Texte intégral
Imposer nos revendications c'est nécessaire et c'est possible !
Thierry Breton, patron spécialisé dans la privatisation d'entreprises nationalisées suivie de suppressions d'emplois, devient donc le nouveau ministre de l'Économie. Mais le changement de ministre n'atténue en rien le scandale. Son prédécesseur prêchait l'austérité, mais il trouvait naturel de faire payer par l'État son loyer, l'équivalent de 12 smic, alors qu'il possède en toute propriété deux maisons et trois appartements et qu'il est assez riche pour payer l'impôt sur la fortune. Au même moment, ils sont des milliers à n'avoir pas de logis du tout et, avec l'hiver rigoureux, certains ne se relèvent plus après une nuit passée dehors.
Ce scandale est révélateur de l'arrogance de ceux qui nous gouvernent et de leur mépris de la vie et des difficultés des classes populaires. Au moment où Gaymard tentait de s'expliquer, inventant chaque jour un mensonge nouveau, son ministère rendait publics les derniers chiffres officiels du chômage. Avec plus de 10% de chômeurs, le chômage explose. La précarité, aussi. Et cela pendant que les entreprises annoncent des profits historiques.
La grande pauvreté ne touche plus seulement des travailleurs qui n'ont pas retrouvé de travail après avoir été licenciés par des entreprises croulant sous l'argent, mais aussi des salariés mal payés. Cette réalité, dramatique pour beaucoup, menace tout le monde du travail. Quel travailleur pourrait être sûr d'échapper au chômage ? Et la précarité devient la règle : les grandes entreprises, quand elles embauchent des jeunes, les prennent de plus en plus comme intérimaires ou en CDD. Quant au pouvoir d'achat, il baisse pour tous les travailleurs en raison des prix qui montent et des prélèvements de plus en plus nombreux.
Tous les travailleurs de ce pays ont besoin d'une augmentation substantielle de leur salaire. Tous ont besoin de se protéger contre les menaces de chômage et de précarité.
Les entreprises ont de l'argent pour satisfaire ces deux exigences vitales. Ce sont leurs dirigeants eux-mêmes qui le disent en affichant leurs profits. À quoi ces profits seront-ils utilisés ?
À enrichir un peu plus encore quelques centaines de milliers de propriétaires d'entreprises et de grands actionnaires ? Ou seront-ils gaspillés dans des rachats et des fusions d'entreprises qui se traduisent toujours par des restructurations et des suppressions d'emplois ? Si on les laisse faire, c'est ce qu'ils feront.
Alors, si nous ne voulons pas qu'ils continuent à pousser le monde du travail vers la pauvreté et toute la société à la ruine, il faut que le patronat et le gouvernement se retrouvent face à une crise sociale, face au déferlement de colère des travailleurs qui ont toutes les raisons d'en avoir assez d'être mal payés, menacés de licenciement, usés au travail, tondus par les prélèvements !
Ne nous laissons pas endormir par l'agitation autour du référendum, ni par la promesse de changements électoraux en 2007. D'ici là, il y en a qui crèveront de misère sans que ni le référendum ni les élections ne changent quoi que ce soit au rapport de forces entre possédants et exploités.
Après bien des hésitations, et des reculades pour certaines, les centrales syndicales appellent à une journée de grèves et de manifestations le 10 mars prochain. Même si cette journée est un succès, cela ne suffira pas, bien sûr, pour faire céder le gouvernement et le patronat. Il faut cependant que ce soit un succès. Il faut que les appels à la grève soient suivis et que les manifestations soient plus massives que le 5 février. Il faut que ceux du privé et ceux du public montrent qu'ils se retrouvent ensemble, qu'ils se battent pour les mêmes objectifs indispensables et qu'ils ne se contenteront pas d'un baroud d'honneur.
C'est la meilleure façon aussi de forcer la main aux dirigeants syndicaux pour qu'il y ait une suite. Car il faudra qu'il y ait une suite et que les travailleurs parviennent à empêcher un patronat et un gouvernement arrogants de conduire le monde du travail à la catastrophe.
