Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, sur la lutte contre le Sida, notamment au travers des objectifs de la loi de modernisation du système de santé, la loi sur l'exclusion sociale et la couverture maladie universelle, Lyon le 7 octobre 2000.

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Circonstance : Assises de "AIDES" à Lyon le 7 octobre 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
J'ai souvent eu l'occasion de le dire depuis plus d'un an: on ne mesure pas encore à quel point le Sida a changé beaucoup de choses dans notre pays en moins de 20 ans.
Le sida, c'est d'abord, et je ne l'oublie jamais, des vies fauchées par la maladie; des hommes et des femmes, souvent en pleine jeunesse, souvent en plein amour, dont la destinée croise la route du virus et qui se trouvent alors engagés dans une lutte farouche pour vivre, dompter la maladie et vivre dignement.
C'est à eux, à certains qui nous sont particulièrement chers, que je pense d'abord; et c'est à ceux là que j'entends consacrer mes efforts dans la lutte résolue contre le VIH/sida.
Mais le sida, c'est aussi , dans notre pays notamment, une formidable révolution dans les mentalités et dans les rapports sociaux.
Oui, le sida a changé le paysage médical français ;
Oui, le sida a mis sur le devant de la scène des associations de malades, de personnes soutenant les malades, revendiquant des droits pour ces malades et ce rôle des associations, Monsieur le Président, ce rôle sur lequel vous vous interrogez ou plutôt vous m'interrogez, je ne crains pas de dire qu'il reste voire qu'il est devenu essentiel; non pas seulement sur le front de la lutte contre le sida, sur celui de la protection et du soutien mais aussi dans le monde médical et sanitaire tout entier.
Ces associations, dans leur lutte pour mobiliser l'attention, soutenir les malades du sida, pour les entourer d'une fraternité de combat et de réconfort, ces associations ont fait progresser notre société tout entière.
C'est vrai par les nouvelles mentalités qu'elles ont favorisées en ce qui concerne la sexualité, l'homosexualité, la bisexualité.
C'est vrai par le nouveau regard qu'elles ont encouragé vis à vis des malades et de la maladie.
C'est vrai par le refus de la ségrégation, de l'exclusion contre lesquels elles se sont battues, elles se battent, cherchant à entraîner toujours plus de nos concitoyens.
Vous regrettez, Monsieur le Président, que les choses n'aillent pas plus vite, qu'il y ait çà et là des retards, des régressions, des erreurs et parfois mêmes des fautes.
J'en conviens; je peux partager vos regrets car je sais que le temps ne se décline pas de la même façon selon qu'on est malade ou qu'on est en bonne santé. Et je veux vous dire, dans quelques instants, ce que j'entends faire pour que les choses s'améliorent.
Mais n'oublions pas, face à ces aspects négatifs, que vous dénoncez toujours avec vigueur à travers la courtoisie sans complaisance de vos propos, n'oublions pas les progrès que nous avons accomplis; ne cédons pas au découragement. Ne confondez pas alliés et ennemis et conjuguons nos efforts pour vaincre notre seul ennemi, la maladie et ses conséquences.
Je vous le dis: vos propos m'ont touchée, ils m'ont même piquée au vif dés lors que vous semblez mettre en doute mon attachement au respect des malades, au respect des Droits de l'homme; je ne peux pas vous laisser dire que les discours que le Gouvernement français tient sur les Droits de l'homme ne seraient qu'écran de fumée, même si je peux comprendre votre impatience.
Je suis fière, au contraire, d'appartenir à un gouvernement qui va, pour la première fois dans l'histoire de notre pays, reconnaître aux personnes malades leurs droits, faire en sorte que leur parole soit entendue, leur dignité respectée.
Nous agissons pour que la maladie ne soit plus perçue comme l'état d'une personne dévaluée, abandonnée aux mains du seul savoir médical mais que le malade soit perçu comme un sujet de droits maintenus, clairement affirmés et garantis.
Loi de modernisation du système de santé
C'est le sens de la loi sur la modernisation du système de santé, que beaucoup appelle la loi sur le droit des malades, cette loi qui doit beaucoup aux associations, notamment à la votre. Convenez, s'il vous plaît, que le gouvernement y aura une part de responsabilité certaine !
