Texte intégral
Monsieur le Président du Conseil des ministres de l'UEMOA
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Gouverneurs et Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Permettez moi tout d'abord de vous dire à quel point je suis heureux et honoré - avec mon collègue Xavier Darcos - de participer pour la première fois, et un mois après ma nomination, à la réunion des ministres des finances de la Zone franc. Mes remerciements s'adressent en premier lieu à vous, Monsieur le Président, pour la qualité de votre accueil ici à Cotonou, au cur du quartier latin de l'Afrique, dont nous connaissons et apprécions le rôle éminent au service de l'intégration régionale et du développement.
Permettez moi aussi de vous dire ma détermination à faire de cette année 2005 l'année de l'Afrique.
Début 2003, le Président de la République Jacques Chirac organise à Paris le sommet Afrique France. Quelques mois plus tard, exerçant la présidence du G 8, il présente au Sommet d'Evian des propositions concrètes - l'initiative Afrique - qui ont entre temps été approuvées par l'Europe dans son ensemble. Malheureusement, les idées audacieuses mettent parfois du temps à être comprises, puis acceptées par la communauté internationale.
Et pourtant!
Combien d'experts, combien de rapports ont dit sans détour quelle est la situation de l'Afrique au regard du développement humain, du développement économique, de l'accès à l'eau et à la santé?
Combien d'avertissements ont été lancés pour nous faire mesurer l'écart entre les ambitions du millénaire et les moyens que la communauté internationale consacre pour les atteindre?
2005 est une année porteuse d'espoirs. Et je suis fier que les valeurs et les propositions portées par la France, avec l'inlassable engagement qui caractérise - vous le savez - le Président de la République, puissent trouver cette année les voies et moyens de leur mise en uvre.
2005, ce sera en juillet le sommet du G 8 de Gleneagles, sous présidence britannique, et je me réjouis que l'Afrique revête, à nouveau, un caractère prioritaire. 2005, ce sera également en septembre le Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement, aux Nations-Unies, à New-York, pour faire un état d'avancement dans la réalisation des objectifs de développement du millénaire, au tiers de notre parcours. 2005, ce sera enfin en décembre, la conférence ministérielle de l'Organisation Mondiale du Commerce, à Hong-Kong, où des options concrètes devront être prises pour l'avancement du cycle du développement.
Pour que 2005 soit réellement l'année de l'Afrique, la France se fixe trois objectifs:
faire reconnaître concrètement la situation particulière et les besoins spécifiques de l'Afrique dans toutes les organisations internationales compétentes.
La communauté internationale ne peut pas opposer des bonnes paroles et des déclarations vagues à des exigences pressantes et concrètes: il faut diriger, dans le domaine de l'aide publique au développement comme dans le domaine du commerce, les efforts et la solidarité prioritairement sur ceux qui en ont le plus besoin.
Je me rendrai avec vous la semaine prochaine à Washington, pour participer à ma première réunion des ministres des finances du G 7. J'y porterai l'ambition que l'ensemble des pays développés dégagent de nouveaux moyens pour mettre en uvre des efforts supplémentaires sur la dette, afin d'en améliorer la soutenabilité pour les pays qui en ont le plus besoin. J'y porterai également l'ambition que nous trouvions des moyens supplémentaires, des moyens innovants, pour financer le développement, par la mise en place de mécanismes de taxation internationale, dans le prolongement de l'initiative quadripartite lancée à New-York à l'été dernier par les Présidents Chirac, Lula et Lagos ainsi que le Premier ministre Zapatero, initiative à laquelle l'Allemagne vient de se joindre.
J'expliquerai pourquoi l'initiative pilote présentée en février dernier par la France et l'Allemagne au G 7 finances de Londres est indispensable et urgente, puisqu'elle vise à augmenter rapidement les moyens pour la vaccination et pour la prise en charge des traitements contre le SIDA, par une utilisation combinée de la Facilité Financière Internationale et d'une taxation du transport aérien.
le deuxième objectif que se fixe la France est que les moyens consacrés à l'aide publique au développement par les pays développés augmentent significativement. Nous le savons, il manque environ 50 milliards de dollars par an pour atteindre les objectifs du millénaire.
