Déclaration de M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, sur le renforcement du Secrétariat international pour la prévention des catastrophes et sur le développement de systèmes d'alertes régionaux, Kobé le 20 janvier 2005.

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Circonstance : Conférence mondiale sur la prévention des catastrophes naturelles à Kobé (Japon) du 18 au 22 janvier 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Permettez-moi tout d'abord d'exprimer mes plus vifs remerciements à votre pays pour la qualité de son accueil et à vous-même, M. le Président, des félicitations très sincères pour votre élection à la Présidence de cette Conférence.
17 janvier 1995 / 26 décembre 2004. Deux dates tristement entrées dans l'histoire. Dans l'intervalle, sur tous les continents, des centaines de milliers de morts, de blessés, de disparus, d'orphelins, de sans abris, des patrimoines anéantis, des politiques de développement réduites à néant, parce que, soudain, des éléments naturels se sont déchaînés. Ici un tremblement de terre destructeur ou un raz-de-marée meurtrier, là un cyclone ou une éruption volcanique, là encore des inondations dévastatrices ou une invasion de criquets.
Face à ce que certains conçoivent comme des signes incontournables du destin, d'autres s'insurgent et ils ont raison de le faire. Non, il n'y a pas de fatalité à ce que des êtres humains meurent en grand nombre du fait de catastrophes naturelles. On ne peut certes empêcher un cataclysme de se produire, mais on peut limiter son coût humain et son impact économique et environnemental.
Cela suppose des politiques nationales très volontaristes qui comportent d'une part un volet incontournable d'information et de sensibilisation des populations sur les différents types de risques encourus, et de formation sur les comportements à adopter en cas d'événement, et d'autre part un volet législatif et réglementaire très contraignant, notamment en matière de normes de construction et d'occupation des sols. Cela suppose aussi le renforcement des réseaux régionaux de détection scientifique des indices annonciateurs d'une catastrophe et de diffusion immédiate de la menace jusqu'à des relais nationaux.
C'est pourquoi la France souscrit pleinement au dispositif préventif envisagé in fine de la Déclaration adoptée à la Conférence de Jakarta le 6 janvier dernier, qui reprend explicitement l'idée exprimée par M. Michel Barnier, Ministre français des Affaires étrangères en visite à Colombo, quarante-huit heures après la catastrophe, d'établir un système régional d'alerte précoce. La France est prête, comme j'aurai l'occasion de le souligner demain, lors de la session spéciale consacrée au suite du récent tsunami, à faire profiter ce futur système de son savoir-faire et de ses technologies.
Au-delà, des mesures inspirées par une émotion légitime suscitée par l'horreur et l'ampleur de la catastrophe, nous devons dès maintenant repenser notre approche de la prévention et du traitement des catastrophes.
Repenser la prévention, c'est d'abord la mettre au cur de la problématique du développement. Une catastrophe peut ruiner en quelques heures des années d'effort. La prévention doit par conséquent être une des priorités de l'aide publique au développement. La France adaptera progressivement sa politique de coopération à cette nouvelle donne.
Repenser la prévention, c'est aussi développer les systèmes d'alerte régionaux en fonction des risques identifiés. Il est nécessaire à cette fin de renforcer le Secrétariat international pour la Prévention des Catastrophes.
Repenser le traitement des catastrophes, c'est, enfin, conforter le rôle des Nations-Unies dans la mise en uvre et la coordination des moyens dont disposent ses Etats-membres pour répondre à une situation d'urgence.
Je tiens à rendre hommage à la réactivité dont le Bureau de coordination des Nations unies pour les affaires humanitaires (BCAH) a fait preuve dans le traitement de la crise qui est survenue dans l'Océan indien. Son rôle pivot mérite d'être conforté ; des moyens stables doivent lui être alloués ; il doit pouvoir mobiliser rapidement et en nombre suffisant des forces clairement identifiées, que les Etats ou groupes d'Etats maintiendraient à sa disposition, selon des modalités qui restent à définir, et disposer de moyens logistiques permettant à ces forces d'être acheminées dans les meilleurs délais.
Tel est le sens de la proposition du Président de la République française de promouvoir la création d'une " force humanitaire ", destinée à agir au plus près et au plus vite lors d'une catastrophe de grande ampleur.
Il ne s'agit pas de construire une nouvelle organisation internationale dotée de moyens permanents ou de dupliquer l'existant, mais de mettre en réseau, dans le cadre des Nations Unies, des unités nationales mobilisables et projetables sans délai sur les zones de crise.
Il serait créé, auprès ou au sein du BCAH / OCHA, une structure permanente de coordination et d'alerte pouvant aussi bien travailler à la prévention des catastrophes que conduire des opérations.
Les opérations de cette force seraient financées sur le budget de l'organisation, traduisant ainsi un engagement équitable et sur le long terme des Etats.
Le formidable élan de générosité et de sympathie qui s'est manifesté à la suite de la catastrophe sans équivalent de mémoire d'homme, qui a eu lieu le 26 décembre dernier, doit déboucher sur une réelle mobilisation de la communauté internationale. Nous devons nous mobiliser non seulement pour anticiper les caprices de la nature, mais aussi pour éviter de les provoquer par des comportements irresponsables. Nous ne saurions ainsi sous-estimer l'impact des changements climatiques, comme facteur d'accroissement des risques, et devons résolument agir sur les causes de ces changements.
Nous devons dans l'immédiat nous mobiliser autour d'un ensemble de mesures très concrètes, à mettre en uvre selon un calendrier très contraignant, comme l'a souhaité hier le Secrétaire général adjoint des Nations Unies dans son allocution d'ouverture.
Je ne doute pas que les documents auxquels nos travaux aboutiront serviront ces objectifs et contribueront à épargner des millions de vies humaines.
(Source http://ambafrance-jp.org, le 3 mai 2005)