Texte intégral
Monsieur le Président, Cher Michel,
Mesdames et Messieurs les député(e)s,
C'est avec un très grand plaisir que je viens aujourd'hui devant vous, à Bruxelles, en tant que Présidente du Conseil Emploi et Politique Sociale, pour évoquer avec vous les travaux de la Présidence française de l'Union européenne dans les domaines qui concernent votre commission.
Je dis "travaux de la Présidence" et non plus "présentation des priorités de la Présidence" car vous connaissez déjà nos priorités, nous atteignons presque la première moitié de la Présidence française, le Conseil informel est derrière nous !
Je tenterai donc de faire brièvement le point sur nos travaux, afin de laisser toute sa place à la discussion.
Je voudrais tout d'abord vous redire combien le gouvernement français est attaché à l'association des députés européens à cette Présidence - députés dont le rôle a encore été renforcé par le traité d'Amsterdam. La Présidence française souhaite avoir une démarche partenariale, la plus en amont possible pour être efficace, et je me réjouis des multiples contacts qui se sont noués entre les membres de votre Commission et la Présidence française. J'ai moi-même eu l'occasion de m'entretenir avec certains d'entre vous.
Je sais que le Parlement s'efforce, tout en maintenant la qualité de ses propositions, d'accélérer l'adoption de ses avis afin de permettre à la Présidence française et à l'Union européenne d'adopter les textes et initiatives qui feront progresser l'Europe sociale. Je remercie donc particulièrement les rapporteurs et les membres de la Commission pour leur travail et leur efficacité.
Je voudrais également redire combien je me réjouis de prendre le relais de la Présidence portugaise qui a réussi, à travers le Conseil européen extraordinaire de Lisbonne en mars dernier, à doter l'Union européenne d'une stratégie économique et sociale globale, qui devrait lui permettre de faire face aux évolutions en cours et à venir d'une manière conforme à ses valeurs et à sa conception de la société. Les conclusions des chefs d'Etat et de Gouvernement soulignent le caractère indissociable de la performance économique et de la cohésion sociale.
Je sais que nous pouvons également compter sur les futures présidences, et d'abord suédoise et belge, pour poursuivre dans cette voie, dans laquelle le Parlement joue un rôle de premier plan.
Si l'Europe sociale et de l'emploi est déjà en marche, grâce aux présidences successives, notamment depuis 1997, beaucoup reste, bien sûr, à faire.
Nous avons trois grandes ambitions pour la Présidence française, dans le domaine social qui, derrière des intitulés emblématiques, recouvrent des initiatives très concrètes et nombreuses. Je vous les rappelle :
I - Promouvoir une Europe plus créatrice d'emplois de qualité, par le biais du processus emploi et en améliorant les droits des travailleurs.
II - Avancer dans la construction d'une Europe plus solidaire, notamment en luttant contre les discriminations et en adoptant des objectifs pour lutter contre l'exclusion
III - Enfin, comme l'a annoncé le Premier ministre, doter l'Union européenne d'un agenda social qui guidera la politique sociale européenne de l'Union européenne dans les 5 années à partir du Conseil européen de Nice.
I - Promouvoir une Europe plus créatrice d'emplois de qualité
Après une longue période de chômage massif, l'objectif du plein emploi, l'objectif d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi, redevient aujourd'hui accessible. Cet objectif a été rappelé lors du sommet de Lisbonne.
La notion de qualité de l'emploi est entrée dans la "boîte à outil" communautaire, et c'est une étape importante. Il nous appartient à présent de la décliner.
Elle doit être prise au sens large. Il s'agit de promouvoir des formes d'emploi et des conditions de travail qui assurent une véritable et durable insertion sociale et une réelle qualité de vie.
A cet égard, je me réjouis de l'ouverture par les partenaires sociaux européens de négociations sur l'intérim, après les accords qu'ils ont conclus sur le temps partiel et sur le contrat à durée déterminée.
Ce premier axe, la promotion d'une Europe plus créatrice d'emplois de qualité, se décline en deux volets :
-la stratégie européenne pour l'emploi
-les droits des travailleurs
1) La stratégie européenne pour l'emploi
Vous savez qu'il revient à la Présidence française, en tant que Présidence de second semestre, de faire adopter ce qu'on appelle dans le jargon communautaire "le paquet emploi" ou "paquet d'automne", que la Commission nous a proposé le 6 septembre dernier, et qui est constitué de trois éléments :
- les lignes directrices pour l'emploi pour 2001,
- le rapport conjoint sur l'emploi qui évalue les plans nationaux d'action pour l'emploi (PNAE),
- les recommandations aux Etats membres sur leurs politiques de l'emploi.
Pour ce paquet, et sur la base des propositions que la Commission européenne a faites, nous privilégions trois axes, afin de poursuivre et d'approfondir la stratégie européenne pour l'emploi :
- Evaluer le processus de Luxembourg et développer les échanges de bonnes pratiques.
- Approfondir le IIIème pilier des lignes directrices consacré à la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises.
- Enrichir les lignes directrices, notamment en assignant de nouveaux objectifs concrets aux Etats membres.
1 - Evaluer le processus de Luxembourg et développer les échanges de bonnes pratiques.
La présidence française se situe à un moment particulier du processus de Luxembourg, celui de l'évaluation à mi-parcours de la stratégie européenne engagée en 1997 pour une durée de 5 ans. C'est donc un moment important d'analyse de la stratégie, de ses facteurs de succès et de ses lacunes, et des moyens de l'améliorer.
Le processus initié à Luxembourg est un acquis important. Il cherche à appliquer le même "stress de convergence" dans la lutte contre le chômage que dans la réalisation de la monnaie unique. Nous sommes passés des coutumiers voeux pieux et déclarations d'intentions en matière d'emploi et d'objectifs sociaux à des réalisations tangibles et concrètes et à des recommandations précises, qui sont un élément du " stress de convergence ", pour reprendre les termes du Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker.
La proposition de rapport conjoint comprend d'ailleurs ce bilan à mi-parcours et reconnaît l'incidence positive du processus dans les Etats membres.
L'un des éléments de la révision à mi-parcours doit porter sur les indicateurs. Il nous faut mieux harmoniser nos définitions, notamment de l'emploi, et rapprocher les données et les indicateurs clés du marché du travail. Les efforts dans la lutte contre le chômage doivent pouvoir être approchés non seulement par le taux d'emploi, mais aussi par le taux d'emploi équivalent temps plein et par le taux d'activité.