Après le 10 mars - continuer et amplifier la lutte
Jeudi 10 mars, l'ensemble des travailleurs, ceux du privé comme ceux du public, étaient appelés à manifester et à faire grève pour revendiquer des augmentations de salaire et pour protester contre l'aggravation du chômage. Mardi 8, c'était les lycéens qui manifestaient, et mercredi 9 les chercheurs, tant il est vrai que bien des catégories sociales subissent les effets dévastateurs de la politique du grand patronat et du gouvernement.
La seule classe sociale qui a toutes les raisons d'être comblée, et au-delà, est le grand patronat et les possédants. Ils l'ont manifesté à leur façon ces dernières semaines en annonçant les chiffres de progression phénoménaux de leurs profits. C'est pour que les entreprises encaissent un maximum de bénéfices et que leurs propriétaires et actionnaires s'accaparent toujours plus de richesses, que les salaires sont bloqués, que le rythme de travail augmente dans les entreprises, que l'on généralise la flexibilité. C'est pour cela que les entreprises réduisent la masse salariale par tous les moyens possibles et qu'elles poussent à sortir plus de production avec moins de travailleurs. C'est pour cela que le chômage s'aggrave. Il dépasse officiellement 10%, un travailleur sur dix.
Cela ne peut pas continuer. Il est inacceptable que les salaires stagnent alors que tout augmente: les loyers, le chauffage, les prix et les prélèvements de l'État et de la Sécurité sociale. Il est inacceptable que les emplois précaires mal payés progressent au détriment des emplois stables. Il est inacceptable que des millions de travailleurs ne trouvent pas d'emploi et s'enfoncent dans la spirale du chômage et de l'appauvrissement pendant qu'on fait crever au travail ceux qui ont un emploi. Il est inacceptable que les patrons soutenus par un gouvernement entièrement à leurs ordres se croient tout permis. Comme le patron du trust Peugeot-Citroën, une des plus grandes et des plus riches entreprises de ce pays, qui non seulement paye ses ouvriers avec des salaires à peine supérieurs au Smic, mais voudrait, sous prétexte de chômage technique, amputer de 150 ou 200 euros des salaires de 1200 euros! Les ouvriers de Citroën-Aulnay ont raison de faire grève pour le refuser!
Il y en a assez de l'arrogance patronale! Les patrons ont de l'argent, ce sont eux-mêmes qui s'en vantent. Il ne faut pas laisser le capital prospérer sans fin en vidant les poches des travailleurs. L'argent accumulé avec la sueur et la fatigue des travailleurs doit servir à assurer un emploi et un salaire correct à tous. Mais ils ne céderont pas de bon gré! Ils ne le feront que s'ils y sont contraints. Seule la force collective des travailleurs peut les faire reculer.
L'offensive du patronat et du gouvernement concerne tout le monde, ceux des travailleurs qui sont au travail comme ceux qui sont condamnés au chômage permanent ou au chômage partiel. Elle concerne ceux du public comme ceux du privé. C'est tous ensemble que nous avons, aussi, la force d'engager la contre-offensive.
Nous avons tous intérêt à imposer qu'il n'y ait plus de licenciements collectifs et qu'on garantisse un emploi pour tous. Nous avons tous intérêt à ce qu'il y ait une augmentation générale des salaires. La journée du 10 mars doit être un succès pour montrer notre détermination. Il faut que les manifestations soient nombreuses. Il faut que les appels à la grève soient massivement suivis.
Pour que le 10 mars ne reste pas sans lendemain, mais soit une étape, le point de départ de plus amples mobilisations, il faut que les centrales syndicales sentent que les travailleurs n'accepteront plus qu'elles tergiversent et temporisent. Car le patronat et le gouvernement doivent être persuadés qu'ils ne seront pas quittes avec une journée de protestation, mais qu'ils auront de plus en plus affaire à des travailleurs qui n'acceptent pas de crever la gueule ouverte pour permettre aux possédants de prospérer.
