Texte intégral
Monsieur le Procureur Général,
Monsieur le Bâtonnier Lussan,
Monsieur le Bâtonnier Burguburu,
Messieurs les Vice-Présidents,
C'est avec un immense plaisir et un très grand honneur que j'ai accepté votre invitation à présider la séance solennelle de votre Fondation " Droit 2000 ".
Je suis très heureux d'accueillir avec vous ce soir, les personnalités très prestigieuses qui composent le comité scientifique de votre fondation.
Elles me pardonneront, je l'espère, de ne pas les citer toutes, mais je voudrais saluer Monsieur le Premier Ministre, Monsieur Michel Rocard, et Madame Marie-France Garraud.
Vous avez tous travaillé cette année sur le thème : " L'homme, le temps et le droit " (droit à l'oubli - devoir de mémoire).
Vous venez les uns et les autres d'horizons professionnels, culturels et même religieux très différents. C'est dire combien vos échanges ont dû être diversifiés et riches.
Je félicite les fondateurs de " Droit 2000 " d'avoir aussi largement ouvert leur comité scientifique. Car même si l'objet de la fondation est la recherche sur le droit et la justice dans ses rapports avec l'évolution de la société contemporaine, il est sain d'avoir des regards de non juristes sur vos travaux.
J'imagine d'ailleurs que c'est un peu pour cela que vous m'avez invité à présider cette séance de clôture !
Alors, rassurez-vous je n'ai pas l'intention d'aborder, dans le temps qui m'est imparti, les nombreux aspects que peut recouvrir le thème de vos travaux : droit d'oubli, devoir de ne pas oublier, droit d'être oublié, droit au silence, droit à l'anonymat.
Toutes ces manières de décliner le sujet, vous ont certainement conduit à évoquer des questions aussi différentes que : l'amnistie, la prescription, la réhabilitation, les célébrations et commémorations, l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, le droit au silence sur son passé, ou l'accouchement sous X.
Vous les évoquerez bien mieux que je ne pourrais le faire.
Je voudrais simplement vous livrer deux brèves réflexions que m'ont inspirées, à moi, homme politique, votre thème de réflexion :
1) En premier lieu, je trouve d'une particulière pertinence de réfléchir aujourd'hui sur le devoir de mémoire. Je pense plus précisément à l'impérieuse nécessité qu'il y a à rappeler, inlassablement, quels furent les crimes odieux du nazisme. Je suis inquiet, je ne vous le cache pas, lorsque j'observe dans notre pays ce qu'il faut bien appeler un regain d'actes, agressions ou injures, à caractère raciste et antisémite.
Qui aurait cru, il y a dix ou quinze ans, que nous aurions à nouveau des craintes de cette nature en France, pays des Droits de l'Homme, de la tolérance et du vivre ensemble ?
J'en tire au moins une leçon : au-delà de toutes les causes qui peuvent expliquer cette situation, et notamment, une certaine panne de la " machine à intégrer " et de l'ascenseur social, que doit pourtant redevenir notre République laïque, il faut que le devoir de mémoire ne reste pas figé dans le passé et dans l'abstraction.
Il faut le mettre en relation avec le présent et le quotidien et le rendre très concret par des témoignages plutôt que par des musées.
L'école doit être le premier vecteur d'actions dans ce sens. Je pense que la communication qui doit être faite sur ce thème tout à l'heure vous en dira davantage.
2) La deuxième réflexion, sans lien avec la première, que m'inspire votre sujet est la suivante : n'est-il pas temps aujourd'hui, après des jurisprudences plus que fluctuantes, d'ouvrir un véritable champ de réflexion, dépassionné, sur les délais de prescription de l'action publique et leurs points de départ ?
N'est-il pas temps de les unifier, au moins de les simplifier ? Je sais que dès qu'un homme politique aborde cette question, on l'accuse de vouloir empêcher des poursuites contre lui ou contre ses amis. Alors plus personne n'ose proposer quoi que ce soit.
Pourtant au cours des débats au Sénat en première lecture, sur le texte dit " Perben 2 ", cette interrogation a été posée et on a bien senti qu'au moins un constat trans-partisan existait sur la réalité de la complexité et de l'insécurité de la situation actuelle.
Peut-être que vous, juristes ou non, vous pourrez apporter votre contribution à ce constat et faire progresser la réflexion sur ce sujet qui concerne chaque citoyen, lequel est toujours un justiciable potentiel !
Mais j'ai déjà été trop long.
Je vous remercie de votre attention et repasse la parole à Maître Chartier.