Le Conseil Emploi et Politique Sociale du 17 octobre adoptera d'ailleurs une contribution sur les indicateurs qui le concernent en vue du Conseil européen de Nice
Autre élément d'amélioration du processus : les bonnes pratiques des Etats membres en matière de lutte contre le chômage. Elles peuvent davantage être valorisées et l'étude de leur transfert d'un pays à l'autre doit être approfondie.
Ce thème fait donc l'objet de différents colloques de la Présidence française, notamment sur la prévention du chômage de longue durée (qui se tiendra les 6-7 novembre 2000 à Lille) ou sur le développement local, le 30 novembre et 1er décembre à Strasbourg, et je vous remercie d'ailleurs de nous permettre de tenir le colloque dans votre hémicycle.
2 - Deuxième orientation pour ce paquet : renforcer le IIIème pilier des lignes directrices consacré à la capacité d'adaptation des entreprises et de leurs travailleurs face aux changements économiques et technologiques.
Le modèle social européen est confronté à un ensemble de défis : le vieillissement démographique, les bouleversements technologiques, l'évolution vers l'économie de l'information et enfin les nouvelles formes d'organisation du travail. La lutte contre le chômage ne doit pas se faire au prix d'un affaiblissement des piliers du modèle social européen.
Parmi ceux ci les droits des salariés dans l'entreprise constituent pour nous, un acquis à enrichir et à adapter aux souplesses nouvelles générées dans l'organisation du travail par l'adaptation des entreprises aux évolutions de notre économie. Ce thème a été approfondi par plusieurs rapports d'experts (Supiot, Gyllenhamar). La Présidence française souhaite approfondir la réflexion sur ce thème notamment au Conseil Emploi et Politique sociale et au Comité permanent de l'emploi du 17 octobre avec les partenaires sociaux.
Nous voulons en effet avancer dans la lutte contre le chômage en faisant en sorte que les salariés soient non seulement formés pour répondre aux besoins immédiats des entreprises mais aussi bénéficient d'une véritable formation tout au long de la vie. Cette importance de l'investissement dans les ressources humaines, thème central du Conseil européen de Lisbonne, fera l'objet d'un colloque de la Présidence.
3 - Troisième orientation pour ce paquet emploi : enrichir les lignes directrices, notamment en assignant aux Etats membres de nouveaux objectifs concrets.
La Commission dans sa proposition a enrichi le contenu des lignes directrices et il faut s'en féliciter. Elle a identifié de nouvelles priorités, et notamment :
*l'augmentation du taux d'emploi, pour parvenir à un objectif quantifié de 70 % d'ici 2010,
*le renforcement du rôle des partenaires sociaux dans la mise en oeuvre de la stratégie,
*la promotion de l'éducation et de la formation tout au long de la vie,
*le combat contre les discriminations et en faveur de l'intégration sociale dans le cadre du marché du travail et des politiques de l'emploi,
*les difficultés de recrutement,
*la lutte contre le travail illégal.
Pour le traitement du paquet emploi, le rôle du Parlement européen est tout à fait fondamental, et grâce aux efforts faits pour nous remettre un avis le 11 octobre, nous aurons la possibilité d'enrichir encore les lignes directrices en vous fondant sur votre travail.
Mais cette conquête de la qualité des emplois ne s'arrête pas là. Elle se traduira également par un certain nombre de textes en matière de droit du travail.
2) L'implication des travailleurs
La Présidence française attache une importance particulière au thème de l'implication des travailleurs, qui recouvre deux textes sur la table du Conseil : la société européenne et l'information-consultation des travailleurs. J'ai d'ailleurs écrit à mes collègues à ce sujet.
- Premier texte important pour l'implication des travailleurs, la société européenne. Nous poursuivons, par des contacts au plus haut niveau, les efforts entrepris par les présidences précédentes pour définir les modalités d'implication des travailleurs dans le cadre de la "société européenne", dossier que nous espérons, avec l'aide de tous, faire enfin aboutir rapidement.
-Deuxième texte important : la directive information-consultation. Vous le savez, la Présidence française a en effet décidé de mettre à l'ordre du jour du Conseil Emploi et Politique sociale la proposition de directive sur l'information et la consultation des travailleurs au niveau national, qui répond à des situations très concrètes puisque la Commission européenne l'avait proposée en 1998, suite à l'affaire " Renault-Vilvoorde ", après avoir constaté l'échec des négociations entre partenaires sociaux, et dont l'actualité récente nous a encore montré le besoin.
Nous avons ouvert le débat sur cette directive qui n'avait encore jamais été examinée par le Conseil. Nous nous efforcerons de parvenir à un accord sur un texte qui devra être équilibré. Les premiers débats me rendent plutôt optimiste, puisqu'une majorité de délégations appuient cette initiative dans son principe et ses objectifs généraux.
3) Autres textes en droit du travail
Mais nous avons également d'autres textes en cours de négociation, qui, s'ils ne semblent pas avoir la même importance que ceux dont je viens de parler, n'en permettent pas moins de faire progresser concrètement les conditions de travail de nos concitoyens.
Je pense d'abord à l'accord que les partenaires sociaux européens ont conclu sur le temps de travail dans l'aviation civile, qui complètera le dispositif réglementaire européen sur le temps de travail. Je me réjouis que le Parlement ait accepté d'accélérer sa procédure pour adopter un avis sur ce texte.
Je pense ensuite à la directive sur la santé et la sécurité des travailleurs en cas de travaux en hauteur, dite "échafaudage", qui est loin d'être anecdotique compte-tenu de la trop grande fréquence des accidents du travail en dans l'Union européenne.
Je sais que vous partagez cette préoccupation. Plus largement, nous veillerons à ce que les aspects relatifs à la santé et à la sécurité au travail soient largement pris en compte dans le futur agenda social européen.
Enfin, je ne désespère pas que nous puissions avancer sous notre Présidence sur l'observatoire des mutations industrielles. L'actualité est faite de fusions d'entreprises, avec d'importantes conséquences sociales et territoriales. Or, on ne peut préparer, anticiper et accompagner que les évolutions que l'on observe. Nicole Péry a eu l'occasion de faire devant vous une déclaration au nom de la Présidence le 5 septembre dernier et la commissaire Anna Diamantopoulou a tenu des propos convergents. Il s'agit de créer une structure souple, adossée à des institutions existantes, comme la fondation de Dublin.
