Texte intégral
Jean-Michel Aphatie - Bonjour Laurent Fabius...
R - Bonjour...
Q - Vous avez bien sûr regardé Jacques Chirac hier soir sur TF1, une rapide question de forme : avant l'émission, vous avez exprimé la crainte que les jeunes servent de faire-valoir au président de la République, après l'émission que dites-vous ?
R - Je vais vous répondre, mais auparavant, permettez moi d'avoir une pensée pour les victimes de cet incendie, rue de Provence à Paris qui sont morts dans des conditions atroces. Je pense que ce matin, il faut d'abord penser à ces victimes. Alors, l'émission ...
Q - Les jeunes vous ont-ils paru représentatifs et incisifs juste dans leurs interrogations ou au contraire manipulés ?
R * Oui, j'avais une crainte que l'on utilise ces jeunes comme une espèce de faire-valoir Comme-ci, on avait voulu mettre le panneau "avenir" au dessus de la tête de Jacques Chirac, mais finalement dans leur diversité, ils ont exprimé beaucoup de préoccupations qui sont vrais, pas du tout les peurs, je n'ai pas senti cela comme ça.
Q - Ah bon...
R - Une volonté de changement...
Q - Beaucoup de peurs face à l'Europe, pas face à la constitution, mais face à l'Europe...
R - Parce que l'émission a porté davantage sur l'Europe que sur la Constitution. Mais, si j'avais à résumer tout cela, j'ai trouvé Monsieur Chirac, comme d'ailleurs la Constitution, long et peu convaincant. Et ce qui m'a frappé beaucoup, surtout - parce que j'ai regardé jusqu'au bout - c'est qu'à la fin de l'émission, lorsque Monsieur Chirac a dit aux jeunes : "je ne comprends pas".
Q - "Ce qui me fais le plus de peine, c'est le pessimisme, je ne comprends pas, cela me fait de la peine"...
R - Et ce thème, "je ne comprends pas" revenait sans cesse dans sa bouche. Et je crois que c'est la clef. Je pense qu'il ne comprend pas quelle est vraiment la situation des jeunes et des moins jeunes. Qu'est-ce que nous attendons de l'Europe. Un changement. Bien sûr nous sommes pro-européens. Fondamentalement pro-européens. Les jeunes hier étaient pro-européens. Mais ils veulent une Europe qui n'ait pas les dérives actuelles. Et ça, Monsieur Chirac n'est pas arrivé à convaincre parce que, évidemment, ce n'est pas dans le texte.
Q - Mais ce ne sont pas des dérives contenues dans la Constitution, Laurent Fabius, ce sont des dérives, si ce sont des dérives contenues dans la logique de l'Europe telle qu'elle se construit depuis 1957.
R - Oui, mais il s'agit précisément de mettre un terme à ces dérives. Il y a un élément fondamental qui est intervenu depuis quelques années qui est : l'élargissement. La grande erreur a été dans les années 90 de ne pas fixer les règles du jeu, ce qu'on appelle l'approfondissement avant que l'élargissement s'opère. Et maintenant on retrouve cette difficulté. Et comme la constitution, contrairement à ce qui été dit par Monsieur Chirac, n'est pas une constitution anti-libérale, pas du tout, comme elle ne fixe pas des règles d'harmonisation fiscale, d'harmonisation sociale, de lutte contre les délocalisations, évidemment, comme ce changement ne va pas s'opérer, l'Europe risque de se déliter. Et le choix entre le "Oui" et le "Non", il est là,
Q - Au fond, l'émission d'hier soir - sans doute aussi votre propos ce matin - nous permet de comprendre cela. Le "Non" que vous souhaitez, Laurent Fabius, ce n'est pas un "Non" à la constitution, mais c'est un "Non" à bien d'autres choses...
R - Absolument pas, Monsieur Apathie...
Q - Parce que si l'on renégocie un traité constitutionnel, on ne règle aucun des problèmes que vous évoquez.
R - Attendez. Prenons les problèmes un par un, si vous le voulez bien. Je suis fondamentalement pro-européen. Les Français sont pro-européens dans leur immense majorité. Mais ils veulent une Europe qui leur permet de progresser et qui les protège. Or, la constitution qui nous est proposée, ne permet pas cela. Voila, quel est le débat. Le "Oui" est un "Oui" consistant à dire : Et bien nous allons aller dans le même sens qu'aujourd'hui, sans corriger toute une série de défauts qui existent, alors même qu'il y a l'élargissement. Le "Non" permet un changement. Voila le fond.
