Texte intégral
Monsieur le Président du Conseil de la Fédération, Cher Ami Serguey MIRONOV,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je voudrais d'abord vous dire l'honneur et la fierté que je ressens à être décoré de l'Ordre de l'Amitié, des mains de mon ami Serguey MIRONOV, Président du Conseil de la Fédération, interlocuteur et partenaire fidèle du Sénat de la République française.
Je mesure l'honneur qui m'est fait, en ces lieux chargés de mémoire et d'histoire, devant tant de parlementaires originaires de pays différents, venus commémorer, solennellement, le 60ème anniversaire de la victoire de la coalition anti-nazis, coalition au sein de laquelle vos compatriotes, mon Cher Serguey, ont pris une part décisive et déterminante.
Le traitement privilégié que vous me réservez - j'oserais dire, le traitement de faveur - symbolise, s'il en était besoin, la densité et l'excellence des relations entre le Conseil de la Fédération de Russie et le Sénat de la République française, et, au-delà, la qualité et la confiance des relations entre nos deux pays.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Dans le monde tourmenté, troublé et incertain qui est le nôtre, il est plus que jamais indispensable de resserrer nos liens, autour de valeurs et d'intérêts communs.
La richesse et l'intensité des relations franco-russes doivent en outre s'inscrire dans le cadre plus large du dialogue entre l'Union européenne et la Russie, dialogue qui s'est développé ces dernières années mais qu'il nous faut encore améliorer et enrichir.
A l'instar de beaucoup de mes compatriotes, notamment au sommet de l'Etat, je suis convaincu depuis longtemps qu'il n'y a pas d'avenir pour l'Union européenne sans un partenariat privilégié et renforcé avec la Russie, à laquelle nous lient l'Histoire, comme la culture et la géographie.
C'est cette conviction profonde qui m'a conduit à plaider en faveur de l'entrée du Conseil de la Fédération de Russie dans l'Association des Sénats d'Europe, association que j'ai créée en 1999, quelques mois seulement après mon élection à la Présidence de notre Haute Assemblée.
Je me réjouis que le Conseil de la Fédération soit désormais l'un des membres les plus assidus et les plus actifs de notre association.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je suis d'autant plus sensible à la distinction dont vous m'honorez qu'elle m'est remise dans cette ville de Saint-Pétersbourg, si chère à mon cur. Saint-Pétersbourg constitue un pont symbolique entre l'Europe et la Russie et dans ces circonstances, qui nous rappelle ce que la victoire contre la tyrannie nazie a supposé de sacrifices.
Ici, en ces lieux éprouvés par le conflit, et maintenant, soixante ans après (j'étais jeune mais j'ai vu, dans ma famille, dans ma région, les ravages et les horreurs de la guerre), je voudrais rappeler la valeur et la force de la paix mais aussi son prix et sa précarité.
La valeur, tout d'abord, car la paix doit toujours être le premier objectif, la première mission de tout responsable politique, a fortiori de tout homme d'Etat.
Mais ne nous méprenons pas : il ne faut pas confondre la paix et le pacifisme.
Autant le pacifisme peut dissimuler les pires faiblesses, les plus obscures trahisons, les plus grandes lâchetés, autant la recherche et la consolidation de la paix doivent guider les gouvernants, sans compromissions honteuses, sans renoncements forcés.
Ne devrait-on d'ailleurs reconnaître qu'un mérite à la construction européenne, à l'oeuvre depuis bientôt cinquante ans, que je citerai sans hésiter la paix. Cette paix qui unit désormais des pays si longtemps opposés et ennemis, comme l'illustrent magistralement les exemples de la France et de l'Allemagne, aujourd'hui principaux moteurs de la construction européenne.
La force, ensuite, car je crois à la puissance de l'exemple. Je crois aussi, même si l'histoire est tragique, que le bien peut toujours l'emporter sur le mal, pour peu que les hommes prennent en main leur destin et sachent dire non à l'aliénation, à l'asservissement, au totalitarisme. Ce totalitarisme combattu puis battu en 1945, grâce notamment au courage et au sacrifice de vos compatriotes.