La France a pris des engagements en ce qui la concerne, et elle s'y tient. Elle a augmenté son effort d'aide publique au développement de 0,32% du PIB au début de la législature à 0,44% cette année, et elle atteindra 0,5% en 2007, à la fin de la législature, et 0,7% en 2012. Dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, nous tenons le cap fixé par le Président de la République, et - croyez moi - c'est un vrai défi pour le ministre des finances qui vous parle quand il s'agit de boucler le budget, mais cela atteste bien de l'importance politique que nous accordons à la solidarité internationale.
Les 2/3 de notre aide vont à l'Afrique. L'annulation de la dette a pris, ces dernières années, une part importante dans la répartition de notre aide, puisqu'elle en représente environ 30%. Sachez que, dès le budget de l'année 2006, que je prépare actuellement, nous allons décider une montée en puissance de l'aide bilatérale que nous accordons à l'Afrique, notamment via notre opérateur l'Agence Française de Développement, en permettant à l'Agence de monter un plus grand nombre de projets nouveaux, pour se préparer à la baisse des montants que nous devrons consacrer à la dette dans les années qui viennent, du fait des progrès accomplis dans l'initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés).
La France est le pays du G 7 qui consacre la plus grande part de son PIB à l'aide publique au développement. Elle est devenue le premier contributeur au Fonds Africain de Développement. Elle a donc, par la vertu de l'exemple, la crédibilité politique lui permettant de plaider auprès de ses partenaires pour une remontée de l'effort d'aide publique au développement tant par la voie bilatérale qu'au sein des institutions financières internationales.
Et de ce point de vue, le développement de la micro-finance, sur lequel je vais revenir dans un instant, représente une opportunité très importante pour l'Afrique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Président de la République ouvrira le 20 juin les travaux de la Conférence qu'il a souhaité organiser à Paris sur ce sujet et à laquelle j'espère avoir le plaisir de vous retrouver nombreux.
le troisième objectif que se fixe la France est de faire reconnaître par l'Organisation Mondiale du Commerce la légitimité et la sécurité juridique de préférences commerciales spécifiques pour l'Afrique.
Vous le savez mieux que quiconque, l'érosion mécanique des préférences commerciales que l'Europe - qui a joué un rôle pionnier en ce domaine - accorde à l'Afrique depuis 1975 se double d'une remise en cause de la légitimité même de ces préférences au sein de l'OMC, via le mécanisme de règlement des différends.
Le Président de la République a présenté en 2003 au G 8 des propositions généreuses sur le commerce des pays développés avec l'Afrique. Le Royaume-Uni présente également des propositions en ce sens pour le Sommet de Gleneagles. Ces différentes propositions ont un obstacle juridique sur leur route si elles devaient être mises en uvre, et cet obstacle est à l'OMC.
Je vais rencontrer régulièrement le Commissaire européen au Commerce Peter Mandelson pour préparer, avec François Loos, le ministre du Commerce extérieur, la Conférence de Hong-Kong, et je souhaite le convaincre de la nécessité que nous fassions de cette Conférence l'occasion historique d'une avancée en ce domaine. L'Europe n'est évidemment pas seule à décider, mais rien ne se fera sans sa combativité.
Pardonnez moi de ce préambule un peu long, Monsieur le Président, Messieurs les Ministres, Messieurs les Gouverneurs et Présidents, mais je tenais à vous exprimer, à l'occasion de ce premier contact, à la fois mon engagement et mon écoute au service de l'Afrique. Sachez le, les portes de Bercy vous sont ouvertes, que ce soit pour moi-même, en jonglant avec un emploi du temps que vous imaginez, pour mes collaborateurs et pour mes équipes.
En mettant la micro-finance au premier point de l'ordre du jour de cette réunion, vous avez Monsieur le Ministre, justement souligné que si nous voulons augmenter les moyens consacrés au développement, nous ne devons négliger aucune source de financement.