Q - L'argument de Jacques Chirac, l'un des arguments fort, c'est "au fond les États-unis souhaitent la victoire du "Non", le 29 mai en France". Que lui répondez-vous ?
R - Non, cela c'est précisément utiliser les peurs. J'étais très frappé de voir que Monsieur Chirac d'un côté disait "N'ayez pas peur", mais son argumentation principale était d'essayer de faire peur.
Lorsqu'on dit si la France dit "Non", il n'y a plus de poids politique de la France, c'est complètement faux. Et d'ailleurs les exemples récents nous le montrent. Lorsque la France a dit "Non" à la guerre en Irak. Est-ce que vous pensez que le poids de la France sur le plan politique a diminué. Est-ce que lorsque le Générale de Gaulles ou François Mitterrand ont dit "Non" à la conception anglo-saxonne de l'Europe, est-ce que le poids de la France a été diminué. C'est bien le contraire. Donc, il y a des circonstances où parce qu'on est pro-européen et que l'on veut une autre conception, il faut dire "Non" pour renégocier. Et lorsque Monsieur Chirac a dit ; "Il n'est pas possible de renégocier". Là, j'ai sursauté dans mon fauteuil parce qu'enfin. On propose un référendum. Le référendum ce n'est pas le choix entre "Oui" et "Oui". C'est le choix entre "Oui" et "Non". D'autres pays vont voter, probablement d'autres pays diront "Non". Et si les électeurs français disent "Non", cela signifie - un "Non" pro-européen, j'insiste - cela signifie que l'on se remettra autour d'une table, pour négocier, pour discuter, pour aboutir. En reprenant tout ce qu'il y a de bon dans l'actuelle constitution et en modifiant ce qui doit être modifié.
Q - Avez-vous bon espoir ce matin, Laurent Fabius après cette émission dans la victoire du "Non", le 29 mai ?
R - Je pense qu'il se passe quelque chose, profondément dans le pays. Non pas du tout que les gens ne connaissent pas la constitution, ils veulent plus d'informations. Ils ont bien compris de ce qu'il s'agit. Ils sont pro-européens, ils veulent que l'Europe avance, mais pour que l'Europe avance, ils veulent qu'il y ait un certain nombre de changements dans les orientations européennes.
Q - Donc vous avez confiance pour le 29 mai ?
R - Je pense que c'est un mouvement de fond.
Q - C'est abusif de vous présenter comme le chef de file du "Non", aujourd'hui Laurent Fabius ?
R - Oh, le "Non" est très divers, très hétérogène. Mais ce qui fait le poids de mon argumentation, c'est que je suis par toutes mes fibres, pro-européen. Pas un pro-européen théorique. J'ai travaillé depuis très longtemps pour l'Europe. C'est moi qui ai signé les traités d'adhésion du Portugal et de l'Espagne. J'ai préparé l'euro avec beaucoup d'autres. Et au nom de cette expérience et de mon espérance de l'Europe, je dis : il faut une constitution "Oui", mais des modifications par rapport au texte que l'on nous propose.
Q - Vous souhaiteriez, vous voudriez débattre avec Jacques Chirac de cette constitution et de l'Europe ? Vous seriez disponible pour cela ?
R - On ne me l'a pas proposé.
Q - On vous le proposerait, vous seriez disponible ?
R - Si cela permet d'informer, pourquoi pas. Mais on ne me l'a pas proposé.
Q - Il manque une seule voix dans ce débat que l'on n'a pas encore entendu - qui est pour le "Oui" - qui est celle de Lionel Jospin. Il sera le 19 mai à Nantes. Vous redoutez sa prise de parole.
R - Non, c'est très bien que chacun s'exprime, c'est une très bonne chose que chacun s'exprime. Après les Français donneront leur sentiment.
Q - Vous avez eu l'occasion d'en parler avec Lionel Jospin ?
R - Pas récemment, non...
Q - Pas de contact, pas de dialogue...
R - Si, nous avons des contacts bien sûr, mais nous ne nous sommes pas vu récemment. Je connais la position de Lionel.
Q - Ça dit quelque chose de l'état du parti socialiste, ça ne va pas très bien...
R - Non, alors soyons précis sur ce sujet, le parti socialiste a pris une position officielle pour le "Oui". C'est clair. Et en même temps, beaucoup de socialistes ont une conviction différente. Et lorsqu'on les interroge, comme vous le faites, il n'est pas question de cacher cette conviction. J'ai mes convictions, je l'ai dit.
Q - Laurent Fabius, chef de file du "Non", était l'invité d'RTL ce matin.