Nous sommes là pour nous en souvenir aujourd'hui et remercier ceux qui nous ont libérés du joug nazi au prix de leur vie.
De même qu'il n'y a pas de paix durable sans liberté, il n'y a pas de liberté durable sans paix. La liberté et la paix entretiennent une dialectique permanente. La liberté entraîne la paix comme la paix favorise la liberté. C'est la force de ces deux grandes vertus, de ces deux valeurs universelles et intemporelles, profondément et fondamentalement humaines.
Laissons aux fatalistes le soin de faire de l'homme un loup pour l'homme. HOBBES lui-même, à qui l'on attribue la formule, refusait de voir en l'homme une bête féroce. Pour ma part, je veux croire que la paix est une spécificité de l'homme, qui le distingue, avec d'autres, de l'animal.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
J'ai parlé de la valeur et de la force de la paix. Mais il ne faut oublier ni son prix, ni sa précarité.
Le prix, car vous autres Russes êtes bien placés pour savoir ce que la libération du joug nazi a coûté en vies humaines. Ces vies brisées et offertes pour rétablir la liberté et la démocratie. Ces jeunesses gâchées. Ces espoirs fauchés. Ces illusions perdues. Ces promesses non tenues.
La précarité, enfin, car l'Histoire nous enseigne que la liberté et la démocratie sont fragiles et menacées.
Menacées par les atteintes et les attaques du temps - souvent surprises -, dont la progression n'apporte pas toujours le progrès mais peut au contraire engendrer la désolation.
Le temps use. Pas seulement les hommes pris individuellement. Aussi les sociétés et les Etats qu'ils composent.
Il nous faut donc veiller à écouter les peuples, à ne pas laisser se creuser des écarts créateurs de tensions puis d'affrontements.
C'est le devoir des responsables politiques de sentir, mieux, d'anticiper, les évolutions en cours dans leur pays et dans le monde qui les entoure. En politique, l'aveuglement et la surdité ne pardonnent pas.
Pour éviter le creusement de fossés irréductibles, la voie la plus sûre est le dialogue entre les cultures, entre les civilisations, entre les religions.
Ce dialogue sera d'autant plus fructueux qu'il s'accompagnera d'une politique d'aide au développement équilibrée, efficace et transparente. Un monde où la misère et le dénuement continuent de progresser n'est pas un monde sûr. Ne l'oublions pas.
Chacun sait que le terrorisme, ce fléau du XXIème siècle, se nourrit d'abord et avant tout de la pauvreté et des inégalités. De l'humiliation, aussi.
Enfin, en ce soixantième anniversaire de la victoire, je voudrais rappeler solennellement qu'on ne peut pas préparer l'avenir sans connaître et assumer son passé. L'exemple et l'Histoire instruisent.
Peut-être l'Histoire ne se répète-t-elle pas mais elle a ses constantes, sa raison, eût dit HEGEL. Je ne veux pas croire que tout soit laissé au hasard. L'homme a son mot à dire. Le destin des hommes, la destinée des peuples se façonnent. Qui veut, peut.
Alors, à nous de vouloir la paix et la concorde. A nous de faire la guerre à la guerre sans fuir la guerre, avec courage et détermination.
Car ce qui est arrivé il y a soixante ans, y compris les pires horreurs - j'étais à Auschwitz le 27 janvier dernier -, peut encore arriver. Ne nous croyons pas à l'abri, derrière nos commémorations émues et notre souvenir recueilli. Les barbares responsables de ces atrocités bien souvent aimaient Brahms et lisaient Goethe.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Les commémorations comme celle qui nous réunit aujourd'hui sont utiles et nécessaires.
A condition toutefois qu'elles ne dispensent pas d'une vigilance permanente. Celle-là même qui s'impose à tout honnête homme, à tout citoyen du monde conscient de son rôle et de ses devoirs.
Alors, nous pourrons être confiants. Vigilants mais confiants.
Je vous remercie.