Je rappelle en outre que les partenaires sociaux européens semblent se mettre d'accord sur cette base.
J'espère que le Parlement européen pourra, le moment venu, se retrouver dans ce schéma.
Voilà l'ordre du jour chargé de notre Présidence dans le domaine du travail et de l'emploi.
II - Avancer dans la construction d'une Europe plus solidaire.
Notre deuxième ambition est de progresser dans la construction d'une Europe plus solidaire.
Je l'ai déjà dit, je suis convaincue qu'une société plus solidaire est une économie plus performante.
Cette ambition d'une Europe plus solidaire recouvre plusieurs thèmes prioritaires que nous traiterons sous notre Présidence :
1 - La lutte contre l'exclusion.
2 - La lutte contre toutes les formes de discriminations.
3 - Le renforcement de la protection sociale.
4 - La promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes.
5 - Le renforcement de la politique européenne de santé publique.
Je n'aborderai pas ici ces deux derniers points, car Nicole Péry, pour le droits des femmes et Dominique Gillot, pour la santé, ont chacune déjà présenté les priorités de la Présidence devant vos collègues des commissions concernées.
1 - La lutte contre l'exclusion
La lutte contre l'exclusion sociale doit être une nouvelle dimension de la construction européenne.
A l'heure où la croissance est durable, la perspective du plein emploi prochaine, il nous faut offrir un avenir à tous. La lutte contre l'exclusion est donc une priorité. Je crois que nous sommes collectivement attendus sur ce point.
Précisément, la mise en oeuvre du traité d'Amsterdam ouvre des perspectives importantes en matière d'exclusion, perspectives encore renforcées par les conclusions du Conseil européen de Lisbonne qui font de la lutte contre les exclusions un élément central du modèle social européen.
Conformément à ces conclusions, la Présidence française s'efforce de faire adopter par le Conseil des objectifs appropriés qui serviront de base à des plans nationaux d'action afin de donner un élan décisif à l'élimination de la pauvreté, dans une perspective comparable à celle de Luxembourg.
Il me semble extrêmement important que tous les acteurs concernés puissent s'exprimer sur ce sujet : parlementaires, partenaires sociaux et associations de lutte contre l'exclusion.
C'est pourquoi le Conseil informel Emploi et Politique sociale de Paris du 8 juillet dernier s'est déroulé en présence de ces différents acteurs.
En vue d'un accord au Conseil Emploi et Politique sociale du 17 octobre, la Présidence souhaite mettre l'accent sur les 4 axes qui ont été discutés à Paris :
*favoriser l'accès de tous aux ressources, aux droits, aux biens et services nécessaires à une participation pleine et entière à la vie économique et sociale,
*prévenir les risques d'exclusion,
*agir pour les plus vulnérables,
*mobiliser l'ensemble des acteurs.
Dans le cadre de cette nouvelle stratégie européenne de lutte contre l'exclusion, le programme proposé par la Commission européenne, en cours de discussion au Conseil et au Parlement, permettra de compléter notre action en mettant l'accent sur la coopération internationale et les ONG.
Enfin, parmi ces objectifs communs de lutte contre l'exclusion, la Présidence française mettre tout particulièrement l'accent sur l'accès aux soins des plus démunis, notamment à l'occasion d'un colloque de la Présidence le 16 décembre à Paris. Le rapport d'initiative parlementaire de Michel Rocard sur l'assurance maladie complémentaire, que vous allez examiner tout à l'heure, constituera une contribution très utile à cette discussion.
2 - La lutte contre toutes les formes de discrimination
Le Traité d'Amsterdam pose le principe de l'égalité de traitement et de l'absence de discrimination en raison du sexe, de la race ou de l'origine ethnique, de la religion ou des convictions, du handicap, de l'âge ou de l'orientation sexuelle.
La Commission a proposé au début de l'année 2000 un ensemble de textes qui mettent en oeuvre cette nouvelle compétence :
- une directive portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail,
- une directive relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique,
- un programme d'action communautaire sur 5 ans.
Il s'agit d'un ensemble cohérent qui devrait permettre de doter l'Union d'un socle garantissant l'application de ces principes fondamentaux pour la démocratie dans l'ensemble des Etats membres.
Ceci revêt d'autant plus d'importance et de signification que l'actualité récente nous montre que la menace de l'extrême droite en Europe demeure, et que peu d'Etats sont épargnés.
Au terme d'une forte mobilisation politique et grâce à la célérité du Parlement, la Présidence portugaise est parvenue à une adoption unanime de la directive relative aux discriminations raciales.
J'espère que l'avis du Parlement européen sur la directive "emploi" et sur le programme nous parviendra à temps en octobre pour que nous puissions en tenir pleinement compte au Conseil du 17 octobre.
Il faut poursuivre sur notre élan, et maintenir le même niveau de mobilisation politique pour faire aboutir rapidement le texte qui concerne les discriminations dans l'emploi.
3 - Faire de la protection sociale un élément de cohésion sociale
Le Conseil européen de Lisbonne a repris les quatre axes retenus par le Conseil en novembre dernier en matière de coopération pour moderniser la protection sociale : rendre le travail plus avantageux et fournir un revenu sûr ; garantir des retraites sûres et des régimes de retraite viables ; promouvoir l'intégration sociale ; garantir un niveau élevé et durable de protection de la santé.
Le Conseil européen a demandé au futur comité de protection sociale de travailler sur les quatre axes que je viens de citer mais avec un accent particulier mis sur la viabilité des régimes de retraites. Un premier rapport doit être présenté au Conseil européen de Nice.
En matière de coordination des régimes de sécurité sociale, la Présidence française poursuivra les travaux sur la simplification et l'extension du règlement 1408/71 sur la coordination des régimes de sécurité sociale, afin de faciliter la libre circulation des citoyens et leur mobilité, élément essentiel du projet européen. Mais vous connaissez la difficulté qu'ont les Présidences à réunir l'unanimité sur ce dossier, par ailleurs extrêmement technique. J'espère que la CIG en cours pourra parvenir à un accord sur le passage à la majorité qualifiée dans ce domaine.
