Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Préfet,
Madame le Sénateur-Maire,
Monsieur le Directeur général de l'INSERM,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Doyens
Messieurs les Présidents de Commission médicale d'établissement,
Mesdames et Messieurs les Directeurs généraux,
J'aimerais tout d'abord vous remercier de m'avoir proposé d'ouvrir vos 9èmes Assises nationales des centres hospitaliers universitaires (CHU). Vous avez conçu vos assises dans un esprit de rassemblement et de réflexion constructive, autour du thème de l'évaluation, en favorisant le dialogue entre tous les acteurs du monde hospitalo-universitaire, et je vous en félicite.
Comme vous le savez, je suis avec vous en famille, par mon passé professionnel bien sûr, mais aussi plus que jamais par mes responsabilités actuelles au sein du Gouvernement. Car la santé des Français, dont j'ai la charge, passe toujours, à un moment ou à un autre, par l'hôpital.
Lors des assises de Montpellier en octobre 2001 et de Nice en mars 2003, vous avez posé le cadre d'une grande ambition hospitalo-universitaire et affirmé votre volonté de construire ensemble - directeurs généraux, présidents de commission médicale d'établissement et doyens des facultés de médecine - les CHU de demain.
I. Aujourd'hui, en consacrant vos assises à l'évaluation de chacune des missions du CHU, vous franchissez, je crois, une étape décisive.
1. Car, l'évaluation est bien synonyme de modernité.
Elle est le moteur le plus efficace pour que les CHU puissent s'adapter aux évolutions de la société : évolution du monde de la santé, au plan des métiers, des techniques, des organisations, des pratiques ; évolution de la demande de nos concitoyens, aussi, qui aspirent à plus de transparence, plus de qualité, plus de sécurité.
L'évaluation sera donc symbole de modernité et d'excellence, pour autant qu'elle s'applique à l'ensemble des missions du CHU, comme l'évoquent parfaitement les thèmes de vos assises : pratiques de soins, management, enseignement et recherche ; et pour autant que les critères d'évaluation retenus soient indiscutables. C'est un point fondamental.
Sous ces deux conditions, il est de notre responsabilité commune de la mettre en place sans concession, mais avec pédagogie et écoute réciproque.
Je voudrais aussi évoquer ici l'évolution des missions des CHU. Aux trois missions qui existent aujourd'hui : soins, enseignement et recherche, je souhaiterais en ajouter une quatrième qui me paraît particulièrement opportune : l'expertise en santé publique. Dans un contexte d'exigence de plus en plus aiguë pour nos concitoyens de sécurité sanitaire, c'est aujourd'hui pour moi un impératif.
L'expertise en santé publique devrait donc entrer dans la valorisation de la carrière des PU-PH, tout comme elle devrait entrer dans les missions d'intérêt général des praticiens hospitaliers.
2. Votre choix de l'évaluation marque aussi une étape décisive, car le CHU n'est pas un hôpital comme les autres
Fleuron de nos établissements de santé, le CHU joue avant tout un rôle de service public. Dans les soins bien sûr, mais aussi dans l'aide médicale d'urgence, la prévention, l'éducation pour la santé, la lutte contre l'exclusion sociale et la prise en charge de toutes les précarités.
Il assure aussi l'excellence, par ses missions d'enseignement et de recherche, qui lui confèrent un rôle de référence et de recours.
C'est donc à la fois un hôpital d'accueil de proximité pour les populations environnantes, mais aussi un hôpital de recours pour les techniques spécialisées et les technologies de pointe.
Deuxième caractéristique, le CHU joue un rôle prédominant dans l'organisation sanitaire de son territoire de santé et de sa région.
Votre potentiel est un atout. Il vous met en situation naturelle d'initier et d'animer des réseaux des santé, et d'y participer activement, notamment en matière de formation ;
De mener la réflexion sur les projets de territoire ; d'être initiateurs et innovants dans l'application de la loi de santé publique.
Enfin, et c'est le troisième point que je voulais souligner, vous savez combien je compte sur la réforme de l'Assurance Maladie pour faire évoluer les comportements et les pratiques, tant des usagers que des professionnels vers davantage de responsabilité. Cette politique bâtie sur le rôle du médecin traitant dans le parcours de soins doit entraîner une prise de conscience, un changement culturel profond, grâce notamment à de nouveaux outils comme le dossier médical personnel.