(Source http://www.senat.fr, le 27 avril 2005)
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Je voudrais d'abord vous dire l'honneur et la fierté que je ressens à être décoré de l'Ordre de l'Amitié, des mains de mon ami Serguey MIRONOV, Président du Conseil de la Fédération, interlocuteur et partenaire fidèle du Sénat de la République française.
Je mesure l'honneur qui m'est fait, en ces lieux chargés de mémoire et d'histoire, devant tant de parlementaires originaires de pays différents, venus commémorer, solennellement, le 60ème anniversaire de la victoire de la coalition anti-nazis, coalition au sein de laquelle vos compatriotes, mon Cher Serguey, ont pris une part décisive et déterminante.
Le traitement privilégié que vous me réservez - j'oserais dire, le traitement de faveur - symbolise, s'il en était besoin, la densité et l'excellence des relations entre le Conseil de la Fédération de Russie et le Sénat de la République française, et, au-delà, la qualité et la confiance des relations entre nos deux pays.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Dans le monde tourmenté, troublé et incertain qui est le nôtre, il est plus que jamais indispensable de resserrer nos liens, autour de valeurs et d'intérêts communs.
La richesse et l'intensité des relations franco-russes doivent en outre s'inscrire dans le cadre plus large du dialogue entre l'Union européenne et la Russie, dialogue qui s'est développé ces dernières années mais qu'il nous faut encore améliorer et enrichir.
A l'instar de beaucoup de mes compatriotes, notamment au sommet de l'Etat, je suis convaincu depuis longtemps qu'il n'y a pas d'avenir pour l'Union européenne sans un partenariat privilégié et renforcé avec la Russie, à laquelle nous lient l'Histoire, comme la culture et la géographie.
C'est cette conviction profonde qui m'a conduit à plaider en faveur de l'entrée du Conseil de la Fédération de Russie dans l'Association des Sénats d'Europe, association que j'ai créée en 1999, quelques mois seulement après mon élection à la Présidence de notre Haute Assemblée.
Je me réjouis que le Conseil de la Fédération soit désormais l'un des membres les plus assidus et les plus actifs de notre association.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Je suis d'autant plus sensible à la distinction dont vous m'honorez qu'elle m'est remise dans cette ville de Saint-Pétersbourg, si chère à mon cur. Saint-Pétersbourg constitue un pont symbolique entre l'Europe et la Russie et dans ces circonstances, qui nous rappelle ce que la victoire contre la tyrannie nazie a supposé de sacrifices.
Ici, en ces lieux éprouvés par le conflit, et maintenant, soixante ans après (j'étais jeune mais j'ai vu, dans ma famille, dans ma région, les ravages et les horreurs de la guerre), je voudrais rappeler la valeur et la force de la paix mais aussi son prix et sa précarité.
La valeur, tout d'abord, car la paix doit toujours être le premier objectif, la première mission de tout responsable politique, a fortiori de tout homme d'Etat.
Mais ne nous méprenons pas : il ne faut pas confondre la paix et le pacifisme.
Autant le pacifisme peut dissimuler les pires faiblesses, les plus obscures trahisons, les plus grandes lâchetés, autant la recherche et la consolidation de la paix doivent guider les gouvernants, sans compromissions honteuses, sans renoncements forcés.
Ne devrait-on d'ailleurs reconnaître qu'un mérite à la construction européenne, à l'oeuvre depuis bientôt cinquante ans, que je citerai sans hésiter la paix. Cette paix qui unit désormais des pays si longtemps opposés et ennemis, comme l'illustrent magistralement les exemples de la France et de l'Allemagne, aujourd'hui principaux moteurs de la construction européenne.
La force, ensuite, car je crois à la puissance de l'exemple. Je crois aussi, même si l'histoire est tragique, que le bien peut toujours l'emporter sur le mal, pour peu que les hommes prennent en main leur destin et sachent dire non à l'aliénation, à l'asservissement, au totalitarisme. Ce totalitarisme combattu puis battu en 1945, grâce notamment au courage et au sacrifice de vos compatriotes.
