Texte intégral
Monsieur le Président de la République,
Les prises de parole des artistes contre le nouveau régime d'allocation-chômage des intermittents du spectacle lors de la cérémonie des Césars, faisant suite à l'annulation de nombreux festivals et à de multiples initiatives de protestation, révèlent un malaise très profond des professionnels de la culture, qui appelle une réponse au plus haut niveau de l'Etat.
Depuis huit mois, le monde des arts et du spectacle subit un grave conflit consécutif à l'accord conclu le 27 juin 2003. Cet accord modifie la procédure applicable aux déclarations et aux versements des cotisations et contributions sociales afférentes à l'emploi d'artistes et de techniciens du spectacle vivant et de l'audiovisuel.
Cet accord est d'autant plus regrettable qu'il n'engage que des organisations syndicales minoritaires ne représentant pas plus de dix pour cent des professionnels concernés.
Cet accord, loin d'aboutir à la sauvegarde du régime qu'il prétend permettre, est le fruit d'une démarche purement comptable, et aura pour conséquence d'exclure une proportion élevée des allocataires du bénéfice de ce régime. Bien évidemment, ce sont les personnels les plus précaires et les plus fragiles qui en sont d'ores et déjà les principales victimes. L'impact sera grave pour toutes les formes d'expression artistique de la vie culturelle de notre pays.
Cet accord, que le ministre de la Culture avait pourtant qualifié " d'avancée considérable ", va jusqu'à remettre en cause le bénéfice des allocations chômage pour les femmes enceinte, dont le décompte du temps de travail est suspendu à partir du début du congés maternité. Le ministre, selon Le Monde du 31 janvier 2004, s'est inquiété auprès de l'Unedic de cette situation " profondément injuste ". Or le gouvernement avait donné son agrément au protocole de l'Unedic débouchant sur cette situation : le gouvernement a-t-il donné son agrément à un accord dont il n'avait pas envisagé les conséquences ?
Je me permets dès lors d'attirer votre attention sur ce sujet grave. Il est urgent et indispensable de revoir cet accord. En effet, il aboutit à des situations inhumaines. Plus globalement, il s'avère incompatible avec l'intermittence et la spécificité des métiers et des activités relevant des annexes VIII et X de la convention Unedic, respectivement relatives aux ouvriers et techniciens, et aux artistes.
Le gouvernement se grandirait de revenir sur son agrément. Il n'est pas acceptable de faire porter aux seuls intermittents du spectacle la responsabilité du déficit de ce régime, alors qu'aucune volonté politique ne vient contrecarrer les recours abusifs aux contrats précaires ; ces abus sont hélas trop nombreux, comme l'a confirmé le rapport que Monsieur Bernard Gourinchas a remis récemment à Monsieur Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture et de la Communication.
Une intervention de votre part est attendue, Monsieur le Président de la République. Comme vous l'avez, à juste titre, affirmé le 2 février dernier lors des " Rencontres Internationales de la Culture " et le 28 avril devant des cinéastes présents au Festival de Cannes, " dans cet univers où règnent la compétition et la course au profit, la culture et la création sont des activités irréductibles aux lois du marché ". Pour inscrire cet objectif dans les faits, un meilleur système d'indemnisation, absolument nécessaire à la vitalité de notre vie culturelle, doit être négocié et pérennisé.
Monsieur le Président, pour sortir de ce conflit par le haut, il est utile d'ouvrir une médiation animée par une personnalité indépendante. La mission qui pourrait lui être confiée serait d'analyser la situation sociale des intermittents du spectacle et de l'audiovisuel, après l'agrément du protocole d'accord du 27 juin, et d'évaluer les conséquences économiques et sociales qui en découleront pour les professionnels intéressés. Cette médiation devrait également, dans la continuité du rapport de Monsieur Bernard Gourinchas, proposer des dispositifs permettant de lutter efficacement contre les abus et fraudes dans l'utilisation de l'intermittence. Enfin, cette commission pourrait élaborer des propositions nécessaires à l'essor du spectacle vivant garantissant un statut protecteur et particulier à ses professionnels.
Afin de permettre au médiateur de mener sa mission efficacement, le dialogue entre les diverses parties doit au préalable se rouvrir. Pour cela, l'accord du 27 juin 2003 doit être purement et simplement suspendu. Pendant le moratoire nécessaire à cette médiation, le gouvernement a la possibilité de pérenniser à titre transitoire, par la promulgation d'un décret en Conseil d'Etat, le régime régi par les annexes VIII et X, telles qu'elles avaient été négociées par les partenaires sociaux pour la convention d'assurance chômage du 1er janvier 1997. Ce dispositif transitoire s'éteindra dès lors que les négociations des partenaires sociaux auront débouché sur un accord ayant reçu l'assentiment de tous.
Le gouvernement de Monsieur le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a aujourd'hui une grave responsabilité entre les mains. Il s'agit ni plus ni moins que de donner à la culture le statut de richesse créatrice exceptionnelle, ou, a contrario, de produit marchand.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de ma très haute considération.
Georges SARRE.
Georges Sarre est maire du XIe arrondissement de Paris, président du club Laïcité et porte-parole du MRC.
