Texte intégral
Q - Le référendum se tiendra le 29 mai. N'est-ce pas trop court pour bien expliquer la Constitution européenne aux Français ?
R - Entre aujourd'hui et le 29 mai il y a presque trois mois qui seront des mois utiles pour mener un vrai travail d'explication, un vrai débat, une vraie campagne. Mais ce travail d'explication a déjà commencé depuis plusieurs semaines. J'y participe notamment en me rendant régulièrement dans les régions.
Q - L'UMP a rappelé dimanche son opposition à l'adhésion de la Turquie, lui préférant un "partenariat privilégié". Que pensez-vous de l'omniprésence de cette question dans le débat ?
R - Nulle part dans le texte de la Constitution il n'est question de la Turquie. La Constitution ne concerne que les 25 pays membres de l'Union européenne ! Le jour où la question de la Turquie se posera, dans dix, quinze ou vingt ans, ce sont les Français qui auront à choisir en votant. Le Congrès, l'ensemble des parlementaires français en ont ainsi décidé. C'est maintenant dans la Constitution française. A titre personnel, j'ai la même position que Jacques Chirac qui a donné son accord pour qu'on ouvre des négociations d'adhésion. Si elles devaient échouer, nous trouverons une autre formule avec la Turquie. Une chose est définitive, c'est l'endroit où se situe la Turquie, c'est-à-dire au sud-est de l'Europe, sur le Bosphore. C'est à cet endroit que passe la frontière définitive de l'Union européenne. Le moment où l'on votera, ce sera pour décider si elle devient notre frontière définitive interne ou externe et se demander quel est notre intérêt à nous, Européens, sur ce sujet ? Nous avons le temps de poser cette question.
Q - Peut-on sincèrement dissocier la politique intérieure de la campagne référendaire ?
R - La Constitution européenne est un cadre qui pourra être utilisé selon les majorités, qu'elles soient de gauche, de droite ou du centre. La Constitution de la Vème République n'est pas de gauche ou de droite. Ce sera la même chose au niveau européen. C'est pourquoi, s'agissant d'une oeuvre utile pour l'avenir, quels que soient les moments et les majorités, nous devons faire de ce débat un débat européen. Ce n'est pas Jacques Chirac qui est en cause, ni Jean-Pierre Raffarin, ni le gouvernement, ni moi-même.
Q - Quelles sont, selon vous, les principales innovations de la Constitution ?
R - Il y a, d'abord, un vrai effort de clarification : on saura mieux désormais qui fait quoi au niveau européen et national. Il y a aussi la Charte des droits fondamentaux pour les citoyens. J'ajouterai le poste de ministre des Affaires étrangères qui nous a tellement manqué ces quinze dernières années. L'autre point majeur, c'est la capacité d'effectuer des coopérations renforcées, c'est-à-dire qu'un groupe de pays parte à l'avant-garde sur certains sujets comme la justice, l'immigration, la fiscalité des entreprises, etc. Un exemple : après cette tragédie du tsunami, j'ai relancé l'idée d'une force commune, dans laquelle des unités nationales travailleraient ensemble lors de catastrophes à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Union.
Q - La Charte des droits fondamentaux représente-t-elle une vraie garantie contre tout retour en arrière en matière sociale ?
R - On ne reviendra pas en arrière sur les droits, les acquis sociaux auxquels les Français sont maintenant habitués. Ce qui est clair, c'est que tous les pays qui ont signé cette Constitution s'engagent à harmoniser vers le haut leurs standards sociaux. Ce sera un socle commun qui pourra encore être amélioré.
Q - Pour revenir au ministre des Affaires étrangères, comment le chef de la diplomatie que vous êtes envisage-t-il de travailler avec lui ?
R - Ce que j'attends, c'est que, dans certains domaines, ce ministre exprime notre parole avec la force d'un véritable porte-parole de vingt-cinq pays, et non d'un seul ! Dans le monde qui se dessine, où quelques superpuissances représentent des "Etats-continents" - les Etats-Unis, la Chine, la Russie, le Brésil, l'Inde - comment nous, Français, nous faisons-nous respecter ? C'est clairement en mutualisant nos ressources et nos énergies avec d'autres pour parler d'une seule voix.
Q - Les divisions survenues lors de la crise irakienne appartiennent-elles au passé ?
R - L'unité en matière de politique étrangère et de défense ne se décrète pas, elle ne s'improvise pas. Il faut avoir réfléchi, travaillé pour ne pas être surpris. La plus tragique des divisions a été celle de la Yougoslavie où nous avons été incapables d'empêcher une guerre à nos portes avec ses 200.000 morts ! Nous en avons tiré les premières leçons en créant le poste actuel de haut représentant pour la politique étrangère qui va devenir le ministre des Affaires étrangères. Il ne s'agit pas d'une politique étrangère unique mais commune. Dans un certain nombre de domaines il est en effet indispensable de mettre nos forces en commun. C'est la lutte contre le terrorisme, les grands enjeux géostratégiques comme nos relations avec la Russie, le Moyen-Orient, l'Afrique et, je l'espère aussi, nos relations avec les Etats-Unis.