Mais, ne vous y trompez pas, vous êtes au cur de cette réforme et votre engagement sera décisif. Elle doit se traduire par la diffusion des bonnes pratiques qui sera le vecteur de l'évolution des esprits et des comportements des futurs médecins.
C'est dans nos facultés, c'est au lit du malade, c'est par la valeur d'exemple des comportements des hospitalo-universitaires que les futurs médecins façonneront leurs propres comportements pour les années futures.
II - En écho à cette étape décisive que vous me semblez vouloir franchir, j'ai une ambition pour les CHU.
Moderniser profondément, avec vous, la recherche hospitalière, et je m'y emploie aux côtés de François Fillon et François d'Aubert, et vous accompagner dans la nouvelle organisation interne des CHU et de leur financement.
1°) Concernant la recherche.
Ma volonté est claire : préserver le rôle de creuset irremplaçable pour la recherche médicale et l'innovation que jouent les plus grands hôpitaux de France.
Il convient, tout d'abord, d'entreprendre un effort de coordination des activités de recherche, que ce soit au sein des directions régionales de la recherche clinique, des organismes de recherche ou de l'université.
Je souhaite que la recherche soit inséparable de l'enseignement et des soins au lit du malade. Cette volonté doit se traduire par l'amélioration continue des soins, car recherche, enseignement et soins de pointe comme soins de proximité sont intimement liés. C'est en effet la voie que nous avons historiquement choisie et qui a porté au meilleur niveau l'ensemble de la médecine française. Nous sommes tous attachés à la préserver, même si elle doit s'adapter à de nouvelles réalités et prendre de nouvelles formes.
La recherche biologique et médicale est d'abord au service de la compréhension des maladies et de l'élaboration des nouvelles thérapeutiques. C'est en ce sens qu'elle est infiniment précieuse et que tout doit être fait pour lui donner les moyens, l'organisation et les structures permettant le meilleur transfert des connaissances et des résultats. C'est par l'échange au sein de la communauté médicale et scientifique, qui est UNE, que ces transferts doivent et peuvent se faire, pour diffuser les savoirs et capitaliser sur des innovations.
C'est précisément pour accélérer et rendre encore plus faciles et fructueux ces partages d'informations que nous avons voulu, avec François Fillon et François d'Aubert, engager un travail entre les représentants des principales parties prenantes : doyens, directeurs d'hôpitaux, présidents d'universités, présidents de commissions médicales d'établissements, représentants des professionnels de santé - et ce, en présence du directeur général de l'INSERM. Ce travail a permis d'élaborer l'ordonnance sur la nouvelle organisation des CHU, qui prévoit notamment :
1. de rendre obligatoire un volet recherche dans le contrat d'objectifs et de moyens, signé entre le CHU et l'agence régionale d'hospitalisation ;
2. de créer, dans chaque CHU, un "comité de la recherche biomédicale et en santé" où seront représentés les trois potentiels de recherche, la recherche clinique des hôpitaux, la recherche universitaire et celle des établissements de recherche. Ce comité devra définir une politique. Celle-ci doit passer par un meilleur rassemblement des forces, car il faut atteindre les masses critiques scientifiques et technologiques nécessaires pour atteindre le niveau d'excellence, y compris au niveau international.
Il convient, ensuite, de favoriser l'ouverture des CHU vers les sciences exactes - les mathématiques, la physique et la chimie - ou les sciences humaines - la sociologie, la psychologie et l'économie de la santé ; mais aussi, à toutes les dimensions de la recherche :
- dimension physiopathologique, qui permet la compréhension des mécanismes des maladies ;
- dimension clinique, qui conduit au progrès diagnostique et thérapeutique ;
- dimension de santé publique, dont la recherche épidémiologique constitue la base indispensable pour appréhender les maladies et les risques de santé et les moyens de les réduire dans la population.
Je souhaite, également, actualiser le fondement de notre politique hospitalo-universitaire contenu dans l'ordonnance de 1958 de Debré.
Nous savons en effet que personne n'exerce plus les trois missions de soins, d'enseignement et de recherche dans le même temps. Il faut sortir de cette fiction et admettre que l'exercice de ces différentes missions soit successif, ou collectif par une équipe de médecins et de scientifiques au sein d'un ensemble plus vaste que celui des services, c'est-à-dire au sein des pôles d'activité, qui doivent réunir intelligemment les forces dans une discipline ou un groupe de disciplines données.
