Texte intégral
(Salutations)
Je voudrais répéter, en écho aux propos du Général de Laprêle, qu'il y a ici des hommes et des femmes, qui ont vécu cette période sur laquelle vous avez travaillé. Le sujet vous invitait à réfléchir sur les " plaques, stèles et monuments " qui entretenaient le souvenir de la Résistance. Mais avant ces témoignages de pierre, nous avons encore la chance de compter parmi nous des acteurs vivants de ce moment de l'Histoire, tout prêts à témoigner de leur engagement. Et comment ne pas commencer par rendre hommage à ceux qui ont su prendre tous les risques, parfois au sacrifice de leur vie ? En dépassant leur destin individuel au profit du destin collectif de la France, en mettant en jeu leur existence au nom de cette réalité qui nous dépasse, ils nous ont offert une leçon de courage, une leçon de vie.
En ce qui concerne le Concours de cette année, on ne peut esquiver le constat qu'il y a de moins en moins de participants. Des points positifs compensent en partie cette observation regrettable, tels que l'accroissement des devoirs collectifs et l'usage des moyens modernes : bandes dessinées, cédéroms. Mais force est de reconnaître qu'il est difficile de mobiliser la jeunesse. Vous avez rapporté, M. le Président, la réflexion de cet historien anglais qui observe avec justesse que notre époque se caractérise par une perte d'intérêt pour la mémoire. De fait, avec l'accélération de l'histoire que nous vivons, avec le télescopage incessant d'images que nous subissons, avec l'avènement du " virtuel ", le passé s'éloigne, l'action de nos prédécesseurs devient de plus en plus distante, voire irréelle.
Pourtant, le devoir de mémoire est une nécessité. Les jeunes doivent savoir d'où ils viennent afin d'organiser leur réflexion et d'assumer leurs responsabilités de citoyens. Si nous voulons construire l'Europe, il faut connaître les affrontements passés avec nos voisins, avoir compris le pourquoi et le comment de ces conflits à répétition, de façon à éviter qu'ils ne recommencent encore une fois. Ignorer ses racines, c'est ne pas être à la hauteur de ses devoirs civiques.
Mais ce qui me donne confiance en votre capacité de répondre à ce défi, c'est votre réussite dans l'exercice d'une mémoire vraie. Car la mémoire peut être une falsification de l'histoire. Pour échapper aux pièges de la propagande, il faut l'affronter avec impartialité et lucidité. Toutes les idéologies ont intérêt à diffuser une mémoire mythique et erronée. Ainsi les nationalismes du XIXème siècle se sont bâtis sur un amas de déformations, de mensonges, de documents truqués. Il n'est pas étonnant que cet échafaudage de haine ait abouti à une explosion et que le continent tout entier bascule dans la guerre. L'Europe, elle, doit se bâtir sur une mémoire vraie, car seule la vérité peut fonder la paix. Il faut éviter ces dérives désastreuses que nous avons connues. Les peuples européens ne pourront fonder une concorde durable qu'en regardant honnêtement leur passé, de façon que chacun accepte, sans faux-semblant, son passif. Il n'y aura pas de citoyenneté européenne si on ne va pas au bout de cette recherche.
Mais la réponse à mes interrogations a été apportée par vous, jeunes gens, à travers les citations que M. le Président du jury vient de faire de vos travaux. Ce qui en ressort, m'a-t-il semblé, c'est moins le sérieux apporté dans l'étude des faits, que la conscience que les participants à ce concours en ont tirée. Il est visible, et c'est là la grande réussite de ce concours, de cet acquis précieux qu'il convient de préserver et d'entretenir chaque année, il est visible que ceux qui en sont sortis n'étaient plus les mêmes que ceux qui y ont entré. Nos jeunes historiens en herbe se sont appropriés non seulement les faits, mais aussi l'esprit des faits. Grâce à ce travail, ils se sont construits une citoyenneté, une conscience civique. Ils en sont sortis plus forts, plus aguerris, prêts désormais à assumer pleinement leurs responsabilités. Car c'est vous, jeunes gens, qui allez construire la France et l'Europe de demain. Une société ne peut vivre que fondée sur des valeurs, et ces valeurs ne sont jamais acquises définitivement. Leur sauvegarde suppose des sacrifices face au péril commun, parfois le sacrifice de sa propre vie. Les valeurs de notre République, celles qu'exprime la devise liberté-égalité-fraternité, nous autres Français osons croire qu'elles sont universelles, c'est-à-dire valables pour tous les hommes. La paix, la démocratie, le progrès, la tolérance sont au bout de cette construction, si nous savons faire vivre nos valeurs au quotidien. C'est cela que l'histoire doit enseigner. C'est en prenant conscience de l'origine et de l'avenir de ces valeurs qui sont les nôtres que vous vous préparez à exercer vos responsabilités. Et votre travail, finalement, c'était ça. La finalité de vos recherches, et votre plus belle récompense, ce ne sont pas les livres que vous allez recevoir, ni le spectacle que vous allez voir, c'était la transformation qui s'est effectuée en vous, c'était la conscience civique que vous y avez développée, c'était d'en ressortir différents.
