion de vraiment les coordonner.
Q - Qu'est-ce que la loi de cohésion sociale va apporter aux quartiers en difficulté ?
R - C'est un formidable mécanisme pour aider les personnes en difficulté sur tout le territoire. Avec Jean-Louis Borloo, nous avons voulu agir de façon globale : sur le logement, l'emploi, l'égalité des chances... Les quartiers de la politique de la ville sont concernés au premier titre : ils concentrent ces populations vulnérables. L'une des mesures les plus importantes est sans doute la réforme de la Dotation de solidarité urbaine (DSU) - qui double son montant sur cinq ans. C'est historique. Cela permettra aux villes les plus pauvres, qui ont les charges sociales les plus lourdes, de faire face. Quand le maire de Grigny débute son année avec un déficit de sept millions d'euros, comment lui proposer des crèches dont il ne pourra assurer le fonctionnement ?
Q - La loi insiste aussi beaucoup sur la réussite éducative...
R - C'est une priorité : l'égalité des chances se joue dès les petites classes. Mais l'institutrice ne peut être tour à tour enseignante, assistante sociale... Aussi nous allons créer des équipes de réussite éducative pour aider les enfants en difficulté dès la maternelle. Le dispositif sera volontairement souple, pour s'adapter aux réalités locales et amplifier les réponses pertinentes, là où elles existent déjà. Autre mesure phare du plan : le programme de rénovation urbaine est prolongé de 3 années supplémentaires - jusqu'en 2011 - avec un budget réévalué en conséquence. Cela permettra de traiter en profondeur un nombre important de quartiers très dégradés.
Q - Quels sont vos chantiers prioritaires pour la politique de la ville ?
R - Avec le lancement de l'Agence nationale de rénovation urbaine, la réforme de la DSU et la décentralisation... la donne change. Il faut repenser la politique de la ville - bâtie sur un empilement de dispositifs - sans remettre en cause, bien sûr, son esprit. Il faut revoir l'architecture des contrats de ville, la géographie des territoires prioritaires. Le périmètre de la précarité n'est pas gravé dans le marbre !
Q - Concrètement, comment allez-vous procéder à cette refonte ?
R - Une évaluation des contrats de ville sera rendue en ce début d'année. Le sénateur Pierre André travaille aussi sur les nouveaux contrats de ville. J'ai par ailleurs chargé un élu de terrain, Henri Ségard, de réaliser un bilan de la politique de la ville et de formuler des propositions d'ici juin. J'organiserai enfin des assises nationales de la ville, au printemps 2005, pour échanger avec les acteurs de la politique de la ville.
Q - En quoi le rapport de l'Observatoire des ZUS va-t-il éclairer vos choix ?
R - La création de cet observatoire, par la loi du 1er août 2003, est un peu passée inaperçue - l'accent a surtout été mis sur l'Anru - c'est dommage. Nous disposons enfin d'un baromètre pour évaluer chaque année le travail fait dans les quartiers. Et ajuster les actions à mener.
Q - Les associations s'inquiètent d'un "désengagement de l'État". Que répondez-vous à leurs inquiétudes ?
R - Je les défendrai coûte que coûte ! On ne peut pas détruire d'un côté des tours, recomposer des quartiers, et ignorer, de l'autre, les associations qui tissent sur le terrain le lien social, en palliant souvent l'absence des services publics. La réforme de la DSU renforce les moyens des communes : nous veillerons à ce qu'ils soient utilisés également pour les associations. Pour autant, l'État reste présent : le budget de la ville a augmenté de 22,7 % en 2005 et les crédits du FIV sont en hausse, quand on y intègre ceux affectés à la réussite éducatives Par ailleurs les associations bénéficient des exonérations fiscales dans le cadre des zones franches urbaines. Si l'impression a pu être donnée que la politique de la ville se concentrait sur le volet "investissement", avec l'Anru, la priorité est désormais d'investir le champ de l'humain.
(Source http://www.ville.gouv.fr, le 22 février 2005)