Interview de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, dans "France soir" du 10 février 2005, sur la mobilisation syndicale en faveur des 35 heures, le calendrier des négociations et l'unité syndicale.

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Média : France soir

Texte intégral


France Soir - La mobilisation syndicale n'a eu aucune répercussion sur la réforme des 35 heures et Jean-Pierre Raffarin vous appelle à ne pas " mépriser le Parlement ". Que lui répondez-vous ?
François Chérèque. Il n'a jamais été question pour la CFDT de mépriser le Parlement. Chacun a son rôle dans une démocratie. Mais je rappelle au gouvernement qu'il y a dix-huit mois, le Parlement a voté une loi sur le dialogue social. Elle disait très clairement qu'il n'y aurait plus de modification du Code du travail sans négociation entre les partenaires sociaux. C'est donc cet engagement qui n'est pas respecté. Nous souhaitons maintenant une suite à cette mobilisation puisque l'Assemblée nationale n'a pas changé le texte sur le fond.
Qu'allez-vous faire ?
Les confédérations syndicales décideront ensemble en début de semaine prochaine des suites à donner. Pour ce qui est de la CFDT, nous allons proposer de nouvelles actions mais cette fois dans les entreprises, au plus près des salariés. D'une part pour leur expliquer que le gouvernement leur ment : ils ne pourront pas travailler plus pour gagner plus, puisqu'ils n'auront pas le choix. D'autre part, cela permettra d'éviter la récupération politique, telle qu'il y en a eu une samedi.
Vous dénoncez cette " récupération "
L'intervention des partis dans les manifestations brouille inévitablement le message syndical, au risque de l'affaiblir. Toutefois, le premier qui a choisi le terrain politique, c'est le gouvernement en passant par un débat parlementaire plutôt que par la négociation avec les partenaires sociaux.
La CGT et Force ouvrière prônent des arrêts de travail. Et vous ?
Nous n'évacuons aucune possibilité d'actions dans les entreprises ! Nous donnerons peut-être un mot d'ordre au niveau national qui sera ensuite déclinée au niveau local.
Que réclamez-vous maintenant sur les 35 heures ?
Le gouvernement et les parlementaires, qui refusent de nous entendre, ont encore une séance de rattrapage au Sénat, puis une deuxième lecture à l'Assemblée nationale. Nous demandons quatre modifications à cette loi :
1. Qu'il n'y ait pas de changement dans les entreprises sans négociation, y compris dans celles où il n'y a pas de représentation syndicale. 50 % des salariés sont ainsi concernés : il faut un système de mandatement par les syndicats dans toutes les entreprises.
2. L'inscription claire dans la loi d'un calendrier pour que les salariés des entreprises de moins de 20 obtiennent le même régime de temps de travail que les autres.
3. Exclure la possibilité d'échanger les congés annuels contre de l'argent.
4. Supprimer la possibilité de monnayer les repos compensateurs. ()
Dans cette manifestation, les fonctionnaires étaient présents. Que demandez-vous les concernant ?
Nous demandons l'ouverture de négociations entre autre sur trois sujets : l'évolution des carrières, la formation continue et le dialogue social. Mais pour cela, le gouvernement doit nous dire préalablement quels sont les moyens qu'il entend mettre à disposition dans la négociation.
Syndicats et patronat relancent une série de quatre grandes négociations demain. Quel est le calendrier ?
La rencontre que nous avons eue avec le Medef nous a permis de préciser que ces dossiers devraient être traités d'ici l'été.
Quelles exigences posez-vous sur l'emploi des seniors ?
Nous avons plusieurs objectifs pour cette négociation fondamentale : d'abord, construire une deuxième partie de carrière, tout en l'anticipant. Cela suppose d'améliorer les accès à la formation continue et à la validation des acquis de l'expérience. Ensuite, nous voulons que les salariés aient la possibilité de bénéficier de retraites progressives : que ceux qui le souhaitent, puissent commencer à cumuler, pendant quelques années, un travail à mi-temps et une retraite à temps partiel avant l'âge de la retraite.
Et sur la pénibilité au travail ?
Il y a une injustice énorme dans notre pays : un ouvrier a une espérance de vie de cinq ans moins longue qu'un employé ou un cadre ! Nous voulons donc, par ces négociations, diminuer la pénibilité par des mesures concrètes sur l'organisation du travail, sur les postes de travail, par la prévention. La deuxième partie de la négociation concernera les salariés qui approchent de l'âge de la retraite et ont exercé un travail pénible durant toute leur vie : il faudra leur permettre une retraite anticipée à taux plein, en fonction de leur temps passé dans des métiers pénibles. La négociation interprofessionnelle va définir la pénibilité du travail, puis des négociations de branche désigneront les métiers concernés.
Autre négociation : le télétravail, qui devrait fortement progresser dans l'avenir
Pour moi, cette négociation est symbolique ! L'Europe sociale a déjà des effets concrets : les syndicats et le patronat ont négocié plusieurs accords au niveau européen, parmi lesquels figurent le télétravail et le stress. Il s'agit à présent de les décliner en France. L'enjeu est de reconnaître en terme d'organisation et de temps de travail les salariés qui travaillent chez eux.
Vous pariez sur le succés de ces négociations ?
Les négociations les plus difficiles sont toujours celle qui coûtent le plus cher ! Ce sera le cas, en particulier, sur les départs anticipés.
Fin 2005, la négociation la plus explosive concernera l'Unédic, l'organisme de gestion de l'assurance chômage en fort déficit. Les partenaires sociaux pourront-ils vraiment s'entendre sur l'indemnisation des chômeurs ?
Dans le cadre d'un chômage aussi élevé, les résultats de la négociation ne dépandent pas seulement des partenaires sociaux et de la participation des entreprises. Nous allons également interpeller la solidarité nationale, donc les caisses de l'État. Quels sont les moyens que l'État peut verser pour aider à l'indemnisation des chômeurs ? Car la question est aujourd'hui posée : est-ce vraiment aux salariés du privé et à leurs entreprises d'assumer seuls cette charge ?
L'échec de cette négociation n'est-il pas annoncé d'avance ?
Non, cela dépendra aussi de la situation économique. Le gouvernement nous promet 10 % de chômeurs en moins cette année. Ce serait une bouffée d'oxygène pour l'Unédic. Mais je le crains, on n'en prend pas le chemin. Si le gouvernement n'atteint pas ses objectifs en matière d'emploi, il pourra difficilement refuser de nous aider financièrement.
Le régime d'assurance chômage des intermittents du spectacle fera-t-il l'objet d'une négociation séparée ?
Non, le déficit est valable pour tout le monde. Mais avant de négocier, nous voulons que le gouvernement nous annonce le maintien de la caisse complémentaire qu'il a créée pour les intermittents.
(Source http://www.cfdt.fr, le 10 février 2005)