Déclaration de M. Gérard Larcher, ministre délégué aux relations du travail, sur la mise en oeuvre du Contrat d'Insertion- Revenu minimum d'activité (CI-RMA) dans le secteur du bâtiment et le recrutement dans ce secteur, Paris le 14 mars 2005.

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Circonstance : Signature de l'accord cadre national Contrat Insertion-Revenu Minimum d'Activité (CI-RMA) à Paris le 14 mars 2005

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Voici huit mois, j'ai réuni ici même, avec Jean-Louis Borloo, la commission nationale afin de présenter un plan national de lutte contre le travail illégal pour les années 2004 et 2005. Cette réunion traduisait la volonté gouvernementale de relancer vigoureusement l'action des services contre ce fléau dont je vous rappelle que le coût économique et social atteindrait, selon l'INSEE, 4 % du PIB.
Nous avions alors, sur la base d'un constat préoccupant, défini les voies et moyens d'une action renforcée tant en matière de prévention que de répression.
A cette occasion, je m'étais engagé à vous en présenter un bilan d'étape et en tirer les premiers enseignements. C'est l'objet de notre réunion d'aujourd'hui.
Au vu de ce bilan que Madame Horel vous présentera plus en détail dans quelques instants, je trouve des motifs de satisfaction dans les résultats déjà obtenus, en particulier dans les quatre secteurs d'activité retenus comme prioritaires par le plan national. J'y trouve cependant aussi des motifs d'inquiétude devant certaines évolutions et, par conséquent, ce qui me conforte dans ma résolution d'accroître plus encore les moyens de lutte contre de nouvelles formes de travail illégal (et notamment les fraudes transnationales).
Commençons, si vous le voulez bien, par les motifs de satisfaction.
Au-delà des difficultés à mesurer précisément la portée exacte des chiffres dont nous disposons, faute parfois de bases de comparaison pour certaines données qui ont été introduites pour la première fois dans notre appareil statistique, l'ampleur de la mobilisation des services et des résultats qu'ils ont obtenus est, en tous les cas, incontestable. Je m'en félicite et vous remercie pour votre implication à tous dans la mise en uvre du plan d'actions.
Deux chiffres suffisent à l'illustrer :
o plus de 70.000 contrôles ont été réalisés par l'ensemble des services pour les seuls secteurs prioritaires,
o dans ces secteurs, le nombre de procédures pénales envisagées pour 2004 a plus que doublé par rapport aux procédures établies pour 2003.
Ce qui me paraît plus encourageant encore est l'effet positif que ces contrôles semblent commencer à produire sur le comportement des agents économiques qui semble évoluer dans le sens d'une plus grande responsabilité. C'est du moins ce que suggèrent plusieurs signes telles la baisse sensible du taux d'infractions constatées dans le secteur du spectacle enregistré et l'augmentation spontanée des déclarations aux URSSAF dans le secteur des hôtels, cafés, restaurants, là où ils ont été ciblés par des campagnes vigoureuses d'information et de sensibilisation.
Cette dernière observation me conduit d'ailleurs à souligner avec force la nécessité d'accompagner plus systématiquement les contrôles d'actions préalables de prévention des pratiques de travail illégal.
Nul n'ignore, en effet, que le développement du travail illégal est lié à un ensemble complexe de raisons parmi lesquelles la volonté délibérée de frauder n'est pas seule en cause. Nous le savons tous, le travail illégal procède aussi de l'ignorance de la loi ou de l'insuffisante maîtrise de sa complexité, de la méconnaissance des dispositifs nombreux que le gouvernement a récemment mis en place pour simplifier les formalités de déclaration, des difficultés rencontrées pour trouver de la main d'uvre qualifiée dans certains métiers ou encore de certaines dérives des donneurs d'ordres, voire de certains maîtres d'ouvrage, en ce qui concerne l'organisation de la sous-traitance de main d'oeuvre.
Or, pour agir sur ces déterminants, comme le montre l'analyse des premiers résultats du plan national d'action, il n'y a pas de meilleur moyen que la prévention partenariale par l'information, la sensibilisation des acteurs économiques et sociaux, l'élaboration et la promotion des chartes ou des guides de bonne conduite (en particulier dans le domaine de la sous-traitance). C'est à cette condition que l'indispensable renforcement du contrôle trouvera une efficacité réelle et durable.