Je voudrais pour terminer remercier les enseignants qui vous ont encadré dans ces travaux " militants ", car ils relèvent bien d'une sorte de militantisme citoyen. Je ne peux vous donner meilleur conseil que de vous encourager à continuer dans cette voie. Car tout ce qui sera bon pour vous sera bon pour la France et pour la République.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 2 février 2000)
Je voudrais répéter, en écho aux propos du Général de Laprêle, qu'il y a ici des hommes et des femmes, qui ont vécu cette période sur laquelle vous avez travaillé. Le sujet vous invitait à réfléchir sur les " plaques, stèles et monuments " qui entretenaient le souvenir de la Résistance. Mais avant ces témoignages de pierre, nous avons encore la chance de compter parmi nous des acteurs vivants de ce moment de l'Histoire, tout prêts à témoigner de leur engagement. Et comment ne pas commencer par rendre hommage à ceux qui ont su prendre tous les risques, parfois au sacrifice de leur vie ? En dépassant leur destin individuel au profit du destin collectif de la France, en mettant en jeu leur existence au nom de cette réalité qui nous dépasse, ils nous ont offert une leçon de courage, une leçon de vie.
En ce qui concerne le Concours de cette année, on ne peut esquiver le constat qu'il y a de moins en moins de participants. Des points positifs compensent en partie cette observation regrettable, tels que l'accroissement des devoirs collectifs et l'usage des moyens modernes : bandes dessinées, cédéroms. Mais force est de reconnaître qu'il est difficile de mobiliser la jeunesse. Vous avez rapporté, M. le Président, la réflexion de cet historien anglais qui observe avec justesse que notre époque se caractérise par une perte d'intérêt pour la mémoire. De fait, avec l'accélération de l'histoire que nous vivons, avec le télescopage incessant d'images que nous subissons, avec l'avènement du " virtuel ", le passé s'éloigne, l'action de nos prédécesseurs devient de plus en plus distante, voire irréelle.
Pourtant, le devoir de mémoire est une nécessité. Les jeunes doivent savoir d'où ils viennent afin d'organiser leur réflexion et d'assumer leurs responsabilités de citoyens. Si nous voulons construire l'Europe, il faut connaître les affrontements passés avec nos voisins, avoir compris le pourquoi et le comment de ces conflits à répétition, de façon à éviter qu'ils ne recommencent encore une fois. Ignorer ses racines, c'est ne pas être à la hauteur de ses devoirs civiques.
Mais ce qui me donne confiance en votre capacité de répondre à ce défi, c'est votre réussite dans l'exercice d'une mémoire vraie. Car la mémoire peut être une falsification de l'histoire. Pour échapper aux pièges de la propagande, il faut l'affronter avec impartialité et lucidité. Toutes les idéologies ont intérêt à diffuser une mémoire mythique et erronée. Ainsi les nationalismes du XIXème siècle se sont bâtis sur un amas de déformations, de mensonges, de documents truqués. Il n'est pas étonnant que cet échafaudage de haine ait abouti à une explosion et que le continent tout entier bascule dans la guerre. L'Europe, elle, doit se bâtir sur une mémoire vraie, car seule la vérité peut fonder la paix. Il faut éviter ces dérives désastreuses que nous avons connues. Les peuples européens ne pourront fonder une concorde durable qu'en regardant honnêtement leur passé, de façon que chacun accepte, sans faux-semblant, son passif. Il n'y aura pas de citoyenneté européenne si on ne va pas au bout de cette recherche.
Mais la réponse à mes interrogations a été apportée par vous, jeunes gens, à travers les citations que M. le Président du jury vient de faire de vos travaux. Ce qui en ressort, m'a-t-il semblé, c'est moins le sérieux apporté dans l'étude des faits, que la conscience que les participants à ce concours en ont tirée. Il est visible, et c'est là la grande réussite de ce concours, de cet acquis précieux qu'il convient de préserver et d'entretenir chaque année, il est visible que ceux qui en sont sortis n'étaient plus les mêmes que ceux qui y ont entré. Nos jeunes historiens en herbe se sont appropriés non seulement les faits, mais aussi l'esprit des faits. Grâce à ce travail, ils se sont construits une citoyenneté, une conscience civique. Ils en sont sortis plus forts, plus aguerris, prêts désormais à assumer pleinement leurs responsabilités. Car c'est vous, jeunes gens, qui allez construire la France et l'Europe de demain. Une société ne peut vivre que fondée sur des valeurs, et ces valeurs ne sont jamais acquises définitivement. Leur sauvegarde suppose des sacrifices face au péril commun, parfois le sacrifice de sa propre vie. Les valeurs de notre République, celles qu'exprime la devise liberté-égalité-fraternité, nous autres Français osons croire qu'elles sont universelles, c'est-à-dire valables pour tous les hommes. La paix, la démocratie, le progrès, la tolérance sont au bout de cette construction, si nous savons faire vivre nos valeurs au quotidien. C'est cela que l'histoire doit enseigner. C'est en prenant conscience de l'origine et de l'avenir de ces valeurs qui sont les nôtres que vous vous préparez à exercer vos responsabilités. Et votre travail, finalement, c'était ça. La finalité de vos recherches, et votre plus belle récompense, ce ne sont pas les livres que vous allez recevoir, ni le spectacle que vous allez voir, c'était la transformation qui s'est effectuée en vous, c'était la conscience civique que vous y avez développée, c'était d'en ressortir différents.
Je voudrais pour terminer remercier les enseignants qui vous ont encadré dans ces travaux " militants ", car ils relèvent bien d'une sorte de militantisme citoyen. Je ne peux vous donner meilleur conseil que de vous encourager à continuer dans cette voie. Car tout ce qui sera bon pour vous sera bon pour la France et pour la République.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 2 février 2000)