Interview de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, à RMC, le 12 mai 2005, sur la sécurité et la défense européennes.

Prononcé le

Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

Jean-Jacques BOURDIN - Notre invitée ce matin, Michèle ALLIOT-MARIE, ministre de la Défense. Vous avez des questions à lui poser. C'est tout simple vous le savez, 3216 le téléphone, et Internet. Michèle ALLIOT-MARIE bonjour.
Michèle ALLIOT-MARIE - Bonjour.
QUESTION : Merci d'être avec nous. Est-ce que vous avez une question à poser aux auditeurs de RMC, Michèle ALLIOT-MARIE ?
Michèle ALLIOT-MARIE : Oui. Je serais intéressée de savoir ce qu'ils pensent de la construction de la défense européenne. Est-ce que vous, auditeurs, vous pensez que cette construction de la défense européenne est une bonne chose pour la sécurité et des Français et des Européens ?
QUESTION : Est-ce que la construction de la défense européenne est une bonne chose pour la sécurité des Français et des Européens ? C'est la question que vous pose Michèle ALLIOT-MARIE, n'hésitez pas à répondre. On va beaucoup parler d'Europe évidemment Michèle Alliot-Marie, mais auparavant, l'actualité française : est-ce que vous travaillerez lundi prochain ?
Michèle ALLIOT-MARIE : Oui bien sûr. Nous irons même avec Dominique de VILLEPIN, inaugurer l'Office central de lutte contre le travail illégal qui est confié à la gendarmerie nationale dans le cadre de l'action que mène le ministre de l'Intérieur.
QUESTION : Donc vous travaillerez. Et à Saint Jean de Luz, est-ce que l'on va travailler ? Est-ce que les services municipaux, est-ce que les cantines seront ouvertes, est-ce que le ramassage scolaire fonctionnera ce jour-là ?
Michèle ALLIOT-MARIE : Bien entendu. Vous savez, au pays Basque, nous sommes très attachés à la famille et à la solidarité. Nous sommes très attentifs au sort des personnes âgées et chaque fois qu'il y a moyen d'affirmer cette solidarité, on le fait très volontiers. C'est également d'ailleurs ce que font les armées d'une façon générale et les personnels du ministère de la Défense, qui sont toujours prêts à porter secours aux plus fragiles dans notre société. C'est donc tout naturellement que ce signe de la solidarité avec les plus fragiles, les plus âgés et les handicapés a été accepté de bon cur.
(/)

QUESTION : On va parler de l'Europe Michèle ALLIOT-MARIE, mais je voudrais vous poser une question sur l'Irak. Vous l'avez remarqué comme moi, on parle de moins en moins de l'Irak dans les médias français. Où il y a une raison toute simple, c'est qu'il y a de moins en moins de journalistes français en Irak aussi. Vous n'avez pas de nouvelles de Florence AUBENAS et Hussein HANOUN ?
Michèle ALLIOT-MARIE : Nous travaillons, mais vous savez bien que moins l'on parle sur le sujet et plus on est efficace.
QUESTION : Michèle ALLIOT-MARIE, va-t-on aider, on devait le faire, à la formation des forces de sécurité irakiennes ? Où en est-on ?
Michèle ALLIOT-MARIE : Nous avons dit et depuis longtemps, que nous participerions à la reconstruction de l'Irak dès lors que les autorités légitimes irakiennes nous le demanderaient. C'est aussi dans notre intérêt d'avoir une stabilisation dans cette région. Pour répondre à votre question, il y a eu un échange, c'est à dire que notre proposition de former des forces de sécurité a été faite, une formation qui de toute façon se ferait en dehors de l'Irak, probablement en France ou dans un pays proche de l'Irak pour un certain nombre d'officiers et à l'extérieur à l'Irak pour les autres. Il y a donc eu cette proposition et en retour, il y a eu un certain nombre d'indications de la part des Irakiens. Nous sommes aujourd'hui en train d'affiner les demandes de façon à avoir une réponse qui soit adéquate à la demande qui a été faite.
QUESTION : Alors je regarde le dernier sondage. Michèle ALLIOT-MARIE, vous gagnez 6 points, 58 % d'opinions favorables. Vous êtes en progression constante, est-ce que la fonction de Premier ministre vous plairait ? Franchement ?
Michèle ALLIOT-MARIE : Ecoutez, je ne pense pas qu'une responsabilité gouvernementale ait pour but de plaire ou ne pas plaire. Quelque soit le poste, il y a Une mission à remplir et il faut la remplir.
QUESTION : Vous l'accepteriez si on vous la proposait ?
Michèle ALLIOT-MARIE : Aujourd'hui ma préoccupation n'est pas celle-ci ; c'est celle du référendum et des actions à mener au sein du ministère de la Défense. Nous parlions tout à l'heure de la lutte contre l'immigration illégale ou contre le travail illégal, ce que font les gendarmes et ce que fait également la marine ; pour le reste, ce sont d'autres sujets.
(/)
QUESTION : Michèle ALLIOT-MARIE est avec nous. On va parler de l'Union européenne : " oui " ou " non . Faut-il voter " oui " ou " non " pour résister à l'hégémonie américaine ? C'est la question que je vous pose.
Michèle ALLIOT-MARIE : Il faut voter " oui " bien entendu, et je vais vous dire pourquoi.