(Source http://www.mrc-France.org, le 25 février 2004)
Les prises de parole des artistes contre le nouveau régime d'allocation-chômage des intermittents du spectacle lors de la cérémonie des Césars, faisant suite à l'annulation de nombreux festivals et à de multiples initiatives de protestation, révèlent un malaise très profond des professionnels de la culture, qui appelle une réponse au plus haut niveau de l'Etat.
Depuis huit mois, le monde des arts et du spectacle subit un grave conflit consécutif à l'accord conclu le 27 juin 2003. Cet accord modifie la procédure applicable aux déclarations et aux versements des cotisations et contributions sociales afférentes à l'emploi d'artistes et de techniciens du spectacle vivant et de l'audiovisuel.
Cet accord est d'autant plus regrettable qu'il n'engage que des organisations syndicales minoritaires ne représentant pas plus de dix pour cent des professionnels concernés.
Cet accord, loin d'aboutir à la sauvegarde du régime qu'il prétend permettre, est le fruit d'une démarche purement comptable, et aura pour conséquence d'exclure une proportion élevée des allocataires du bénéfice de ce régime. Bien évidemment, ce sont les personnels les plus précaires et les plus fragiles qui en sont d'ores et déjà les principales victimes. L'impact sera grave pour toutes les formes d'expression artistique de la vie culturelle de notre pays.
Cet accord, que le ministre de la Culture avait pourtant qualifié " d'avancée considérable ", va jusqu'à remettre en cause le bénéfice des allocations chômage pour les femmes enceinte, dont le décompte du temps de travail est suspendu à partir du début du congés maternité. Le ministre, selon Le Monde du 31 janvier 2004, s'est inquiété auprès de l'Unedic de cette situation " profondément injuste ". Or le gouvernement avait donné son agrément au protocole de l'Unedic débouchant sur cette situation : le gouvernement a-t-il donné son agrément à un accord dont il n'avait pas envisagé les conséquences ?
Je me permets dès lors d'attirer votre attention sur ce sujet grave. Il est urgent et indispensable de revoir cet accord. En effet, il aboutit à des situations inhumaines. Plus globalement, il s'avère incompatible avec l'intermittence et la spécificité des métiers et des activités relevant des annexes VIII et X de la convention Unedic, respectivement relatives aux ouvriers et techniciens, et aux artistes.
Le gouvernement se grandirait de revenir sur son agrément. Il n'est pas acceptable de faire porter aux seuls intermittents du spectacle la responsabilité du déficit de ce régime, alors qu'aucune volonté politique ne vient contrecarrer les recours abusifs aux contrats précaires ; ces abus sont hélas trop nombreux, comme l'a confirmé le rapport que Monsieur Bernard Gourinchas a remis récemment à Monsieur Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture et de la Communication.
Une intervention de votre part est attendue, Monsieur le Président de la République. Comme vous l'avez, à juste titre, affirmé le 2 février dernier lors des " Rencontres Internationales de la Culture " et le 28 avril devant des cinéastes présents au Festival de Cannes, " dans cet univers où règnent la compétition et la course au profit, la culture et la création sont des activités irréductibles aux lois du marché ". Pour inscrire cet objectif dans les faits, un meilleur système d'indemnisation, absolument nécessaire à la vitalité de notre vie culturelle, doit être négocié et pérennisé.
Monsieur le Président, pour sortir de ce conflit par le haut, il est utile d'ouvrir une médiation animée par une personnalité indépendante. La mission qui pourrait lui être confiée serait d'analyser la situation sociale des intermittents du spectacle et de l'audiovisuel, après l'agrément du protocole d'accord du 27 juin, et d'évaluer les conséquences économiques et sociales qui en découleront pour les professionnels intéressés. Cette médiation devrait également, dans la continuité du rapport de Monsieur Bernard Gourinchas, proposer des dispositifs permettant de lutter efficacement contre les abus et fraudes dans l'utilisation de l'intermittence. Enfin, cette commission pourrait élaborer des propositions nécessaires à l'essor du spectacle vivant garantissant un statut protecteur et particulier à ses professionnels.
Afin de permettre au médiateur de mener sa mission efficacement, le dialogue entre les diverses parties doit au préalable se rouvrir. Pour cela, l'accord du 27 juin 2003 doit être purement et simplement suspendu. Pendant le moratoire nécessaire à cette médiation, le gouvernement a la possibilité de pérenniser à titre transitoire, par la promulgation d'un décret en Conseil d'Etat, le régime régi par les annexes VIII et X, telles qu'elles avaient été négociées par les partenaires sociaux pour la convention d'assurance chômage du 1er janvier 1997. Ce dispositif transitoire s'éteindra dès lors que les négociations des partenaires sociaux auront débouché sur un accord ayant reçu l'assentiment de tous.
Le gouvernement de Monsieur le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin a aujourd'hui une grave responsabilité entre les mains. Il s'agit ni plus ni moins que de donner à la culture le statut de richesse créatrice exceptionnelle, ou, a contrario, de produit marchand.
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président de la République, l'expression de ma très haute considération.
Georges SARRE.
Georges Sarre est maire du XIe arrondissement de Paris, président du club Laïcité et porte-parole du MRC.
(Source http://www.mrc-France.org, le 25 février 2004)