Nous sommes là pour nous en souvenir aujourd'hui et remercier ceux qui nous ont libérés du joug nazi au prix de leur vie.
De même qu'il n'y a pas de paix durable sans liberté, il n'y a pas de liberté durable sans paix. La liberté et la paix entretiennent une dialectique permanente. La liberté entraîne la paix comme la paix favorise la liberté. C'est la force de ces deux grandes vertus, de ces deux valeurs universelles et intemporelles, profondément et fondamentalement humaines.
Laissons aux fatalistes le soin de faire de l'homme un loup pour l'homme. HOBBES lui-même, à qui l'on attribue la formule, refusait de voir en l'homme une bête féroce. Pour ma part, je veux croire que la paix est une spécificité de l'homme, qui le distingue, avec d'autres, de l'animal.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
J'ai parlé de la valeur et de la force de la paix. Mais il ne faut oublier ni son prix, ni sa précarité.
Le prix, car vous autres Russes êtes bien placés pour savoir ce que la libération du joug nazi a coûté en vies humaines. Ces vies brisées et offertes pour rétablir la liberté et la démocratie. Ces jeunesses gâchées. Ces espoirs fauchés. Ces illusions perdues. Ces promesses non tenues.
La précarité, enfin, car l'Histoire nous enseigne que la liberté et la démocratie sont fragiles et menacées.
Menacées par les atteintes et les attaques du temps - souvent surprises -, dont la progression n'apporte pas toujours le progrès mais peut au contraire engendrer la désolation.
Le temps use. Pas seulement les hommes pris individuellement. Aussi les sociétés et les Etats qu'ils composent.
Il nous faut donc veiller à écouter les peuples, à ne pas laisser se creuser des écarts créateurs de tensions puis d'affrontements.
C'est le devoir des responsables politiques de sentir, mieux, d'anticiper, les évolutions en cours dans leur pays et dans le monde qui les entoure. En politique, l'aveuglement et la surdité ne pardonnent pas.
Pour éviter le creusement de fossés irréductibles, la voie la plus sûre est le dialogue entre les cultures, entre les civilisations, entre les religions.
Ce dialogue sera d'autant plus fructueux qu'il s'accompagnera d'une politique d'aide au développement équilibrée, efficace et transparente. Un monde où la misère et le dénuement continuent de progresser n'est pas un monde sûr. Ne l'oublions pas.
Chacun sait que le terrorisme, ce fléau du XXIème siècle, se nourrit d'abord et avant tout de la pauvreté et des inégalités. De l'humiliation, aussi.
Enfin, en ce soixantième anniversaire de la victoire, je voudrais rappeler solennellement qu'on ne peut pas préparer l'avenir sans connaître et assumer son passé. L'exemple et l'Histoire instruisent.
Peut-être l'Histoire ne se répète-t-elle pas mais elle a ses constantes, sa raison, eût dit HEGEL. Je ne veux pas croire que tout soit laissé au hasard. L'homme a son mot à dire. Le destin des hommes, la destinée des peuples se façonnent. Qui veut, peut.
Alors, à nous de vouloir la paix et la concorde. A nous de faire la guerre à la guerre sans fuir la guerre, avec courage et détermination.
Car ce qui est arrivé il y a soixante ans, y compris les pires horreurs - j'étais à Auschwitz le 27 janvier dernier -, peut encore arriver. Ne nous croyons pas à l'abri, derrière nos commémorations émues et notre souvenir recueilli. Les barbares responsables de ces atrocités bien souvent aimaient Brahms et lisaient Goethe.
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Les commémorations comme celle qui nous réunit aujourd'hui sont utiles et nécessaires.
A condition toutefois qu'elles ne dispensent pas d'une vigilance permanente. Celle-là même qui s'impose à tout honnête homme, à tout citoyen du monde conscient de son rôle et de ses devoirs.
Alors, nous pourrons être confiants. Vigilants mais confiants.
Je vous remercie.
(Source http://www.senat.fr, le 27 avril 2005)