(/.)

QUESTION : Michèle ALLIOT-MARIE est notre invitée ce matin. Je vous ai posé une question tout à l'heure Michèle ALLIOT-MARIE. Faut-il voter " oui " ou " non " pour résister à l'hégémonie américaine ?
Michèle ALLIOT-MARIE : Il faut voter " oui ", c'est évident. Parce que dans le domaine de la défense, c'est la façon de conforter la création de la défense européenne, qui a certes beaucoup avancé depuis trois ans - et à l'initiative de la France d'ailleurs - mais qui doit continuer. Et dans la Constitution, trois éléments permettent à l'Europe de mieux jouer son rôle en la matière ; premier élément, c'est ce qu'on appelle la clause de " solidarité ". Pour la première fois, il est prévu dans un texte que si l'un de nos pays est confronté à un problème de terrorisme, et nous savons que ce n'est pas simplement une hypothèse, nous l'avons vu avec Madrid, nous le voyons chaque jour avec mon collègue, Dominique de VILLEPIN dans les actions que nous menons pour déjouer des tentatives d'attentats ou de créations.
QUESTION : Vous déjouez des tentatives d'attentats terroristes tous les jours ?
Michèle ALLIOT-MARIE : Nous travaillons tous les jours et il y a régulièrement effectivement, des arrestations, des démantèlements de réseaux sur l'ensemble de l'Europe.
QUESTION : Toutes les semaines dites vous, nos services et ceux du ministère de l'Intérieur démantèlent un certain nombre de projets terroristes ?
Michèle ALLIOT-MARIE : Oui bien sûr, sur l'ensemble de l'Europe, car nous travaillons d'une façon très étroite avec les autres pays et sur l'ensemble du territoire européen. Il y a effectivement des actions qui sont menées toutes les semaines parce que ce risque existe effectivement en permanence. Cette clause de solidarité qui fait que tous les pays européens sont solidaires et immédiatement susceptibles de réagir quand il y a un risque ou s'il y avait une attaque, c'est quelque chose d'important. Cela s'appliquera d'ailleurs aussi en cas de catastrophes naturelles et nous savons combien c'est utile avec les incendies comme nous le voyons régulièrement dans le Sud de la France ou avec les grandes inondations.
Le deuxième élément qui est extrêmement important, c'est celui qui va nous permettre de faire avancer plus vite le renforcement de la défense européenne en permettant que les pays qui ont une défense importante comme la France, la Grande-Bretagne, l'Espagne, l'Allemagne ou l'Italie, puissent aller plus vite et sans attendre que d'autres pays qui ont moins d'éléments, moins de moyens ou moins de volonté peut-être de faire un effort pour la défense, ne les rejoignent. C'est ce que l'on appelle les 'coopérations renforcées', c'est-à-dire que quelques pays décident, eux, d'avancer et ce sera effectivement très important que, vis-à-vis notamment des Américains, ces coopérations nous permettent d'avoir des forces de plus en plus équipés et de plus en plus opérationnelles.
Et puis le troisième élément, très important aussi, c'est la création de l'Agence européenne de Défense. Elle nous permettra de mieux coordonner nos efforts pour déterminer quels sont nos besoins, par exemple nos besoins en moyens de transport, en moyens de renseignement ou de communication, et de travailler ensemble pour y parvenir. Et cela nous permettra également de conforter la recherche et l'activité des entreprises industrielles de défense sur l'ensemble de l'Europe. Il faut bien voir que ces entreprises représentent un point important pour notre économie, et également pour