Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Monsieur le député,
Non, monsieur le Premier ministre, vous ne me lassez pas, surtout quand vous parlez d'expérience. Je vous répondrai bien sûr, comme vous l'avez souhaité mais en même temps, le déroulement de notre séance, l'ordre des interventions des groupes, font que je dois vous répondre alors que je me suis déjà exprimé longuement, et sur la dimension institutionnelle et sur le fond de la problématique, des valeurs et des objectifs qui doivent être les nôtres au Proche-Orient. Vous comprendrez donc que je vous réponde de façon succincte.
Au plan institutionnel, je ne dirai qu'une chose, après vous avoir rappelé comment fonctionnait la cohabitation depuis juin 1997. Vraiment, je vous invite tous à vous reporter aux débats, aux interpellations, aux mises en cause publiques du Président de la République, F. Mitterrand, par le Premier ministre entre 1986 et 1988. C'était le cas sur les questions de Défense qui relèvent certainement davantage encore des prérogatives du Président de la République que la politique étrangère, sur des questions aussi essentielles, je l'ai dit tout à l'heure, que la guerre des étoiles ou que le missile mobile.
C'est vrai, comme vous monsieur le Premier ministre, j'ai été ému, que ce soit en Israël et je dois le dire que ce soit plus encore dans les territoires occupés, à Ramallah, à Gaza, lorsque j'ai vu les contraintes géographiques, les vexations aussi, multiples, qui ne seront dépassées que quand aura été faite la restitution des territoires dans lesquels vivent les Palestiniens. Oui, j'ai été ému. J'ai été suffisamment souvent en Israël, suffisamment souvent au Proche-Orient, j'ai été à Beyrouth il y a 20 ans et j'y avais rencontré à l'époque Y. Arafat quand peu de personnes ne voulaient le rencontrer, dans des conditions déjà assez difficiles, pour que je n'ai en rien été bouleversé - j'ai bien compris ce que vous souhaitiez suggérer dans l'esprit de ceux qui nous entendaient. Si j'étais effectivement dans un émotion légitime, comme les événements l'ont montré, j'ai abordé toute cette période avec sang-froid.
Je vous rejoins sur un point, c'est que comme vous, j'ai pu mesurer l'attente, l'impatience, la frustration qui existent notamment dans les territoires palestiniens. C'est sur le fondement de nos craintes pour le blocage du processus de paix et dans la conscience de la façon difficile dont vivent ces hommes et ces femmes, que j'ai fondé l'argumentation qu'avec le ministre des Affaires étrangères et qu'avec les autres ministres, nous avons conduit auprès de M. E. Barak mais aussi auprès d'autres autorités israéliennes pour leur dire : c'est à vous de faire des efforts. Il y a aujourd'hui une différence entre un Etat constitué et un Etat en gestation et non reconnu, entre un pays certes inquiet pour sa sécurité et qui pose des exigences légitimes et qui veut être reconnu par ses voisins arabes et qui veut normaliser ses relations notamment avec la Syrie. J'espère et je crois, que la Syrie, qui est un acteur majeur de la solution, de la paix au Proche-Orient, a bien l'intention de s'engager dans cette négociation, qui aboutira, sans que je me mêle des frontières, à la restitution du Golan.
Mais là aussi, mesdames et messieurs les députés, notamment de l'opposition, restons dans la logique qui était celle de Y. Rabin et de S. Peres quand ils ont changé la vision et l'approche des Israéliens, c'est celle de l'échange des territoires contre la paix.
Il est clair qu'Israël pourra concéder sur les territoires - et il faudra que dans le respect des résolutions des Nations unies Israël concèdent sur les territoires -, que s'ils ont une chance raisonnable d'espérer que se normalisent leurs relations avec leurs voisins. Comme ils l'ont fait avec les Egyptiens il y a 20 ans, comme ils l'ont fait avec les Jordaniens plus récemment, ils doivent le faire avec les Syriens.
Notre rôle à nous n'est pas simplement d'être dans un équilibre comptable, il est de porter des valeurs, il est d'utiliser les liens utiles que nous avons dans différents pays du Proche-Orient pour les mettre au service de la paix. Mais pour les mettre au service de la paix, il faut être clair aussi sur ce qui met en danger la paix et sur ce qui peut favoriser la paix. C'est seulement par rapport à cela, vous le savez bien, que je me suis situé dans un contexte où des négociations existent, même si elles sont aujourd'hui interrompues, entre la Syrie et Israël, dans une perspective où en tout état de cause, les troupes israéliennes devront quitter et quitteront le territoire libanais au mois de juillet. J'ai bien entendu monsieur Juppé - je ne l'avais pas encore entendu dire par une autorité française, ce qui prouve qu'on peut innover même à l'Assemblée nationale -, qu'au-delà de ce que j'ai dit moi-même : respect de l'intégrité et de la souveraineté du Liban, départ de toutes les troupes du Liban, que vous étiez plus précis. Je pense que cela aura été entendu avec intérêt dans la région.
En tout cas, je voudrais vous dire que notre politique au Proche-Orient doit rester une politique équilibrée, fondée sur la paix, fondée sur la démocratie, fondée sur le développement. Faisons avancer en-celà ces valeurs, ces objectifs et nous aurons bien servi notre pays.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 1er mars 2000)