Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur la sécurité en Europe, le rôle du Pacte de stabilité et la place de l'Europe dans le monde, Paris le 20 mars 1995.

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Circonstance : Conférence finale de l'OSCE sur la stabilité en Europe, Paris les 20 et 21 mars 1995

Texte intégral

Je vous adresse au nom du gouvernement français mes souhaits très chaleureux de bienvenue à Paris. C'est un juste retour des choses que notre capitale soit aujourd'hui le témoin du Pacte de stabilité. C'est en effet un projet d'origine française que j'avais présenté dès avril 1993 au Parlement français en lui exposant le programme de mon gouvernement. C'est un projet qui, ayant reçu le soutien du Président de la République, a fait l'objet des efforts incessants de la diplomatie française. Joignant ses efforts à ceux de tous les Etats membres, elle a joué un rôle déterminant pour son succès et j'ai moi-même rencontré à Paris ou dans leurs pays, tous les dirigeants des pays concernés. Mais c'est aussi devenu une "action
commune" de l'Union européenne dont mon pays assume aujourd'hui la Présidence.
Moins d'un an après la Conférence de lancement de ce processus diplomatique d'un genre nouveau, c'est donc un grand honneur pour la France de voir consacré un projet dont la réussite est doublement importante.
Elle témoigne de l'influence politique positive que peut exercer l'Union européenne lorsqu'elle en a la volonté.
Elle prouve qu'en appliquant nos efforts à résoudre de façon préventive les vrais problèmes de notre continent, des voies peuvent être trouvées pour faire progresser la société internationale vers plus de droit et de justice.
L'adhésion aujourd'hui de plus de cinquante Etats au Pacte de stabilité en Europe est une étape essentielle dans cette direction. Mais elle doit s'inscrire dans une perspective plus vaste : celle d'une grande Europe réconciliée avec elle-même, maîtresse de son destin et capable d'apporter à nouveau au monde le meilleur dans les oeuvres de l'esprit comme dans celles de la technique.
Le véritable enjeu du siècle à venir est la place que l'Europe, et par conséquent que chacun de nos pays, tiendra dans le monde. Le fait historique majeur du XXème siècle a été l'affaiblissement de notre continent. N'oublions pas que par deux fois, nous nous sommes affrontés dans des luttes fratricides. Par deux fois, la cause de la liberté l'a emporté. Mais ces querelles nous ont laissé affaiblis moralement et physiquement. Nous en sommes sortis divisés et la partie orientale du continent privée de liberté. Notre destin nous a échappé.
Depuis 1945, nous avons juré de surmonter cet héritage. Dans un grand effort de volonté, nous avons fait le choix de la réconciliation. La construction de l'Union européenne et les relations qui existent aujourd'hui entre la France, l'Allemagne et la Pologne sont, à mes yeux, le symbole le plus fort de ce nouveau cours des choses. En 1989, la liberté retrouvée à l'Est et la réunification du continent nous ont ouvert tous les espoirs. Mais chacun voit bien que la liberté porte en elle le meilleur mais aussi la possibilité pour certains de faire les mauvais choix. Notre continent, bien qu'il ait été aux sources de la civilisation, porte toujours en lui fragilités et risques.
Nos frontières sont récentes : plus de la moitié d'entre elles ont moins de cinquante ans, ce qui rend leur acceptation politique moins facile.
Peu de continents ont sur leur sol une telle diversité de populations qui chevauchent les frontières et créent de très nombreuses minorités parfois inquiètes de leur identité.
Toute la partie centrale et orientale du continent a engagé ou poursuit une courageuse entreprise de transition vers la démocratie et l'économie de marché. Celle-ci exige de ses populations un effort sans précédent d'adaptation et de changement dont résultent d'inévitables tensions sociales et politiques.
Dans l'ex-Yougoslavie, un conflit ouvert a éclaté pour la première fois depuis cinquante ans en Europe. Il a fait à ce jour près de 200.000 victimes malgré les efforts incessants de paix des Nations unies.
C'est dire combien nous devons être vigilants. Si l'Europe veut revenir au premier rang du monde, si elle veut être pour les Etats-Unis un partenaire majeur et respecté, si elle veut tenir sa place face au dynamisme exceptionnel de l'Asie et de l'Amérique latine, si elle veut aider l'Afrique et la région méditerranéenne à retrouver la stabilité, elle doit aujourd'hui impérativement surmonter les mauvais souvenirs de son passé et devenir un modèle par les valeurs qu'elle défend et par l'organisation dont elle aura su se doter pour les mettre en oeuvre. L'histoire ne nous attendra pas. L'ouverture du monde crée aujourd'hui une concurrence universelle qui permet aux meilleurs, d'où qu'ils viennent, de prendre les premières places qu'ils se sont acquis par leur mérite et par leur travail. Pendant que d'autres progressent et préparent le siècle à venir, nous ne pouvons plus nous attarder à nos vieilles querelles ou
rester prisonnier de clivages anciens.