Ce projet de loi, vous en connaissez les axes, il s'agit :
1 - De reconnaître et de préciser les droits des personnes dans leurs relations avec le système de santé. Les droits fondamentaux de la personne seront inscrits dans la loi : droit au respect de la dignité et à la protection de l'intégrité du corps, principe de non discrimination élargi, notamment, médical, droit de recevoir les soins les plus appropriés, réaffirmation du droit à une prise en charge de la douleur et du droit à bénéficier d'une mort digne. Les conditions dans lesquelles les informations médicales peuvent être transmises à des tiers seront encadrées. L'accès direct au dossier médical sera instauré et ses modalités clairement édictées.
2 - De rééquilibrer les relations entre le professionnel de santé et le malade, en faisant de ce dernier un véritable acteur, en particulier pour le droit à l'information et en prévoyant la formation du médecin pour le préparer à partager avec son patient confiance, information, décision, consentement.
3 - De mettre en place les bases de l'expression et de la participation des usagers du système de santé en créant un nouveau statut pour les associations de malades et d'usagers: les associations "reconnues d'utilité sanitaire".
De renforcer la régionalisation en regroupant en un seul conseil régional de santé les différentes instances consultatives qui sont actuellement rattachées soit aux préfets, soit aux ARH.
Je suis convaincue que le niveau régional est le bon niveau pour établir une politique de santé publique répondant aux besoins de nos citoyens. Mais, ce niveau régional doit être organisé et accompagné. Ainsi, en ce qui concerne la lutte contre le VIH, nous avons cette année déconcentré près de 75 % des crédits pour répondre au mieux aux besoins des acteurs locaux; ce qui a occasionné dans quelques départements certaines difficultés que vous avez rencontrées.
Cette régionalisation doit impérativement être associée à des mécanismes plus transparents, plus respectueux des orientations nationales. En ce qui concerne la prévention du VIH, nous allons, dans les semaines qui viennent, repréciser ces orientations.
Cette loi permettra également la prise en compte de la réparation des risques sanitaires. Nous souhaitons mettre fin à une situation ressentie comme injuste car fondées sur des règles de reconnaissance de responsabilité essentiellement jurisprudentielles, évolutives et hétérogènes.
Il s'agit également de mieux répondre aux victimes d'accidents médicaux actuellement découragées devant la difficulté, la lenteur et le coût des procédures.
Alors que les deux premiers titres ont suivi toutes les étapes (concertation, arbitrage, consultation, codification) la dernière partie, la plus complexe, fait encore l'objet d'un important travail interministériel qui doit s'achever dans les jours qui viennent.
Au delà des Rendez-vous obligatoires (PLF, PLFSS) qui sont comme gravés dans l'horloge de la vie parlementaire, le calendrier gouvernemental est soumis à des accélérations, des surcharges, des changements de rythme qui tiennent à la vitalité de la pratique démocratique. Vous l'avez constaté, vous avez aussi vu que ce projet majeur est toujours annoncé par le Premier Ministre dans les grands objectifs qu'il assigne au gouvernement même si nous savons aujourd'hui que nous ne pourrons pas saisir le parlement de ce projet avant le printemps 2001, le conseil des ministres l'examinant d'ici la fin de l'année.
Je tenais à évoquer ce grand projet avec vous avant d'aborder l'action spécifique du gouvernement en matière de lutte contre le VIH/sida car je sais que la dignité et les droits du malade ont toujours été pour votre association une perspective essentielle.
La prise en charge : partager un optimisme vigilant
En France, la prise en charge et le pronostic des personnes vivant avec le VIH s'améliorent.
Diminution du nombre de nouveaux cas de SIDA (1 800 en 1999, 1500 en 1999), des décès (700 en 1998, 600 en 1999), des infections opportunistes.
Entre 80 000 et 102 000 personnes vivant avec le VIH, sont prises en charge. Il s'agit désormais, pour moitié, de sujets asymptomatiques.
La couverture sociale est quasi universelle (97 %) mais les problèmes de précarité d'emploi, de chômage et de logement touchent respectivement (1 %, 17 % et 4 % des personnes atteintes et prises en charge).
