Interviews de M. Jean-Luc Cazettes, président de la CFE-CGC, à RMC le 1er février 2005 et à France Inter le 5 février 2005, sur le projet de loi sur l'assouplissement des 35 heures.

Prononcé le 1er février 2005

Intervenant(s) : 

Média : Emission Forum RMC FR3 - France Inter - RMC

Texte intégral

RMC
01/02/2005
Guillaume Cahour : Aujourd'hui, les députés vont examiner la loi d'assouplissement des 35 heures avec cet objectif : travailler plus pour gagner plus. Ça c'est le grand slogan du gouvernement et notamment grâce au recours massif aux heures supplémentaires et aux comptes épargne temps où l'on pourra stocker ses jours de RTT et les solder d'un seul coup sans qu'on ait besoin d'attendre
Plus de 50 % des Français, je crois, veulent garder leur temps de travail actuel, en revanche les cadres sont prêts à tirer un trait sur les 35 heures.
Si je vois le sondage qui est paru hier dans " Le Figaro Economie " on s'aperçoit que plus de 56 % des cadres du privé sont prêts, effectivement, à racheter des droits. Moi, j'avais fait un sondage il y a déjà plusieurs mois avant que le sujet soit d'actualité, on était arrivé à près de 80 % des gens qui souhaitaient pouvoir récupérer en argent ce qu'ils perdent actuellement, parce qu'il faut bien se mettre en tête que beaucoup de cadres au forfait jour actuellement n'ont pas la possibilité de prendre tous leurs jours de RTT. Il y a un truc qui me gêne tout de même avec ce système d'assouplissement des 35 heures, c'est qu'on dise ça va permettre justement d'assouplir le système, de faire un système, disons, à la carte, les salariés vont avoir le choix, travailler plus pour gagner plus ou bien continuer à travailler comme ils le souhaitent ou comme actuellement, mais finalement il va y avoir aussi une pression monumentale des patrons, ce sont les patrons qui vont dire aux salariés toi tu travailles tant d'heures.
Jean-Luc Cazettes : Oui, ceci étant, tous ces assouplissements sont soumis à des accords collectifs. S'il n'y a pas un accord collectif signé dans l'entreprise et un accord majoritaire du fait maintenant des lois de monsieur Fillon de l'année dernière, s'il n'y a pas un accord collectif rien ne changera, donc il y a de ce côté-là une garantie, maintenant si les cinq organisations syndicales ou les organisations majoritaires décident effectivement d'ouvrir ces possibilités, à mon avis, c'est qu'il y aura quand même un certain nombre de garanties.
GC : Alors il y a ce système de compte épargne temps pour stocker les jours de RTT, de repos, de congés que l'on ne prend pas et puis pour les poser plus tard ou bien se les faire payer comme des heures normales, mais finalement très peu d'entreprises ont ce compte épargne temps ; comment on fera alors si on n'a pas de compte épargne temps dans son entreprise ?
JLC : De toutes les façons, les députés à l'origine de cette proposition de loi prévoient également la monétarisation de ces jours de RTT l'année même, c'est-à-dire qu'on vous les paie immédiatement dans l'année, il n'y a pas d'épargne temps, il n'y a rien.

