Déclaration de M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité, sur les points essentiels de la politique de l'élevage en France, Paris le 10 février 2005.

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Circonstance : Assemblée générale de la FNB à Paris le 10 février 2005

Texte intégral

Monsieur le Président, cher Pierre Chevalier,
Mesdames, Messieurs
Je vous remercie pour votre invitation à m'exprimer devant vous. Cette assemblée générale rassemblant des éleveurs venus de toutes les régions de France est l'occasion de dire ma fierté de conduire l'action du Ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et de la Ruralité.
La période que nous vivons actuellement m'apparaît être pour l'élevage bovin une période paradoxale.
·* D'un côté, nous devons d'abord nous féliciter du rétablissement des fondamentaux du marché de la viande bovine. Grâce à la volonté conjuguée des éleveurs, de l'interprofession, de l'État et de l'Europe, nous avons pu retrouver les niveaux de prix de 1999, avant la crise de l'ESB.
·* De l'autre, j'ai entendu les inquiétudes de nos éleveurs quant à la réforme de la Politique Agricole Commune (la PAC) et aux négociations internationales.
Dans ce contexte, j'évoquerai dans un premier temps, cet environnement nouveau qui peut susciter des interrogations, avant d'envisager les perspectives qui s'offrent à votre filière.
I - Un environnement nouveau mais en cours de stabilisation
Trois points essentiels pour dessiner cet environnement :
·- le rendez-vous de l'Organisation Mondiale du Commerce et le Mercosur
·- la réforme de la Politique Agricole Commune
·- l'équarrissage
A L'Organisation Mondiale du Commerce : un rendez-vous essentiel
L'environnement économique et international dans lequel s'inscrit notre action se précise. Je sais que vous en avez longuement parlé hier lors de vos travaux.
L'accord obtenu le 2 août dernier a relancé les discussions du cycle de DOHA sur des bases satisfaisantes. Les négociations à l'OMC entreront dans une phase très active en 2005, avec la perspective de conclure le cycle en 2006. Sur le volet agricole, il est essentiel pour l'Europe de bien négocier d'une part la formule de réduction tarifaire et, d'autre part, le traitement particulier réservé aux produits sensibles.
Je souhaite que nous puisions au cours de cette année travailler ensemble pour promouvoir des règles d'échanges équitables. Votre appui, ainsi que celle des autres organisations européennes de producteurs, sera indispensable.
J'ajoute que nous serons également attentifs à ce que tout accord obtenu dans le cadre des négociations avec le Mercosur soit équilibré. Il est préférable de ne pas avoir d'accord, que d'être les seuls à payer ; et nous n'avons pas à concéder quoi que ce soit sans juste contrepartie. Encourager les échanges internationaux oui, brader notre agriculture non !
B Une Politique Agricole Réformée qui assure une plus grande visibilité pour l'avenir, mais qui nécessite des adaptations
La réforme de la Politique Agricole Commune est profonde. Elle est la " contrepartie " d'un engagement sur le financement de la PAC jusqu'en 2013. Mais pour légitime qu'elle soit, je n'en considère pas moins qu'elle doit être mise en uvre de manière progressive, avec pédagogie et discernement. Car, je le reconnais, cette réforme est complexe.
·* La conditionnalité
Concernant la conditionnalité, je ne suis pas sans savoir que la question de l'identification bovine est sans doute l'une des plus sensibles.
J'ai obtenu, le 22 décembre dernier, du Conseil des ministres européens et de la Commission une déclaration conjointe recommandant une application efficace et équilibrée de la réforme. J'ai alors demandé que les " anomalies mineures " ne soient pas sanctionnées financièrement en 2005. Je préfère y substituer un mécanisme d'alerte et d'accompagnement. En outre, l'absence d'une boucle ou son caractère illisible sur un seul animal ne seront pas relevés comme anomalie.
Mais ces mesures ne m'apparaissent pas suffisantes, et j'ai demandé la création immédiate d'un groupe de travail spécifique " identification bovine ", auquel la FNB sera associée. Ce groupe devra transmettre, dans les prochaines semaines, des propositions d'aménagement qui pourraient être formulées auprès de la Commission européenne en cours d'année 2005 à l'occasion de l'évaluation qu'elle conduira cette année.
