Déclaration de M. Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille, sur la bioéthique, la recherche biomédicale et l'installation de l'Agence de la Biomédecine, Saint-Denis le 10 mai 2005.

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Circonstance : Inauguration de l'Agence de la biomédecine à Saint-Denis le 10 mai 2005

Texte intégral

Messieurs les Députés,
Cher Jean-Michel Dubernard,
Cher Pierre-Louis Fagniez,
Monsieur le Directeur général de la Santé, Cher Didier Houssin,
Madame la Directrice générale, Chère Carine Camby,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être parmi vous aujourd'hui, afin d'installer l'Agence de la Biomédecine. La création de cette nouvelle agence de santé a été inscrite dans la loi relative à la bioéthique du 6 août 2004.
Le périmètre des responsabilités de ce nouvel organisme de santé publique, placé sous la tutelle du ministère de la Santé, couvre les activités de procréation, d'embryologie et de génétique humaines, et les activités de prélèvement et de greffe d'organes, de tissus et de cellules, qui étaient jusqu'à présent sous la responsabilité de l'Etablissement français des Greffes.
Les progrès de la biologie ont permis d'améliorer considérablement les techniques diagnostiques et thérapeutiques. Mais leurs applications médicales de plus en plus complexes doivent être mises en uvre dans des conditions qui garantissent à la fois leur qualité, la sécurité sanitaire et le respect de la personne.
Les progrès effectués dans ces domaines posent régulièrement de nouvelles interrogations éthiques, face auxquelles nous ne pouvons rester simples spectateurs.
Dans quelles conditions est-il possible de mener des recherches sur l'embryon ? Dans quelles conditions faut-il donner l'accès aux tests de prédisposition génétique ? Que proposer aux couples qui n'arrivent pas à avoir d'enfant ? Ou encore à ceux qui craignent de transmettre à leur enfant une maladie grave ?
Les pouvoirs publics doivent sans cesse anticiper les questions à la fois médicales, sociales, juridiques et éthiques que se pose la société quant à l'utilisation des nouvelles techniques, que ce soit en matière de diagnostic génétique, de recherche sur les cellules souches embryonnaires, de thérapie cellulaire ou d'injection intra-cytoplasmique de spermatozoïdes pour lutter contre la stérilité.
Le terme de " biomédecine " n'a pas été retenu fortuitement, mais il traduit un regroupement d'activités particulièrement cohérent.
Je voudrais tout d'abord saluer l'expérience acquise depuis plus de dix ans par l'Etablissement français des Greffes - que j'ai eu la chance d'installer en 1994 - dont l'activité va se poursuivre dans le cadre de l'Agence de la Biomédecine. Il a été successivement dirigé, avec talent et énergie, par le professeur Didier Houssin, actuellement directeur général de la santé, et depuis deux ans par Carine Camby.
L'efficacité de la transplantation n'est plus à démontrer en médecine ; des progrès considérables ont été effectués dans le domaine du prélèvement et de la greffe. Certes, tous les besoins ne sont pas couverts sur le territoire et encore trop de patients - 11 000 aujourd'hui - attendent une greffe de l'organe susceptible pour certains de leur sauver la vie ou, pour la greffe rénale, de l'améliorer considérablement.
En 2004, près de 4 000 greffes d'organe ont été réalisées en France, ce qui représente une augmentation de 16 % par rapport à 2003, et le nombre de prélèvements d'organe a augmenté de 27 % entre 2000 et 2004. Permettez-moi d'associer à ce très beau résultat, plein d'espoir, l'ensemble des équipes hospitalières engagées dans cette thérapeutique que je félicite et remercie.
Mais lorsque le progrès touche au plus intime de chaque individu, je veux parler de sa santé, il est nécessaire d'être particulièrement vigilant. C'est pourquoi l'une des missions essentielles de l'agence sera de garantir un niveau élevé de sécurité et de qualité dans l'utilisation des nouvelles techniques biologiques, et des avancées thérapeutiques.
Afin de remplir cette mission, l'Agence disposera de toute une panoplie d'outils : elle élaborera des règles de bonnes pratiques, des recommandations professionnelles, mais aussi délivrera des autorisations pour les centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal ou encore pour l'extension du diagnostic pré-implantatoire. Tous ces domaines sensibles ont en commun l'utilisation d'éléments du corps humain, ce qui soulève parfois des questions, non seulement d'ordre médical, mais aussi éthique.
En outre, cette agence est dotée d'une mission d'inspection et dispose déjà d'une équipe expérimentée, chargée d'évaluer les résultats observés dans les nouveaux champs thérapeutiques.
Pour mener à bien ses missions au regard des priorités de santé publique et des enjeux éthiques, l'Agence de la biomédecine sera dotée d'un conseil d'administration, présidé par le Professeur Michèle Kessler, chef du service de Néphrologie du CHU de Nancy, qui a une grande expérience de la greffe rénale et pancréatique - que je salue - et sur un conseil d'orientation, présidé par Alain Cordier, ancien directeur général de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris - que je salue également.