Mais je partage votre inquiétude sur les risques et l'urgence de solutions thérapeutiques nouvelles. Quelle est la situation en France? Aujourd'hui :
12 antirétroviraux ont une AMM, 2 autres l'auront rapidement,
8 médicaments ont une autorisation temporaire d'utilisation,
En quatre ans, un chemin important a été parcouru. Mais ce n'est pas suffisant. Vous avez cité trois nouvelles molécules qu'attendent les malades : le PMPA, disponible en compassionnel aux Etats Unis depuis novembre 1999, le T 20 pour lequel la firme évoque des difficultés de production et le Tripranavir.
Dans ces trois cas, j'ai demandé à l'AFFSAPS d'engager des demandes actives auprès des laboratoires. J'ai moi-même rencontré en mai dernier, aux Etats Unis, les représentants de certaines de ces firmes. Ces démarches sont nécessaires, et je les renouvellerai autant que de besoin, car elles permettent d'accélérer la mise en disposition compassionnel de ces médicaments prometteurs quand bien même les firmes jugent le marché trop étroit.
Mais dans ce domaine, la mobilisation doit être européenne. C'est pourquoi j'ai demandé à l'AFFSAPS d'initier la réflexion au niveau de l'Europe.
La France a donc proposé une révision des critères d'enregistrement des antirétroviraux pour permettre une mise à disposition plus rapide de nouveaux médicaments à fort potentiel chez les patients multi-résistants. Cette "AMM précoce" retiendrait dans un premier temps une indication restrictive qui pourrait être ensuite élargie en fonction de nouvelles études.
Un enregistrement accéléré permettrait d'éviter ou de réduire le recours à des accès compassionnels.
Il serait un encouragement pour l'industriel qui commercialisera plus rapidement son médicament.
Il imposerait un partenariat constructif avec les autorités d'enregistrement. Le mode de communication des firmes vers le corps médical, les patients et les médias serait assaini, la firme se devant d'adapter d'emblée son niveau de production à un enregistrement précoce.
Cette réflexion a abouti à une proposition de critères d'enregistrement révisés. Elle a été mise en consultation publique pour une durée de 4 mois, sur le site WEB de l'Agence européenne depuis le mois de juillet 2000. Au terme de cette période, c'est à dire à la fin du mois, un document pourra être adopté qui servira de base pour le développement de cette procédure.
Nous devons également mobiliser la communauté européenne pour mutualiser nos efforts de recherche. Le mois dernier, Roger-Gérard SCHWARTZENBERG et moi-même avons demandé au Pr Maxime SELIGMAN de nous faire la proposition d'un projet européen dans ce domaine.
Au-delà de l'accès aux nouvelles molécules, j'aimerais également rappeler les actions mises en place pour améliorer l'information et l'accompagnement des personnes traitées.
L'AFFSAPS a maintenant formalisé des réunions régulières avec les CISIH, les laboratoires, les organismes de recherche et les associations, ce qui permet de partager l'information ,notamment sur les nouvelles molécules.
nous allons, dans les jours qui viennent, diffuser des recommandations sur la prise en charge des troubles de la répartition de la masse graisseuse réalisées par l'AFFSAPS et l'ANAES. Ceci pour améliorer les pratiques.
Enfin, pour mieux connaître les effets secondaires, nous mobilisons les centres régionaux de pharmacovigilance et avons engagé une réflexion sur la participation des personnes à la déclaration des effets indésirables.
L'amélioration de la prise en charge passe également par un accompagnement médico-social renforcé.
Depuis trois ans, nous renforçons progressivement le programme expérimental d'appartements de coordination thérapeutique (ACT) pour des personnes vivants avec le VIH et en situation de précarité sociale; ce programme dispose aujourd'hui de 431 places.
Les différentes évaluations ont démontré l'intérêt de ce dispositif qui répond de façon satisfaisante à la situation des malades accueillis, pour la plupart en état de grande précarité sociale. Dès lors et compte tenu des besoins persistants dans la population, nous proposons dans le cadre du PLFSS 2001 de sortir du cadre expérimental et d'intégrer ces structures dans le droit commun de la loi relative aux institutions sociales et médico-sociales.