Par ailleurs, en ce qui concerne la chute des boucles d'identification de vos animaux, je souhaite que nous répondions positivement à la demande précisée depuis plusieurs années. Ainsi des essais vont-ils être menés en 2005 afin de tester un schéma où une des deux boucles de grande taille pourrait être remplacées par une boucle de petit format dite " boucle bouton ". Nous sommes également favorables à l'évaluation de l'identification électronique. Là aussi, nous devons utiliser toute la gamme des mesures possibles.
Je puis vous assurer que je serai très vigilant sur la mise en uvre de la réforme. Un bilan pour l'année 2005 sera établi par les Etats-membres et la Commission, et je donnerai des instructions pour une évaluation semestrielle du dispositif en France.
·* Les droits à paiement unique
Pour les droits à paiement unique (DPU), l'année 2005 sera une année de simulation afin d'aborder l'année réelle de mise en uvre, 2006, dans les meilleures conditions possibles. Mais, je souhaite là aussi que nous oeuvrions pour plus de simplicité.
Aussi, durant le 1er semestre 2005, nous retravaillerons ce dossier, notamment celui des règles d'utilisation de la réserve nationale permettant d'attribuer gratuitement des droits. Nous en profiterons pour analyser la manière dont se déroule la réforme dans les dix pays européens qui l'ont mise en uvre en 2005. Au 2ème semestre, nous entrerons dans la phase de simulation proprement dite. Il s'agira de recenser, pour chaque exploitation, les événements intervenus depuis le 1er janvier 2000 et qui auront un impact sur la détermination des D.P.U. Les Directions départementales de l'agriculture et de la forêt seront pleinement mobilisées.
Enfin, concernant la mise en uvre de la PAC, je souhaite vous rassurer sur les plafonds nationaux des aides directes, notamment des aides animales. Des ajustements techniques ont été proposés à la Commission européenne afin que chaque aide du premier pilier soit traitée équitablement.
C Réformer l'équarrissage : une nécessité
Je tiens ici à saluer les interprofessions INTERBEV et INAPORC, mais également la FNB, qui n'ont pas craint de s'impliquer dans ce dossier pourtant très difficile et complexe.
Malgré la très grande sensibilité de ce sujet, nous avons franchi tous ensemble, fin janvier, une 1ère étape importante. Qui aurait imaginé, il y a un an, que nous pourrions permettre à chaque abattoir de contractualiser directement avec les équarrisseurs ? L'amendement déposé par le Gouvernement dans le cadre du projet de loi pour le développement des territoires ruraux le permet. Il a été voté à l'unanimité par les sénateurs le 27 janvier dernier.
Mais cette étape importante n'est qu'une première étape. Il nous faut à présent traiter la partie des animaux trouvés morts en ferme. Nous allons, avec vous, y travailler. Je nous donne quatre mois pour apporter une réponse adaptée aux enjeux du secteur.
A ce titre, je vais saisir l'AFSSA pour que l'on puisse relever l'âge du dépistage obligatoire en abattoir de 30 à 36 mois. Cette mesure nécessitera une démarche au niveau communautaire car la réglementation est actuellement calée sur 30 mois. Par ailleurs, l'évolution favorable du contexte épidémiologique et l'avis de l'AFSSA du 30 juin 2004 m'ont décidé à transmettre à cette dernière un projet d'arrêté visant à ré-autoriser les abattages de bovins accidentés de plus de 24 mois en vue de leur consommation. Un avis devrait être rendu très prochainement.
Mon objectif est d'adapter progressivement la surveillance à l'importance du risque, tout en préservant la sécurité sanitaire.
II - Se tourner vers l'avenir pour répondre à de nouveaux enjeux
La réforme de la politique agricole commune modifie en profondeur les règles économiques sur lesquelles s'appuyait l'élevage français et européen. Or, la situation actuelle du marché de la viande - une demande supérieure à l'offre - constitue une opportunité à saisir pour renforcer le poids de la production au sein des filières. Dans ce cadre, nous devons chercher :
·- à accroître la compétitivité des exploitations,
·- entamer une réflexion sur l'organisation des filières,
·- mettre en uvre des mécanismes de gestion de crise.
