Déclaration de M. François Fillon, Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur le projet de loi d'orientation sur l'avenir de l'école, notamment les dispositions relatives à l'institution d'un socle de connaissances, à l'apprentissage des langues vivantes, aux méthodes pédagogiques et à la modernisation du service public de l'éducation, Sénat le 15 mars 2005.

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Circonstance : Présentation du projet de loi d'orientation sur l'avenir de l'école au Sénat le 15 mars 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Président de la commission des affaires culturelles,
Monsieur le Président de la commission des finances,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
A travers ce projet de loi d'orientation, la Nation a rendez-vous avec son École.
Elle est au cur de tous les enjeux, de toutes les préoccupations qui engagent notre avenir ; au croisement de ce que nous avons été, de ce que nous sommes, et de ce que nous voulons être demain.
C'est dire que tout projet sur l'École porte en lui une ambition pour la France.
Cette ambition s'organise, à mes yeux, autour de trois axes :
- celui de la liberté intellectuelle, car dans un environnement qui risque d'être, " standardisé ", " formaté ", les prochaines générations doivent être dotées des clés culturelles de cette liberté. Elle signe, depuis le siècle des lumières, la singularité française ;
- celui de la responsabilité citoyenne, car dans un monde que je pressens chahuté et conflictuel, les vertus républicaines seront primordiales. Nos enfants doivent être éduqués au vivre ensemble ;
- celui enfin de l'ouverture et de l'adaptation, car dans un espace mondialisé et au cur d'une Europe élargie, notre jeunesse doit être préparée à être actrice et non otage des mutations économiques, technologiques et sociales de son temps.
Brillante, républicaine, moderne : voilà la France de demain, telle que je la vois ; et c'est bien autour de ce dessein que le Président de la République, le Premier ministre et la majorité, entendent préparer l'École !
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Ce projet de loi d'orientation est le fruit d'un large débat poursuivi sur près d'une année. Il s'inspire des travaux menés par la commission Thélot dont je tiens à saluer la qualité. Je rends hommage à l'engagement du Sénat dans l'organisation de ce débat sur l'avenir de l'Ecole, puisqu'il a abrité dans ses murs les réunions de la commission et, qu'à l'initiative du Président Valade, il a apporté sa propre contribution le 21 janvier 2004, contribution dont je salue la richesse et la qualité.
Ce projet de loi a fait l'objet d'une concertation nourrie avec les organisations syndicales et les fédérations de parents d'élèves. Il est enfin le résultat d'une réflexion plus personnelle, développée dans le cadre des nombreux contacts que j'ai pu nouer avec les membres de la communauté éducative.
Maintenant, vous voilà saisi de ce projet, dont le contenu est précisé et enrichi par l'excellent rapport de votre collègue, Monsieur Jean-Claude Carle. Je remercie aussi, pour la pertinence de son analyse, Monsieur Gérard Longuet, rapporteur pour avis de la commission des finances.
J'adresse mes chaleureux remerciements à la commission des affaires culturelles, à son président et aux membres de la majorité qui ont collaboré à la préparation de ce projet de loi.
Depuis qu'il est connu, des critiques contradictoires lui ont été adressées, même s'il est intéressant d'observer qu'aucune alternative globale ne lui est véritablement opposée.
Ces critiques ne doivent être ni dédaignées, ni rejetées d'un revers de la main. Elles sont symptomatiques des fortes interrogations qui parcourent le système éducatif. Mais elles sont aussi et surtout révélatrices des lignes de fond qui traversent la société française.
L'École est le miroir de la Nation, de ses querelles passées et de ses projections futures. Elle est le reflet de nos espérances individuelles et collectives. Elle est à la jointure de nos tensions libérales et égalitaires, de nos exigences privées et publiques. Elle est à la fois le réceptacle de nos dérives sociétales et de nos illusions sociales. Elle est l'épicentre des services publics. Elle est la colonne vertébrale de l'unité nationale.
Toucher à l'École, changer l'École, c'est remuer, c'est tournebouler, tout cela !
Dès lors, tout indique, jusqu'à preuve du contraire, que le chemin tranquille et consensuel de la réforme de l'École n'existe malheureusement pas. Beaucoup de mes prédécesseurs, de droite comme de gauche, en firent le constat.