C'est pourquoi il me paraît utile de distinguer ce que j'appellerai le financement par la base, c'est-à-dire les transferts des migrants et la micro-finance, qui sont indispensables pour irriguer en profondeur vos économies, le financement par les acteurs financiers, que ce soient les banques ou les marchés financiers, dont vous avez besoin si vous voulez faire émerger des opérateurs économiques de taille suffisante pour opérer dans l'économie mondialisée, et enfin le financement par l'extérieur, c'est-à-dire l'aide au développement, qui doit prendre en charge ce que le fonctionnement spontané du marché ne sait pas toujours faire, je pense en particulier au financement des politiques de lutte contre les pandémies et au financement des grandes infrastructures. Xavier Darcos reviendra plus amplement sur ce volet tout à l'heure.
Un mot d'abord du "financement par la base", sur lequel les travaux du Groupe de travail animé par l'Ambassadeur Christian CONNAN apportent une contribution très utile.
Les transferts de fonds des travailleurs migrants ne remplaceront - et ne doivent bien entendu pas remplacer - l'aide au développement et l'investissement étranger. Mais ils jouent déjà un rôle très important dans certains Etats et peuvent sans doute être davantage encore mobilisés vers des investissements productifs.
Je partage l'ensemble des recommandations du groupe de travail, en soulignant l'originalité de certaines d'entre elles comme l'idée de proposer des cartes de crédit "bi nationales" ou des schémas de cautionnement mutuel entre le Nord et le Sud.
J'ai pris bonne note également de l'importance de la question des prix de transfert pour permettre à cette épargne de bénéficier pleinement à vos concitoyens. La cascade d'intermédiaires entre le point de départ et le point d'arrivée d'un transfert renchérit ces opérations, sans que ces conditions tarifaires soient toujours bien connues. Je m'engage à mettre ce point à l'ordre du jour des discussions que j'ai régulièrement avec les Banques françaises et à leur transmettre vos propositions pour discussion. Je souhaite avancer concrètement sur ce sujet.
Je ferai également en sorte que les différents groupes de travail mis en place au plan international sur les transferts de fonds intègrent nos préoccupations. Ce sera le cas au G7, mais aussi au niveau européen où vous savez qu'une directive est en cours de préparation qui sera examinée par les commissaires européens cet été. Elle prévoit d'alléger la régulation sur les transferts, tout en harmonisant les informations nécessaires selon les normes du GAFI.
Le domaine de la micro-finance est lui aussi en plein essor, y compris en France où nous cherchons à notre tour à le développer. Je me réjouis qu'un consensus ait pu émerger au sein du groupe de travail pour recommander une adaptation du cadre réglementaire à la diversité des formes juridiques d'exercice de la micro-finance, pour renforcer la surveillance des institutions de micro-finance et adapter les réglementations prudentielles, comptables ou en matière de garanties et sûretés aux spécificités de ce secteur. Je m'engage pour ma part à intégrer les recommandations de la Zone franc dans les travaux préparatoires à la réunion qui sera organisée à Paris le 20 juin prochain.
Deuxième pilier: le financement par les acteurs financiers
Il y a un continuum entre micro finance et secteur financier classique. J'ai notamment relevé l'idée d'aider les institutions de micro finance à proposer une palette élargie de services financiers dans les zones sous bancarisées, ainsi que la proposition d'autoriser les banques classiques à créer des filières spécialisées en micro finance. J'ajouterai volontiers que la poursuite du développement des marchés financiers régionaux, en Afrique de l'Ouest comme en Afrique centrale, viendra compléter la gamme des financements disponibles.
En attendant le rapport des Gouverneurs sur ce sujet tout à l'heure, je voudrais insister sur la poursuite de la modernisation des circuits de financement bancaires. Nous avons surmonté ensemble une crise importante du système bancaire depuis 10 ans. Aujourd'hui, celui-ci est bien plus sain et ces acquis doivent être confortés et préservés.
Mais le système bancaire est aujourd'hui à un tournant : assaini, il doit être mobilisé et renforcer son rôle dans le financement de l'économie, en particulier le financement de l'investissement qui fait aujourd'hui cruellement défaut, sans retomber dans les déséquilibres passés. C'est un élément essentiel pour améliorer le climat des affaires en Zone franc. Des concertations approfondies ont eu lieu à ce propos en UEMOA et en CEMAC et je suis sûr que les conclusions que vont nous livrer dans quelques minutes les gouverneurs seront parfaitement pertinentes.