Il y va du sort des travailleurs, mais aussi de toute la société.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 15 mars 2005)
Après le succès du 10 mars : continuer et amplifier les luttes
Constatant le succès de la journée de manifestations et de grèves du 10 mars, Raffarin propose "l'ouverture de négociations dans la Fonction publique". Quant au secteur privé, il propose "une relance de la participation et de l'intéressement des salariés", "pour répartir les fruits de la croissance", dit-il.
Mais les travailleurs ne se contenteront pas de mots creux car les manifestations du 10 mars ont exprimé un mécontentement réel et fondé. Depuis des années, la "répartition des fruits de la croissance" est tout pour les patrons et pour les actionnaires, et rien pour les travailleurs. Pire: les profits gigantesques, dont les patrons des grandes entreprises se vantent auprès de leurs actionnaires, sont réalisés sur le dos des travailleurs par une exploitation de plus en plus dure. Les travailleurs le sentent dans leurs muscles, dans leurs nerfs, par l'usure de leur santé, par la fatigue de journées trop longues. Ils le voient aussi en regardant leur feuille de paie. Si les profits sont élevés, c'est parce qu'on écrase de plus en plus le monde du travail, parce que les salaires sont trop bas, même quand on a un emploi stable, parce que les horaires ont été rendus flexibles et sont imposés au gré des fluctuations du marché, parce que les emplois stables sont remplacés par des emplois précaires: intérim, CDD, temps partiel non choisi.
Et ce qui est vrai pour le privé l'est aussi, et de plus en plus, dans le secteur public. Car, même dans la Fonction publique, la sécurité de l'emploi est un mensonge brandi pour diviser les travailleurs et pour opposer ceux du public à ceux du privé, tant il y a d'auxiliaires, de vacataires ou d'intérimaires.
Les problèmes fondamentaux des travailleurs de ce pays sont les mêmes pour tous: la menace du chômage et de la précarité et l'insuffisance des salaires. Les objectifs des luttes doivent être, aussi, les mêmes pour tous.
Au soir de la journée du 10 mars, Raffarin a fait dire qu'il était "attentif aux inquiétudes exprimées". Mais ce n'est pas l'inquiétude des travailleurs qui le fera céder, c'est leur colère.
La journée du 10 mars doit avoir une suite. Les directions syndicales n'en ont pas encore annoncé une, alors que cela aurait dû être fait avant même que les manifestations du 10 mars aient eu lieu, afin que chaque étape prépare la suivante, que le succès d'une journée encourage les hésitants à se joindre à la suivante. La vague promesse de négociations jetée par Raffarin ne doit pas arrêter la pression des travailleurs, mais, au contraire, la renforcer. C'est là où les grèves, qui ont éclaté dans des entreprises aussi différentes que l'usine de montage Citroën à Aulnay et les magasins Conforama, montrent la voie.
Ce que le patronat et le gouvernement craignent par-dessus tout, c'est un mouvement qui s'étende et qui s'amplifie. C'est aussi la seule façon de montrer aux directions syndicales que les travailleurs n'accepteront pas que leurs revendications vitales soient abandonnées pour le plat de lentilles des négociations.
Pendant et après les manifestations du 10 mars, on a entendu dire qu'il fallait transformer leur succès en un succès du vote "non" au référendum. Tous ceux qui disent cela trahissent les intérêts des travailleurs. Il ne faut pas que le mécontentement qui monte soit détourné vers les urnes. Dans les urnes, la voix des travailleurs est étouffée sous le papier. C'est dans les entreprises, dans la rue, que nous sommes forts. Alors, contrairement à tous ceux qui disent que, pour améliorer le sort des travailleurs, il faut voter "non", nous disons: votons "non" mais, pour stopper les attaques du patronat et du gouvernement, il faut la lutte, les grèves et les manifestations.
Il faut un mouvement ample qui menace d'échapper à toute prévision, il faut que l'ensemble des travailleurs se retrouvent autour de quelques objectifs simples: pas de licenciements collectifs, pas de précarité, un emploi correctement payé pour tous, augmentation générale des salaires!
Leur faire ravaler leur arrogance!