Aujourd'hui, sans grande surprise, ce projet suscite des crispations et des manifestations.
Je ne néglige pas la voix de ceux qui ont entre 14 et 18 ans et dont certains des messages généreux ne me semblent pas contredire l'esprit de ce projet.
Mais, dans une démocratie, le pouvoir n'est pas dans la rue. En République, si le gouvernement doit naturellement entendre l'expression légitime des désaccords, la décision revient au Parlement. C'est au Parlement seul, en tant que représentant de la Nation, qu'il appartient de débattre et de trancher, par la loi, la question de l'Ecole.
Pour moi, la détermination républicaine ne s'oppose ni à l'écoute, ni au dialogue. Je l'ai déjà montré.
Sur la question des options autour de laquelle certains lycéens percevaient un risque pour les sciences économiques et sociales, j'ai répondu favorablement. Sur les points acquis dans le cadre des TPE - qui, je le rappelle, sont maintenus en 1ère - j'ai indiqué, qu'ils pourraient être pris en compte dans la notation du baccalauréat. Sur la réforme du baccalauréat elle-même, j'ai dit que je n'avancerai pas tant que les craintes et les malentendus ne seraient pas dissipés.
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Ce projet de loi s'inscrit dans la continuité de l'histoire de ce grand service public qu'est l'Éducation nationale. Il reprend certains objectifs de la loi d'orientation de 1989 - cette loi elle-même poursuivant l'esprit de la réforme Haby de 1975 - et en conserve des éléments importants.
La volonté de conduire 80 % d'une génération au niveau du baccalauréat est ainsi confirmée. Car notre pays a besoin d'hommes et de femmes mieux formés. Il ne peut plus accepter de laisser 150000 jeunes sortir chaque année du système scolaire sans aucun bagage ! C'est pourquoi 100 % des jeunes Français devront avoir un diplôme ou une qualification reconnue. La France aura également besoin, pour s'affirmer dans la compétition internationale, d'un plus grand nombre d'ingénieurs, de chercheurs, de cadres supérieurs publics et privés. C'est pourquoi la loi fixe un nouvel horizon : celui d'atteindre 50 % de diplômés de l'enseignement supérieur. Plus que jamais, nous cherchons donc à élever le niveau de formation de notre nation.
Cette continuité que je revendique exige cependant de faire prendre un tournant à notre Ecole. Car en dépit de ses succès, malgré le dévouement des enseignants, derrière la façade égalitaire, les faits sont là : depuis dix ans nos résultats stagnent et les discriminations sociales persistent.
Pourquoi cet état de fait, alors même que notre budget consacré à l'Éducation est l'un des plus élevés d'Europe, alors même qu'en quinze ans le nombre d'enseignants a progressé de 100 000 pendant que le nombre d'élèves diminuait de 500 000 ?
Parce que nous n'avons pas redéfini les priorités de l'Ecole, ses buts, son organisation, ses pratiques !
Aujourd'hui, je vous propose de nous y atteler.
Le projet de loi fait de la transmission des connaissances et des compétences fondamentales la mission centrale de l'École.
C'est en ce sens qu'il faut comprendre la définition d'un ensemble de connaissances et de compétences indispensables qui doivent être acquises à la fin de la scolarité obligatoire, et qui sera couronné par l'examen national du brevet.
Mesdames et messieurs les sénateurs,
La notion de " socle ", qui reprend une des propositions du rapport de la commission Thélot, ne doit pas donner lieu à malentendu. Il ne s'agit pas, comme d'aucuns le prétendent, de l'instauration d'un minimum éducatif, mais de la volonté d'assurer à tous les élèves les conditions de l'accès à une citoyenneté réfléchie et de donner à chacun les moyens d'ouvrir les portes de la culture.
Ceux qui qualifient improprement le socle de " SMIC culturel " ne sont pas allés à la rencontre des 150 000 jeunes dont je parlais à l'instant. Ils passent sous silence ces 80 000 jeunes qui savent si peu lire, écrire et compter à leur entrée en 6ème.
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Une éducation sans priorités claires, c'est une éducation dont l'essentiel échappe aux enfants qui n'ont pas la chance d'être nés là où il faut. Pour tout dire, c'est une éducation, qui derrière sa vitrine uniforme et idéalisée, est élitiste !