En outre, pour mieux prendre en compte l'évolution de l'épidémie, nous étendrons la prise en charge assurée par les ACT aux personnes souffrant d'autres pathologies chroniques sévères (essentiellement les hépatites chroniques évolutives et certains cancers).
J'aimerais également rappeler les évolutions du dispositif coordonné d'aide à domicile.
Comme vous le demandiez, cette année nous avons revalorisé le taux horaire et un travail est en cours pour simplifier la question administrative. Par ailleurs, je suis avec attention les expérimentations en cours, notamment à Paris, d'ouvertures à d'autres pathologies.
La loi exclusion et la Couverture Maladie Universelle
Vous m'interpellez, Monsieur le Président, à propos du niveau de plafond de revenus permettant de bénéficier de la Couverture Médicale Universelle. Nous n'ignorons pas l'effet de seuil engendré nécessairement par la détermination d'un tel plafond.
Je conviens qu'un tel effet laisse souvent beaucoup d'amertume chez ceux dont les revenus dépassent de presque rien ce plafond.
Pour autant, il ne faut pas oublier l'avancée considérable que représente la mise en place de la CMU pour un très grand nombre de nos concitoyens. Après quelques mois de mise en uvre, la réforme dépasse les prévisions. Le nombre de personnes couvertes par la CMU complémentaire, 4,5 millions à la rentrée 2000, est déjà supérieur de 1,8 millions à celui des bénéficiaires de l'ancienne aide médicale; les associations qui suivent les publics les plus en difficulté témoignent du grand progrès que représente la CMU dans l'accès aux droits: plus grande rapidité, plus grande simplicité; la CMU a permis aussi de faire travailler ensemble des acteurs qui n'en avaient pas toujours l'habitude: caisses d'assurance maladie, organismes complémentaires, associations.
Nous devons bien mesurer à quel point cette loi a changé le paysage de la santé publique en France.
L'élaboration des programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins (PRAPS) qui a dynamisé la mobilisation de l'ensemble des intervenants dans le domaine.
Les hôpitaux, quant à eux, ont mis en place des permanence d'accès aux soins de santé (PASS) qui permettent l'accès de tous à des consultations à tout moment. Près de 300 permanences d'accès aux soins de santé (PASS) ont été financées en 1999.
Nous allons renforcer les moyens de ces permanences en veillant à leurs fonctions d'accompagnement des personnes en difficulté dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits sociaux.
Enfin cette loi permet d'appréhender la réduction des inégalités en santé sous un angle élargi. Une meilleure santé publique, c'est aussi le renforcement des droits au logement, de l'accès à l'emploi, à la culture, la possibilité de suivre ses enfants.
Même s'il s'agit d'avancées incontestables, ces dispositifs ne mettront malheureusement pas un terme définitif et immédiat aux inégalités en matière de santé.
Je sais (et de nombreux rapports récents le confirment, INSERM, Baromètre santé) que des dysfonctionnements existent en particulier pour certains groupes de populations, je pense en particulier aux étrangers en situation régulière ou non dont l'état de santé justifie un traitement particulier, aux personnes sans papiers, aux personnes détenues.
Vous avez raison d'attirer mon attention, celle des pouvoirs publics en général, sur ces dysfonctionnements, sur les erreurs, sur les injustices: c'est là le rôle d'une association et loin de m'offusquer de ces critiques que vous formulez, je considère qu'il y a là un jeu normal et pour tout dire démocratique.
Et la démocratie ne consiste pas seulement ( même si c'est déjà beaucoup et souvent essentiel) de la part des pouvoirs publics à écouter; elle exige dialogue et réponse.
Vous évoquez le cas de cet homme séropositif, condamné pour usage et trafic de stupéfiants, assigné à résidence dans un département du sud-ouest de la France dont la situation est évidemment difficile. Mais permettez- moi de rappeler que si cet homme étranger, marié à une française et père d'un enfant français, n'est pas expulsable, s'il peut bénéficier dans notre pays de soins qu'il ne trouverait pas dans son pays d'origine, comme vous l'avez indiqué, c'est grâce à l'action des associations sans doute, mais aussi du Gouvernement auquel j'appartiens. Un Gouvernement qui s'honore d'avoir permis par les lois qu'il a fait voter que tout homme, en France, puisse disposer des droits de tout citoyen.