Il n'a pas fallu attendre longtemps pour savoir ce que Raffarin entendait par "répartir les fruits de la croissance", lâché après le succès de la journée de manifestations et de grèves du 10 mars. Son nouveau ministre de l'Économie Thierry Breton a proposé une "prime d'intéressement" aux salariés du secteur privé pour, a-t-il dit, "stimuler le pouvoir d'achat des Français".
Il n'y a déjà pas de quoi dire "merci patron" pour une prime exceptionnelle plafonnée à 200 euros ! Mais, en plus, le ministre de l'Économie a pris soin de préciser que le versement en serait facultatif et que, pour inciter les patrons à la verser quand même, ils pourraient déduire cette somme de leurs bénéfices de 2004, ce qui diminuerait les impôts sur les sociétés qu'ils payent. Ainsi, l'État rembourserait au moins en partie aux patrons la prime qu'ils auraient versée. Il fallait oser le faire !
Au moment même où Thierry Breton faisait cette annonce, était rendu public le montant des profits totalisés par les 40 premiers groupes industriels et financiers du pays. Cela représente 60 milliards d'euros en 2004, un chiffre historique, avec une augmentation de 64 % par rapport à l'année précédente.
Voilà leur "répartition des fruits de la croissance" !
Le simple fait, cependant, que Raffarin prononce le mot "salaires" et propose des négociations dans le secteur public lui a valu une volée de bois vert de la part du président du Medef, Seillière, qui a rappelé brutalement que les salaires sont du seul ressort des patrons et que l'État n'a pas à s'en mêler. Et pour que personne ne se méprenne, il a ajouté que le SMIC est trop élevé et qu'il n'est pas question d'augmenter les minima des branches qui, dans la majorité des cas, sont inférieurs à ce salaire minimum!
Qu'ils continuent comme cela, ce baron milliardaire, les patrons, ses pairs, et leurs laquais au gouvernement, ils finiront par provoquer l'explosion sociale qu'ils méritent !
Au cours des dernières années, le patronat et les gouvernements successifs ont réussi à ramener la condition ouvrière des décennies en arrière. Seule une telle explosion peut les arrêter.
Le 10 mars, les travailleurs ont répondu présents. Les manifestations étaient plus nombreuses que le 5 février et les grèves plus suivies. Cela n'a évidemment pas été suffisant pour faire peur au gouvernement et au grand patronat, qui savent se faire une raison d'une journée d'action sans lendemain. Cela fait partie de la "respiration sociale", a déclaré l'un d'entre eux avec cynisme.
Les confédérations syndicales auraient dû annoncer une suite avant même la journée du 10 mars, afin que ceux qui hésitaient à une étape soient encouragés par le succès de celle-ci et entraînés à rejoindre leurs camarades à l'étape suivante. Pour l'instant, rien n'est proposé. Le patronat et le gouvernement poursuivent méthodiquement leurs attaques contre les travailleurs. En face, aucune des confédérations ne propose un plan de mobilisation des travailleurs. Celles qui parlent de donner une suite au 10 mars se réfugient derrière les tergiversations des autres.
Mais que le patronat et le gouvernement se méfient: les travailleurs ne peuvent se contenter de phrases creuses ou de promesses de négociations. Même ceux qui ont un emploi voient leur paie rognée, alors qu'il faut travailler de plus en plus durement pour la gagner. Ils sont de plus en plus nombreux à se retrouver au chômage et contraints d'accepter n'importe quel emploi précaire mal payé. Le pouvoir d'achat qui baisse, les prélèvements qui augmentent, les retraites qui sont amputées, la pauvreté qui se généralise, voilà le matériel explosif qui s'accumule. Et l'arrogance patronale finira par produire l'étincelle provoquant l'explosion de colère.
Alors, et alors seulement, les travailleurs pourront leur faire rentrer dans la gorge leur cynisme et surtout leur imposer leurs exigences vitales. Elles sont communes à tous les travailleurs: pas de licenciements collectifs, pas de précarité, un emploi correctement payé pour tous et l'augmentation générale des salaires !