A Assurer la compétitivité des exploitations
La loi de 1966 sur l'élevage, qui a fondé pour 40 ans les piliers de cette filière, reposait sur deux grands volets : les bâtiments d'élevage et la génétique. Or, sur ces deux sujets, nous avons décidé d'avancer.
·* Le plan bâtiments d'élevage et le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole.
A Metz en 2004, vous avez, Monsieur le Président, demandé au Ministre de l'Agriculture un plan ambitieux d'aide aux investissements pour l'élevage. Nous avons entendu votre appel. Jean-Pierre RAFARIN, Hervé GAYMARD et moi-même avons alors décidé d'un grand plan pour les bâtiments d'élevage.
L'association des moyens de l'Etat, des collectivités locales et de l'Union européenne devrait permettre une mobilisation financière sans précédent. Ainsi, chaque euro engagé par l'Etat, ou tout autre financeur national tel qu'une région ou un département, sera abondé par un autre euro venant de l'Europe.
Avec le cofinancement communautaire, le plan dispose de 80 millions d'euros en 2005. Ce plan sera doté en vitesse de croisière, de 120 millions d'euros. Au total, c'est un plan d'une ampleur équivalente à celui mis en place par la loi sur l'élevage de 1966.
Je précise que le financement des dossiers déposés au titre des anciens plans bâtiments sera assuré sur une enveloppe spécifique. Des crédits ad hoc ont été réservés. Il en est de même pour les dossiers des éleveurs qui adhèrent à une association reconnue comme organisation de producteurs avant fin 2004, et auxquels j'ai décidé, par souci d'équité, d'accorder le complément de subvention prévu par les textes.
Enfin, j'ai souhaité une forte articulation du plan bâtiments d'élevage avec le programme de mise aux normes (dit PMPOA 2). J'ai en particulier désigné les Directions Départementales de l'Agriculture et de la Forêt comme guichet unique.
Je sais que nous devons faire un énorme effort de simplification pour traiter les dossiers de mise aux normes compte tenu des délais communautaires actuels (date limite d'engagement des dossiers au 31 décembre 2006). C'est pourquoi j'ai demandé à ce que nous évaluions précisément l'efficacité des mesures de simplification mises en oeuvre début 2004 pour le PMPOA 2. La pré-étude simplifiée, qui est réalisée en 2 jours, a permis de traiter 6000 dossiers en 2004, contre 2000 en 2003. Nous sommes donc sur la bonne voie.
J'ajoute que les éleveurs qui seront engagés dans le programme PMPOA ne seront pas concernés, durant la période de réalisation des travaux, par les exigences de la conditionnalité " directive nitrates ".
Enfin, sur ces questions environnementales, il convient de souligner que le conseil supérieur des Installations Classées pour la Protection de l'Environnement (ICPE) a émis un avis favorable pour la réévaluation des seuils de classement. Après examen par le Conseil d'Etat, le décret modifiant la nomenclature devrait être publié au cours du second semestre 2005. Je sais que c'est aussi une mesure attendue.
·* L'amélioration génétique : la réforme de la loi de 1966
En matière d'élevage, on ne fera pas l'économie de la génétique, car elle permet à l'élevage français de conserver sa compétitivité sur le marché mondial, mais aussi de préserver la diversité de nos terroirs et de nos appellations d'origine.
Voilà plus de 6 mois que nous travaillons ensemble sur ce dossier. Nous avons été efficaces. Il nous faut à présent finaliser nos travaux en définissant notamment ce qui pourrait relever, pour la diffusion du progrès génétique, d'un Service d'intérêt économique général (au sens européen). Cette réforme doit s'inscrire dans le projet de loi d'orientation agricole.
B Organiser les filières pour accroître l'efficacité économique
Je suis disposé à étudier toute proposition de soutien aux démarches économiques, pour autant qu'elle s'inscrive dans un marché identifié, et permette un renforcement des maillons " production " et " transformation " des filières.