Assurabilité des personnes présentant des risques aggravés
Un autre débat est toujours ouvert sur lequel nous devons maintenant rapidement aboutir: l'assurabilité des personnes présentant des risques aggravés.
Ces personnes -du fait de leur état de santé- se heurtent à de sérieuses difficultés d'accès aux produits d'assurances et aux produits bancaires qui y sont liés.
Vous le savez, nous avons demandé à Jean-Michel BELORGEY de présider un groupe de travail sur ce thème. Cela concerne bien sûr le VIH, mais le problème se pose en des termes identiques pour d'autres pathologies ou handicaps. Ce groupe a rendu ses conclusions.
Vous en connaissez les grandes orientations:
un certain nombre de difficultés rencontrées actuellement pourraient être résolues par voie conventionnelle (organisation de la confidentialité, meilleure prise en compte des données médicales récentes, transparence dans la tarification);
d'autres point semblent être moins consensuels:champ des prêts sans questionnaire médical, dispositif de médiation.
Mais, nous devons également permettre à des personnes atteintes de maladies partiellement graves de contracter une assurance, qu'il s'agisse d'assurance emprunteur, de couverture maladie ou de prévoyance.
Il me semble souhaitable que les points qui relèvent d'une simple convention puissent être rapidement mis en uvre dans la plus parfaite transparence avec un suivi et un dispositif permettant l'évaluation réelle. Sur les autres points, un large consensus doit être recherché et la loi "droits des malades et modernisation du système de santé" permettra de réaffirmer ce droit à l'assurance.
Les médicaments pédiatriques
Monsieur le Président, vous soulignez les difficultés pour les enfants séropositifs d'avoir des traitements adaptés. Vous avez parfaitement raison. Les médicaments pour l'enfant, du nouveau-né à l'adolescent, ne font pas l'objet, pour 70 % d'entre eux, d'un développement pharmaceutique spécifique, ni de ce fait d'autorisation de mise sur le marché d'une forme pédiatrique. Cette situation est principalement due à des raisons économiques et pratiques. Longtemps considérée comme un moindre mal, cette situation n'est plus tolérable dans une société qui a défini et qui défend le principe de précaution et exige la qualité totale pour ses produits pharmaceutiques.
J'aimerais vous informer des décisions récentes que Martine AUBRY et moi-même avons décidé pour promouvoir une politique active en faveur des médicaments pédiatriques. La démarche est identique à celle initiée par motre pays pour les médicaments orphelins.
Une mission ministérielle a été créée et la responsabilité en a été confiée à Annie WOLF.
Parallèlement, nous avons inscrit ce thème au programme de travail de la présidence française de l'Union européenne.
Dès juillet dernier, un mémorandum sur les médicaments pédiatriques a été présenté à Bruxelles. Nous demandons à la Commission de modifier la directive médicament pour exiger des essais cliniques permettant l'octroi d'indications pédiatriques lorsque le principe actif est susceptible de répondre à un besoin non couvert chez les enfants.
Seuls les Etats Unis ont, depuis avril 1999, une mesure de ce type.
Pour être efficaces, ces mesures s'accompagneront, comme pour les médicaments orphelins, d'incitations ou de compensations économiques. Des sanctions sont prévues en cas de non respect de ces règles.
Les discussions actuelles permettent d'espérer l'adoption, d'ici la fin de l'année, d'une résolution du Conseil des Ministres. Cette résolution inviterait la Commission européenne à faire des propositions en faveur des médicaments pédiatriques.
Cette initiative du Gouvernement français intervient à un moment où sont enregistrés les premiers résultats concrets produits par le règlement en faveur des médicaments orphelins. Depuis mai 2000, date à laquelle l'Agence européenne du médicament est devenue opérationnelle pour les médicaments orphelins, 72 dossiers ont déjà été déposés ou notifiés, témoignant de l'intérêt de l'industrie pharmaceutique pour cette nouvelle approche.