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 31 mars 2005)
Thierry Breton, patron spécialisé dans la privatisation d'entreprises nationalisées suivie de suppressions d'emplois, devient donc le nouveau ministre de l'Économie. Mais le changement de ministre n'atténue en rien le scandale. Son prédécesseur prêchait l'austérité, mais il trouvait naturel de faire payer par l'État son loyer, l'équivalent de 12 smic, alors qu'il possède en toute propriété deux maisons et trois appartements et qu'il est assez riche pour payer l'impôt sur la fortune. Au même moment, ils sont des milliers à n'avoir pas de logis du tout et, avec l'hiver rigoureux, certains ne se relèvent plus après une nuit passée dehors.
Ce scandale est révélateur de l'arrogance de ceux qui nous gouvernent et de leur mépris de la vie et des difficultés des classes populaires. Au moment où Gaymard tentait de s'expliquer, inventant chaque jour un mensonge nouveau, son ministère rendait publics les derniers chiffres officiels du chômage. Avec plus de 10% de chômeurs, le chômage explose. La précarité, aussi. Et cela pendant que les entreprises annoncent des profits historiques.
La grande pauvreté ne touche plus seulement des travailleurs qui n'ont pas retrouvé de travail après avoir été licenciés par des entreprises croulant sous l'argent, mais aussi des salariés mal payés. Cette réalité, dramatique pour beaucoup, menace tout le monde du travail. Quel travailleur pourrait être sûr d'échapper au chômage ? Et la précarité devient la règle : les grandes entreprises, quand elles embauchent des jeunes, les prennent de plus en plus comme intérimaires ou en CDD. Quant au pouvoir d'achat, il baisse pour tous les travailleurs en raison des prix qui montent et des prélèvements de plus en plus nombreux.
Tous les travailleurs de ce pays ont besoin d'une augmentation substantielle de leur salaire. Tous ont besoin de se protéger contre les menaces de chômage et de précarité.
Les entreprises ont de l'argent pour satisfaire ces deux exigences vitales. Ce sont leurs dirigeants eux-mêmes qui le disent en affichant leurs profits. À quoi ces profits seront-ils utilisés ?
À enrichir un peu plus encore quelques centaines de milliers de propriétaires d'entreprises et de grands actionnaires ? Ou seront-ils gaspillés dans des rachats et des fusions d'entreprises qui se traduisent toujours par des restructurations et des suppressions d'emplois ? Si on les laisse faire, c'est ce qu'ils feront.
Alors, si nous ne voulons pas qu'ils continuent à pousser le monde du travail vers la pauvreté et toute la société à la ruine, il faut que le patronat et le gouvernement se retrouvent face à une crise sociale, face au déferlement de colère des travailleurs qui ont toutes les raisons d'en avoir assez d'être mal payés, menacés de licenciement, usés au travail, tondus par les prélèvements !
Ne nous laissons pas endormir par l'agitation autour du référendum, ni par la promesse de changements électoraux en 2007. D'ici là, il y en a qui crèveront de misère sans que ni le référendum ni les élections ne changent quoi que ce soit au rapport de forces entre possédants et exploités.
Après bien des hésitations, et des reculades pour certaines, les centrales syndicales appellent à une journée de grèves et de manifestations le 10 mars prochain. Même si cette journée est un succès, cela ne suffira pas, bien sûr, pour faire céder le gouvernement et le patronat. Il faut cependant que ce soit un succès. Il faut que les appels à la grève soient suivis et que les manifestations soient plus massives que le 5 février. Il faut que ceux du privé et ceux du public montrent qu'ils se retrouvent ensemble, qu'ils se battent pour les mêmes objectifs indispensables et qu'ils ne se contenteront pas d'un baroud d'honneur.
C'est la meilleure façon aussi de forcer la main aux dirigeants syndicaux pour qu'il y ait une suite. Car il faudra qu'il y ait une suite et que les travailleurs parviennent à empêcher un patronat et un gouvernement arrogants de conduire le monde du travail à la catastrophe.
