Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, sur l'accueil et l'hébergement d'urgence, notamment dans le cadre du plan pluriannuel de renforcement du dispositif d'accueil et d'urgence de l'Ile de France, Paris le 22 janvier 2000.

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Circonstance : Pose de la première pierre de l'association "La mie de pain" à Paris le 22 janvier 2000

Texte intégral

Monsieur le Préfet de Région,
Madame la Préfète,
Madame le Maire-Adjoint
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je veux tout d'abord vous dire combien je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui pour poser la première pierre d'une nouvelle réalisation. Au-delà de l'acte symbolique pour le projet que vous avez porté, permettez moi d'y voir en quelque sorte le coup d'envoi de l'action déterminée que le Gouvernement a décidée pour rénover l'accueil et l'hébergement d'urgence, en particulier en Ile-de-France où les besoins sont si importants.
Nous le savons, beaucoup de personnes, (et c'est heureux), ne font que passer dans le dispositif d'accueil et d'hébergement. Elles y trouvent le secours matériel d'urgence et l'appui psychologique et social qui leur est nécessaire pour reprendre pied dans la société. Pour ces personnes, les outils du travail social classique, et toute la palette d'actions regroupées sous l'égide des politiques d'insertion sont efficaces.
En revanche de nombreuses personnes, notamment celles qui ont déjà connu une longue errance, restent longtemps, trop longtemps, dans le dispositif. Pour ces personnes, les dispositifs existants s'avèrent trop souvent inadaptés et le processus d'insertion tourne à vide, voire finit par être contreproductif.
Ce constat a conduit à reconsidérer le concept d'insertion s'agissant des personnes les plus en difficulté.
Votre projet de "pension de famille" matérialise une réponse concrète à la pointe de cette réflexion.
Il intègre dans sa conception l'idée juste que pour certaines personnes victimes de l'errance, on ne saurait fixer a priori une limite dans la durée de l'accueil qui est organisé à leur attention.
Mais cette approche respectueuse des vrais besoins des personnes doit se conjuguer avec la volonté de mener à bien un projet d'insertion efficace. C'est pourquoi vous estimez à juste titre que l'accueil dans la pension de famille ne devra jamais être considéré comme définitif. L'accueil sera organisé avec des professionnels et des bénévoles autour de la définition d'un projet individuel pour chaque personne accueillie. Par ailleurs, les liens seront maintenus avec l'ensemble des services sociaux et des associations du quartier dans un esprit d'ouverture sur l'extérieur et de recherche d'une réelle inclusion sociale.
Enfin et surtout, ce projet est conçu dans un véritable souci de mixité sociale puisque cohabiteront des personnes accueillies dans le cadre d'une résidence sociale et dans le cadre d'une pension de famille.
Parce que ce projet vise ainsi à répondre à la diversité des besoins, il est réellement représentatif et exemplaire de la politique que Martine Aubry, Ministre de l'Emploi et de la Solidarité, les Secrétaires d'Etat chargés du Logement, Louis Besson et moi même entendons développer dans le cadre du projet global du gouvernement visant à rendre la France plus solidaire et plus attentive à la détresse des plus démunis.
Comme je l'avais annoncé devant les associations à la fin de l'année passée, un plan pluriannuel pour l'Ile-de-France vient d'être adopté par le Gouvernement.
Ce plan qui couvrira la période 2000-2003 vise d'abord à conforter et renforcer le dispositif d'accueil et d'hébergement :
- en augmentant le nombre des places disponibles l'hiver et surtout l'été, à Paris mais aussi en banlieue ;
en renforçant les autres volets du dispositif d'accueil : Samu-sociaux, équipes de rue, lits infirmiers, lieux d'accueil de jour, pensions de famille ... ;
Essentiellement et fondamentalement, le plan pluriannuel améliorera qualitativement le dispositif grâce à la création d'hôtels sociaux et de résidences sociales.
Le plan prévoit la création en quatre ans de 1500 places d'hôtel social et 10.000 logements en résidence sociale.
Je suis par ailleurs en mesure d'annoncer aujourd'hui que le Gouvernement a décidé d'assouplir les dispositions réglementaires qui faisaient obstacle à la réalisation d'hôtels sociaux.
Le plafond des subventions d'investissement de l'Etat sera porté de 104.000 F à 120.000 F par logement et pourra même aller, à titre exceptionnel, jusqu'à 140.000 F pour certaines opérations plus délicate à finaliser dans un environnement pourtant propice à l'accueil de ces hôtels spécifiquement destinés à ceux qu'on veut maintenir dans une dynamique de progrès.
Le coût total d'une opération qui était limité à 5 MF pourra être porté à 10 MF.
Enfin, l'Etat a décidé de se doter en Ile-de-France des moyens d'ingénierie nécessaires à la recherche des lieux où l'on pourra réaliser des hôtels sociaux et des résidences sociales.
Ces hôtels et ces résidences offriront des solutions d'accueil beaucoup plus dignes et beaucoup mieux adaptées du point de vue de la considération indispensable à la réinsertion des personnes en difficultés.
Ces nouveaux équipements viendront pour partie soulager la tension croissante des besoins qui s'est exercée ces dernières années sur le dispositif d'accueil et dont vous vous êtes fait l'écho à juste titre.
Sur le parc de 10.000 logements en résidence sociale, il est prévu qu'environ un quart accueilleront des personnes " sans-abri " aujourd'hui.
Monsieur le Président, en posant la première pierre de cette nouvelle réalisation à mettre à l'actif de l'association "La Mie de Pain", je tiens à vous remercier particulièrement pour l'action immense accomplie par l'Oeuvre que vous présidez.
Il y a plus d'un siècle, de bonnes volontés chrétiennes créaient cette association pour offrir chaque soir un repas chaud, notamment aux anciens Communards que la police pourchassait encore.
Dès cette époque était adoptée - la règle plus que jamais actuelle - de l'accueil inconditionnel et anonyme qui à elle seule symbolise la philosophie de "La Mie de Pain".
Ces dernières années, les conditions d'accueil de l'asile de nuit tel qu'il avait été construit dans les années 30 ont été très nettement améliorées et de nombreuses actions pour promouvoir l'insertion des personnes ont été initiées.
Certes un chantier immense reste devant nous : celui de la restructuration architecturale d'ensemble qui permettra d'adapter "La Mie de Pain" aux conditions d'accueil requises à notre époque.
Il reste que, telle qu'elle est, l'action de "La Mie de Pain" demeure une pièce essentielle et irremplaçable du dispositif d'accueil parisien.
De même que votre expérience au quotidien, l'analyse que vous en faites, les suggestions et interpellations qu'elle vous inspire sont utiles à l'action que je mène
Je vous remercie profondément de votre action passée et présente, de vos projets, et salue à travers vous l'action de tous les professionnels et des centaines de bénévoles qui apportent leur aide quotidienne au service des personnes sans-abri.
C'est avec vous que nous construisons chaque jour cette France plus sûre d'elle-même parce qu'elle se sentira plus solidaire.


(source http://www.social.gouv.fr, le 6 juin 2000)