Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, sur la politique d'emploi et de réinsertion des travailleurs handicapés, Paris le 5 octobre 2000.

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Circonstance : Journée nationale du réseau "Cap emploi" à Paris le 5 octobre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je me réjouis tout particulièrement de clore les travaux de cette journée nationale du réseau " Cap Emploi " .
De telles journées sont toujours de grands moments fondés sur cette solidarité profonde qui nous rassemble tous, autour du combat pour la juste place des personnes handicapées dans notre société. Mais ils sont aussi des moments privilégiés d'échanges et de débats, fructueux et utiles, qui viennent enrichir notre contribution à la vie démocratique de notre pays.
1°/ Le réseau Cap emploi au cur des priorités de la politique d'emploi des personnes handicapées
Il y a deux ans, devant le Conseil supérieur pour le reclassement professionnel et social des travailleurs handicapés, Martine AUBRY avait tracé les voies d'une refondation de la politique d'insertion professionnelle des personnes handicapées. Celles-ci s'organisaient autour de trois grands axes :
- replacer l'emploi direct au cur du dispositif ;
- lever les obstacles structurels à l'insertion professionnelle des personnes handicapées ;
- mieux assurer la complémentarité entre le milieu ordinaire et le milieu protégé.
Elle avait aussi insisté sur le rôle moteur désormais assigné à un partenariat renforcé entre l'Etat et l 'AGEFIPH.
Le sujet qui vous a rassemblés aujourd'hui, celui de la construction et de la dynamisation sur des bases rénovées d'un réseau dédié au placement des travailleurs handicapés, s'intègre totalement dans cette problématique pour trois raisons que je souhaite rappeler.
Parce qu'ils ont pour mission d'élaborer des parcours d'insertion vers l'emploi durable en milieu ordinaire, les équipes de préparation et de suivi du reclassement (EPSR) et les organismes d'insertion professionnelle (OIP) répondent à la priorité que le Gouvernement entend donner à la recherche de solutions visant l'intégration professionnelle des personnes handicapées dans notre société.
Je voudrais rendre hommage ici à leur action qui se traduit par une croissance continue et forte des placements réalisés : plus de 35 000 en 1999, certainement plus de 40 000 en 2000, dont près des trois quarts sur des contrats durables, c'est à dire des contrats à durée indéterminée ou contrats à durée déterminée supérieurs à 12 mois.
Par ailleurs, les EPSR et les OIP contribuent activement au dispositif " nouveau départ ", qui permet de proposer un appui individualisé à des demandeurs d'emploi handicapés ; au 30 juin 2000, près de 100 000 travailleurs handicapés en avaient bénéficié et 30 % d'entre eux ont été pris en charge pris en charge par ce réseau.
Enfin ce réseau est appelé également à mettre son savoir faire au service des actions visant à favoriser le passage du milieu protégé au milieu ordinaire. Ces actions, qui constituent comme vous le savez une préoccupation constante des pouvoirs publics, doivent se développer avec l'appui de l'AGEFIPH et trouvent déjà place dans quelques programmes départementaux d'insertion des travailleurs handicapés. Il importe donc de poursuivre les efforts dans cette direction.
Comme vous le savez, l'Etat et l'AGEFIPH ont voulu renforcer leur partenariat, sur la base de la convention d'objectifs qu'ils ont signée en décembre 1998. Cet engagement vise à rationaliser et à optimiser l'action menée en direction des travailleurs handicapés.
S'agissant de l'accompagnement, du placement et du maintien dans l'emploi des personnes handicapées, ce partenariat doit être aujourd'hui élargi au réseau " Cap Emploi ". Les structures qui le composent y trouveront leur place, pleine et entière.
2°/ Opportunités et risques du nouveau contexte de l'emploi
Je voudrais dire maintenant quelques mots des opportunités mais aussi des risques que recèle le nouveau paysage du marché de l'emploi, et qui confèrent une importance particulière à l'action menée par le réseau de placement en faveur de l'insertion des personnes handicapées.
Vous le savez, il y a une embellie de l'emploi, il y a aussi recul du chômage, et on constate même l 'apparition de difficultés de recrutement : tout cela est exact et trace un paysage radicalement différent en matière d'emploi de celui que nous avons connu dans la décennie écoulée.
J'y vois de nombreux motifs d'espérer : l'accroissement des créations d'emploi, le renouvellement accéléré de la population active, la nécessité de mobiliser de nouvelles ressources de main d'uvre, sont autant de chances à saisir pour insérer, en milieu ordinaire, encore plus de travailleurs handicapés.