Ce socle sera un tremplin pour tous les élèves, le tremplin aujourd'hui manquant dans notre système éducatif pour leur permettre de poursuivre, plus loin, de façon plus assurée, leur scolarité.
J'affirme qu'il est l'instrument de la qualité des savoirs transmis à tous, et qu'il est celui de la justice devant les savoirs réellement acquis par tous !
Bien sûr, nous aurions pu aisément faire croire que l'École peut continuer à prodiguer tous ses enseignements, sans aucune distinction dans les objectifs affichés. Bien sûr, nous pourrions élargir à l'infini ce socle afin de ne froisser personne... Ce serait commode, mais ce serait lâche.
J'assume ce choix car il est au cur de la relance de notre système éducatif. Si depuis une dizaine d'années nous plafonnons autour des 60% de bacheliers, c'est parce qu'entre l'entrée en 6ème et la sortie vers le baccalauréat, il manque au milieu de ce parcours une étape solide.
Les connaissances retenues dans le socle nous sont apparues être les compétences indispensables à la vie dans la société d'aujourd'hui et à l'accès à la culture universelle. D'abord la langue française, puis les mathématiques, les éléments d'une culture humaniste et scientifique permettant l'exercice de la citoyenneté, une langue vivante étrangère, et conséquence nécessaire de la grande mutation technologique de la seconde moitié du XXe siècle, la maîtrise des technologies de l'information et de la communication.
Ce socle des indispensables, ce socle maîtrisé par tous crée une obligation : celle de tout entreprendre pour atteindre ce résultat. Pour ce faire, il suppose d'être accompagné d'une nouvelle stratégie pour épauler les élèves qui éprouvent des difficultés pour acquérir ce socle.
C'est l'objectif des programmes personnalisés de réussite scolaire.
Ces programmes, qui visent à mettre en place, à tous moments de la scolarité obligatoire, des parcours personnalisés, ont une double fonction : empêcher que des obstacles sérieux n'aboutissent à un échec rendant inévitable le redoublement, ou lorsque le redoublement s'avère nécessaire, faire en sorte qu'il ne se limite pas à une simple répétition inutile pour l'élève.
Pour ces programmes personnalisés de réussite scolaire, trois heures de soutien hebdomadaire par semaine en petits groupes devront pouvoir être proposées aux élèves qui en auront besoin.
Sur la base de groupes de 8 pour tous les élèves repérés en difficulté lors des évaluations, le besoin est de 321 millions d'euros pour l'école primaire et de 396 millions d'euros pour le secondaire.
Mais la finalité de la scolarité obligatoire ne se limite pas à l'acquisition du socle des indispensables.
A ses côtés, toutes les disciplines apportent leur contribution essentielle à la formation de l'élève, à la constitution de sa personnalité, à sa vie de citoyen et à la préparation de son parcours professionnel.
Au-delà de la scolarité obligatoire, l'objectif général que le projet de loi assigne au lycée est de conduire, au travers de ses trois voies, un plus grand nombre de jeunes au niveau du baccalauréat.
Le baccalauréat professionnel pourra être préparé en trois ou en quatre ans. Les lycées généraux et technologiques proposeront, après une seconde générale, des séries recentrées sur un certain nombre de dominantes disciplinaires. Dans les séries générales et technologiques, il faudra que les élèves puissent acquérir des connaissances approfondies et maîtriser des méthodes complexes dans les principaux champs disciplinaires afin de favoriser la poursuite d'études à l'université. Là encore, l'ambition de faire accéder le plus grand nombre d'élèves à la haute culture scientifique, économique et sociale, ainsi que littéraire doit s'imposer.
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Vous avez entre vos mains le premier projet de loi sur l'éducation qui affirme aussi clairement l'ambition européenne de la France et de son système éducatif.
Au sein de l'Europe du XXIe siècle, je ne puis situer la France qu'au premier rang.
Or, toutes les comparaisons internationales montrent que notre pays obtient des résultats médiocres dans le domaine de la maîtrise des langues vivantes.
Cette situation n'est plus acceptable !
Elle est préjudiciable à la capacité de notre pays d'occuper pleinement sa place dans le monde, elle limite les possibilités pour chaque Français de participer au développement des échanges internationaux dans les domaines culturels, scientifiques et économiques.