GC : D'accord. Même s'il n'y a pas de compte épargne temps on pourra se les faire payer ?
JLC : Tout à fait. Sauf qu'à ce moment-là on sera obligé de payer dessus des charges sociales et des impôts, alors que si on passe par un compte épargne temps on échappe aux impôts.
GC : Et le compte épargne temps est avantageux pour les entreprises ou pas ; est-ce que moi je peux aller voir mon patron et lui dire tiens j'aimerai bien que vous mettiez un compte épargne temps et voilà les avantages pour vous ?
JLC : Je pense que c'est intéressant pour les entreprises parce qu'elles ne sont pas obligées immédiatement de payer, mais surtout parce que si elles externalisent sur des entreprises extérieures il y a déjà des tas d'organismes financiers qui sont prêts à gérer pour le compte des entreprises ces comptes épargne temps, elles n'ont pas à faire des provisions. Le gros problème des entreprises sur les comptes épargne temps c'est que tous les jours mis de côté par les salariés doivent être provisionnés et toutes ces provisions ça finit par plomber les cours et les comptes de l'entreprise.
(Source http://www.cfecgc.org, le 7 février 2005)
05/02/2005
France Inter
Journaliste : Vous venez d'entendre l'inquiétude de ces cadres par rapport au projet de la réforme des RTT, qu'est-ce que vous avez à leur dire ?
Jean-Luc Cazettes : II y a deux éléments : c'est qu'il y a une partie des cadres qui souhaite effectivement bénéficier totalement de leurs jours de RTT parce qu'ils souhaitent pouvoir concilier plus facilement leur vie familiale et leur vie professionnelle. Et puis, il y a toute une partie de cadres, malheureusement de plus en plus fréquents qui, dans des secteurs comme la grande distribution, sont obligés de travailler sans pouvoir prendre leurs jours de RTT. Donc, ils perdent le bénéfice de ces jours de RTT et là, il y a une demande de dire, " puisqu'on ne peut pas les prendre, on veut se les faire payer ". Donc il y a deux attitudes un peu différentes. Il faut essayer de trouver les formules les plus souples possibles pour que, ceux qui veulent prendre leurs jours de RTT puissent le faire, mais pour que ceux qui ne peuvent pas les prendre, puissent être indemnisés de ces jours qui ne sont pas pris et dont ils sont privés.
Jliste : Est-ce que vous avez le sentiment que le gouvernement va retenir les propositions que vous, vous avez faites, à propos du projet de loi d'assouplissement des 35 heures ?
JLC : Je pense que le gouvernement a déjà repris une partie des propositions de la CFE-CGC. Premier point c'est l'obligation d'un accord collectif pour pouvoir modifier le système actuel. Autrement dit, s'il n'y a pas d'accord collectif, on reste dans la loi actuelle sur les 35 heures et il n'y a rien de changé. Deuxièmement : s'il y a accord collectif, l'entreprise est bien obligée de lâcher quelques avantages supplémentaires, sans ça, il n'y aura pas d'accord collectif et donc je pense qu'à partir de là, on a déjà gagné une première manche. La deuxième manche qu'on est en train de négocier avec les pouvoirs publics, et sur laquelle on a obtenu une satisfaction pour l'instant partielle, c'est le principe d'un abondement sur les jours mis sur un compte épargne temps. C'est-à-dire, l'obligation de négocier dans l'entreprise, que l'entreprise rajoute des heures ou des jours dans les jours mis en compte épargne temps.
Jliste : La CFE-CGC a déposé un recours auprès des autorités européennes pour obtenir le respect du droit du travail des cadres. Alors où en est-on aujourd'hui ?
JLC : C'est la suite d'un premier recours qu'on avait déposé contre la première loi Aubry. On avait obtenu satisfaction devant le comité des juristes européens, les manipulations politiques ont fait que le conseil des ministres n'avait pas suivi en disant que, comme ça ne concernait que les cadres, donc 5 % de la population, ce n'était pas la peine de s'en préoccuper. On a redéposer un recours contre la loi Fillon du début 2003 sur le premier assouplissement déjà des 35 heures qui étendait largement le bénéfice des jours de forfait pour un ensemble de personnel, techniciens, agents de maîtrise et qui, de surcroît, faisait que l'astreinte devenait un temps de repos. Donc là aussi, on vient d'obtenir satisfaction sur la totalité de nos revendications. Cette affaire-là va maintenant passer devant le comité des ministres européens qui ne pourra plus se retrancher derrière le fait que ça ne concerne plus que 5 % de la population parce que ça en concerne maintenant beaucoup plus. Autrement dit, comme d'habitude, il y a ceux qui s'époumonent et il y a la CFE-CGC qui obtient satisfaction.
(Source http://www.cfecgc.org, le 11 février 2005)