Mais pour tenir cet objectif, il faut une stratégie active de prospection, d'évaluation, de rapprochement et de mise en adéquation des offres et des demandes d'emploi.
Je ne vous apprendrais pas que cela ne se fera pas tout seul : d'ores et déjà, si l'on voit diminuer le chômage des travailleurs handicapés à l'instar du chômage de droit commun, force est de constater que les travailleurs handicapés bénéficient moins de la reprise que les autres catégories de demandeurs d'emploi. Leur poids dans le total des demandeurs d'emploi s'est en effet accru au cours du 1er semestre de cette année, atteignant 5,6 % à la fin juin, dont plus de 44 % de chômeurs de longue durée.
Prenons donc garde de ne pas laisser au bord du chemin nos concitoyens handicapés. Oeuvrons résolument pour leur offrir des solutions adaptées et novatrices qui leur permettront d'intégrer ou de réintégrer le milieu ordinaire du travail et, par là même, d'accéder à l'autonomie qu'ils revendiquent légitimement.
3°/ Le réseau Cap Emploi dans son environnement
Le fléchage des actions et des mesures d'aide à l'emploi vers les publics en difficulté et notamment vers les personnes handicapées, est une priorité réaffirmée de la politique du gouvernement. Dans ce cadre, l'accompagnement personnalisé et le recours aux " contrats de qualification adultes ", pour lesquels l'AGEFIPH met à disposition désormais des moyens importants à travers son programme exceptionnel, doivent être renforcés.
La réussite d'une politique d'insertion s'appuie bien évidemment sur un contexte local. Il faut remarquer que les situations au niveau départemental sont très diverses au regard de la lutte contre le chômage de longue durée mais aussi des besoins des entreprises.
C'est pourquoi les programmes départementaux d'insertion des travailleurs handicapés (PDITH) sont les lieux où doivent s'articuler priorités nationales et réalités locales, dispositifs de droit commun et dispositifs spécialisés. L'évaluation réalisée en 1999 sur le fonctionnement des PDITH montre que les EPSR et les OIP figurent parmi les partenaires les plus impliqués dans cette instance : cela me paraît légitime, cela me paraît même nécessaire.
De même, je voudrais rappeler l'intérêt qui s'attache à assurer une collaboration étroite avec les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel des adultes handicapés (COTOREP). Ces commissions font l'objet d'une priorité ministérielle visant à les rénover et à les renforcer, pour un meilleur service rendu à l'usager.
Depuis leur création il y a plus de vingt ans, les COTOREP ont toujours été le maillon faible de la politique du handicap. Les raisons de ces dysfonctionnements sont désormais clairement identifiées, notamment par le récent rapport conjoint IGAS/IGF. Elles tiennent majoritairement à deux séries de facteurs : une absence de pilotage d'une part, des moyens quantitativement et qualitativement insuffisants d'autre part, compte tenu de l'augmentation de volume des interventions : de 665.249 dossiers examinés en 1990, contre 1.225.651 en 1998.
Il nous faut donc poursuivre la rénovation des missions des COTOREP pour qu'elles deviennent non seulement des instances de production de décisions administratives rapides et fiables, mais des " plates-formes ressources " offrant aux personnes handicapées des plans d'aide cohérents et révisables en fonction de l'évolution de l'état des personnes. Nous nous y emploierons en nous appuyant notamment sur les préconisations du récent rapport de la mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale.
Cependant, je tiens à souligner qu'une mission d'appui au fonctionnement des COTOREP, a été mise en place en Mai 1999. Sous la Présidence de Claude Fonrojet, celle-ci, s'est attachée à établir un programme de remise à niveau comportant un recueil de données épidémiologiques et sociales et un accroissement significatif des moyens. Ainsi, un effort financier de près de 30 MF (15 MdF sur le secteur Emploi et de 14 MdF pour le secteur Solidarité), a été engagé en 2000. Ces crédits permettent notamment le renforcement des effectifs administratifs et des équipes médicales d'évaluation, qui par ailleurs bénéficient de l'augmentation des tarifs des vacations (qui ont été fixées pour 2000 à 126,60 F pour les spécialistes et 103,52 F pour les généralistes). En outre, a été engagée une augmentation du volume des vacations, et la création de médecins coordonnateurs.
Ces mesures seront complétées par la mise en uvre d'un plan de formation en liaison avec l'Ecole Nationale de la Santé Publique.