Un mot de conclusion. Si nous voulons ensemble mobiliser efficacement la communauté internationale sur le financement du développement, il faut poursuivre résolument les réformes que vous avez engagées. C'est le cas en particulier dans 2 domaines clé pour vos économies: le coton et le pétrole.
S'agissant du coton, je mesure à quel point l'évolution des cours menace vos filières. Un an après la réforme du régime des aides communautaires aux producteurs européens de coton, la condamnation des subventions américaines par l'OMC, désormais confirmées en appel, ouvre la voie à des solutions durables.
L'initiative lancée par le Président de la République en faveur du coton lors de son déplacement au Niger et au Mali en octobre 2003 a été reprise par la Commission européenne, qui met en place un "partenariat euro-africain sur le coton", destiné à améliorer la compétitivité des filières en poursuivant leur restructuration et à renforcer la situation des pays Africains dans le commerce mondial du coton. Ces travaux se poursuivent, notamment autour de l'idée d'une facilité régionale d'assurance pour la couverture des risques pesant sur les revenus des producteurs de coton, en liaison avec la Banque Mondiale et le FMI, en lien avec les travaux engagés avec ces institutions sur les chocs exogènes auxquels vos économies sont confrontées.
Sans attendre, la France propose à ses partenaires de mettre en place une action d'urgence, visant à aider à court terme les filières à faire face aux variations de prix à la baisse. Cette action ne doit pas, naturellement, détourner des réformes structurelles indispensables. Elle constitue un geste fort de solidarité dans lequel la France entend s'impliquer résolument.
S'agissant des revenus du pétrole à présent, je voudrais vous encourager à la mise en place des fonds pour les générations futures (FGF) et des fonds de stabilisation qui permettent de conserver une part des revenus tirés aujourd'hui de la hausse des matières premières d'exportation, pour les dépenser ultérieurement en fonction des capacités d'absorption de vos économies. Pour préparer l'avenir, ces fonds constituent une réponse adaptée qui, en outre, permette de préserver la stabilité macro-économique et, avec l'aide des Banques centrales, de maîtriser l'inflation.
La création de ces fonds nécessite bien sur de la transparence et je saisis l'occasion de saluer l'adhésion de cinq Etats de la zone franc à l'EITI, et notamment celles du Cameroun et du Niger annoncées à la conférence de Londres le 17 mars dernier. La France encourage l'ensemble des Etats de la zone franc à adhérer à l'EITI et propose d'appuyer les Etats qui ont identifié des besoins d'assistance dans la mise en uvre de l'initiative avec également l'implication de la Banque mondiale dans ce domaine.
Comme nous l'avions ensemble décidé lors de la réunion de septembre 2004 à Paris, nous vous encourageons à la création d'un secrétariat de l'EITI en zone franc, qui permettrait de partager les expériences de chacun des Etats et d'échanger les meilleures pratiques. La France est prête à vous apporter un appui à cette fin.
Enfin, s'agissant des réformes à conduire, je sais que nos experts ont commencé, hier, à traiter deux sujets très importants: la gestion des dépenses publiques et les privatisations. En apportant ensemble la preuve que les pays de la Zone franc progressent sur ces sujets essentiels de gouvernance, nous achèverons de convaincre les hésitants. C'est à vous, mes chers collègues, que revient la tâche essentielle. Celle de faire partager les principes de la bonne gouvernance, de convaincre de l'utilité de la convergence de vos économies et d'attirer dans vos pays les investisseurs.
Vous me pardonnerez de m'être un peu écarté du strict objet de ce point de notre ordre du jour, excellemment préparé et présenté par l'ambassadeur CONNAN. Mais vous comprendrez que je souhaitais saisir cette occasion pour vous dire le plaisir que j'avais à me retrouver parmi vous, ici en Afrique.