Procréation
Comme vous le savez, je suis consciente des importantes difficultés que rencontrent actuellement les couples séropositifs ou sérodifférents confrontés à leur légitime d'enfant.
Nous attendons l'avis définitif du Conseil National d'Ethique, qui ne saurait tarder, mais, dès à présent, j'ai demandé à mes services de soutenir les équipes pouvant prendre en charge ces couples dans un cadre permettant les conditions maximales de sécurité. J'ai demandé à la DGS de mettre en place un groupe de travail pour modifier l'arrêté du 12 janvier 1999 et permettre l'agrément de nouvelles équipes. Cela permettra une prise en charge de ces couples selon le droit commun.
La réinsertion professionnelle
Le sondage que vous avez réalisé montre que 28 % des personnes interrogées désirent retravailler. 5 % de plus qu'il y a trois ans.
Nous devons nous en réjouir.
Nous devons les aider. Votre colloque en avril a été une première étape. Il ne s'agit pas de créer des filières mais d'améliorer ou d'adapter l'accès aux dispositifs existants.
Je me félicite des actions que nous avons déjà, ensemble, mises en place; je pense, en particulier, au programme d'aide et aux programmes de redynamisation que vous animez.
Nous poursuivons, quant à nous :
d'une part, l'amélioration des COTOREP. La mission FONROJET se termine. Une circulaire viendra dans les prochaines semaines préciser les modalités de la nouvelle organisation préconisée par les conclusions de cette mission.
Il s'agit d'améliorer l'expertise médicale, de développer de bonnes pratiques et d'amener des réponses rapides et adaptées aux besoins des personnes ;
de publier la refonte du guide barème, présenté aux associations en juin 2000. Elle permettra de mieux prendre en compte de manière individualisée les désavantages et les contraintes liés aux traitements ;
de renforcer le rôle du médecin du travail; d'ores et déjà, plus de la moitié des départements ont mis en place des formations destinées à les informer sur les conséquences des trithérapies.
Ne pas relâcher la vigilance, développer les conduites préventives
La communication sur le VIH reste complexe. Nos objectifs sont clairs:
alerter sur le maintien nécessaire de la prévention,
informer sur la réalité de la maladie,
maintenir la solidarité avec les personnes atteintes,
permettre la réinsertion.
Je souhaite (et je le réaffirme devant vous) que cette communication soit élaborée avec l'ensemble des acteurs: associations, chercheurs, ministères de l'Education Nationale et de la Recherche. Je dis bien associés et non consultés.
C'est la démarche que j'ai adoptée en mettant en place un comité de suivi avec les associations nationales de lutte contre le SIDA.
C'est ce comité qui a repoussé les signatures: "vigilance sida" et le "sida, on ne peut en mourir". C'est ce même comité qui a proposé "le sida, on en meurt encore".
Lors du pré-test, c'est cette signature, alors même qu'elle est très dure, qui a rencontré le plus d'adhésion, y compris chez les personnes atteintes par le VIH.
Enfin, Monsieur le Président, nous venons d'avoir les résultats des post-tests réalisés auprès de 814 personnes:
61 % des personnes se souviennent de manière spontanée de cette campagne,
parmi elles, 77 % l'ont appréciée,
91 % la jugent utile, 77 % originale, 77 % compréhensible,
50 % se sentent personnellement touchées,
90 % affirment qu'elle rappelle que le SIDA est toujours d'actualité.
Je tenais à vous livrer ces chiffres.
Pour l'avenir, j'ai demandé à la DGS et au CFES d'associer encore plus en amont les partenaires associatifs quant au choix des axes stratégiques, des intentions et des vecteurs. Même si je sais que face à une campagne généraliste, on me réclamera une campagne ciblée et qu'il se trouvera toujours un expert pour estimer que la période choisie n'est pas la bonne, je reste convaincue que nous ne devons pas renoncer aux campagnes média.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 30 octobre 2000)
Pour l'avenir, j'ai demandé à la DGS et au CFES d'associer encore plus en amont les partenaires associatifs quant au choix des axes stratégiques, des intentions et des vecteurs. Même si je sais que face à une campagne généraliste, on me réclamera une campagne ciblée et qu'il se trouvera toujours un expert pour estimer que la période choisie n'est pas la bonne, je reste convaincue que nous ne devons pas renoncer aux campagnes média.