Après le 10 mars - continuer et amplifier la lutte
Jeudi 10 mars, l'ensemble des travailleurs, ceux du privé comme ceux du public, étaient appelés à manifester et à faire grève pour revendiquer des augmentations de salaire et pour protester contre l'aggravation du chômage. Mardi 8, c'était les lycéens qui manifestaient, et mercredi 9 les chercheurs, tant il est vrai que bien des catégories sociales subissent les effets dévastateurs de la politique du grand patronat et du gouvernement.
La seule classe sociale qui a toutes les raisons d'être comblée, et au-delà, est le grand patronat et les possédants. Ils l'ont manifesté à leur façon ces dernières semaines en annonçant les chiffres de progression phénoménaux de leurs profits. C'est pour que les entreprises encaissent un maximum de bénéfices et que leurs propriétaires et actionnaires s'accaparent toujours plus de richesses, que les salaires sont bloqués, que le rythme de travail augmente dans les entreprises, que l'on généralise la flexibilité. C'est pour cela que les entreprises réduisent la masse salariale par tous les moyens possibles et qu'elles poussent à sortir plus de production avec moins de travailleurs. C'est pour cela que le chômage s'aggrave. Il dépasse officiellement 10%, un travailleur sur dix.
Cela ne peut pas continuer. Il est inacceptable que les salaires stagnent alors que tout augmente: les loyers, le chauffage, les prix et les prélèvements de l'État et de la Sécurité sociale. Il est inacceptable que les emplois précaires mal payés progressent au détriment des emplois stables. Il est inacceptable que des millions de travailleurs ne trouvent pas d'emploi et s'enfoncent dans la spirale du chômage et de l'appauvrissement pendant qu'on fait crever au travail ceux qui ont un emploi. Il est inacceptable que les patrons soutenus par un gouvernement entièrement à leurs ordres se croient tout permis. Comme le patron du trust Peugeot-Citroën, une des plus grandes et des plus riches entreprises de ce pays, qui non seulement paye ses ouvriers avec des salaires à peine supérieurs au Smic, mais voudrait, sous prétexte de chômage technique, amputer de 150 ou 200 euros des salaires de 1200 euros! Les ouvriers de Citroën-Aulnay ont raison de faire grève pour le refuser!
Il y en a assez de l'arrogance patronale! Les patrons ont de l'argent, ce sont eux-mêmes qui s'en vantent. Il ne faut pas laisser le capital prospérer sans fin en vidant les poches des travailleurs. L'argent accumulé avec la sueur et la fatigue des travailleurs doit servir à assurer un emploi et un salaire correct à tous. Mais ils ne céderont pas de bon gré! Ils ne le feront que s'ils y sont contraints. Seule la force collective des travailleurs peut les faire reculer.
L'offensive du patronat et du gouvernement concerne tout le monde, ceux des travailleurs qui sont au travail comme ceux qui sont condamnés au chômage permanent ou au chômage partiel. Elle concerne ceux du public comme ceux du privé. C'est tous ensemble que nous avons, aussi, la force d'engager la contre-offensive.
Nous avons tous intérêt à imposer qu'il n'y ait plus de licenciements collectifs et qu'on garantisse un emploi pour tous. Nous avons tous intérêt à ce qu'il y ait une augmentation générale des salaires. La journée du 10 mars doit être un succès pour montrer notre détermination. Il faut que les manifestations soient nombreuses. Il faut que les appels à la grève soient massivement suivis.
Pour que le 10 mars ne reste pas sans lendemain, mais soit une étape, le point de départ de plus amples mobilisations, il faut que les centrales syndicales sentent que les travailleurs n'accepteront plus qu'elles tergiversent et temporisent. Car le patronat et le gouvernement doivent être persuadés qu'ils ne seront pas quittes avec une journée de protestation, mais qu'ils auront de plus en plus affaire à des travailleurs qui n'acceptent pas de crever la gueule ouverte pour permettre aux possédants de prospérer.
Il y va du sort des travailleurs, mais aussi de toute la société.