Je vous remercie.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 11 avril 2005)
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Gouverneurs et Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Permettez moi tout d'abord de vous dire à quel point je suis heureux et honoré - avec mon collègue Xavier Darcos - de participer pour la première fois, et un mois après ma nomination, à la réunion des ministres des finances de la Zone franc. Mes remerciements s'adressent en premier lieu à vous, Monsieur le Président, pour la qualité de votre accueil ici à Cotonou, au cur du quartier latin de l'Afrique, dont nous connaissons et apprécions le rôle éminent au service de l'intégration régionale et du développement.
Permettez moi aussi de vous dire ma détermination à faire de cette année 2005 l'année de l'Afrique.
Début 2003, le Président de la République Jacques Chirac organise à Paris le sommet Afrique France. Quelques mois plus tard, exerçant la présidence du G 8, il présente au Sommet d'Evian des propositions concrètes - l'initiative Afrique - qui ont entre temps été approuvées par l'Europe dans son ensemble. Malheureusement, les idées audacieuses mettent parfois du temps à être comprises, puis acceptées par la communauté internationale.
Et pourtant!
Combien d'experts, combien de rapports ont dit sans détour quelle est la situation de l'Afrique au regard du développement humain, du développement économique, de l'accès à l'eau et à la santé?
Combien d'avertissements ont été lancés pour nous faire mesurer l'écart entre les ambitions du millénaire et les moyens que la communauté internationale consacre pour les atteindre?
2005 est une année porteuse d'espoirs. Et je suis fier que les valeurs et les propositions portées par la France, avec l'inlassable engagement qui caractérise - vous le savez - le Président de la République, puissent trouver cette année les voies et moyens de leur mise en uvre.
2005, ce sera en juillet le sommet du G 8 de Gleneagles, sous présidence britannique, et je me réjouis que l'Afrique revête, à nouveau, un caractère prioritaire. 2005, ce sera également en septembre le Sommet des Chefs d'Etat et de Gouvernement, aux Nations-Unies, à New-York, pour faire un état d'avancement dans la réalisation des objectifs de développement du millénaire, au tiers de notre parcours. 2005, ce sera enfin en décembre, la conférence ministérielle de l'Organisation Mondiale du Commerce, à Hong-Kong, où des options concrètes devront être prises pour l'avancement du cycle du développement.
Pour que 2005 soit réellement l'année de l'Afrique, la France se fixe trois objectifs:
faire reconnaître concrètement la situation particulière et les besoins spécifiques de l'Afrique dans toutes les organisations internationales compétentes.
La communauté internationale ne peut pas opposer des bonnes paroles et des déclarations vagues à des exigences pressantes et concrètes: il faut diriger, dans le domaine de l'aide publique au développement comme dans le domaine du commerce, les efforts et la solidarité prioritairement sur ceux qui en ont le plus besoin.
Je me rendrai avec vous la semaine prochaine à Washington, pour participer à ma première réunion des ministres des finances du G 7. J'y porterai l'ambition que l'ensemble des pays développés dégagent de nouveaux moyens pour mettre en uvre des efforts supplémentaires sur la dette, afin d'en améliorer la soutenabilité pour les pays qui en ont le plus besoin. J'y porterai également l'ambition que nous trouvions des moyens supplémentaires, des moyens innovants, pour financer le développement, par la mise en place de mécanismes de taxation internationale, dans le prolongement de l'initiative quadripartite lancée à New-York à l'été dernier par les Présidents Chirac, Lula et Lagos ainsi que le Premier ministre Zapatero, initiative à laquelle l'Allemagne vient de se joindre.
J'expliquerai pourquoi l'initiative pilote présentée en février dernier par la France et l'Allemagne au G 7 finances de Londres est indispensable et urgente, puisqu'elle vise à augmenter rapidement les moyens pour la vaccination et pour la prise en charge des traitements contre le SIDA, par une utilisation combinée de la Facilité Financière Internationale et d'une taxation du transport aérien.
le deuxième objectif que se fixe la France est que les moyens consacrés à l'aide publique au développement par les pays développés augmentent significativement. Nous le savons, il manque environ 50 milliards de dollars par an pour atteindre les objectifs du millénaire.