Pour son expertise médicale et scientifique, l'Agence s'appuiera sur un comité médical et scientifique, et sur des comités d'experts plus spécialisés. Siègeront également au conseil d'orientation des représentants d'associations, des membres du Conseil d'Etat, de la Cour de Cassation, du Comité consultatif national d'éthique et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, des parlementaires, des experts scientifiques et médicaux et enfin, d'autres membres qualifiés dans le domaine de la biomédecine.
C'est au travers de ces instances que s'exercera le dialogue entre la société, les autorités publiques, les praticiens et les chercheurs en biomédecine, afin de faire progresser la réflexion sur les évolutions scientifiques et de toujours proposer des réponses humainement satisfaisantes.
Il est d'ailleurs demandé à l'Agence de la Biomédecine d'informer, régulièrement et en toute transparence, les professionnels de santé et les patients, et plus largement les citoyens, sur l'ensemble de ces sujets sensibles.
Les professionnels de santé, impliqués dans le développement ou la mise en uvre de nouvelles techniques, ont souvent un besoin de réflexion et de dialogue. Médecins cliniciens, biologistes et chercheurs sont tous confrontés, dans leur pratique quotidienne, à des questions qui ne peuvent trouver de réponses isolées. C'est le cas, lorsqu'il s'agit de déterminer comment attribuer les organes disponibles aux patients en attente de greffe, ou comment réguler l'accès aux tests de prédisposition génétique
Le rôle de l'Agence de la Biomédecine sera de réunir ces professionnels et de guider leurs travaux dans la recherche des voies de progrès médicalement les plus fiables, sanitairement les plus sûres, socialement les plus équitables et éthiquement les plus réfléchies.
Mais il ne faut pas oublier que le rôle de l'Agence de la Biomédecine est de répondre avant tout aux attentes et espoirs des patients, qui vivent parfois un véritable drame humain, que ce soit une attente de greffe, un risque de transmission d'une anomalie génétique ou la stérilité d'un couple. Cette demande sociale très forte est relayée par l'ensemble des associations de patients et de familles, qui, en mobilisant leurs énergies, nous alertent et nous font progresser.
L'Agence de la Biomédecine devra savoir aussi donner un nouvel élan à la recherche française. Les nouvelles dispositions législatives concrétisent l'engagement, que j'ai pris envers les équipes de recherche, de leur offrir un cadre approprié afin de mener, à titre dérogatoire et pour une durée limitée, des travaux sur les cellules souches embryonnaires, dont le décret d'application doit sortir très prochainement - c'est une de mes priorités. Cet organisme garantit le cadre éthique et scientifique rigoureux de ces recherches.
Je voudrais rappeler que ce point a fait l'objet de longs débats au Parlement l'été dernier. C'est ainsi qu'un dispositif transitoire a été mis en place afin de permettre aux scientifiques français d'effectuer ce type de recherches. Le comité qui pilote ce dispositif remplit pleinement sa mission - et je tiens à l'en remercier, tout particulièrement sa présidente, le docteur Pascale Briand
Aux impatiences qui se sont manifestées devant les différentes étapes de l'entrée en application des nouvelles dispositions de la loi du 6 août 2004, je rappellerai simplement que les enjeux sont majeurs et que, sur des questions aussi importantes, la réponse institutionnelle ne s'improvise pas et nécessite de nombreuses concertations.
L'inauguration d'aujourd'hui marque ainsi une étape décisive en matière de bioéthique. Le potentiel français des médecins et chercheurs, déjà considérable, doit pouvoir encore se développer.
Je souhaite - comme le prévoit la loi - que l'Agence présente un bilan de ces nouvelles dispositions, au terme de cinq années d'application, ce qui permettra de réviser la loi, si nécessaire.
Une autre mission de cette agence est de consolider la présence et l'influence de la France dans les organismes européens et internationaux compétents dans ces mêmes activités.
C'est en effet en favorisant une meilleure organisation du prélèvement et de la greffe dans d'autres pays que la France luttera le plus efficacement contre le trafic d'organes et contre ce que l'on a coutume d'appeler le " tourisme procréatif ".
Il s'agit, dans ce domaine, de travailler à une harmonisation européenne et internationale des réglementations et des pratiques, afin de limiter les risques de pénurie, d'homogénéiser l'offre de soins et de réduire la possibilité de détourner la législation.
Il est également impératif de promouvoir les trois grands principes sur lesquels repose en France l'utilisation d'éléments du corps humain : le consentement, l'anonymat et la gratuité.
Ainsi, comme vous pouvez le constater - Mesdames et Messieurs - cette nouvelle agence de santé a une quadruple mission, celle d'encadrement et de contrôle des pratiques, celle d'expertise scientifique, celle de veille sanitaire et celle enfin d'évaluation en toute transparence.
C'est aujourd'hui un grand pas qui vient d'être franchi, et je tiens à saluer tout particulièrement Carine Camby, qui a accompagné avec détermination cette réforme. Je la remercie chaleureusement d'avoir accepté de diriger ce nouvel établissement.
Je vous remercie.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 12 mai 2005)