Dans ce contexte, il importe que les organismes de placement, partie prenante du processus d'évaluation et d'orientation professionnelle, jouent pleinement leur rôle et qu'ils sachent mobiliser les outils et procédures de droit commun au bénéfice de ces publics.
4°/ Intégration professionnelle, intégration sociale, autonomie
En complément d'une volonté d'intégration clairement définie dans l'article premier de la loi d'orientation du 30 juin 1975, les actions conduites par les Pouvoirs Publics ont contribué, pendant de nombreuses années, au développement de la prise en charge en institutions spécialisées.
Si elles étaient tout à la fois nécessaires et demandées par les associations représentatives des personnes handicapées, si elles se révèlent encore indispensables pour ceux qui sont le plus lourdement handicapés, ces solutions n'en ont pas moins pris le pas sur celles qui auraient pu favoriser le maintien en milieu de vie ordinaire.
Pour répondre aux attentes et aux besoins de tous, en permettant une individualisation des réponses, il faut désormais créer les conditions d'un vrai choix de vie.
En annonçant, au dernier Comité national consultatif des personnes handicapées, un effort de 2,5 milliards de francs, réalisé au titre de la solidarité nationale, le Premier Ministre nous a donné les moyens d'une politique interministérielle, ambitieuse et globale en direction des personnes handicapées
Le plan pluri-annuel pour la vie autonome, vous le savez, a pour objectif de mettre en uvre les outils et les procédures qui garantiront aux personnes handicapées la place qu'elles revendiquent légitimement dans une société plus juste et plus fraternelle.
Je ne reprendrai pas ici l'ensemble de ce programme extrêmement ambitieux .
Je dirai seulement à quel point le fil rouge de cette politique, le fil rouge de l'insertion, me tient personnellement à cur. Pour les plus jeunes, nous avons fait se multiplier les processus d'intégration scolaire, et les services d'appui à domicile ; pour les adultes, nous sommes en marche pour le développement des aides techniques : 15 sites sont mis en place cette année et l 'ensemble du territoire sera couvert d'ici 2003; la réforme du TIPS a été engagée par Martine AUBRYet aboutira dans les semaines qui viennent. Dans cet esprit, à l 'occasion de la dernière réunion de la Commission des comptes de la Sécurité sociale, Martine AUBRY et moi-même avons annoncé des mesures d'amélioration de la prise en charge des audioprothèses en direction des jeunes et de personnes sourdes-aveugles.
Je suis convaincue, tout en augmentant les moyens institutionnels de prise en charge des handicapés lourds, des autistes, des traumatisés crâniens, tout en réfléchissant aux modalités à inventer de prise en charge des handicapés vieillissants, je suis convaincue, dis-je, que l'intégration des handicapés dans notre société progresse et progressera rapidement.
Par ailleurs, le projet de loi rénovant l'action sociale et médico-sociale, que j'ai présenté en juillet au Conseil des ministres permet de concrétiser cette ligne politique, notamment en donnant une véritable place aux usagers, en protégeant leur droit à la dignité, à l'information et à la participation à la vie de l'établissement qui les accueille.
Conclusion
Aujourd'hui, vous l'avez compris, une grande politique répondant aux préoccupations des personnes handicapées et de leur famille, est à l'uvre. Nous en avons clairement défini les objectifs ; nous avons prévu les moyens ; le reste est question de volonté et de détermination et je peux vous assurer que sur ce dossier, moi-même et l'ensemble du Gouvernement sommes déterminés à faire avancer les choses.
Avec la loi refondant l'action sociale et médico-sociale, avec le projet de loi de modernisation du système de santé promouvant le droit des malades, lui aussi présenté prochainement au Conseil des Ministres, j'ai le sentiment que nous sommes en train de faire progresser l'idée de démocratie dans le monde de la santé et dans celui du handicap, cette cause nourrit mon enthousiasme, vous le savez.
Que vous soyez acteurs du service public de l'emploi, dont je salue ici la qualité du travail, ou membre du réseau " Cap Emploi ", il va de soi que c'est vous qui ferez vivre cette politique. C'est sans doute l'un des domaines où votre engagement personnel peut beaucoup apporter, en donnant une nouvelle impulsion et des outils efficaces pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées.
Voilà, Mesdames et Messieurs, les points que je tenais à souligner. Je vous remercie de votre attention.
(source http://www.social.gouv.fr, le 27 octobre 2000)