J'en ai terminé avec la longue et pourtant incomplète description de l'ordre du jour des Conseils Emploi et Politique sociale sous Présidence française.
Certains travaux du Conseil Emploi et Politique Sociale, je pense à l'emploi et à l'exclusion sociale, seront transmis aux chefs d'Etat et de Gouvernement pour adoption au Conseil européen de Nice en décembre.
J'en viens à présent à l'exercice dont le Gouvernement a fait une de ses toutes premières priorités : l'agenda social européen.
III - Doter l'Union européenne d'un agenda social européen
Tous les thèmes que j'ai énumérés jusqu'ici -protection sociale, emploi, lutte contre l'exclusion et les discriminations, droit du travail- sont autant de sujets qu'il faut retrouver dans un agenda social européen ambitieux articulé autour des deux axes forts d'une Europe tournée vers le plein emploi et d'une Europe plus solidaire.
Dans le prolongement des décisions prises au Conseil extraordinaire de Lisbonne, la Présidence française s'emploie à l'élaboration d'un agenda social européen qui devrait être adopté en décembre 2000 au Conseil de Nice.
A cette fin, elle a engagé, sur la base de la communication que la Commission européenne a adopté en juin dernier, une concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, Parlement européen, partenaires sociaux et représentants de la société civile, afin de définir, dans le respect de l'autonomie et des responsabilités de chacun, mais de façon coordonnée et cohérente, les objectifs communs, la méthode et le calendrier de la politique sociale européenne des années à venir.
Je ne vais pas m'étendre sur ce sujet, qui fait l'objet d'un colloque que le Parlement organise à la fin de la semaine, et auquel je participerai.
Pour résumer, je considère qu'une Présidence est aussi l'occasion d'expliquer à nos concitoyens ce que peut leur apporter l'Europe et comment fonctionne l'Europe.
L'agenda social répond à cette préoccupation pédagogique d'abord en donnant plus de visibilité à l'Europe sociale dont on critique trop facilement la faiblesse en grande partie par méconnaissance de ses réalisations concrètes et ensuite en faisant progresser l'Europe sociale, élément décisif pour que nos concitoyens adhèrent au projet européen.
Or, en matière sociale particulièrement, le bilan et les acquis sont méconnus. J'entends par exemple trop souvent dire que l'Europe sociale n'avance pas, voire qu'elle n'existe pas !
Dans cette perspective, nous devons absolument mobiliser les énergies de tous, construire une vision partagée des actions à mener ensemble dans les 5 ans à venir. La Présidence française privilégiera donc une approche partenariale pour l'élaboration et l'adoption de l'agenda social.
J'ai sollicité d'ailleurs l'avis de l'ensemble des acteurs concernés : les institutions (le Parlement européen bien sûr, (mais aussi le Conseil économique et social et le comité des régions), divers comités rattachés au Conseil (GHNPS, Comité de l'emploi, comité de l'éducation, comité de politique économique), les partenaires sociaux, et les ONG.
Je sais que le Parlement européen et votre commission en particulier, par l'intermédiaire de la rapporteure sur ce sujet, Anne Van Lancker, s'est beaucoup investi sur ce sujet et je m'en réjouis. Je compte beaucoup sur votre avis du Parlement européen pour enrichir encore le contenu de l'agenda social et permettre ainsi à la Présidence française d'aboutir à un document ambitieux au Conseil européen de Nice.
En terme de contenu, une première discussion a eu lieu le 8 juillet à l'occasion du Conseil informel Emploi et Politique Sociale. J'en tire les conclusions suivantes :
- Le Conseil considère le contenu de la communication de la Commission européenne comme une très bonne base de travail, et approuve notamment le principe d'un champ large, qui couvre l'ensemble de la politique sociale.
- À la pluralité des acteurs correspond également une pluralité des méthodes pour agir ensemble : harmonisation, normes minimales, coordination, convergence, méthode de coopération ouverte. Cette dernière, inspirée du processus de Luxembourg a été consacrée par le Conseil européen de Lisbonne. Mais celle-ci n'exclut pas l'utilisation d'autres instruments communautaires, le cas échéant plus contraignants. En tout état de cause, ces différentes méthodes se combineront selon les thèmes, comme le propose la Commission européenne dans sa communication.
J'ai confié une mission de coordination de la préparation des travaux sur l'agenda social à Raoul Briet, par ailleurs président du groupe à haut niveau sur la protection sociale. Il a déjà entamé des démarches auprès de l'ensemble des acteurs pour recueillir leur avis, sur la base de la communication de la Commission, sur le contenu qu'ils souhaitent voir figurer dans le futur agenda social.
Un synthèse de ces échanges sera présentée au Conseil Emploi et Politique sociale du 17 octobre. Un document écrit sera ensuite discuté au Conseil EPS du 28 novembre pour transmission et adoption par le Conseil européen.
Mesdames et Messieurs,
Je n'ai pas parlé de sujets "sociaux" traités dans d'autres formations du Conseil, qui revêtent également une grande importance. Je pense bien sûr au volet économique et social de la charte européenne des droits fondamentaux et à l'intégration des ressortissants des pays tiers traités au Conseil Justice Affaires Intérieures, ou à l'économie sociale traitée dans le cadre du Conseil Marché Intérieur, Protection des consommateurs.
Je sais que certains sujets, qui vous tiennent à coeur, n'ont pu être mis à l'ordre du jour de la Présidence française, pour des raisons de calendrier. Ce n'est que partie remise. Et ces thèmes devraient figurer dans l'agenda social, afin qu'ils soient en tout état de cause traités dans les 5 ans à venir.
Ceci est un programme ambitieux, surtout pour une Présidence de second semestre j'en conviens, même si les première semaines m'incitent à l'optimisme.
J'espère que ces priorités dans le domaine social contribueront au succès global de la Présidence française.
Mais la réussite d'un tel programme nécessite la mobilisation de tous. Je sais pouvoir compter sur la vôtre, non pas pour que vous fassiez de la Présidence française un succès, mais pour que l'Europe soit davantage porteuse de solidarité et de progrès social pour les citoyens européens.
Je vous remercie de votre attention et je serai très heureuse d'écouter vos réactions et de répondre à vos questions.