Nous devons nous tourner résolument vers l'avenir.
Nous avons en Europe à inventer un type de société internationale nouveau. Jusqu'ici, les parenthèses de paix que nous avons connues devaient leur stabilité à la coalition de certains pays qui imposaient leur règle à d'autres ou encore à des équilibres de puissance toujours incertains. Pour la première fois depuis longtemps, nous avons la possibilité de construire une société européenne sur la libre organisation de ses peuples où chacun aurait sa place et sa dignité reconnues. Mais ne répétons pas les erreurs du passé où l'on s'est trop souvent contenté de décliner de grands principes ou d'établir des procédures sans se donner la volonté ni les moyens de les faire progresser. Pour construire l'Europe forte que nous voulons
pour le monde, nous devons réunir de façon indissociable trois éléments.

politique qui implique la tolérance et le respect d'autrui. C'est en Europe que depuis cinquante ans, un ensemble remarquable de textes ont été mis au point, tant à la CSCE qu'au Conseil de l'Europe ; respect des Droits de l'Homme, inviolabilité des frontières, non revendication territoriale, respect des personnes appartenant à des minorités. Nous devons être intransigeants sur tous ces engagements qui sont notre honneur et que nous ne pourrons encourager dans le monde que pour autant que nous y sommes nous-mêmes fidèles. Dans l'ex-Yougoslavie, comme dans le Caucase, quelles que soient les situations en cause, ayons le courage entre nations souveraines de regarder la réalité en face et de redresser ce qui doit l'être pour rester fidèles à nos engagements.
Nos principes doivent être servis par des institutions fortes. Mesure-t-on suffisamment les dangers qui nous menaceraient si l'Union européenne devait un jour perdre sa dynamique et si son organisation venait à s'affaiblir ? Rien n'est jamais acquis et ce qui nous paraît aujourd'hui une évidente nécessité peut laisser la place aux divisions d'antan si nous n'y travaillons pas chaque jour. Plus que jamais, nous devons poursuivre et approfondir cette Union en même temps que nous l'élargissons à l'Est. C'est pour le gouvernement de la France et la présidence de l'Union européenne une priorité essentielle. Mais une organisation harmonieuse de notre continent exige également que l'autre pôle de l'Europe que constitue la Russie, et l'ensemble de ses partenaires de la CEI, se dote de structures plus affirmées. Il faut surtout que toutes les institutions qui permettent à la grande Europe d'exister et de dialoguer, qu'il s'agisse de l'OSCE ou du Conseil de l'Europe, soient renforcées.
Principes, organisation, volonté politique. C'est cette dernière qui en fin de compte garantira la paix. Elle exige de nous une vigilance de tous les instants. Tous nos Etats doivent savoir que leur avenir dépend de la solidarité active qu'ils sauront manifester. Aucun d'entre nous ne peut se réfugier par prudence ou égoïsme dans un isolationnisme confortable qui se désintéresserait des problèmes de ses voisins. L'Europe doit être capable de faire respecter les principes qui justifient son existence. Elle doit disposer pour cela de moyens de défense modernes qui lui permettront également d'être fidèle à ses alliances. Avec la légitimité des Nations unies, elle doit être prête à agir au nom de cette solidarité. Naturellement pour surmonter la diversité qui règne sur notre continent, certains pourraient être tentés de trouver un plus petit commun dénominateur qui serait une certaine forme de neutralité. Tout, dans notre tradition comme dans nos intérêts de première puissance commerciale du monde, nous interdit ce qui serait la voie du repli sur soi. Il est au contraire de notre devoir d'être prêts à mettre la force au service du droit chaque fois que les Nations unies le décident et que la paix du monde est menacée dans telle ou telle région.
La tâche qui nous attend dans les prochaines années est considérable. Le Pacte de stabilité que nous approuvons aujourd'hui en est une étape majeure.