La situation internationale: une des priorités de la France
Malgré une réelle stagnation de la maladie et une certaine amélioration des conditions de vie avec le VIH, la situation demeure préoccupante en France sur certains aspects; en revanche, elle est catastrophique dans les pays en voie de développement. Dans le monde, 35 millions de personnes vivent avec le virus, alors que moins de 500 000 ont accès aux traitements antirétroviraux.
En deux ans, le fossé s'est creusé entre pays riche et pays pauvres. L'inégalité des chances dans l'accès au traitement est révoltante; elle l'est d'autant plus que l'information circule vite: chacun sait aujourd'hui que ces traitements existent.
Il est moralement et politiquement indispensable de rechercher avec les pays en voie de développement des solutions leur permettant d'améliorer l'accessibilité à ces traitements.
Je vous remercie de m'interroger sur la mobilisation de la France sur ce thème en particulier pendant la Présidence de l'union Européenne.
Le Sida est un défi mondial; nous devons y apporter des réponses à dimensions mondiales. Dans cette mobilisation, la communauté européenne doit tenir un rôle essentiel; la France doit en être le moteur. Les valeurs que l'Europe entend défendre partout dans le monde ne peuvent être crédibles, entendues, respectées que si nous savons répondre à l'urgence de ces situations sanitaires dramatiques.
Depuis 10 ans, la France a consacré près de 600 MF à la lutte contre le VIH/SIDA en mettant au centre de ses préoccupations le respect des droits des personnes atteintes, en particulier les droits des personnes et des groupes les plus vulnérables sur le plan juridique, social et économique.
Tout en renforçant son appui aux actions de prévention, dans l'attente du développement d'un vaccin qui prendra encore plusieurs années, nous nous sommes engagés dans une démarche sincère et pugnace pour faciliter l'accès aux traitements des plus démunis.
C'est le Fonds de Solidarité Thérapeutique International (FSTI) que vous avez cité, construit avec les difficultés que vous connaissez, qui est notre outil pour agir, nouer des partenariats respectueux, durables, qui font aujourd'hui école.
Les premiers résultats obtenus par les deux programmes d'accès aux médicaments mis en place, dès 1999 en Côte d'Ivoire et au Maroc sont encourageants.
De nouveaux programmes débutent au Sénégal, au Vietnam et en Afrique du Sud.
Même si ces programmes ne concernent que des effectifs limités comparés aux besoins qui s'expriment en millions de personnes, je suis convaincue qu'ils participent à la mobilisation internationale, qu'ils entraînent une amplification de prise en charge partenariale et de partage des savoir-faire. Leur effet se manifeste dans les programmes de prévention mère - enfant mis en place par l'ONUSIDA et l'UNICEF.
Depuis 18 mois, le contexte international a évolué et nous devons nous en réjouir. La France n'est plus isolée dans son élan de solidarité thérapeutique.

Les Nations Unies et ses agences, l'Organisation Mondiale de la santé, la Banque mondiale se mobilisent pour renforcer la solidarité internationale thérapeutique.
La France se félicite de ces initiatives; néanmoins, il ne peut s'agir que d'une première étape dans la lutte de la pandémie VIH/SIDA.
En mai dernier, dans la perspective de la préparation de ma participation à la XIIIème Conférence internationale à Durban et de la Présidence française de l'Union européenne, j'ai rencontré la plupart des responsables américains publics et privés de la lutte contre le VIH.
Au-delà de nos divergences, nous sommes convenus d'unir nos efforts pour mettre en place un véritable partenariat dans les pays en voie de développement.
L'Italie, le Canada sont aujourd'hui prêts à s'engager à travers le FSTI.