La France a pris des engagements en ce qui la concerne, et elle s'y tient. Elle a augmenté son effort d'aide publique au développement de 0,32% du PIB au début de la législature à 0,44% cette année, et elle atteindra 0,5% en 2007, à la fin de la législature, et 0,7% en 2012. Dans un contexte budgétaire particulièrement difficile, nous tenons le cap fixé par le Président de la République, et - croyez moi - c'est un vrai défi pour le ministre des finances qui vous parle quand il s'agit de boucler le budget, mais cela atteste bien de l'importance politique que nous accordons à la solidarité internationale.
Les 2/3 de notre aide vont à l'Afrique. L'annulation de la dette a pris, ces dernières années, une part importante dans la répartition de notre aide, puisqu'elle en représente environ 30%. Sachez que, dès le budget de l'année 2006, que je prépare actuellement, nous allons décider une montée en puissance de l'aide bilatérale que nous accordons à l'Afrique, notamment via notre opérateur l'Agence Française de Développement, en permettant à l'Agence de monter un plus grand nombre de projets nouveaux, pour se préparer à la baisse des montants que nous devrons consacrer à la dette dans les années qui viennent, du fait des progrès accomplis dans l'initiative PPTE (Pays Pauvres Très Endettés).
La France est le pays du G 7 qui consacre la plus grande part de son PIB à l'aide publique au développement. Elle est devenue le premier contributeur au Fonds Africain de Développement. Elle a donc, par la vertu de l'exemple, la crédibilité politique lui permettant de plaider auprès de ses partenaires pour une remontée de l'effort d'aide publique au développement tant par la voie bilatérale qu'au sein des institutions financières internationales.
Et de ce point de vue, le développement de la micro-finance, sur lequel je vais revenir dans un instant, représente une opportunité très importante pour l'Afrique. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Président de la République ouvrira le 20 juin les travaux de la Conférence qu'il a souhaité organiser à Paris sur ce sujet et à laquelle j'espère avoir le plaisir de vous retrouver nombreux.
le troisième objectif que se fixe la France est de faire reconnaître par l'Organisation Mondiale du Commerce la légitimité et la sécurité juridique de préférences commerciales spécifiques pour l'Afrique.
Vous le savez mieux que quiconque, l'érosion mécanique des préférences commerciales que l'Europe - qui a joué un rôle pionnier en ce domaine - accorde à l'Afrique depuis 1975 se double d'une remise en cause de la légitimité même de ces préférences au sein de l'OMC, via le mécanisme de règlement des différends.
Le Président de la République a présenté en 2003 au G 8 des propositions généreuses sur le commerce des pays développés avec l'Afrique. Le Royaume-Uni présente également des propositions en ce sens pour le Sommet de Gleneagles. Ces différentes propositions ont un obstacle juridique sur leur route si elles devaient être mises en uvre, et cet obstacle est à l'OMC.
Je vais rencontrer régulièrement le Commissaire européen au Commerce Peter Mandelson pour préparer, avec François Loos, le ministre du Commerce extérieur, la Conférence de Hong-Kong, et je souhaite le convaincre de la nécessité que nous fassions de cette Conférence l'occasion historique d'une avancée en ce domaine. L'Europe n'est évidemment pas seule à décider, mais rien ne se fera sans sa combativité.
Pardonnez moi de ce préambule un peu long, Monsieur le Président, Messieurs les Ministres, Messieurs les Gouverneurs et Présidents, mais je tenais à vous exprimer, à l'occasion de ce premier contact, à la fois mon engagement et mon écoute au service de l'Afrique. Sachez le, les portes de Bercy vous sont ouvertes, que ce soit pour moi-même, en jonglant avec un emploi du temps que vous imaginez, pour mes collaborateurs et pour mes équipes.
En mettant la micro-finance au premier point de l'ordre du jour de cette réunion, vous avez Monsieur le Ministre, justement souligné que si nous voulons augmenter les moyens consacrés au développement, nous ne devons négliger aucune source de financement.