C'est pourquoi le rapport annexé propose un plan déterminé en faveur de l'enseignement des langues, plan qui s'est inspiré sur plusieurs points de l'important rapport de la commission des affaires culturelles, présenté en novembre 2003 par Monsieur Jacques Legendre, intitulé : " Pour que vivent les langues... : l'enseignement des langues étrangères face au défi de la diversification ".
Je vous rappelle les mesures essentielles du projet de loi dans ce domaine.
Le concours de professeur des écoles comportera une épreuve obligatoire de langue vivante. L'enseignement des langues sera recentré sur la compréhension et l'expression orales. Il commencera à l'école primaire en CE1. Au collège, la continuité sera assurée avec la langue apprise à l'école, et une seconde langue sera proposée dès la classe de 5ème. Au collège et au lycée l'enseignement des langues sera dispensé en groupes réduits, organisés non plus par classe, mais par niveau de compétences. Les baccalauréats binationaux, de même que les sections européennes et internationales, seront développés.
Financièrement le dédoublement des groupes de langues est la mesure la plus lourde, et aussi l'une des plus importantes, avec l'apprentissage de la seconde langue vivante dès la 5ème (au lieu de la 4ème).
Pour assumer, en terme d'encadrement, notre ambition, 10 000 équivalents temps plein sur 5 ans devront être prévus.
Sur cette question des langues, une amélioration décisive de notre système éducatif va s'enclencher.
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Derrière le terme " Éducation nationale " résonne en écho deux principes : instruire, mais aussi rassembler la nation.
Amour de la France, citoyenneté, mérite, autorité, laïcité, égalité et fraternité : ces mots, ces usages, il est du devoir de l'École de les faire partager, de les faire respecter.
Contrairement à certains, je ne crois pas que ces valeurs soient surannées. Bien au contraire. Dans ce monde désordonné où s'insinuent la violence, les communautarismes, les haines racistes ou antisémites, le projet républicain est plus que jamais contemporain.
Entre l'Ecole et la République, il existe un pacte indissociable que j'entends renforcer.
Ainsi que l'affirme le deuxième article du projet de loi que j'ai voulu : " La Nation fixe comme mission première à l'École de faire partager aux élèves les valeurs de la République ".
Cette mission est confiée à tous les membres de la communauté éducative, et elle doit être vécue par tous les élèves dans l'exercice même de leur scolarité comme un apprentissage de la citoyenneté.
La citoyenneté, cela commence chez l'élève comme chez l'adulte, par l'adoption d'un ensemble de comportements responsables, respectueux de soi, d'autrui et des règles de la vie commune, et cela aboutit à la recherche de l'intérêt général et au souci du bien commun.
La citoyenneté, cela commence par la compréhension que les droits entraînent des devoirs.
Ceux qui ont construit l'École de la République, et qui se situaient dans le prolongement de tous les efforts éducatifs antérieurs, le savaient bien : l'École a une fonction éducative, c'est dire que l'éducation a une fonction morale.
Concrètement, les enseignements, comme les règles à respecter dans tous les établissements seront l'occasion de mettre en uvre les valeurs de tolérance et de respect des autres, l'égalité des femmes et des hommes, la civilité dans les comportements. C'est ce que je veux promouvoir en intégrant une note de vie scolaire dans le brevet rénové des collèges.
La violence et la délinquance n'ont rien à faire à l'Ecole. Elles s'attaquent prioritairement aux plus faibles et aux plus démunis sur le plan social. Nous la combattrons sans aucun état d'âme, en nous inspirant de l'excellent rapport du sénateur Demuynck sur la violence à l'école qui énumère toute une série de mesures pour enrayer cet engrenage inacceptable. C'est notamment pourquoi j'ai décidé avec les ministres de l'intérieur et de la justice de multiplier les relations de travail entre l'établissement scolaires et les forces de police, de gendarmerie, la justice et les associations.
Les élèves qui perturbent gravement le déroulement des classes, seront pris en charge et encadrés par des dispositifs relais dont le nombre sera accru. 200 classes relais de plus chaque année pendant 5 ans sont prévues, ce qui représente 13 M d'euro supplémentaires par an.
Parmi les valeurs de la République, l'une d'entre-elles est vitale : celle de l'égalité des chances. Pour moi, l'Ecole est là pour briser et transcender les barrières sociales.