Q - Avez-vous l'impression que les Etats-Unis ont pris conscience de la montée en puissance de l'Europe politique ?
R - C'est le sentiment que j'ai eu en recevant Condoleezza Rice ici au quai d'Orsay et en écoutant le président Bush dire que les Etats-Unis ont besoin d'une Europe forte. Cette idée progresse. Mais il faut aussi que les Européens aient confiance en eux-mêmes. Face à de nombreux grands défis, nous devons travailler avec les Américains, que ce soient le défi du terrorisme, ou ceux de la pauvreté, des grandes pandémies, du sous-développement en général sans oublier le réchauffement climatique qui est une priorité pour notre planète. Notre relation doit être équilibrée pour être dynamique. Comme c'est normal entre des alliés qui se respectent.
Q - Que pouvez-vous nous dire sur la situation des otages Florence Aubenas et Hussein Hanoun al-Saadi ?
R - Nous travaillons beaucoup, à Bagdad et ici même, pour nouer des fils, étudier, expertiser tous les contacts qui nous sont proposés, notamment depuis la diffusion de cette cassette très émouvante où l'on voit Florence Aubenas s'exprimer tragiquement. Nos services sont entièrement mobilisés et continuent à l'être avec la discrétion qui s'impose, comme se fut le cas pour Christian Chesnot et Georges Malbrunot, même si les situations sont différentes.
Q - Didier Julia est-il définitivement hors jeu ?
R - Le Premier ministre a dit ce qu'il fallait en expliquant que quiconque possédait des informations utiles pour favoriser la libération de Florence Aubenas et de Hussein Hanoun avait le devoir de les apporter au service de l'Etat, mais aussi en rappelant qu'il n'y aurait pas de démarche parallèle.
Q - Que pensez-vous de la polémique sur la libération de l'otage italienne Giuliana Sgrena ?
R - D'abord, nous avons été profondément heureux de sa libération, pour elle-même, sa famille, ses confrères, les autorités et le peuple italien, et en même temps très émus par la mort, lors de cette libération, de l'un des principaux responsables des services italiens. L'enquête qui a été décidée par les Américains devra faire la lumière sur la raison de ce drame
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 mars 2005)
R - Entre aujourd'hui et le 29 mai il y a presque trois mois qui seront des mois utiles pour mener un vrai travail d'explication, un vrai débat, une vraie campagne. Mais ce travail d'explication a déjà commencé depuis plusieurs semaines. J'y participe notamment en me rendant régulièrement dans les régions.
Q - L'UMP a rappelé dimanche son opposition à l'adhésion de la Turquie, lui préférant un "partenariat privilégié". Que pensez-vous de l'omniprésence de cette question dans le débat ?
R - Nulle part dans le texte de la Constitution il n'est question de la Turquie. La Constitution ne concerne que les 25 pays membres de l'Union européenne ! Le jour où la question de la Turquie se posera, dans dix, quinze ou vingt ans, ce sont les Français qui auront à choisir en votant. Le Congrès, l'ensemble des parlementaires français en ont ainsi décidé. C'est maintenant dans la Constitution française. A titre personnel, j'ai la même position que Jacques Chirac qui a donné son accord pour qu'on ouvre des négociations d'adhésion. Si elles devaient échouer, nous trouverons une autre formule avec la Turquie. Une chose est définitive, c'est l'endroit où se situe la Turquie, c'est-à-dire au sud-est de l'Europe, sur le Bosphore. C'est à cet endroit que passe la frontière définitive de l'Union européenne. Le moment où l'on votera, ce sera pour décider si elle devient notre frontière définitive interne ou externe et se demander quel est notre intérêt à nous, Européens, sur ce sujet ? Nous avons le temps de poser cette question.
Q - Peut-on sincèrement dissocier la politique intérieure de la campagne référendaire ?
R - La Constitution européenne est un cadre qui pourra être utilisé selon les majorités, qu'elles soient de gauche, de droite ou du centre. La Constitution de la Vème République n'est pas de gauche ou de droite. Ce sera la même chose au niveau européen. C'est pourquoi, s'agissant d'une oeuvre utile pour l'avenir, quels que soient les moments et les majorités, nous devons faire de ce débat un débat européen. Ce n'est pas Jacques Chirac qui est en cause, ni Jean-Pierre Raffarin, ni le gouvernement, ni moi-même.
Q - Quelles sont, selon vous, les principales innovations de la Constitution ?