(Source Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 18 avril 2005)
R - Bonjour...
Q - Vous avez bien sûr regardé Jacques Chirac hier soir sur TF1, une rapide question de forme : avant l'émission, vous avez exprimé la crainte que les jeunes servent de faire-valoir au président de la République, après l'émission que dites-vous ?
R - Je vais vous répondre, mais auparavant, permettez moi d'avoir une pensée pour les victimes de cet incendie, rue de Provence à Paris qui sont morts dans des conditions atroces. Je pense que ce matin, il faut d'abord penser à ces victimes. Alors, l'émission ...
Q - Les jeunes vous ont-ils paru représentatifs et incisifs juste dans leurs interrogations ou au contraire manipulés ?
R * Oui, j'avais une crainte que l'on utilise ces jeunes comme une espèce de faire-valoir Comme-ci, on avait voulu mettre le panneau "avenir" au dessus de la tête de Jacques Chirac, mais finalement dans leur diversité, ils ont exprimé beaucoup de préoccupations qui sont vrais, pas du tout les peurs, je n'ai pas senti cela comme ça.
Q - Ah bon...
R - Une volonté de changement...
Q - Beaucoup de peurs face à l'Europe, pas face à la constitution, mais face à l'Europe...
R - Parce que l'émission a porté davantage sur l'Europe que sur la Constitution. Mais, si j'avais à résumer tout cela, j'ai trouvé Monsieur Chirac, comme d'ailleurs la Constitution, long et peu convaincant. Et ce qui m'a frappé beaucoup, surtout - parce que j'ai regardé jusqu'au bout - c'est qu'à la fin de l'émission, lorsque Monsieur Chirac a dit aux jeunes : "je ne comprends pas".
Q - "Ce qui me fais le plus de peine, c'est le pessimisme, je ne comprends pas, cela me fait de la peine"...
R - Et ce thème, "je ne comprends pas" revenait sans cesse dans sa bouche. Et je crois que c'est la clef. Je pense qu'il ne comprend pas quelle est vraiment la situation des jeunes et des moins jeunes. Qu'est-ce que nous attendons de l'Europe. Un changement. Bien sûr nous sommes pro-européens. Fondamentalement pro-européens. Les jeunes hier étaient pro-européens. Mais ils veulent une Europe qui n'ait pas les dérives actuelles. Et ça, Monsieur Chirac n'est pas arrivé à convaincre parce que, évidemment, ce n'est pas dans le texte.
Q - Mais ce ne sont pas des dérives contenues dans la Constitution, Laurent Fabius, ce sont des dérives, si ce sont des dérives contenues dans la logique de l'Europe telle qu'elle se construit depuis 1957.
R - Oui, mais il s'agit précisément de mettre un terme à ces dérives. Il y a un élément fondamental qui est intervenu depuis quelques années qui est : l'élargissement. La grande erreur a été dans les années 90 de ne pas fixer les règles du jeu, ce qu'on appelle l'approfondissement avant que l'élargissement s'opère. Et maintenant on retrouve cette difficulté. Et comme la constitution, contrairement à ce qui été dit par Monsieur Chirac, n'est pas une constitution anti-libérale, pas du tout, comme elle ne fixe pas des règles d'harmonisation fiscale, d'harmonisation sociale, de lutte contre les délocalisations, évidemment, comme ce changement ne va pas s'opérer, l'Europe risque de se déliter. Et le choix entre le "Oui" et le "Non", il est là,
Q - Au fond, l'émission d'hier soir - sans doute aussi votre propos ce matin - nous permet de comprendre cela. Le "Non" que vous souhaitez, Laurent Fabius, ce n'est pas un "Non" à la constitution, mais c'est un "Non" à bien d'autres choses...
R - Absolument pas, Monsieur Apathie...
Q - Parce que si l'on renégocie un traité constitutionnel, on ne règle aucun des problèmes que vous évoquez.
R - Attendez. Prenons les problèmes un par un, si vous le voulez bien. Je suis fondamentalement pro-européen. Les Français sont pro-européens dans leur immense majorité. Mais ils veulent une Europe qui leur permet de progresser et qui les protège. Or, la constitution qui nous est proposée, ne permet pas cela. Voila, quel est le débat. Le "Oui" est un "Oui" consistant à dire : Et bien nous allons aller dans le même sens qu'aujourd'hui, sans corriger toute une série de défauts qui existent, alors même qu'il y a l'élargissement. Le "Non" permet un changement. Voila le fond.