C'est pourquoi, je tiens à saluer toutes les initiatives prises en ce sens au cours des derniers mois. Trois d'entre elles méritent particulièrement d'être signalées :
Celle qui a été prise sous l'impulsion de mon collègue Renaud Donnedieu de Vabres dans le secteur du spectacle pour articuler les actions de contrôle de l'emploi des intermittents avec le plan de soutien au développement des activités artistiques et l'organisation du dialogue social dans le cadre des COREPS.
Celle engagée par les organisations professionnelles et syndicales du bâtiment et des travaux publics qui mettent la dernière main, sous l'égide de la DILTI, à un guide et une charte de bonne conduite en matière de sous-traitance, en particulier la sous-traitance confiée aux prestataires de services étrangers.
Celle, enfin, qu'ont prise les URSSAF dans plusieurs régions touristiques, souvent en partenariat avec les DDTEFP et en s'appuyant sur les fédérations professionnelles régionales, pour mieux faire connaître aux petites structures des hôtels, cafés, restaurants, les dispositifs de simplification administrative des déclarations d'emploi. Louis-Charles Viossat, directeur général de l'ACOSS, vous présentera d'ailleurs tout à l'heure plus dans le détail le bilan des actions menées par la branche du recouvrement.
Les initiatives de ce type, je le répète, doivent se multiplier à l'avenir et s'étendre au-delà des secteurs que nous avons retenus comme prioritaires en juin dernier. J'accueille à cet égard très positivement la demande que m'a adressée la Chambre syndicale du déménagement pour conclure avec mon ministère une convention nationale de partenariat qui permettra de développer, nationalement et localement, des actions d'information et de prévention du travail illégal dans un secteur assez fortement touché par ce mal. Le secteur agricole nous a également fait part de sa volonté de renforcer les actions partenariales. Nous sommes bien entendu prêts à approfondir encore notre coopération déjà nourrie avec ce secteur. Des réunions de travail sont d'ores et déjà prévues dans les jours à venir.
De même, je souhaite vivement que l'ACOSS puisse s'associer au ministère du travail pour lancer cet automne une vaste campagne d'information et de sensibilisation des Français sur les méfaits du travail illégal afin de revivifier le consensus national à ce sujet, consensus qui s'est -il faut bien le dire- affaibli au cours des dernières années.
Si l'efficacité durable du contrôle passe par le développement simultané des actions partenariales de prévention, nous devons également travailler à l'amélioration de nos outils juridiques et institutionnels.
Pour être vraiment dissuasive, en effet, l'action des corps de contrôle doit viser toutes les infractions constatées, y compris les infractions connexes qui portent atteinte à la sécurité publique ou aux règles de la concurrence, par exemple, et la totalité des réseaux délictueux organisés. Elle doit aussi produire des effets rapides.
Au regard du premier de ces objectifs, je ne peux que me réjouir du projet de Dominique de Villepin de créer un Office central de lutte contre le travail illégal. Intervenant dans le cadre des priorités fixées par notre commission nationale, il permettra à la gendarmerie nationale et aux services de police, en liaison avec la DILTI et les COLTI, de traiter plus efficacement et plus rapidement les affaires de travail illégal les plus graves et les plus complexes, en particulier celles de dimension transnationale qui alimentent de surcroît souvent l'immigration clandestine et ses filières. Son action permettra de compléter utilement celle de l'OCRIEST et des GIR dans le cadre du dispositif interministériel issu du décret du 11 mars 1997 qui a fait ses preuves et dont la cohérence doit être préservée. Le général Mignaux vous en présentera les grandes lignes dans quelques instants.
La coopération de tous les corps de contrôle, en effet, est essentielle à tous les niveaux du dispositif. Je pense ici tout particulièrement aux COLTI où elle joue pleinement son rôle d'accroissement de l'efficacité et de la sécurité des contrôles grâce aux procureurs de la République qui la mettent en uvre et aux secrétaires permanents qui les assistent dans leurs tâches. Ces derniers jouent un rôle très important de recueil et de circulation de l'information entre tous les membres du COLTI, faisant vivre ainsi le partenariat interministériel qui est la raison d'être de cette instance.
Pour que l'interministérialité puisse être pleinement présente au sein des COLTI, il faut aussi que la lutte contre le travail illégal soit inscrite comme une des priorités des directives nationales d'orientation de tous les ministères et organismes de sécurité sociale concernés. Je ne manquerai pas de le rappeler à mes collègues du Gouvernement.