C'est pourquoi il me paraît utile de distinguer ce que j'appellerai le financement par la base, c'est-à-dire les transferts des migrants et la micro-finance, qui sont indispensables pour irriguer en profondeur vos économies, le financement par les acteurs financiers, que ce soient les banques ou les marchés financiers, dont vous avez besoin si vous voulez faire émerger des opérateurs économiques de taille suffisante pour opérer dans l'économie mondialisée, et enfin le financement par l'extérieur, c'est-à-dire l'aide au développement, qui doit prendre en charge ce que le fonctionnement spontané du marché ne sait pas toujours faire, je pense en particulier au financement des politiques de lutte contre les pandémies et au financement des grandes infrastructures. Xavier Darcos reviendra plus amplement sur ce volet tout à l'heure.
Un mot d'abord du "financement par la base", sur lequel les travaux du Groupe de travail animé par l'Ambassadeur Christian CONNAN apportent une contribution très utile.
Les transferts de fonds des travailleurs migrants ne remplaceront - et ne doivent bien entendu pas remplacer - l'aide au développement et l'investissement étranger. Mais ils jouent déjà un rôle très important dans certains Etats et peuvent sans doute être davantage encore mobilisés vers des investissements productifs.
Je partage l'ensemble des recommandations du groupe de travail, en soulignant l'originalité de certaines d'entre elles comme l'idée de proposer des cartes de crédit "bi nationales" ou des schémas de cautionnement mutuel entre le Nord et le Sud.
J'ai pris bonne note également de l'importance de la question des prix de transfert pour permettre à cette épargne de bénéficier pleinement à vos concitoyens. La cascade d'intermédiaires entre le point de départ et le point d'arrivée d'un transfert renchérit ces opérations, sans que ces conditions tarifaires soient toujours bien connues. Je m'engage à mettre ce point à l'ordre du jour des discussions que j'ai régulièrement avec les Banques françaises et à leur transmettre vos propositions pour discussion. Je souhaite avancer concrètement sur ce sujet.
Je ferai également en sorte que les différents groupes de travail mis en place au plan international sur les transferts de fonds intègrent nos préoccupations. Ce sera le cas au G7, mais aussi au niveau européen où vous savez qu'une directive est en cours de préparation qui sera examinée par les commissaires européens cet été. Elle prévoit d'alléger la régulation sur les transferts, tout en harmonisant les informations nécessaires selon les normes du GAFI.
Le domaine de la micro-finance est lui aussi en plein essor, y compris en France où nous cherchons à notre tour à le développer. Je me réjouis qu'un consensus ait pu émerger au sein du groupe de travail pour recommander une adaptation du cadre réglementaire à la diversité des formes juridiques d'exercice de la micro-finance, pour renforcer la surveillance des institutions de micro-finance et adapter les réglementations prudentielles, comptables ou en matière de garanties et sûretés aux spécificités de ce secteur. Je m'engage pour ma part à intégrer les recommandations de la Zone franc dans les travaux préparatoires à la réunion qui sera organisée à Paris le 20 juin prochain.
Deuxième pilier: le financement par les acteurs financiers
Il y a un continuum entre micro finance et secteur financier classique. J'ai notamment relevé l'idée d'aider les institutions de micro finance à proposer une palette élargie de services financiers dans les zones sous bancarisées, ainsi que la proposition d'autoriser les banques classiques à créer des filières spécialisées en micro finance. J'ajouterai volontiers que la poursuite du développement des marchés financiers régionaux, en Afrique de l'Ouest comme en Afrique centrale, viendra compléter la gamme des financements disponibles.
En attendant le rapport des Gouverneurs sur ce sujet tout à l'heure, je voudrais insister sur la poursuite de la modernisation des circuits de financement bancaires. Nous avons surmonté ensemble une crise importante du système bancaire depuis 10 ans. Aujourd'hui, celui-ci est bien plus sain et ces acquis doivent être confortés et préservés.
Mais le système bancaire est aujourd'hui à un tournant : assaini, il doit être mobilisé et renforcer son rôle dans le financement de l'économie, en particulier le financement de l'investissement qui fait aujourd'hui cruellement défaut, sans retomber dans les déséquilibres passés. C'est un élément essentiel pour améliorer le climat des affaires en Zone franc. Des concertations approfondies ont eu lieu à ce propos en UEMOA et en CEMAC et je suis sûr que les conclusions que vont nous livrer dans quelques minutes les gouverneurs seront parfaitement pertinentes.