(source http://www.presidence-europe.fr, le 22 septembre 2000)
Mesdames et Messieurs les député(e)s,
C'est avec un très grand plaisir que je viens aujourd'hui devant vous, à Bruxelles, en tant que Présidente du Conseil Emploi et Politique Sociale, pour évoquer avec vous les travaux de la Présidence française de l'Union européenne dans les domaines qui concernent votre commission.
Je dis "travaux de la Présidence" et non plus "présentation des priorités de la Présidence" car vous connaissez déjà nos priorités, nous atteignons presque la première moitié de la Présidence française, le Conseil informel est derrière nous !
Je tenterai donc de faire brièvement le point sur nos travaux, afin de laisser toute sa place à la discussion.
Je voudrais tout d'abord vous redire combien le gouvernement français est attaché à l'association des députés européens à cette Présidence - députés dont le rôle a encore été renforcé par le traité d'Amsterdam. La Présidence française souhaite avoir une démarche partenariale, la plus en amont possible pour être efficace, et je me réjouis des multiples contacts qui se sont noués entre les membres de votre Commission et la Présidence française. J'ai moi-même eu l'occasion de m'entretenir avec certains d'entre vous.
Je sais que le Parlement s'efforce, tout en maintenant la qualité de ses propositions, d'accélérer l'adoption de ses avis afin de permettre à la Présidence française et à l'Union européenne d'adopter les textes et initiatives qui feront progresser l'Europe sociale. Je remercie donc particulièrement les rapporteurs et les membres de la Commission pour leur travail et leur efficacité.
Je voudrais également redire combien je me réjouis de prendre le relais de la Présidence portugaise qui a réussi, à travers le Conseil européen extraordinaire de Lisbonne en mars dernier, à doter l'Union européenne d'une stratégie économique et sociale globale, qui devrait lui permettre de faire face aux évolutions en cours et à venir d'une manière conforme à ses valeurs et à sa conception de la société. Les conclusions des chefs d'Etat et de Gouvernement soulignent le caractère indissociable de la performance économique et de la cohésion sociale.
Je sais que nous pouvons également compter sur les futures présidences, et d'abord suédoise et belge, pour poursuivre dans cette voie, dans laquelle le Parlement joue un rôle de premier plan.
Si l'Europe sociale et de l'emploi est déjà en marche, grâce aux présidences successives, notamment depuis 1997, beaucoup reste, bien sûr, à faire.
Nous avons trois grandes ambitions pour la Présidence française, dans le domaine social qui, derrière des intitulés emblématiques, recouvrent des initiatives très concrètes et nombreuses. Je vous les rappelle :
I - Promouvoir une Europe plus créatrice d'emplois de qualité, par le biais du processus emploi et en améliorant les droits des travailleurs.
II - Avancer dans la construction d'une Europe plus solidaire, notamment en luttant contre les discriminations et en adoptant des objectifs pour lutter contre l'exclusion
III - Enfin, comme l'a annoncé le Premier ministre, doter l'Union européenne d'un agenda social qui guidera la politique sociale européenne de l'Union européenne dans les 5 années à partir du Conseil européen de Nice.
I - Promouvoir une Europe plus créatrice d'emplois de qualité
Après une longue période de chômage massif, l'objectif du plein emploi, l'objectif d'une amélioration quantitative et qualitative de l'emploi, redevient aujourd'hui accessible. Cet objectif a été rappelé lors du sommet de Lisbonne.
La notion de qualité de l'emploi est entrée dans la "boîte à outil" communautaire, et c'est une étape importante. Il nous appartient à présent de la décliner.
Elle doit être prise au sens large. Il s'agit de promouvoir des formes d'emploi et des conditions de travail qui assurent une véritable et durable insertion sociale et une réelle qualité de vie.
A cet égard, je me réjouis de l'ouverture par les partenaires sociaux européens de négociations sur l'intérim, après les accords qu'ils ont conclus sur le temps partiel et sur le contrat à durée déterminée.
Ce premier axe, la promotion d'une Europe plus créatrice d'emplois de qualité, se décline en deux volets :
-la stratégie européenne pour l'emploi
-les droits des travailleurs
1) La stratégie européenne pour l'emploi
Vous savez qu'il revient à la Présidence française, en tant que Présidence de second semestre, de faire adopter ce qu'on appelle dans le jargon communautaire "le paquet emploi" ou "paquet d'automne", que la Commission nous a proposé le 6 septembre dernier, et qui est constitué de trois éléments :
- les lignes directrices pour l'emploi pour 2001,
- le rapport conjoint sur l'emploi qui évalue les plans nationaux d'action pour l'emploi (PNAE),
- les recommandations aux Etats membres sur leurs politiques de l'emploi.
Pour ce paquet, et sur la base des propositions que la Commission européenne a faites, nous privilégions trois axes, afin de poursuivre et d'approfondir la stratégie européenne pour l'emploi :
- Evaluer le processus de Luxembourg et développer les échanges de bonnes pratiques.
- Approfondir le IIIème pilier des lignes directrices consacré à la capacité d'adaptation des travailleurs et des entreprises.
- Enrichir les lignes directrices, notamment en assignant de nouveaux objectifs concrets aux Etats membres.
1 - Evaluer le processus de Luxembourg et développer les échanges de bonnes pratiques.
La présidence française se situe à un moment particulier du processus de Luxembourg, celui de l'évaluation à mi-parcours de la stratégie européenne engagée en 1997 pour une durée de 5 ans. C'est donc un moment important d'analyse de la stratégie, de ses facteurs de succès et de ses lacunes, et des moyens de l'améliorer.
Le processus initié à Luxembourg est un acquis important. Il cherche à appliquer le même "stress de convergence" dans la lutte contre le chômage que dans la réalisation de la monnaie unique. Nous sommes passés des coutumiers voeux pieux et déclarations d'intentions en matière d'emploi et d'objectifs sociaux à des réalisations tangibles et concrètes et à des recommandations précises, qui sont un élément du " stress de convergence ", pour reprendre les termes du Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker.
La proposition de rapport conjoint comprend d'ailleurs ce bilan à mi-parcours et reconnaît l'incidence positive du processus dans les Etats membres.
L'un des éléments de la révision à mi-parcours doit porter sur les indicateurs. Il nous faut mieux harmoniser nos définitions, notamment de l'emploi, et rapprocher les données et les indicateurs clés du marché du travail. Les efforts dans la lutte contre le chômage doivent pouvoir être approchés non seulement par le taux d'emploi, mais aussi par le taux d'emploi équivalent temps plein et par le taux d'activité.