Il est d'abord un témoignage de notre volonté d'apporter une solution aux problèmes les plus difficiles de l'Europe centrale et orientale : celui des frontières et des minorités. Les accords qui ont été versés au Pacte comme les projets de bon voisinage, montrent la détermination de chacun de surmonter les divisions du passé et de fonder ses relations extérieures sur le bon voisinage. Dans ce domaine, je sais combien beaucoup d'entre vous répugnent à citer des exemples. Comment pourtant ne pas souligner le contraste saisissant entre la situation qui existe aujourd'hui dans la région balte ou en Europe centrale et celle qui existait il y a à peine trois ans. L'absence de dialogue, la présence dans certains cas de troupes étrangères, l'existence de tensions politiques très vives ont laissé la place à toute une série d'accords bilatéraux et à un climat de négociations actives. Je tiens ici à rendre un hommage solennel aux responsables de ces pays qui ont eu le courage politique de choisir la voie de la réconciliation et de la tolérance plutôt que celle de l'affrontement.
Le Pacte de stabilité a été pendant deux ans un processus, une démarche continue, politique et diplomatique, multipliant les réunions, invitant les Etats à rapprocher leurs positions en vue d'apaiser les difficultés, à conclure ou à conforter des accords de bon voisinage. Il s'est bien gardé de redéfinir ou de modifier les principes acceptés en Europe ; mais il a contribué à les faire entrer dans la réalité de façon pragmatique. Je sais combien ces principes recouvrent de traditions philosophiques et juridiques différentes et quelles difficultés pratiques rencontre leur application. Le "droit du sol" qui est pour certains primordial le cède pour d'autres au "droit du sang". Nous sommes ici tous ensemble pour réaffirmer que seule la conception universelle des Droits de l'Homme qui s'applique à chacun quel que soit le sang qui coule dans ses veines ou le sol sur lequel il est né, permet de réconcilier les uns et les autres. Tous les textes du Conseil de l'Europe ou de la CSCE adhèrent à cette approche ; le Pacte contribue encore à la renforcer.
Construction progressive qui s'est affirmée mois après mois, le Pacte a consacré de manière très forte l'institution nouvelle du bon voisinage. Acquis du Pacte, celui-ci n'est en réalité que l'application entre Etats du respect des Droits de l'Homme et de la tolérance. Au cours de l'histoire, tous les progrès qui ont été faits pour favoriser le respect des droits des personnes et des minorités ont toujours eu pour point de départ le respect de la différence. Ce fut le cas par exemple dès le Moyen Age ou la Renaissance pour le régime des étrangers ou pour celui des capitulations. Je suis convaincu que cette belle notion de bon voisinage doit devenir l'une des règles essentielles de vie de l'Europe à venir.
Le Pacte de stabilité enfin a contribué à renforcer nos institutions européennes. L'Union européenne en premier lieu a donné à la politique extérieure et de sécurité commune un véritable contenu concret allant au-delà des résolutions et des déclarations ou d'une aide exclusivement économique. Son pouvoir d'attraction et son poids politique ont exercé une influence stabilisatrice et favorisé du même coup son élargissement à venir. Le Conseil de l'Europe et l'OSCE ont également été confortés dans leur action. Le premier a confirmé son rôle de gardien des principes communs à toute l'Europe. Les méthodes de diplomatie préventive de l'OSCE ont reçu un dynamisme nouveau. Devenant le dépositaire du Pacte, l'OSCE renforce son autorité. Tel était bien l'un des objectifs initiaux de ce projet. En s'appuyant sur les institutions existantes plutôt qu'en en créant de nouvelles, il a également contribué à mieux harmoniser leurs activités sur le terrain.
Le Pacte de stabilité n'est pas figé ; il ne s'arrête pas aujourd'hui. L'espoir qu'il a contribué à nourrir doit se poursuivre au sein des procédures de suivi de l'OSCE et, si les parties le jugent utile, par des réunions ultérieures des tables de négociation. Il s'agit bien de prendre l'engagement solennel que demain, si le Pacte n'était pas respecté, tous ensemble, par la confiance et la persuasion mais aussi par les procédures existantes, nous agirions sur les parties pour les ramener à une meilleure compréhension mutuelle.
Il me paraît également indispensable que la méthode du Pacte soit utilisée ailleurs. Dans l'ex-Yougoslavie d'abord, dès que les conditions le permettront, en commençant peut-être par la partie sud des Balkans où n'existe à ce jour aucun conflit ouvert. L'Union européenne pourrait étudier avec l'OSCE la possibilité de réunir une telle table de négociation. Mais d'autres régions comme le Caucase pourraient également bénéficier de cette procédure.
Notre action en faveur de la stabilité de l'Europe ne doit pas s'arrêter là. Tant au niveau de l'Union européenne que de la grande Europe, beaucoup reste à faire.