Au niveau européen, le 3 juillet, à l'ouverture de la Présidence européenne, j'ai rencontré le Commissaire BYRNE sur les sujets de santé et j'en ai profité pour le mobiliser sur le thème du SIDA. Je lui ai fait part de ma conviction , de l'engagement de la France dans ce domaine et contrairement à ce qu'on avait pu penser, il a été très ouvert. C'est ainsi, à la suite, que nous avons remporté un premier succès à DURBAN où avec l'OMS et les représentants de la Commission, nous avons pu annoncer la table ronde sur l'accès aux traitements qui s'est tenue le 28 septembre dernier à Bruxelles.
Pour la première fois, responsables politiques, représentants d'organismes internationaux, firmes pharmaceutiques, représentées à leur plus haut niveau -ONG- même si on peut regretter le faible temps de paroles accordé, étaient présents autour de la table pour discuter de l'accès aux traitements.
Pour la première fois publiquement les laboratoires admettaient la possibilité de tarification différenciée des médicaments. Le président Prodi, les commissaires chargés de la coopération, du commerce, de la recherche, de la santé ont affirmé leur mobilisation et ont pris des engagements. Ceci aurait été impossible il y a quelques mois.
Alors maintenant, quelles sont les prochaines étapes ?
Je crois qu'il convient de l'affirmer avec netteté: le renforcement de l'aide internationale dans la lutte contre le VIH/SIDA est une urgence absolue. L'opinion publique y est prête. Les Etats-Unis ont décrété qu'il s'agit d'une question de sécurité. Les pays du Sud réclament considération, aide et respect.
La France doit leur répondre.
Dès cette année, la France consacrera près de 100 MF à la lutte contre le VIH/SIDA dans les pays en développement.
Elle augmentera son appui financier pour la recherche, notamment vaccinale de 10,4 MF pour la période 1997-1998 à 58 MF pour la période 2000-2001.
Elle propose d'annuler pour huit milliards d'euros de créances en veillant à ce que cet allégement de dette permette réellement une réduction efficace et durable de la pauvreté.
La démarche doit être globale, associant, sans les opposer, la prévention, la recherche, le développement des systèmes de santé mais aussi et surtout les soins.
Face à ces millions de personnes contaminées et malades, il y a urgence à soigner; soigner c'est-à-dire favoriser l'accès aux traitements.
Face à l'urgence, face aux résistances culturelles, sociales et parfois politiques, nous avons le devoir de faire preuve d'audace et d'imagination, en bousculant peut-être les habitudes que nous avions prises, en inventant des procédures nouvelles, plus rapides, plus efficaces.
Les Droits de l'Homme, cette grande idée, ce grand idéal, conçu par les révolutionnaires français de 1789, se voulaient universels et même universalistes. D'emblée, le regard de ces précurseurs s'est porté au delà des frontières françaises en considérant que l'inégalité juridique des hommes ne pouvait être tolérée nulle part.
Aujourd'hui, la dimension mondiale de la pandémie du sida nous ramène à cette nécessaire vision universaliste qui conduit à ne pas tolérer l'inégalité sociale, économique et sanitaire qui frappe ceux de nos frères que le hasard a fait naître dans ces contrées.
Votre association l'a compris en multipliant elle-même les coopérations internationales.
On meurt encore en France du sida; nous l'avons dit, nous l'avons fait savoir. Mais on meurt à coup sûr dans des proportions gigantesques dans le monde et notamment en Afrique. Et agir en faveur des Droits de l'homme, c'est assurément agir pour faire reculer ce fléau en favorisant l'accès aux médicaments.
Conclusion
Permettez-moi de répéter en conclusion ma conviction: en France du moins, les années noires en ce qui concerne le sida sont derrière nous pourvu que nous poursuivions de façon déterminée les actions de prévention et de soins, comme nous le faisons aujourd'hui.
Maintenant un autre rendez-vous nous attend puisque les ténèbres se sont déplacées vers l'Afrique. J'ai pu apprécier à Durban le poids immense de la solidarité des acteurs de la lutte contre le sida et leur implication, votre implication, votre mobilisation sur ce front.
Je suis convaincue, pour autant que vous l'acceptiez, qu'ensemble, nous réussirons dans le monde ce que, ensemble, nous avons commencé à réussir en France.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 30 octobre 2000)