Le Conseil Emploi et Politique Sociale du 17 octobre adoptera d'ailleurs une contribution sur les indicateurs qui le concernent en vue du Conseil européen de Nice
Autre élément d'amélioration du processus : les bonnes pratiques des Etats membres en matière de lutte contre le chômage. Elles peuvent davantage être valorisées et l'étude de leur transfert d'un pays à l'autre doit être approfondie.
Ce thème fait donc l'objet de différents colloques de la Présidence française, notamment sur la prévention du chômage de longue durée (qui se tiendra les 6-7 novembre 2000 à Lille) ou sur le développement local, le 30 novembre et 1er décembre à Strasbourg, et je vous remercie d'ailleurs de nous permettre de tenir le colloque dans votre hémicycle.
2 - Deuxième orientation pour ce paquet : renforcer le IIIème pilier des lignes directrices consacré à la capacité d'adaptation des entreprises et de leurs travailleurs face aux changements économiques et technologiques.
Le modèle social européen est confronté à un ensemble de défis : le vieillissement démographique, les bouleversements technologiques, l'évolution vers l'économie de l'information et enfin les nouvelles formes d'organisation du travail. La lutte contre le chômage ne doit pas se faire au prix d'un affaiblissement des piliers du modèle social européen.
Parmi ceux ci les droits des salariés dans l'entreprise constituent pour nous, un acquis à enrichir et à adapter aux souplesses nouvelles générées dans l'organisation du travail par l'adaptation des entreprises aux évolutions de notre économie. Ce thème a été approfondi par plusieurs rapports d'experts (Supiot, Gyllenhamar). La Présidence française souhaite approfondir la réflexion sur ce thème notamment au Conseil Emploi et Politique sociale et au Comité permanent de l'emploi du 17 octobre avec les partenaires sociaux.
Nous voulons en effet avancer dans la lutte contre le chômage en faisant en sorte que les salariés soient non seulement formés pour répondre aux besoins immédiats des entreprises mais aussi bénéficient d'une véritable formation tout au long de la vie. Cette importance de l'investissement dans les ressources humaines, thème central du Conseil européen de Lisbonne, fera l'objet d'un colloque de la Présidence.
3 - Troisième orientation pour ce paquet emploi : enrichir les lignes directrices, notamment en assignant aux Etats membres de nouveaux objectifs concrets.
La Commission dans sa proposition a enrichi le contenu des lignes directrices et il faut s'en féliciter. Elle a identifié de nouvelles priorités, et notamment :
*l'augmentation du taux d'emploi, pour parvenir à un objectif quantifié de 70 % d'ici 2010,
*le renforcement du rôle des partenaires sociaux dans la mise en oeuvre de la stratégie,
*la promotion de l'éducation et de la formation tout au long de la vie,
*le combat contre les discriminations et en faveur de l'intégration sociale dans le cadre du marché du travail et des politiques de l'emploi,
*les difficultés de recrutement,
*la lutte contre le travail illégal.
Pour le traitement du paquet emploi, le rôle du Parlement européen est tout à fait fondamental, et grâce aux efforts faits pour nous remettre un avis le 11 octobre, nous aurons la possibilité d'enrichir encore les lignes directrices en vous fondant sur votre travail.
Mais cette conquête de la qualité des emplois ne s'arrête pas là. Elle se traduira également par un certain nombre de textes en matière de droit du travail.
2) L'implication des travailleurs
La Présidence française attache une importance particulière au thème de l'implication des travailleurs, qui recouvre deux textes sur la table du Conseil : la société européenne et l'information-consultation des travailleurs. J'ai d'ailleurs écrit à mes collègues à ce sujet.
- Premier texte important pour l'implication des travailleurs, la société européenne. Nous poursuivons, par des contacts au plus haut niveau, les efforts entrepris par les présidences précédentes pour définir les modalités d'implication des travailleurs dans le cadre de la "société européenne", dossier que nous espérons, avec l'aide de tous, faire enfin aboutir rapidement.
-Deuxième texte important : la directive information-consultation. Vous le savez, la Présidence française a en effet décidé de mettre à l'ordre du jour du Conseil Emploi et Politique sociale la proposition de directive sur l'information et la consultation des travailleurs au niveau national, qui répond à des situations très concrètes puisque la Commission européenne l'avait proposée en 1998, suite à l'affaire " Renault-Vilvoorde ", après avoir constaté l'échec des négociations entre partenaires sociaux, et dont l'actualité récente nous a encore montré le besoin.
Nous avons ouvert le débat sur cette directive qui n'avait encore jamais été examinée par le Conseil. Nous nous efforcerons de parvenir à un accord sur un texte qui devra être équilibré. Les premiers débats me rendent plutôt optimiste, puisqu'une majorité de délégations appuient cette initiative dans son principe et ses objectifs généraux.
3) Autres textes en droit du travail
Mais nous avons également d'autres textes en cours de négociation, qui, s'ils ne semblent pas avoir la même importance que ceux dont je viens de parler, n'en permettent pas moins de faire progresser concrètement les conditions de travail de nos concitoyens.
Je pense d'abord à l'accord que les partenaires sociaux européens ont conclu sur le temps de travail dans l'aviation civile, qui complètera le dispositif réglementaire européen sur le temps de travail. Je me réjouis que le Parlement ait accepté d'accélérer sa procédure pour adopter un avis sur ce texte.
Je pense ensuite à la directive sur la santé et la sécurité des travailleurs en cas de travaux en hauteur, dite "échafaudage", qui est loin d'être anecdotique compte-tenu de la trop grande fréquence des accidents du travail en dans l'Union européenne.
Je sais que vous partagez cette préoccupation. Plus largement, nous veillerons à ce que les aspects relatifs à la santé et à la sécurité au travail soient largement pris en compte dans le futur agenda social européen.
Enfin, je ne désespère pas que nous puissions avancer sous notre Présidence sur l'observatoire des mutations industrielles. L'actualité est faite de fusions d'entreprises, avec d'importantes conséquences sociales et territoriales. Or, on ne peut préparer, anticiper et accompagner que les évolutions que l'on observe. Nicole Péry a eu l'occasion de faire devant vous une déclaration au nom de la Présidence le 5 septembre dernier et la commissaire Anna Diamantopoulou a tenu des propos convergents. Il s'agit de créer une structure souple, adossée à des institutions existantes, comme la fondation de Dublin.