l'emploi. En France, on ne le sait pas toujours, mais la Défense est le premier investisseur dans l'économie française. Chaque année, 15 milliards d'euros environ vont dans les entreprises, des grandes entreprises mais également des PME et des toutes petites entreprises qui sont réparties sur l'ensemble du territoire national. Cela représente des centaines de milliers d'emplois. Si nous évitons un certain nombre de concurrences inutiles entre différentes entreprises européennes, nous y gagnerons ; cela permettra de mettre davantage d'argent sur ce qui nous permet d'être à la pointe de la technologie, car aujourd'hui, nous sommes à la pointe de la technologie. Nous sommes aussi bons que les Américains mais il est vrai qu'avec la différence du montant des investissements faits aux États-Unis et dans chacun des pays européens, nous risquerions de reculer. Grâce à cette Agence, nous récolterons des sommes très importantes qui nous permettront de conserver ce niveau de leader. Et c'est la France qui en tirera certainement l'un des avantages majeurs puisque nos entreprises sont d'ores et déjà les plus importantes ou quasiment les plus importantes dans ce domaine.
QUESTION : La souveraineté de la France est un sujet qui fait aussi débat dans cette Constitution européenne lorsqu'on l'examine. Est-ce que la Commission européenne est obligée de tenir compte des avis des Parlements nationaux ?
Michèle ALLIOT-MARIE : Oui mais il faut voir dans quel domaine vous intervenez. Il y a le domaine général dans lequel, pour la première fois, les Parlements nationaux vont effectivement pouvoir donner un avis par rapport au texte de Bruxelles. C'est la première fois et c'est donc une avancée par rapport à ce qui existe aujourd'hui.
QUESTION : Oui mais la Commission n'est pas obligée d'en tenir compte.
Michèle ALLIOT-MARIE : Oui mais vous savez qu'il existe une pression politique et psychologique extrêmement forte et à Bruxelles, ce n'est pas exactement comme chez nous ; c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'affrontements. On recherche toujours le consensus et lorsqu'il y a un blocage, on va essayer d'améliorer le texte pour lever ce blocage. Maintenant, puisque vous parliez de souveraineté, la souveraineté c'est notamment ce qui concerne la défense et les affaires étrangères. Alors je voudrais peut-être tordre le cou à un certain nombre de propos inexacts que j'ai entendus au cours de cette campagne.
QUESTION : De mensonges ?
Michèle ALLIOT-MARIE : Je dirais de propos inexacts. Dans ces domaines-là, en aucun cas la France ne saurait être obligée de faire ce qu'elle ne veut pas. J'ai entendu dire : " Il y aura un ministre des Affaires étrangères qui parlera à la place des différents pays ". Il ne parlera à la place des pays qu'à la condition qu'il y ait un accord unanime. Nous ne saurions être embarqués, comme on l'a dit par exemple, dans un conflit alors que nous ne le souhaiterions pas. Notre position sur l'Irak serait exactement la même. Et lorsque la Constitution sera en cours, nous ne serons pas plus obligés d'aller dans un conflit dont nous ne voulons pas. A chaque fois, nous sommes maîtres et de nos décisions et de nos moyens militaires. Il n'y aurait pas plus avec la Constitution, un militaire français en Irak, qu'il n'y en a eu au cours de la guerre précédente.
(/)
Questions des auditeurs :
Michèle ALLIOT-MARIE. Nous avons un auditeur qui est militaire. Il a 32 ans et appelle de Haute Garonne, bonjour.
Michèle ALLIOT-MARIE : Bonjour.

