Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille, sur les recommandations du rapport de la Commission "Familles, vulnérabilité, pauvreté", Paris le 21 avril 2005.

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Circonstance : Remise du rapport "Au possible nous sommes tenus" de la Commission Familles, vulnérabilité, pauvreté présidée par M. Martin HIRSCH au ministre des solidarités, de la santé et de la famille

Texte intégral

Monsieur le Président,
Cher ami,
Le rapport du Centre d'étude des revenus et des coûts (CERC) publié en février 2004 a mis en évidence une réalité largement sous estimée à ce jour : l'ampleur du phénomène de pauvreté qui touche les enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté y est estimé à un million. Le Ministre des solidarités et de la famille ne peux se résigner à cette situation.
J'ai donc choisi d'installer auprès de moi une commission indépendante sur le thème " Familles, vulnérabilité, pauvreté ". En confiant, en décembre dernier, à Martin HIRSCH, Président d'Emmaüs France, la présidence de cette commission, je savais pourvoir compter sur sa détermination, son ingéniosité et son investissement.
Le rapport que vous me remettez aujourd'hui conforte mon idée première et est - je le pense sincèrement- à la hauteur des enjeux traités.
J'ai souhaité que cette commission bénéficie d'une large autonomie, je crois qu'elle a pu travailler dans une totale indépendance.
Cette commission a fait l'objet d'une composition très diversifiée puisqu'on y trouve entre autres des responsables d'associations de lutte contre les exclusions, des représentants du mouvement familial, des représentants des partenaires sociaux, la CNAF, des représentants des collectivités locales, des parlementaires, un chef d'entreprise et un ensemble de personnalités qualifiées reconnues pour leur travaux sur le sujet. Je tiens à remercier chacun d'entre eux pour leur large contribution à ce rapport qui représente, je le sais, un travail et un investissement de chaque jour ces 4 derniers mois.
Ce rapport propose une méthode innovante à laquelle je souscris volontiers et que - personnellement - je cherche à développer :
- La nécessité de fixer des objectifs ambitieux dans la définition et la mise en uvre d'une politique publique sur la vulnérabilité et la pauvreté des familles. Tony Blair a fixé comme objectif prioritaire pour l'Angleterre la réduction du nombre de familles pauvres d'ici dix ans. La France doit également se fixer cet objectif en la matière.
- L'importance de la contractualisation qui doit se faire autour d'objectifs négociés et non pas imposés. Il revient aux pouvoirs publics de développer cette approche contractuelle, car derrière cette notion il y a celles - majeures - d'engagements, de responsabilité et de confiance.
- Les vertus de l'expérimentation locale qui rentre aujourd'hui dans les murs de notre action publique mais que nous devons encore plus veiller à développer.
Je suis d'emblée intéressé par quelques idées que vous avez évoquées :
- Eviter les effets de seuils liés au système de prestations qui conduisent à créer des trappes à l'inactivité.
La réponse apportée est la définition d'un mécanisme nouveau qui permettrait de combiner revenu du travail et revenus de solidarité sur le principe a priori très simple de : chaque heure travaillée doit se traduire par une diminution des prestations inférieures à ce que rapporte le travail. Ce système est séduisant mais compte tenu de ces implications en termes de prestations, de gestion nécessite des expertises complémentaires.
- Rendre les systèmes d'intéressement au sens large plus lisibles pour les bénéficiaires.
- Augmenter de façon substantielle l'offre de garde. Dans " la France des proximités " je me suis d'ailleurs fixé pour objectif de couvrir la moitié des enfants de moins de 3 ans par un mode d'accueil d'ici 10 ans. Les dispositions contenues dans le projet de Loi sur les assistants maternels qui vient d'être adopté en deuxième lecture à l'Assemblée nationale devrait permettre d'attirer de nouvelles personnes vers ce métiers et ainsi d'augmenter l'offre d'accueil. Par ailleurs le ticket crèche - garde d'enfant en permettent d'impliquer d'avantage les entreprises dans la conciliation vie familiale -vie professionnelle de leur salarié contribuera également au développement de l'offre d'accueil, notamment en facilitant la réservation ou l'ouverture de place de crèches par les entreprises.
- Je reste extrêmement réservé quant à la proposition de supprimer le complément libre choix d'activité de la PAJE qui reste pour moi un élément pivot de notre politique d'accueil de la petite enfance basé sur le libre choix des familles, la possibilité de garder soi-même son enfant faisant parti de cette liberté.
- L'effort de prévention dans le domaine de la santé, notamment en le concentrant sur les zones qui en ont le plus besoin ou encore la possibilité de mettre en place un programme d'expérimentations pour la santé des enfants
La pauvreté est souvent la résultante d'une conjugaison de facteurs interdépendants comme le logement, l'emploi, la santé , le revenu, le relationnel... Toutes ces difficultés cumulées peuvent parfois tenir les personnes en détresse à distance des aides et des soutiens dont elles pourraient bénéficier. C'est à nous qu'il revient alors de faire le pas, d'aller vers elle. Il nous faut donc chercher à comprendre quelles peuvent être les perceptions de familles des dispositifs, leur incapacité à s'exprimer, leur ignorance.
Je voudrais d'ailleurs rendre ici hommage à l'action quotidienne des travailleurs sociaux qui font un travail remarquable auprès des familles en difficultés. Je pense, comme vous avez pu l'écrire, que l'accompagnement social mérite d'être mieux valorisé aujourd'hui.
Cependant, à côté de l'action des professionnels et je dirais même en complément de leurs interventions, je ne voudrais pas oublier le rôle essentiel jouer par les bénévoles. Le bénévolat informel s'inscrit, en effet, dans le cadre de l'entretien de réseaux de réciprocité. Il est le maillon indispensable de la construction d'une France plus solidaire. Il faut soutenir et valoriser l'action bénévole.
Les familles modestes doivent par ailleurs constituer une priorité dans notre politique nutritionnelle. Au travers d'actions à destination des enfants, nous pouvons espérer modifier les habitudes alimentaires de toute une famille. C'est donc un excellent levier d'action.
Ce rapport est visiblement très complet et balaie la totalité du spectre des politiques publiques qui peuvent être mobilisées pour lutter contre la pauvreté.
Cette approche très globale et interministérielle, m'incite à engager un travail sur vos réflexions et orientations avec mes collègues directement concernés au sein du gouvernement, notamment avec le Ministre de la cohésion sociale, Jean-Louis BORLOO, le Ministre délégué à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion, Nelly OLLIN et le Ministre délégué au logement et à la ville, Marc-Philippe DAUBRESSE mais également avec les partenaires de la politique familiale.
Une nouvelle fois je vous remercie

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 27 avril 2005)