(Source http://www.lutte-ouvrière.org, le 15 mars 2005)
Après le succès du 10 mars : continuer et amplifier les luttes
Constatant le succès de la journée de manifestations et de grèves du 10 mars, Raffarin propose "l'ouverture de négociations dans la Fonction publique". Quant au secteur privé, il propose "une relance de la participation et de l'intéressement des salariés", "pour répartir les fruits de la croissance", dit-il.
Mais les travailleurs ne se contenteront pas de mots creux car les manifestations du 10 mars ont exprimé un mécontentement réel et fondé. Depuis des années, la "répartition des fruits de la croissance" est tout pour les patrons et pour les actionnaires, et rien pour les travailleurs. Pire: les profits gigantesques, dont les patrons des grandes entreprises se vantent auprès de leurs actionnaires, sont réalisés sur le dos des travailleurs par une exploitation de plus en plus dure. Les travailleurs le sentent dans leurs muscles, dans leurs nerfs, par l'usure de leur santé, par la fatigue de journées trop longues. Ils le voient aussi en regardant leur feuille de paie. Si les profits sont élevés, c'est parce qu'on écrase de plus en plus le monde du travail, parce que les salaires sont trop bas, même quand on a un emploi stable, parce que les horaires ont été rendus flexibles et sont imposés au gré des fluctuations du marché, parce que les emplois stables sont remplacés par des emplois précaires: intérim, CDD, temps partiel non choisi.
Et ce qui est vrai pour le privé l'est aussi, et de plus en plus, dans le secteur public. Car, même dans la Fonction publique, la sécurité de l'emploi est un mensonge brandi pour diviser les travailleurs et pour opposer ceux du public à ceux du privé, tant il y a d'auxiliaires, de vacataires ou d'intérimaires.
Les problèmes fondamentaux des travailleurs de ce pays sont les mêmes pour tous: la menace du chômage et de la précarité et l'insuffisance des salaires. Les objectifs des luttes doivent être, aussi, les mêmes pour tous.
Au soir de la journée du 10 mars, Raffarin a fait dire qu'il était "attentif aux inquiétudes exprimées". Mais ce n'est pas l'inquiétude des travailleurs qui le fera céder, c'est leur colère.
La journée du 10 mars doit avoir une suite. Les directions syndicales n'en ont pas encore annoncé une, alors que cela aurait dû être fait avant même que les manifestations du 10 mars aient eu lieu, afin que chaque étape prépare la suivante, que le succès d'une journée encourage les hésitants à se joindre à la suivante. La vague promesse de négociations jetée par Raffarin ne doit pas arrêter la pression des travailleurs, mais, au contraire, la renforcer. C'est là où les grèves, qui ont éclaté dans des entreprises aussi différentes que l'usine de montage Citroën à Aulnay et les magasins Conforama, montrent la voie.
Ce que le patronat et le gouvernement craignent par-dessus tout, c'est un mouvement qui s'étende et qui s'amplifie. C'est aussi la seule façon de montrer aux directions syndicales que les travailleurs n'accepteront pas que leurs revendications vitales soient abandonnées pour le plat de lentilles des négociations.
Pendant et après les manifestations du 10 mars, on a entendu dire qu'il fallait transformer leur succès en un succès du vote "non" au référendum. Tous ceux qui disent cela trahissent les intérêts des travailleurs. Il ne faut pas que le mécontentement qui monte soit détourné vers les urnes. Dans les urnes, la voix des travailleurs est étouffée sous le papier. C'est dans les entreprises, dans la rue, que nous sommes forts. Alors, contrairement à tous ceux qui disent que, pour améliorer le sort des travailleurs, il faut voter "non", nous disons: votons "non" mais, pour stopper les attaques du patronat et du gouvernement, il faut la lutte, les grèves et les manifestations.
Il faut un mouvement ample qui menace d'échapper à toute prévision, il faut que l'ensemble des travailleurs se retrouvent autour de quelques objectifs simples: pas de licenciements collectifs, pas de précarité, un emploi correctement payé pour tous, augmentation générale des salaires!
Leur faire ravaler leur arrogance!