Nous nous en donnons les moyens.
Accordées sur critères sociaux, ce projet de loi prévoit de tripler les bourses au mérite aux élèves qui obtiendront de bons résultats au brevet national ou au baccalauréat. Le nombre des bénéficiaires devraient augmenter de 50 000 en trois ans, ce qui représente un effort supplémentaire de 17 M d'euros par an.
L'égalité des chances, c'est aussi offrir aux élèves en situation de handicap une scolarisation en priorité dans l'établissement scolaire le plus proche de leur domicile. C'est pourquoi le nombre des unités pédagogiques d'intégration pour les handicapés devrait être augmenté de 200 par an pendant 5 ans de façon à atteindre l'objectif de 1 000 affiché dans le rapport, ce qui représente 16 M d'euros de dépenses supplémentaires par an.
L'égalité des chances, c'est encore pour l'École d'assurer sa mission de prévention et de surveillance sanitaire ainsi que l'éducation à la santé. Pour cela, le projet de loi prévoit la présence d'une infirmière ou d'un infirmier dans chaque établissement du second degré. Pour atteindre cet objectif, il faut prévoir le recrutement de 1 520 personnels nouveaux, ce qui correspond à 304 de plus par an pendant cinq ans, soit un effort annuel supplémentaire de 10 M d'euros.
Certains, Mesdames et Messieurs les sénateurs, ont cru pouvoir affirmer que ce projet de loi restait trop silencieux sur les questions pédagogiques.
C'est inexact !
Le projet de loi veut, au contraire, donner à la pédagogie toute sa place, mais rien que sa place. Il s'agit de dépasser l'opposition stérile des savoirs et de la pédagogie. Il s'agit de mettre les connaissances à la première place, de se centrer sur les savoirs et les savoir-faire les plus importants. Il s'agit ensuite de mettre clairement la pédagogie au service de l'acquisition des savoirs par les élèves et de la transmission des connaissances et des compétences par les enseignants.
A travers les programmes personnalisés de réussite éducative, les groupes de compétences en langues, la création des conseils pédagogiques, la présence dans le cahier des charges national de la formation des maîtres d'un volet consacré à l'adaptation à des publics hétérogènes, l'inscription dans la loi du principe de la liberté pédagogique qui n'y figurait pas jusqu'à présent, cette loi est une grande loi pédagogique.
Dans ce domaine, notre projet affirme plusieurs principes.
Tout d'abord la pédagogie vise en priorité à soutenir les élèves en difficultés, à individualiser les modalités de l'enseignement, et à rechercher les moyens de l'adapter à la diversité des classes.
En second lieu, le choix des méthodes pédagogiques relève de la responsabilité de chaque enseignant. Conformément à la tradition scolaire française, réaffirmée avec solennité à travers l'inscription dans la loi du principe de la liberté pédagogique, l'enseignant est considéré comme un " maître ", dont la compétence fondée sur la maîtrise des savoirs à enseigner s'étend naturellement à la manière de les enseigner.
Mais l'autorité pédagogique de l'enseignant doit évidemment s'exercer dans le cadre des programmes et doit s'enrichir de la concertation et du travail en équipe que la création du conseil pédagogique dans les EPLE a pour fin d'organiser et de promouvoir. Elle doit bénéficier des conseils et du suivi des corps d'inspection.
Enfin dans la formation des maîtres, il s'agit également de redéfinir les liens entre la pédagogie et les savoirs. C'est pourquoi j'ai proposé que la formation initiale des enseignants soit confiée à l'Université : aujourd'hui autonomes et souvent livrés à leur propre logique, les instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) prendront le statut d'école intégrée aux universités, comme c'est le cas dans la plupart des pays développés.
L'État fixera, dans un cahier des charges national, le contenu de la formation initiale des enseignants qui sera réorientée sur deux ans autour de trois volets : la formation disciplinaire, la formation pédagogique et la formation du fonctionnaire du service public de l'éducation.
La formation continue des enseignants sera, elle aussi, recentrée sur l'échange de pratiques pédagogiques performantes et l'approfondissement disciplinaire. En plus des dispositifs déjà existants, tout enseignant pourra bénéficier, sur présentation d'un projet personnel de formation, d'un crédit d'heures de l'ordre de vingt heures par an.