QUESTION : Question à Michèle ALLIOT-MARIE ?
Auditeur : Oui, mes respects madame le ministre.
Michèle ALLIOT-MARIE : Bonjour.
Auditeur : Je viens pour répondre rapidement à la question que vous avez posée. Je trouve que la défense européenne est donc une action absolument indispensable et surtout qu'il faut mener à bien. A ce propos j'avais une question par rapport aux officiers. Quelle sera leur place dans cette Europe militaire puisque pour l'instant moi, sur le terrain, ce que je vois, c'est qu'ils ne sont pas tout à fait bien considérés encore par leurs pairs ?
Journaliste : les officiers sous contrat dans cette défense européenne. Michèle ALLIOT-MARIE ?
Michèle ALLIOT-MARIE : Dans la défense européenne, chaque pays met en quelque sorte au pot commun pour une mission ou parfois pour une période un peu plus longue - je pense notamment au Corps européen, à la Brigade franco-allemande - des militaires qui continuent de relever de par leur statut de leur pays d'origine. Par conséquent, les officiers sous contrat sont considérés comme des officiers dans la construction de l'Europe de la défense et il n'y a rien de changé par rapport à aujourd'hui.
QUESTION : Oui, ils sont mis à disposition ?
Michèle ALLIOT-MARIE : Ils sont mis à disposition, on peut le considérer comme cela, pour simplifier.
Journaliste : Michèle ALLIOT-MARIE, les auditeurs d'RMC répondent à votre question, je rappelle la question : pensez-vous que la construction de la défense européenne soit une bonne chose pour la sécurité des Français et des Européens ?
Alors Florence qui nous dit : " L'Europe de la défense existe notamment sous la pulsion de la France qui est à mon sens, celle qui a fait le plus gros effort au sein de la communauté européenne, preuve en est, la dernière force de gendarmerie européenne qui est votre initiative, l'Europe de la défense doit ses avancées grâce à la France, oui je crois en cette Europe qui est bien sur des rails ". Patrick de l'Allier : " La construction d'une défense européenne, voire d'une armée européenne, très bien, encore faudrait-il que tout le monde soit d'accord en cas de conflit, comme ce fut le cas par exemple en Irak ". Marc de Seine Saint-Denis : " Évidemment qu'il est préférable d'avoir une coopération européenne de nos armées, en tout cas ça ne m'empêchera pas de voter 'non', on peut avoir une coopération européenne sans être aliéné à l'Europe ".
Est-ce que l'on peut avoir une coopération européenne en votant " non " ?
Michèle ALLIOT-MARIE : Je ne le crois pas. Il y aura une coopération. Il peut toujours y avoir une coopération européenne minimum, mais comme je le disais tout à l'heure, dans la Constitution, vous avez trois dispositions qui permettent effectivement d'avoir de véritable avancées, d'avoir une véritable cohésion et une véritable efficacité. Ne l'oublions jamais, l'Europe a été faite pour faire la paix sur notre continent. Cela a réussi pendant 60 ans. Mais la paix n'est jamais acquise définitivement et nous sommes aujourd'hui confrontés à de nouveaux risques, le risque terroriste, le risque également des effets des crises multiples que nous voyons se développer dans le monde. Face à cela, nous avons besoin d'une défense européenne qui soit cohérente, qui soit forte, qui soit bien équipée. Depuis trois ans, et largement à l'initiative de la France, nous avons c'est vrai réussi à faire avancer la défense européenne. Nous avons besoin aujourd'hui de moyens supplémentaires pour aller encore plus loin. Ces moyens sont dans la Constitution. C'est la raison pour laquelle il faut voter " oui ".
Jean-Jacques BOURDIN : Michèle ALLIOT-MARIE était notre invitée ce matin, merci.

(Source http://www.defense.gouv.fr, le 17 mai 2005)