Je rappelle en outre que les partenaires sociaux européens semblent se mettre d'accord sur cette base.
J'espère que le Parlement européen pourra, le moment venu, se retrouver dans ce schéma.
Voilà l'ordre du jour chargé de notre Présidence dans le domaine du travail et de l'emploi.
II - Avancer dans la construction d'une Europe plus solidaire.
Notre deuxième ambition est de progresser dans la construction d'une Europe plus solidaire.
Je l'ai déjà dit, je suis convaincue qu'une société plus solidaire est une économie plus performante.
Cette ambition d'une Europe plus solidaire recouvre plusieurs thèmes prioritaires que nous traiterons sous notre Présidence :
1 - La lutte contre l'exclusion.
2 - La lutte contre toutes les formes de discriminations.
3 - Le renforcement de la protection sociale.
4 - La promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes.
5 - Le renforcement de la politique européenne de santé publique.
Je n'aborderai pas ici ces deux derniers points, car Nicole Péry, pour le droits des femmes et Dominique Gillot, pour la santé, ont chacune déjà présenté les priorités de la Présidence devant vos collègues des commissions concernées.
1 - La lutte contre l'exclusion
La lutte contre l'exclusion sociale doit être une nouvelle dimension de la construction européenne.
A l'heure où la croissance est durable, la perspective du plein emploi prochaine, il nous faut offrir un avenir à tous. La lutte contre l'exclusion est donc une priorité. Je crois que nous sommes collectivement attendus sur ce point.
Précisément, la mise en oeuvre du traité d'Amsterdam ouvre des perspectives importantes en matière d'exclusion, perspectives encore renforcées par les conclusions du Conseil européen de Lisbonne qui font de la lutte contre les exclusions un élément central du modèle social européen.
Conformément à ces conclusions, la Présidence française s'efforce de faire adopter par le Conseil des objectifs appropriés qui serviront de base à des plans nationaux d'action afin de donner un élan décisif à l'élimination de la pauvreté, dans une perspective comparable à celle de Luxembourg.
Il me semble extrêmement important que tous les acteurs concernés puissent s'exprimer sur ce sujet : parlementaires, partenaires sociaux et associations de lutte contre l'exclusion.
C'est pourquoi le Conseil informel Emploi et Politique sociale de Paris du 8 juillet dernier s'est déroulé en présence de ces différents acteurs.
En vue d'un accord au Conseil Emploi et Politique sociale du 17 octobre, la Présidence souhaite mettre l'accent sur les 4 axes qui ont été discutés à Paris :
*favoriser l'accès de tous aux ressources, aux droits, aux biens et services nécessaires à une participation pleine et entière à la vie économique et sociale,
*prévenir les risques d'exclusion,
*agir pour les plus vulnérables,
*mobiliser l'ensemble des acteurs.
Dans le cadre de cette nouvelle stratégie européenne de lutte contre l'exclusion, le programme proposé par la Commission européenne, en cours de discussion au Conseil et au Parlement, permettra de compléter notre action en mettant l'accent sur la coopération internationale et les ONG.
Enfin, parmi ces objectifs communs de lutte contre l'exclusion, la Présidence française mettre tout particulièrement l'accent sur l'accès aux soins des plus démunis, notamment à l'occasion d'un colloque de la Présidence le 16 décembre à Paris. Le rapport d'initiative parlementaire de Michel Rocard sur l'assurance maladie complémentaire, que vous allez examiner tout à l'heure, constituera une contribution très utile à cette discussion.
2 - La lutte contre toutes les formes de discrimination
Le Traité d'Amsterdam pose le principe de l'égalité de traitement et de l'absence de discrimination en raison du sexe, de la race ou de l'origine ethnique, de la religion ou des convictions, du handicap, de l'âge ou de l'orientation sexuelle.
La Commission a proposé au début de l'année 2000 un ensemble de textes qui mettent en oeuvre cette nouvelle compétence :
- une directive portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail,
- une directive relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique,
- un programme d'action communautaire sur 5 ans.
Il s'agit d'un ensemble cohérent qui devrait permettre de doter l'Union d'un socle garantissant l'application de ces principes fondamentaux pour la démocratie dans l'ensemble des Etats membres.
Ceci revêt d'autant plus d'importance et de signification que l'actualité récente nous montre que la menace de l'extrême droite en Europe demeure, et que peu d'Etats sont épargnés.
Au terme d'une forte mobilisation politique et grâce à la célérité du Parlement, la Présidence portugaise est parvenue à une adoption unanime de la directive relative aux discriminations raciales.
J'espère que l'avis du Parlement européen sur la directive "emploi" et sur le programme nous parviendra à temps en octobre pour que nous puissions en tenir pleinement compte au Conseil du 17 octobre.
Il faut poursuivre sur notre élan, et maintenir le même niveau de mobilisation politique pour faire aboutir rapidement le texte qui concerne les discriminations dans l'emploi.
3 - Faire de la protection sociale un élément de cohésion sociale
Le Conseil européen de Lisbonne a repris les quatre axes retenus par le Conseil en novembre dernier en matière de coopération pour moderniser la protection sociale : rendre le travail plus avantageux et fournir un revenu sûr ; garantir des retraites sûres et des régimes de retraite viables ; promouvoir l'intégration sociale ; garantir un niveau élevé et durable de protection de la santé.
Le Conseil européen a demandé au futur comité de protection sociale de travailler sur les quatre axes que je viens de citer mais avec un accent particulier mis sur la viabilité des régimes de retraites. Un premier rapport doit être présenté au Conseil européen de Nice.
En matière de coordination des régimes de sécurité sociale, la Présidence française poursuivra les travaux sur la simplification et l'extension du règlement 1408/71 sur la coordination des régimes de sécurité sociale, afin de faciliter la libre circulation des citoyens et leur mobilité, élément essentiel du projet européen. Mais vous connaissez la difficulté qu'ont les Présidences à réunir l'unanimité sur ce dossier, par ailleurs extrêmement technique. J'espère que la CIG en cours pourra parvenir à un accord sur le passage à la majorité qualifiée dans ce domaine.