(source http://www.senat.fr, le 3 mars 2004)
Monsieur le Bâtonnier Lussan,
Monsieur le Bâtonnier Burguburu,
Messieurs les Vice-Présidents,
C'est avec un immense plaisir et un très grand honneur que j'ai accepté votre invitation à présider la séance solennelle de votre Fondation " Droit 2000 ".
Je suis très heureux d'accueillir avec vous ce soir, les personnalités très prestigieuses qui composent le comité scientifique de votre fondation.
Elles me pardonneront, je l'espère, de ne pas les citer toutes, mais je voudrais saluer Monsieur le Premier Ministre, Monsieur Michel Rocard, et Madame Marie-France Garraud.
Vous avez tous travaillé cette année sur le thème : " L'homme, le temps et le droit " (droit à l'oubli - devoir de mémoire).
Vous venez les uns et les autres d'horizons professionnels, culturels et même religieux très différents. C'est dire combien vos échanges ont dû être diversifiés et riches.
Je félicite les fondateurs de " Droit 2000 " d'avoir aussi largement ouvert leur comité scientifique. Car même si l'objet de la fondation est la recherche sur le droit et la justice dans ses rapports avec l'évolution de la société contemporaine, il est sain d'avoir des regards de non juristes sur vos travaux.
J'imagine d'ailleurs que c'est un peu pour cela que vous m'avez invité à présider cette séance de clôture !
Alors, rassurez-vous je n'ai pas l'intention d'aborder, dans le temps qui m'est imparti, les nombreux aspects que peut recouvrir le thème de vos travaux : droit d'oubli, devoir de ne pas oublier, droit d'être oublié, droit au silence, droit à l'anonymat.
Toutes ces manières de décliner le sujet, vous ont certainement conduit à évoquer des questions aussi différentes que : l'amnistie, la prescription, la réhabilitation, les célébrations et commémorations, l'imprescriptibilité des crimes contre l'humanité, le droit au silence sur son passé, ou l'accouchement sous X.
Vous les évoquerez bien mieux que je ne pourrais le faire.
Je voudrais simplement vous livrer deux brèves réflexions que m'ont inspirées, à moi, homme politique, votre thème de réflexion :
1) En premier lieu, je trouve d'une particulière pertinence de réfléchir aujourd'hui sur le devoir de mémoire. Je pense plus précisément à l'impérieuse nécessité qu'il y a à rappeler, inlassablement, quels furent les crimes odieux du nazisme. Je suis inquiet, je ne vous le cache pas, lorsque j'observe dans notre pays ce qu'il faut bien appeler un regain d'actes, agressions ou injures, à caractère raciste et antisémite.
Qui aurait cru, il y a dix ou quinze ans, que nous aurions à nouveau des craintes de cette nature en France, pays des Droits de l'Homme, de la tolérance et du vivre ensemble ?
J'en tire au moins une leçon : au-delà de toutes les causes qui peuvent expliquer cette situation, et notamment, une certaine panne de la " machine à intégrer " et de l'ascenseur social, que doit pourtant redevenir notre République laïque, il faut que le devoir de mémoire ne reste pas figé dans le passé et dans l'abstraction.
Il faut le mettre en relation avec le présent et le quotidien et le rendre très concret par des témoignages plutôt que par des musées.
L'école doit être le premier vecteur d'actions dans ce sens. Je pense que la communication qui doit être faite sur ce thème tout à l'heure vous en dira davantage.
2) La deuxième réflexion, sans lien avec la première, que m'inspire votre sujet est la suivante : n'est-il pas temps aujourd'hui, après des jurisprudences plus que fluctuantes, d'ouvrir un véritable champ de réflexion, dépassionné, sur les délais de prescription de l'action publique et leurs points de départ ?
N'est-il pas temps de les unifier, au moins de les simplifier ? Je sais que dès qu'un homme politique aborde cette question, on l'accuse de vouloir empêcher des poursuites contre lui ou contre ses amis. Alors plus personne n'ose proposer quoi que ce soit.
Pourtant au cours des débats au Sénat en première lecture, sur le texte dit " Perben 2 ", cette interrogation a été posée et on a bien senti qu'au moins un constat trans-partisan existait sur la réalité de la complexité et de l'insécurité de la situation actuelle.
Peut-être que vous, juristes ou non, vous pourrez apporter votre contribution à ce constat et faire progresser la réflexion sur ce sujet qui concerne chaque citoyen, lequel est toujours un justiciable potentiel !
Mais j'ai déjà été trop long.
Je vous remercie de votre attention et repasse la parole à Maître Chartier.
(source http://www.senat.fr, le 3 mars 2004)