Les carrières ne peuvent plus être linéaires. Demeure t'on toute sa vie à la fois un bon clinicien, un bon enseignant, un bon chercheur et un bon manager ? Et ne peut-on pas plutôt mieux organiser les projets individuels en favorisant l'alternance entre ces activités sans jamais opposer les cliniciens aux chercheurs ?
Je vais donc engager, avec tous les acteurs concernés, une réflexion approfondie sur ces questions fondamentales.
J'ai souhaité, enfin, mettre en place de véritables incitations financières, dans le cadre d'une enveloppe appelée MERRI, " Mission Enseignement, Recherche, Référence et Innovation ", incluse mais identifiée au sein des Missions d'Intérêt Général.
Pour cette année j'ai souhaité garantir à tous un minimum de 12 % du budget de chaque établissement, en introduisant au-delà des 12 % une modulation, selon les critères du rapport de l'IGAS de juillet 2004. Ainsi l'enveloppe MERRI se situe en moyenne à 15,7 %, c'est-à-dire pour une majorité d'établissements, bien au-delà des 13 % historiques.
C'est un premier pas, dans le sens de l'évaluation renforcée que vous appelez de vos vux. Et je salue votre responsabilité et votre engagement à accepter cette modulation. Mais notre travail débute à peine. Pour 2006, je compte sur vous pour l'améliorer.
Cet objectif de transparence s'accompagne d'une volonté claire d'encourager le développement de ces activités, puisque l'enveloppe globale MERRI, dans un contexte budgétaire contraint, a été augmentée cette année de plus de 10 % par rapport à 2004 pour être portée à 2,1 milliards d'euros.
2°) Faciliter l'adaptation du CHU aux nouvelles exigences des pratiques, des techniques et des technologies, ainsi qu'aux exigences de la population
L'adaptation de l'organisation interne de l'hôpital est engagée, la nouvelle Ordonnance sera étudiée par le Conseil d'Etat en avril. Les décrets d'application suivront très rapidement. L'objectif est à la fois de vous donner plus de souplesse de gestion et de fédérer tous les professionnels qui travaillent au service d'une meilleure qualité des soins.
Le projet tient compte des évolutions que vous aviez appelées de vos vux pour l'organisation du CHU.
Je sais que des expériences très positives sont déjà engagées dans de nombreux établissements, préfigurant les pôles d'activité et les conseils exécutifs. Il n'est pas question de suspendre ou d'interrompre de telles expériences dès lors qu'elles répondent à ces objectifs, même si elles ne sont pas rigoureusement conformes au dispositif prévu par l'Ordonnance. Mes services seront à vos cotés pour réussir cette réforme et l'adapter à vos spécificités aussi bien qu'aux réalités de la pratique quotidienne.
Mais, je souhaite que personne ne perde de vue que la nouvelle gouvernance des hôpitaux et des CHU prendra tout son sens en s'inscrivant dans une démarche de qualité et d'évaluation modernisée sous l'égide de la Haute Autorité en Santé, et dans le cadre d'une réforme du financement plus dynamisante, plus équitable et plus transparente et de celle de la réforme de l'Assurance Maladie.
Ces réformes vont de pair avec la rénovation du statut des praticiens hospitaliers, en cours de finalisation, ainsi qu'avec une amélioration du dialogue social, à laquelle je vais inviter l'ensemble des organisations syndicales des personnels hospitaliers.
Nous avons voulu aussi donner une rémunération plus juste et plus équitable aux hôpitaux, dans le cadre de la réforme de leur financement, tant par son volet de la tarification à l'activité que par celui des missions d'intérêt général.
Tout le monde souhaitait la fin du budget global. Mais ce n'est pas parce qu'une réforme est souhaitée que sa mise en place s'effectue dans l'enthousiasme et surtout que chaque hôpital se met en situation ou est en capacité d'y faire face.
Ceux qui parlent de sélection des patients oublient les dérives de la dotation globale.
Ceux qui parlent de privatisation ou de rentabilité font de la désinformation. L'hôpital est au cur de notre pacte de solidarité nationale. Les missions de service public sont au centre de notre action pour les préserver et les rendre encore plus efficaces.