L'Union européenne par sa richesse, par la maturité politique de ses membres et par leurs capacités de défense peut jouer un rôle accru en faveur de la stabilité du continent. Elle le fait déjà en ayant accepté le principe de son élargissement. Cette perspective est un signal particulièrement fort donné aux agents économiques de ces pays qui ont déjà vu les marchés s'ouvrir très largement et qui connaissent désormais la direction à suivre pour se rapprocher des normes et des règles de l'Union européenne. La présidence française connaît et comprend l'impatience de certains de hâter le mouvement. Elle sait aussi que la force de l'Union européenne et l'attrait qu'elle représente sont le résultat de longs efforts et d'une patiente construction. Convaincue de la nécessité de l'élargissement, elle est résolue à bien le préparer pour qu'il ne bloque ni ne détruise les équilibres existants et crée de ce fait chez les candidats à l'adhésion de grandes désillusions. Voilà pourquoi nous mettons tant de soin à étudier les réformes institutionnelles prévues en 1996. Je suis convaincu que tous nos partenaires des pays de l'Est comprennent désormais bien les préoccupations qui sont les nôtres. L'essentiel est que la voie soit tracée et que chacun sache qu'elle lui est ouverte.
Mise en place d'une identité européenne de défense - OTAN -
Mais l'une des contributions les plus importantes que l'Union européenne pourra apporter au continent sera sa volonté de se doter de véritables moyens d'action dans le domaine de la sécurité et de la défense. Cette perspective est inscrite dans le traité de l'Union européenne mais la volonté politique a fait défaut. Cette situation n'est pas bonne comme en témoigne ce qui s'est passé dans l'ex-Yougoslavie depuis trois ans. Au lieu d'intervenir rapidement et massivement sous l'égide des Nations unies, les Européens ont tergiversé. Ils ont finalement décidé de contribuer pour plus de la moitié de l'effectif de la FORPRONU. Pourtant le poids politique de cette décision n'a pas été à la mesure de l'effort consenti car celui-ci, addition de contributions partielles, n'a pas traduit une véritable détermination collective de l'Union européenne de peser de façon solidaire et cohérente en faveur d'un règlement de paix. Cette expérience nous a montré que pour réagir efficacement, les Européens avaient besoin plus que jamais d'une organisation de défense et de sécurité adéquate.
Je souhaite, et je le redis avec force, que l'Europe maintienne une relation transatlantique efficace avec les Etats-Unis dans le domaine de la défense. Mais il me paraît au moins aussi essentiel que de façon complémentaire les Européens se dotent entre eux, à partir de l'UEO, d'une réelle capacité d'action. L'une des priorités de la présidence française est de poursuivre dans cette voie. Il s'agit de réunir des forces multinationales à l'exemple du Corps européen, de les doter de moyens logistiques satisfaisants et de leur fournir les instruments de planification et de renseignements qui leur permettront d'intervenir au service de la paix. L'Europe a fait des progrès remarquables dans le domaine économique ; elle se prépare à franchir des étapes nouvelles en matière monétaire. Elle doit appliquer aujourd'hui ses efforts dans le domaine de la sécurité et de la défense. A défaut, elle ne pourra jamais développer une véritable politique extérieure et de sécurité commune au service de la stabilité du continent.
La stabilité ne saurait s'arrêter aux frontières de l'Union européenne. Au-delà du projet politique que nous poursuivons depuis trente sept ans, nous devons renforcer les structures de la grande Europe, celle qui englobe la Russie et ses partenaires européens de la CEI. Réconciliation, dialogue, confiance, consultation, échanges de toute nature doivent désormais présider aux relations entre les pays qui la composent.
L'Union européenne doit entretenir avec ces pays de véritables relations de partenariat. L'accord de partenariat avec la Russie montre la volonté d'ouverture et de coopération qui est la nôtre pour autant que nos principes communs soient respectés. Nous souhaitons que ce type d'accord ajouté aux importantes contributions du programme Tacis accompagne et facilite la transition de ces pays. Déjà nos échanges ont fortement augmenté. C'est en créant progressivement une grande zone économique ouverte couvrant toute l'Europe géographique que nous contribuerons de façon déterminante à sa liberté et à sa stabilité.
Dans le domaine politique, nous souhaitons également l'élargissement du Conseil de 'Europe qui est le dépositaire de nos valeurs communes. Cette grande institution qui est la plus ancienne de celles qui existent en Europe est la mieux à même de créer le climat de confiance et de dialogue qui permettra d'étendre et de faire rentrer dans la réalité les principes qui doivent gouverner toutes les sociétés européennes.