R - Il y a, d'abord, un vrai effort de clarification : on saura mieux désormais qui fait quoi au niveau européen et national. Il y a aussi la Charte des droits fondamentaux pour les citoyens. J'ajouterai le poste de ministre des Affaires étrangères qui nous a tellement manqué ces quinze dernières années. L'autre point majeur, c'est la capacité d'effectuer des coopérations renforcées, c'est-à-dire qu'un groupe de pays parte à l'avant-garde sur certains sujets comme la justice, l'immigration, la fiscalité des entreprises, etc. Un exemple : après cette tragédie du tsunami, j'ai relancé l'idée d'une force commune, dans laquelle des unités nationales travailleraient ensemble lors de catastrophes à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Union.
Q - La Charte des droits fondamentaux représente-t-elle une vraie garantie contre tout retour en arrière en matière sociale ?
R - On ne reviendra pas en arrière sur les droits, les acquis sociaux auxquels les Français sont maintenant habitués. Ce qui est clair, c'est que tous les pays qui ont signé cette Constitution s'engagent à harmoniser vers le haut leurs standards sociaux. Ce sera un socle commun qui pourra encore être amélioré.
Q - Pour revenir au ministre des Affaires étrangères, comment le chef de la diplomatie que vous êtes envisage-t-il de travailler avec lui ?
R - Ce que j'attends, c'est que, dans certains domaines, ce ministre exprime notre parole avec la force d'un véritable porte-parole de vingt-cinq pays, et non d'un seul ! Dans le monde qui se dessine, où quelques superpuissances représentent des "Etats-continents" - les Etats-Unis, la Chine, la Russie, le Brésil, l'Inde - comment nous, Français, nous faisons-nous respecter ? C'est clairement en mutualisant nos ressources et nos énergies avec d'autres pour parler d'une seule voix.
Q - Les divisions survenues lors de la crise irakienne appartiennent-elles au passé ?
R - L'unité en matière de politique étrangère et de défense ne se décrète pas, elle ne s'improvise pas. Il faut avoir réfléchi, travaillé pour ne pas être surpris. La plus tragique des divisions a été celle de la Yougoslavie où nous avons été incapables d'empêcher une guerre à nos portes avec ses 200.000 morts ! Nous en avons tiré les premières leçons en créant le poste actuel de haut représentant pour la politique étrangère qui va devenir le ministre des Affaires étrangères. Il ne s'agit pas d'une politique étrangère unique mais commune. Dans un certain nombre de domaines il est en effet indispensable de mettre nos forces en commun. C'est la lutte contre le terrorisme, les grands enjeux géostratégiques comme nos relations avec la Russie, le Moyen-Orient, l'Afrique et, je l'espère aussi, nos relations avec les Etats-Unis.
Q - Avez-vous l'impression que les Etats-Unis ont pris conscience de la montée en puissance de l'Europe politique ?
R - C'est le sentiment que j'ai eu en recevant Condoleezza Rice ici au quai d'Orsay et en écoutant le président Bush dire que les Etats-Unis ont besoin d'une Europe forte. Cette idée progresse. Mais il faut aussi que les Européens aient confiance en eux-mêmes. Face à de nombreux grands défis, nous devons travailler avec les Américains, que ce soient le défi du terrorisme, ou ceux de la pauvreté, des grandes pandémies, du sous-développement en général sans oublier le réchauffement climatique qui est une priorité pour notre planète. Notre relation doit être équilibrée pour être dynamique. Comme c'est normal entre des alliés qui se respectent.
Q - Que pouvez-vous nous dire sur la situation des otages Florence Aubenas et Hussein Hanoun al-Saadi ?
R - Nous travaillons beaucoup, à Bagdad et ici même, pour nouer des fils, étudier, expertiser tous les contacts qui nous sont proposés, notamment depuis la diffusion de cette cassette très émouvante où l'on voit Florence Aubenas s'exprimer tragiquement. Nos services sont entièrement mobilisés et continuent à l'être avec la discrétion qui s'impose, comme se fut le cas pour Christian Chesnot et Georges Malbrunot, même si les situations sont différentes.
Q - Didier Julia est-il définitivement hors jeu ?
R - Le Premier ministre a dit ce qu'il fallait en expliquant que quiconque possédait des informations utiles pour favoriser la libération de Florence Aubenas et de Hussein Hanoun avait le devoir de les apporter au service de l'Etat, mais aussi en rappelant qu'il n'y aurait pas de démarche parallèle.
Q - Que pensez-vous de la polémique sur la libération de l'otage italienne Giuliana Sgrena ?
R - D'abord, nous avons été profondément heureux de sa libération, pour elle-même, sa famille, ses confrères, les autorités et le peuple italien, et en même temps très émus par la mort, lors de cette libération, de l'un des principaux responsables des services italiens. L'enquête qui a été décidée par les Américains devra faire la lumière sur la raison de ce drame
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 8 mars 2005)