Pour ce faire, une ligne budgétaire de 1,5 M a d'ores et déjà été réservée pour 2005 à l'OFIVAL, pour aider les producteurs et les transformateurs à amorcer des démarches de structuration et de contractualisation dans le cadre de " projets filières ".
Le partenariat national pour le développement des industries agro-alimentaires, porté par Nicolas FORISSIER, contribuera également à renforcer nos filières agro-alimentaires.
·* L'engraissement
Parmi les projets filières qui pourraient être approfondis, j'ai bien entendu votre demande sur l'engraissement des jeunes bovins, compte tenu en particulier du découplage total de la prime spéciale aux bovins mâles. L'État peut jouer ici un rôle de mise en mouvement des acteurs économiques, et j'attends vos propositions. L'État doit aussi veiller à prévenir les risques de distorsion de concurrence ; c'est pourquoi je porterai, au niveau communautaire, une attention toute particulière sur l'appellation " veau de boucherie ".
·* Les " comités économiques de filière "
Je suis très sensible à votre proposition de création de " comités économiques de filière ". Aussi ai-je demandé à mes services d'expertiser cette proposition. Elles devront être analysées à l'aune de ce que nous permet le droit de la concurrence, qui, s'il nous paraît souvent contraignant, est aussi une protection pour notre agriculture fortement exportatrice.
Enfin, les interprofessions sont essentielles, et je souhaite ici souligner la qualité du travail conduit par INTERBEV sous l'impulsion de Denis Sibille, notamment en matière de normalisation des transactions. Le projet de loi d'orientation agricole devra les conforter.
·* La restructuration des offices
Enfin, pour ce qui le concerne, l'Etat contribue également à l'efficacité du secteur en améliorant son propre fonctionnement. Nous avons ainsi nommé un directeur unique à la tête de l'ONILAIT et de l'OFIVAL, Yves BERGER. Ce processus de regroupement, qui vise à créer un grand office dédié à l'élevage, permettra d'améliorer le service rendu à l'ensemble des filières animales. Sa première action concrète a été de mettre en uvre le plan bâtiment d'élevage.
C Mettre en uvre des mécanismes de gestion de crise
Malgré tous les efforts que nous pourrons réaliser pour adapter nos filières économiques, la spécificité des productions agricoles est marquée par la possibilité de crises conjoncturelles, qu'elles soient de nature économique ou climatique.
Lors de la réforme de la PAC de juin 2003, la France a obtenu de la Commission européenne qu'elle s'engage à maintenir des outils de gestion de crise. La Commission européenne doit faire part de propositions au cours de l'année 2005. C'est un sujet que j'ai déjà évoqué, à deux reprises, avec Madame Fischer-Boel.
En ce qui concerne les risques climatiques, j'ai annoncé, lundi 7 février, en Picardie, la mise en uvre progressive de l'assurance récoltes. Celle-ci ne couvre pas encore les risques liées aux productions fourragères. Les assureurs travaillent néanmoins à l'émergence de produits spécifiques. J'y serai là aussi très vigilant.
CONCLUSION
En conclusion, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, je voudrais souligner quelques points essentiels pour l'avenir de notre élevage, qui est une priorité personnelle du Premier ministre.
Nous avons tout d'abord à réussir la mise en uvre de la PAC. Je suis à vos côtés. Nous n'avons aucune raison de douter de notre capacité à franchir l'obstacle.
Ensuite, nous ne devons pas nous tromper de combat vis-à-vis de l'Europe. Que serait aujourd'hui l'agriculture française sans l'implication européenne ? Je n'ose l'imaginer. L'Europe est une chance pour notre agriculture, nos territoires et notre ruralité, à nous de savoir également mieux s'appuyer sur elle.
Enfin, nous devons réussir la loi d'orientation agricole. Nous tracerons la voie pour l'agriculture des 15 prochaines années. Nous devons faire de vrais choix, car c'est l'avenir de nos enfants que nous traçons.
Je vous remercie.
(Source http://www.agriculture.gouv.fr, le 11 février 2005)