On le voit, le projet de loi affirme l'importance de la pédagogie et en précise la portée dans les classes, dans les établissements scolaires et dans les instituts universitaires de formation des maîtres.
Mesdames et messieurs les sénateurs,
Ce projet de loi mise sur la force et la capacité du service public de l'Éducation à assumer ces nouvelles orientations.
Sur le terrain, j'ai croisé tant de professeurs et chefs d'établissements, motivés, passionnés, ajustant leurs méthodes, inventant, construisant l'École de demain J'ai confiance dans l'École de la République, j'ai confiance dans son aptitude à aller à la rencontre des défis de son temps.
Si l'Éducation nationale ne continue pas à s'adapter, ne répond pas aux aspirations des Français, n'obtient pas les résultats qu'on en est en droit de lui demander, alors elle est en péril.
C'est pourquoi il n'est pas acceptable d'opposer la logique du service public avec la poursuite de la qualité !
Il n'est pas acceptable de prétendre qu'avoir des objectifs, développer une stratégie et évaluer des résultats serait incompatible avec la culture du service public !
Il n'est pas acceptable de laisser dire que mieux gérer le système éducatif, c'est vouloir le brader ou l'asservir à la loi du marché !
La modernisation du service public passera par des contrats d'objectifs plus clairs entre l'établissement scolaire et l'académie.
Il passera par un ciblage des moyens, là ou l'échec scolaire est le plus flagrant. Ce sera notamment le cas pour les programmes personnalisés de réussite scolaire.
Il passera par une meilleure utilisation des ressources humaines en matière d'aide et de remplacement des professeurs absents. Cette question des remplacements de courte durée est devenue, pour les élèves et leurs parents, le symbole d'un blocage peu admissible de l'institution scolaire. Personne n'a jamais osé aborder ce sujet quasi tabou... Nous vous proposons de nous y attaquer.
Tout professeur absent pourra être remplacé par un de ses collègues de l'établissement exerçant dans sa discipline ou dans une autre discipline si aucune autre solution n'est possible. L'intervention des enseignants dans ce cadre donnera naturellement lieu au paiement d'heures supplémentaires.
La modernisation du service public passera aussi par la simplification des niveaux de décision entre les rectorats, par les inspections académiques et les services centraux, par la mise en uvre de la loi organique relative aux lois de finances.
Un Haut Conseil de l'Éducation donnera au gouvernement des avis sur les questions relatives à la pédagogie et aux programmes, à l'organisation et aux résultats du système éducatif ainsi qu'à la formation des enseignants.
Partout, il s'agit de passer progressivement d'une logique quantitative à une logique plus réactive, plus qualitative. Il faut désormais imprimer une meilleure répartition des moyens et une meilleure gestion des ressources humaines en fonction d'objectifs lisibles et régulièrement évalués.
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
La rénovation du service public de l'éducation et l'objectif ambitieux de la réussite de tous les élèves ne se décrètent pas.
Chacun a son rôle à jouer.
Il appartient au gouvernement d'évaluer la situation et de tracer les grands axes de progression : ce que nous faisons ici en prévoyant 2 milliards d'euros, et le recrutement de 150 000 enseignants d'ici 5 ans. Il revient ensuite à tous les acteurs de ce grand service public auquel notre pays confie ce qu'il a de plus précieux, l'avenir de ses enfants, de se mobiliser autour d'objectifs partagés.
C'est ainsi que l'Éducation nationale poursuivra sa marche en avant.
Telles sont les priorités de ce projet de loi d'orientation pour l'avenir de l'École.
Il contribuera à assurer à la France un avenir qui soit à la hauteur de ses ambitions.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Contrairement à ce qui est parfois dit, il y a peu de réformes de l'Éducation nationale, je parle de réformes d'ampleur.
Ce ne sont que tous les quinze ans environ, que la Nation, par l'intermédiaire de ses élus, a rendez-vous avec son École.
Ce rendez-vous, nous y sommes.
Dans cette longue histoire de l'École, j'ai l'honneur d'agir dans le prolongement de beaucoup de mes prédécesseurs dont certains furent illustres. Ils ont voulu et fait l'École de la République. Avec ce texte, j'ai le sentiment ne pas être infidèle à l'esprit universel qui était le leur.

(Source http://www.education.gouv.fr, le 16 mars 2005)