Dans le domaine de la sécurité, nos relations avec la partie orientale du continent devront être également marquées par le souci de dépasser les oppositions anciennes pour créer un climat nouveau sur l'ensemble de l'Europe. Cela pose clairement le problème de l'élargissement de l'UEO et de l'OTAN. Je souhaite pour ma part que ce mouvement soit soigneusement préparé, d'une part pour préserver l'efficacité d'une alliance qui a offert une garantie collective à tous ses membres depuis plus de quarante ans. D'autre part, afin de ne pas recréer sur notre continent d'inutiles antagonismes. Notre unique but est de répondre aux attentes légitimes de sécurité de beaucoup de pays d'Europe centrale et orientale et de créer les meilleures conditions politiques de la sécurité de notre continent. La France souhaite donc que cet élargissement, dont le principe a été décidé, soit organisé de façon progressive qui permette à chacun de s'y préparer et d'y trouver ce qu'il attend. Il faut que cette opération soit accompagnée de la définition d'une nouvelle relation de sécurité avec la Russie et sans doute de mesures de confiance. Je souhaite pour ma part qu'un texte précis définisse le cadre des relations qu'entretiendra l'Europe et la Communauté atlantique avec la Russie dans le domaine de la sécurité.
Ce processus d'ensemble ne pourra être mené à bien en quelques mois. Pour y réfléchir et s'y préparer, la France a proposé à tous les pays associés à l'UEO de rédiger ensemble un Livre blanc sur la sécurité de l'Europe.
A l'avenir, l'OSCE, que la France a été l'une des premières à vouloir transformer en organisation de plein exercice, doit constituer l'enceinte privilégiée où un dialogue politique et de sécurité peut se développer entre les pays de l'ensemble du continent euro-asiatique. Ses efforts doivent d'abord s'appliquer au domaine de la diplomatie préventive en créant, lorsque c'est nécessaire, des tables de négociation, à l'image de ce qui a été fait pour le Pacte. Il nous revient également de donner encore plus de poids au Bureau des institutions démocratiques et des Droits de l'Homme de Varsovie et au Haut Commissaire aux minorités. La France souhaite également que l'OSCE joue un rôle important dans le développement de mesures de confiance et de transparence grâce à un meilleur contrôle des armements. Enfin, l'OSCE pourrait développer ses relations avec les Nations unies pour jouer un rôle plus actif dans des opérations de maintien de la paix. Pour mener à bien cet ensemble d'activités, cette institution devra améliorer ses procédures de décision. Chaque fois que cela est nécessaire, des groupes directeurs pourraient être créés autour de la présidence pour faciliter sa tâche face à une crise ou à un conflit.
Réussir l'élargissement de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe, créer un espace de sécurité et de confiance sur le continent, renforcer l'OSCE, tels sont, Mesdames et Messieurs les ministres, les grandes tâches qui nous attendent pour les années à venir. Si nous réussissons à les accomplir, j'ai bon espoir que l'Europe reviendra au premier rang du monde et qu'elle redeviendra pleinement maîtresse de son destin. mais il nous faut d'abord nous réconcilier pleinement avec nous-mêmes. Chacune de nos nations est fière à juste titre de son passé et veut y puiser les énergies de son renouveau. Chacun porte dans sa mémoire les périodes de grandeur qui furent parfois celles où nous nous sommes tant et tant affrontés. Mais n'oublions jamais que les racines ne sont fécondes que pour autant qu'elles permettent à l'arbre de porter un beau faîtage. N'oublions jamais que si nous avons été capables de génie dans la désunion, nous pouvons l'être plus encore, ensemble, tournés vers un but commun qui est le bonheur de nos peuples, respectueux les uns des autres, et la paix dans le monde. Notre continent a connu plusieurs "printemps des peuples" où l'exaltation de leurs vertus singulières l'a emporté sur leur volonté de vivre ensemble. A ce "printemps des peuples" faisons succéder un "printemps de l'Europe" et pour cela construisons en commun une société européenne rassemblée autour d'un "pacte social" accepté par tous.
Nous avons aujourd'hui le choix : l'Europe peut rester une province du monde préoccupée de ses querelles intestines où nos populations, faute de vouloir vivre ensemble, s'affronteront ou seront obligées de se fuir avec les cortèges de misère que l'on connaît. Mais notre vieux continent qui a connu tant d'épreuves peut aussi être à nouveau l'espérance d'un monde qui saura qu'en Europe, terre de liberté, l'homme donne chaque jour davantage à d'autres hommes la conscience de sa dignité et la fierté de sa condition. Telle est notre ambition, tel est le message que nous voulons solennellement lancer ici, à l'occasion de ce pacte de stabilité.