Il n'a pas fallu attendre longtemps pour savoir ce que Raffarin entendait par "répartir les fruits de la croissance", lâché après le succès de la journée de manifestations et de grèves du 10 mars. Son nouveau ministre de l'Économie Thierry Breton a proposé une "prime d'intéressement" aux salariés du secteur privé pour, a-t-il dit, "stimuler le pouvoir d'achat des Français".
Il n'y a déjà pas de quoi dire "merci patron" pour une prime exceptionnelle plafonnée à 200 euros ! Mais, en plus, le ministre de l'Économie a pris soin de préciser que le versement en serait facultatif et que, pour inciter les patrons à la verser quand même, ils pourraient déduire cette somme de leurs bénéfices de 2004, ce qui diminuerait les impôts sur les sociétés qu'ils payent. Ainsi, l'État rembourserait au moins en partie aux patrons la prime qu'ils auraient versée. Il fallait oser le faire !
Au moment même où Thierry Breton faisait cette annonce, était rendu public le montant des profits totalisés par les 40 premiers groupes industriels et financiers du pays. Cela représente 60 milliards d'euros en 2004, un chiffre historique, avec une augmentation de 64 % par rapport à l'année précédente.
Voilà leur "répartition des fruits de la croissance" !
Le simple fait, cependant, que Raffarin prononce le mot "salaires" et propose des négociations dans le secteur public lui a valu une volée de bois vert de la part du président du Medef, Seillière, qui a rappelé brutalement que les salaires sont du seul ressort des patrons et que l'État n'a pas à s'en mêler. Et pour que personne ne se méprenne, il a ajouté que le SMIC est trop élevé et qu'il n'est pas question d'augmenter les minima des branches qui, dans la majorité des cas, sont inférieurs à ce salaire minimum!
Qu'ils continuent comme cela, ce baron milliardaire, les patrons, ses pairs, et leurs laquais au gouvernement, ils finiront par provoquer l'explosion sociale qu'ils méritent !
Au cours des dernières années, le patronat et les gouvernements successifs ont réussi à ramener la condition ouvrière des décennies en arrière. Seule une telle explosion peut les arrêter.
Le 10 mars, les travailleurs ont répondu présents. Les manifestations étaient plus nombreuses que le 5 février et les grèves plus suivies. Cela n'a évidemment pas été suffisant pour faire peur au gouvernement et au grand patronat, qui savent se faire une raison d'une journée d'action sans lendemain. Cela fait partie de la "respiration sociale", a déclaré l'un d'entre eux avec cynisme.
Les confédérations syndicales auraient dû annoncer une suite avant même la journée du 10 mars, afin que ceux qui hésitaient à une étape soient encouragés par le succès de celle-ci et entraînés à rejoindre leurs camarades à l'étape suivante. Pour l'instant, rien n'est proposé. Le patronat et le gouvernement poursuivent méthodiquement leurs attaques contre les travailleurs. En face, aucune des confédérations ne propose un plan de mobilisation des travailleurs. Celles qui parlent de donner une suite au 10 mars se réfugient derrière les tergiversations des autres.
Mais que le patronat et le gouvernement se méfient: les travailleurs ne peuvent se contenter de phrases creuses ou de promesses de négociations. Même ceux qui ont un emploi voient leur paie rognée, alors qu'il faut travailler de plus en plus durement pour la gagner. Ils sont de plus en plus nombreux à se retrouver au chômage et contraints d'accepter n'importe quel emploi précaire mal payé. Le pouvoir d'achat qui baisse, les prélèvements qui augmentent, les retraites qui sont amputées, la pauvreté qui se généralise, voilà le matériel explosif qui s'accumule. Et l'arrogance patronale finira par produire l'étincelle provoquant l'explosion de colère.
Alors, et alors seulement, les travailleurs pourront leur faire rentrer dans la gorge leur cynisme et surtout leur imposer leurs exigences vitales. Elles sont communes à tous les travailleurs: pas de licenciements collectifs, pas de précarité, un emploi correctement payé pour tous et l'augmentation générale des salaires !
(Source http://www.lutte-ouvriere.org, le 31 mars 2005)