J'en ai terminé avec la longue et pourtant incomplète description de l'ordre du jour des Conseils Emploi et Politique sociale sous Présidence française.
Certains travaux du Conseil Emploi et Politique Sociale, je pense à l'emploi et à l'exclusion sociale, seront transmis aux chefs d'Etat et de Gouvernement pour adoption au Conseil européen de Nice en décembre.
J'en viens à présent à l'exercice dont le Gouvernement a fait une de ses toutes premières priorités : l'agenda social européen.
III - Doter l'Union européenne d'un agenda social européen
Tous les thèmes que j'ai énumérés jusqu'ici -protection sociale, emploi, lutte contre l'exclusion et les discriminations, droit du travail- sont autant de sujets qu'il faut retrouver dans un agenda social européen ambitieux articulé autour des deux axes forts d'une Europe tournée vers le plein emploi et d'une Europe plus solidaire.
Dans le prolongement des décisions prises au Conseil extraordinaire de Lisbonne, la Présidence française s'emploie à l'élaboration d'un agenda social européen qui devrait être adopté en décembre 2000 au Conseil de Nice.
A cette fin, elle a engagé, sur la base de la communication que la Commission européenne a adopté en juin dernier, une concertation avec l'ensemble des acteurs concernés, Parlement européen, partenaires sociaux et représentants de la société civile, afin de définir, dans le respect de l'autonomie et des responsabilités de chacun, mais de façon coordonnée et cohérente, les objectifs communs, la méthode et le calendrier de la politique sociale européenne des années à venir.
Je ne vais pas m'étendre sur ce sujet, qui fait l'objet d'un colloque que le Parlement organise à la fin de la semaine, et auquel je participerai.
Pour résumer, je considère qu'une Présidence est aussi l'occasion d'expliquer à nos concitoyens ce que peut leur apporter l'Europe et comment fonctionne l'Europe.
L'agenda social répond à cette préoccupation pédagogique d'abord en donnant plus de visibilité à l'Europe sociale dont on critique trop facilement la faiblesse en grande partie par méconnaissance de ses réalisations concrètes et ensuite en faisant progresser l'Europe sociale, élément décisif pour que nos concitoyens adhèrent au projet européen.
Or, en matière sociale particulièrement, le bilan et les acquis sont méconnus. J'entends par exemple trop souvent dire que l'Europe sociale n'avance pas, voire qu'elle n'existe pas !
Dans cette perspective, nous devons absolument mobiliser les énergies de tous, construire une vision partagée des actions à mener ensemble dans les 5 ans à venir. La Présidence française privilégiera donc une approche partenariale pour l'élaboration et l'adoption de l'agenda social.
J'ai sollicité d'ailleurs l'avis de l'ensemble des acteurs concernés : les institutions (le Parlement européen bien sûr, (mais aussi le Conseil économique et social et le comité des régions), divers comités rattachés au Conseil (GHNPS, Comité de l'emploi, comité de l'éducation, comité de politique économique), les partenaires sociaux, et les ONG.
Je sais que le Parlement européen et votre commission en particulier, par l'intermédiaire de la rapporteure sur ce sujet, Anne Van Lancker, s'est beaucoup investi sur ce sujet et je m'en réjouis. Je compte beaucoup sur votre avis du Parlement européen pour enrichir encore le contenu de l'agenda social et permettre ainsi à la Présidence française d'aboutir à un document ambitieux au Conseil européen de Nice.
En terme de contenu, une première discussion a eu lieu le 8 juillet à l'occasion du Conseil informel Emploi et Politique Sociale. J'en tire les conclusions suivantes :
- Le Conseil considère le contenu de la communication de la Commission européenne comme une très bonne base de travail, et approuve notamment le principe d'un champ large, qui couvre l'ensemble de la politique sociale.
- À la pluralité des acteurs correspond également une pluralité des méthodes pour agir ensemble : harmonisation, normes minimales, coordination, convergence, méthode de coopération ouverte. Cette dernière, inspirée du processus de Luxembourg a été consacrée par le Conseil européen de Lisbonne. Mais celle-ci n'exclut pas l'utilisation d'autres instruments communautaires, le cas échéant plus contraignants. En tout état de cause, ces différentes méthodes se combineront selon les thèmes, comme le propose la Commission européenne dans sa communication.
J'ai confié une mission de coordination de la préparation des travaux sur l'agenda social à Raoul Briet, par ailleurs président du groupe à haut niveau sur la protection sociale. Il a déjà entamé des démarches auprès de l'ensemble des acteurs pour recueillir leur avis, sur la base de la communication de la Commission, sur le contenu qu'ils souhaitent voir figurer dans le futur agenda social.
Un synthèse de ces échanges sera présentée au Conseil Emploi et Politique sociale du 17 octobre. Un document écrit sera ensuite discuté au Conseil EPS du 28 novembre pour transmission et adoption par le Conseil européen.
Mesdames et Messieurs,
Je n'ai pas parlé de sujets "sociaux" traités dans d'autres formations du Conseil, qui revêtent également une grande importance. Je pense bien sûr au volet économique et social de la charte européenne des droits fondamentaux et à l'intégration des ressortissants des pays tiers traités au Conseil Justice Affaires Intérieures, ou à l'économie sociale traitée dans le cadre du Conseil Marché Intérieur, Protection des consommateurs.
Je sais que certains sujets, qui vous tiennent à coeur, n'ont pu être mis à l'ordre du jour de la Présidence française, pour des raisons de calendrier. Ce n'est que partie remise. Et ces thèmes devraient figurer dans l'agenda social, afin qu'ils soient en tout état de cause traités dans les 5 ans à venir.
Ceci est un programme ambitieux, surtout pour une Présidence de second semestre j'en conviens, même si les première semaines m'incitent à l'optimisme.
J'espère que ces priorités dans le domaine social contribueront au succès global de la Présidence française.
Mais la réussite d'un tel programme nécessite la mobilisation de tous. Je sais pouvoir compter sur la vôtre, non pas pour que vous fassiez de la Présidence française un succès, mais pour que l'Europe soit davantage porteuse de solidarité et de progrès social pour les citoyens européens.
Je vous remercie de votre attention et je serai très heureuse d'écouter vos réactions et de répondre à vos questions.
(source http://www.presidence-europe.fr, le 22 septembre 2000)