D'ores et déjà, je crois nécessaire de renforcer les liens déjà étroits entre l'inspection du travail et la branche recouvrement de la sécurité sociale. Les URSSAF constituent déjà nos premiers partenaires dans la lutte contre le travail illégal. Je souhaite que cette coopération soit encore renforcée et soit formalisée dans une charte de coopération entre les directions départementales du travail et le réseau du recouvrement. Cette charte, déclinée dans chaque département, permettra de définir les modalités d'action en commun et leur évaluation. Je souhaite qu'elle soit signée avant l'été.
Quant à l'objectif d'une plus grande effectivité du contrôle, il m'a paru utile, comme je l'avais annoncé lors de notre commission de juin 2004, d'élargir le champ d'application des sanctions administratives à toutes les formes de travail illégal, et d'en étendre aussi l'objet, en visant de nouveaux types d'aides. Ces dispositions sont incluses dans le projet de loi relatif au développement des entreprises qui sera très bientôt soumis à l'approbation du Parlement et vous pourrez en prendre connaissance dans le dossier qui vous a été remis ce matin. Je suis certain qu'elles auront un effet dissuasif puissant et s'articuleront utilement avec les poursuites pénales dont l'aboutissement nécessite parfois des délais longs.
Tels sont les principaux enseignements de ce premier bilan du plan national d'action qui nous permettent de confirmer, en les consolidant parfois par quelques approfondissements, les orientations retenues en juin dernier.
En tout état de cause, j'en tire à ce stade comme enseignement principal qu'une action volontariste, qu'une mobilisation forte des services peut nous permettre d'obtenir des résultats significatifs. J'entends donc poursuivre et intensifier notre action en ce domaine. J'y serai personnellement, et avec Jean-Louis Borloo, extrêmement vigilant.
Mais il me faut aussi évoquer d'autres points plus préoccupants qui se déduisent moins des résultats statistiques du plan d'action que de certains faits significatifs, mis en lumière par quelques contrôles et d'autres types d'enquêtes, corroborés aussi par les alarmes de certaines organisations professionnelles (celles en particulier des secteurs du BTP, du spectacle et de l'agriculture). Je fais allusion ici à toutes les catégories de fraudes qui se multiplient à la faveur de la construction des marchés européens du travail et des services. Je tiens ici à affirmer solennellement la détermination du gouvernement à prévenir, par tous les moyens utiles, le développement actuel de ces fraudes transnationales.
Au préalable, soyons clairs : la construction de ces marchés européens est une bonne chose pour la France, son économie et l'emploi des Français, pour autant qu'elle n'ait pas pour prix le développement du " dumping " social, des distorsions de concurrence et la remise en cause de ce qu'il est convenu d'appeler le modèle social français.
L'Union européenne s'est dotée à cet effet d'un instrument juridique important qui est la Directive 96/71 du 16 décembre 1996. Elle impose à une entreprise établie dans un Etat membre l'application, aux salariés qu'elle détache dans un autre Etat membre, pour la réalisation d'une prestation de services et pendant toute la durée de leur détachement, des principales dispositions du code du travail du pays d'accueil. Cette entreprise peut certes maintenir l'affiliation de ses salariés détachés à la sécurité sociale du pays d'établissement, mais à la condition qu'il s'agisse d'une prestation temporaire et qu'elle exerce une activité effective dans le pays d'établissement.
Ce sont là des règles essentielles qu'il nous faut faire respecter scrupuleusement pour éviter la concurrence déloyale fondée sur le dumping social et l'exploitation des travailleurs étrangers. C'est pour cela que la France a mis en place une procédure de déclaration préalable d'intervention des entreprises étrangères. Cette procédure est le seul moyen d'assurer la capacité réelle des inspecteurs du travail à contrôler la légalité de l'emploi des salariés détachés dont nul n'ignore qu'il est une forme d'emploi à haut risque de fraude par nature et compte tenu des différences de protection sociale avec d'autres Etats membres.
Nous veillerons à ce que cette règle qui ne soit par remise en cause à la faveur du projet de Directive sur les services dite Bolkenstein.