Un mot de conclusion. Si nous voulons ensemble mobiliser efficacement la communauté internationale sur le financement du développement, il faut poursuivre résolument les réformes que vous avez engagées. C'est le cas en particulier dans 2 domaines clé pour vos économies: le coton et le pétrole.
S'agissant du coton, je mesure à quel point l'évolution des cours menace vos filières. Un an après la réforme du régime des aides communautaires aux producteurs européens de coton, la condamnation des subventions américaines par l'OMC, désormais confirmées en appel, ouvre la voie à des solutions durables.
L'initiative lancée par le Président de la République en faveur du coton lors de son déplacement au Niger et au Mali en octobre 2003 a été reprise par la Commission européenne, qui met en place un "partenariat euro-africain sur le coton", destiné à améliorer la compétitivité des filières en poursuivant leur restructuration et à renforcer la situation des pays Africains dans le commerce mondial du coton. Ces travaux se poursuivent, notamment autour de l'idée d'une facilité régionale d'assurance pour la couverture des risques pesant sur les revenus des producteurs de coton, en liaison avec la Banque Mondiale et le FMI, en lien avec les travaux engagés avec ces institutions sur les chocs exogènes auxquels vos économies sont confrontées.
Sans attendre, la France propose à ses partenaires de mettre en place une action d'urgence, visant à aider à court terme les filières à faire face aux variations de prix à la baisse. Cette action ne doit pas, naturellement, détourner des réformes structurelles indispensables. Elle constitue un geste fort de solidarité dans lequel la France entend s'impliquer résolument.
S'agissant des revenus du pétrole à présent, je voudrais vous encourager à la mise en place des fonds pour les générations futures (FGF) et des fonds de stabilisation qui permettent de conserver une part des revenus tirés aujourd'hui de la hausse des matières premières d'exportation, pour les dépenser ultérieurement en fonction des capacités d'absorption de vos économies. Pour préparer l'avenir, ces fonds constituent une réponse adaptée qui, en outre, permette de préserver la stabilité macro-économique et, avec l'aide des Banques centrales, de maîtriser l'inflation.
La création de ces fonds nécessite bien sur de la transparence et je saisis l'occasion de saluer l'adhésion de cinq Etats de la zone franc à l'EITI, et notamment celles du Cameroun et du Niger annoncées à la conférence de Londres le 17 mars dernier. La France encourage l'ensemble des Etats de la zone franc à adhérer à l'EITI et propose d'appuyer les Etats qui ont identifié des besoins d'assistance dans la mise en uvre de l'initiative avec également l'implication de la Banque mondiale dans ce domaine.
Comme nous l'avions ensemble décidé lors de la réunion de septembre 2004 à Paris, nous vous encourageons à la création d'un secrétariat de l'EITI en zone franc, qui permettrait de partager les expériences de chacun des Etats et d'échanger les meilleures pratiques. La France est prête à vous apporter un appui à cette fin.
Enfin, s'agissant des réformes à conduire, je sais que nos experts ont commencé, hier, à traiter deux sujets très importants: la gestion des dépenses publiques et les privatisations. En apportant ensemble la preuve que les pays de la Zone franc progressent sur ces sujets essentiels de gouvernance, nous achèverons de convaincre les hésitants. C'est à vous, mes chers collègues, que revient la tâche essentielle. Celle de faire partager les principes de la bonne gouvernance, de convaincre de l'utilité de la convergence de vos économies et d'attirer dans vos pays les investisseurs.
Vous me pardonnerez de m'être un peu écarté du strict objet de ce point de notre ordre du jour, excellemment préparé et présenté par l'ambassadeur CONNAN. Mais vous comprendrez que je souhaitais saisir cette occasion pour vous dire le plaisir que j'avais à me retrouver parmi vous, ici en Afrique.
Je vous remercie.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 11 avril 2005)