Q - L'argument de Jacques Chirac, l'un des arguments fort, c'est "au fond les États-unis souhaitent la victoire du "Non", le 29 mai en France". Que lui répondez-vous ?
R - Non, cela c'est précisément utiliser les peurs. J'étais très frappé de voir que Monsieur Chirac d'un côté disait "N'ayez pas peur", mais son argumentation principale était d'essayer de faire peur.
Lorsqu'on dit si la France dit "Non", il n'y a plus de poids politique de la France, c'est complètement faux. Et d'ailleurs les exemples récents nous le montrent. Lorsque la France a dit "Non" à la guerre en Irak. Est-ce que vous pensez que le poids de la France sur le plan politique a diminué. Est-ce que lorsque le Générale de Gaulles ou François Mitterrand ont dit "Non" à la conception anglo-saxonne de l'Europe, est-ce que le poids de la France a été diminué. C'est bien le contraire. Donc, il y a des circonstances où parce qu'on est pro-européen et que l'on veut une autre conception, il faut dire "Non" pour renégocier. Et lorsque Monsieur Chirac a dit ; "Il n'est pas possible de renégocier". Là, j'ai sursauté dans mon fauteuil parce qu'enfin. On propose un référendum. Le référendum ce n'est pas le choix entre "Oui" et "Oui". C'est le choix entre "Oui" et "Non". D'autres pays vont voter, probablement d'autres pays diront "Non". Et si les électeurs français disent "Non", cela signifie - un "Non" pro-européen, j'insiste - cela signifie que l'on se remettra autour d'une table, pour négocier, pour discuter, pour aboutir. En reprenant tout ce qu'il y a de bon dans l'actuelle constitution et en modifiant ce qui doit être modifié.
Q - Avez-vous bon espoir ce matin, Laurent Fabius après cette émission dans la victoire du "Non", le 29 mai ?
R - Je pense qu'il se passe quelque chose, profondément dans le pays. Non pas du tout que les gens ne connaissent pas la constitution, ils veulent plus d'informations. Ils ont bien compris de ce qu'il s'agit. Ils sont pro-européens, ils veulent que l'Europe avance, mais pour que l'Europe avance, ils veulent qu'il y ait un certain nombre de changements dans les orientations européennes.
Q - Donc vous avez confiance pour le 29 mai ?
R - Je pense que c'est un mouvement de fond.
Q - C'est abusif de vous présenter comme le chef de file du "Non", aujourd'hui Laurent Fabius ?
R - Oh, le "Non" est très divers, très hétérogène. Mais ce qui fait le poids de mon argumentation, c'est que je suis par toutes mes fibres, pro-européen. Pas un pro-européen théorique. J'ai travaillé depuis très longtemps pour l'Europe. C'est moi qui ai signé les traités d'adhésion du Portugal et de l'Espagne. J'ai préparé l'euro avec beaucoup d'autres. Et au nom de cette expérience et de mon espérance de l'Europe, je dis : il faut une constitution "Oui", mais des modifications par rapport au texte que l'on nous propose.
Q - Vous souhaiteriez, vous voudriez débattre avec Jacques Chirac de cette constitution et de l'Europe ? Vous seriez disponible pour cela ?
R - On ne me l'a pas proposé.
Q - On vous le proposerait, vous seriez disponible ?
R - Si cela permet d'informer, pourquoi pas. Mais on ne me l'a pas proposé.
Q - Il manque une seule voix dans ce débat que l'on n'a pas encore entendu - qui est pour le "Oui" - qui est celle de Lionel Jospin. Il sera le 19 mai à Nantes. Vous redoutez sa prise de parole.
R - Non, c'est très bien que chacun s'exprime, c'est une très bonne chose que chacun s'exprime. Après les Français donneront leur sentiment.
Q - Vous avez eu l'occasion d'en parler avec Lionel Jospin ?
R - Pas récemment, non...
Q - Pas de contact, pas de dialogue...
R - Si, nous avons des contacts bien sûr, mais nous ne nous sommes pas vu récemment. Je connais la position de Lionel.
Q - Ça dit quelque chose de l'état du parti socialiste, ça ne va pas très bien...
R - Non, alors soyons précis sur ce sujet, le parti socialiste a pris une position officielle pour le "Oui". C'est clair. Et en même temps, beaucoup de socialistes ont une conviction différente. Et lorsqu'on les interroge, comme vous le faites, il n'est pas question de cacher cette conviction. J'ai mes convictions, je l'ai dit.
Q - Laurent Fabius, chef de file du "Non", était l'invité d'RTL ce matin.
(Source Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 18 avril 2005)