Vous savez que la Commission européenne s'est engagée, grâce en particulier à l'intervention du Président de la République, M. Jacques Chirac, à remettre à plat cette proposition de directive sur les services dans le marché intérieur. J'ajoute qu'une mission a été confiée à l'IGAS pour déterminer l'impact de cette directive d'une part en matière de détachement des travailleurs et des risques de dumping social, notamment dans le secteur du bâtiment, d'autre part en ce qui concerne les services sociaux. Par ailleurs, j'ai décidé avec mon collègue allemand du travail la mise en place d'un groupe de travail bilatéral en vue de formuler dans le cadre des négociations à Bruxelles des propositions conjointes en matière de détachement. Enfin, je continue de plaider au sein du Conseil " emploi, politique sociale, santé, consommateur " pour une discussion de ce texte non pas dans la seule sphère compétitivité, mais aussi dans la sphère sociale.
Mais cet arsenal juridique ne suffit pas aujourd'hui à nous protéger contre toutes sortes d'abus transnationaux, comme l'attestent de multiples affaires dont j'ai eu connaissance dernièrement. La vérité, en effet, est que d'autres causes, essentiellement nationales, mais également externes, expliquent les dérives auxquelles nous assistons actuellement.
Il y a, en premier lieu, l'imperfection de notre droit du travail dont les règles de transposition de la Directive de 1996 manquent encore parfois de clarté et de précision. Leur lisibilité par les services de contrôle et les acteurs économiques et sociaux doit être améliorée, leur qualité opératoire doit être accrue. Tel est l'objet des dispositions du projet de loi précité sur le développement des entreprises qui leur sont consacrées.
Il y a, en deuxième lieu, une inadéquation parfois manifeste de la formation de nombreux agents de contrôle et des moyens organisationnels des services aux exigences de cette problématique relativement nouvelle et encore méconnue d'eux. Cela appelle une sérieuse mise à jour des connaissances des agents de contrôle ainsi que des modes d'investigation et d'intervention nouveaux. La DILTI a élaboré à cet effet un programme de formation continue à destination des COLTI et achève actuellement la confection d'un guide méthodologique de contrôle de l'emploi détaché. J'espère qu'ils répondront suffisamment à ces besoins.
Il y a, en troisième lieu, le besoin évident de renforcer la coopération administrative des Etats membres pour permettre un contrôle efficace de la régularité des emplois détachés et mener à bien toutes les investigations utiles, non seulement au titre des matières visées par la Directive de 1996 ou le Règlement de sécurité sociale européen, mais aussi pour toutes les formes de travail illégal que ces instruments communautaires ne couvriraient pas.
Je me réjouis à cet égard du bon fonctionnement de la coopération française avec l'Allemagne, l'Espagne, l'Italie et surtout la Belgique avec laquelle sont menées des opérations conjointes de contrôle. Nous venons également de convenir avec la Pologne - et cette décision a été confirmée par les chefs d'Etat lors du récent Sommet franco-polonais qui s'est tenu à Arras le 28 février dernier -de signer très prochainement un arrangement de coopération administrative pour la lutte contre les fraudes transnationales. J'en attends beaucoup pour mettre un terme à des dérives trop nombreuses et inacceptables.
Je demanderai à ce sujet à la DILTI de me produire régulièrement un bilan évaluatif des progrès enregistrés dans la conduite de cette coopération qu'il faut étendre à tous les pays avec lesquels nous entretenons des rapports intenses en matière de prestations de services. L'articulation des coopérations bilatérales travail/sécurité sociale avec nos partenaires européens devra également être améliorée.
Enfin, le partenariat avec les organisations professionnelles doit être également renforcé sur ce sujet : les récentes actions récemment menées avec succès contre des grandes tournées de spectacles étrangères, organisées en France de manière frauduleuse sous couvert de prestation de service, ont démontré l'efficacité de ce partenariat qui a été en l'occurrence très actif.
Tout cela revient à dire qu'il y a encore beaucoup à faire sur ce sujet et de façon urgente. Ma détermination à faire vite et bien est totale : la dimension sociale et politique, nationale et européenne, est de première importance et le justifie pleinement.
En tout état de cause, nous veillerons, avec Jean-Louis Borloo, à ce que la mobilisation lancée en juin dernier s'inscrive bien dans la durée et continue à faire l'objet d'un véritable suivi. Voilà pourquoi je vous propose de réunir à nouveau notre commission en fin d'année pour établir un bilan actualisé du plan d'actions.
Je passe maintenant la parole à Madame Horel qui va vous présenter de façon plus précise les aspects les plus importants du bilan de cette première phase du plan national d'action ainsi que l'orientation des moyens à développer pour la phase suivante.
(Source http://www.travail.gouv.fr, le 14 mars 2005)