En effet, dans le cadre de la tarification à l'activité, les missions de service public sont valorisées en tant que telles. Une enveloppe financière de plus de 4 milliards d'euros permet de rémunérer les activités qui concourent à l'accès de tous au système de santé, que ce soit pour l'accès aux soins des plus démunis, à la formation des personnels, à la recherche pour n'en citer que quelques aspects. De plus, les nouvelles modalités de financement des hôpitaux que vous avez largement appelées de vos vux connaîtront cette année un développement significatif, puisque la tarification à l'activité couvrira 25 % des dépenses de court séjour en 2005.
La mise en uvre de ces réformes est indispensable et les réussir est mon ambition pour l'ensemble du monde hospitalier. Si certains pouvaient en douter, je vais les décevoir car je ne me déroberai pas.
Pour que ces réformes réussissent, j'ai pris un certain nombre de dispositions :
D'abord j'ai demandé que des propositions de simplification me soient faites d'ici la fin de l'année, en lien avec les professionnels. Je trouve que la réforme de la tarification est complexe et qu'elle doit gagner en lisibilité et en transparence : c'est un véritable enjeu démocratique.
Je souhaite également qu'un plan ambitieux de formation et d'explication, destiné à tous les professionnels, administratifs ou soignants, accompagne très rapidement sa mise en uvre.
Enfin, il est indispensable d'aider tous les établissements à s'adapter à cet ensemble de réformes. Il ne saurait y avoir d'hôpital menacé dans son avenir par une adaptation trop difficile.
Chaque hôpital aura recours, s'il le souhaite à des compétences d'analyse, de conseil et de suivi. Tout particulièrement, chaque établissement en difficulté devra bénéficier, en lien avec son agence régionale d'hospitalisation, d'un plan personnalisé d'accompagnement, dont les modalités seront très étroitement préparées avec tous les représentants des hôpitaux.
J'ai donc confié à l'un des vôtres, Jean-Jacques Romatet, directeur général du CHU de Nice, la mission de me faire des propositions pour accompagner ces réformes et les adapter à chaque fois que cela apparaîtra nécessaire. Avec le nouveau directeur de la Direction de l'Hospitalisation et de l'Organisation des Soins, Jean Castex, ils vous proposeront prochainement, à partir de diagnostics partagés, une panoplie d'outils pour mieux analyser les difficultés éventuelles, améliorer la conduite du changement, favoriser son appropriation par tous les acteurs de l'hôpital et aider les directeurs et les instances dirigeantes des établissements hospitaliers, au besoin dans la durée, à conduire les adaptations indispensables. Vous pourrez à cet effet, avec les agences régionales d'hospitalisation, mobiliser des moyens humains, méthodologiques et techniques à chaque fois que cela sera nécessaire.
A l'ambition que je viens de rappeler pour les hôpitaux publics et notamment pour les CHU, vous avez pris une grande part, que ce soit pour la nouvelle organisation, l'évaluation exigeante, la réforme du financement menée de façon très participative, et l'effort majeur de qualité et de structuration pour notre recherche. Cette ambition est maintenant entre vos mains. Quels que soient les débats qui peuvent encore exister sur certaines modalités, le sens de la réforme est clair et je vous invite à en prendre résolument le chemin.
C'est à la préparation de l'hôpital des prochaines décennies que je vous convie. Les CHU sont les têtes de pont des évolutions indispensables de notre système de soin. Ces évolutions ne réussiront que si elles sont comprises et conduites dans la concertation.
Ainsi, je m'engage avec force dans la voie de la modernisation de notre système de soins en préservant ses grands principes : un financement solidaire, un effort partagé et un égal accès à des soins de grande qualité.
Je tiens à rendre ici publiquement hommage à tous les personnels de la communauté hospitalière, quelles que soient leurs fonctions, et leur dire la grande reconnaissance de la Nation pour le travail difficile et irremplaçable qu'ils accomplissent au quotidien. Je connais sa lourdeur, ses risques parfois, mais aussi sa noblesse et sa richesse.
Ne doutez pas de ma conviction. Pour ma part, je sais pouvoir compter sur vous en cette année décisive. Connaissant la qualité de votre engagement, je suis persuadé que nous partageons tous ici cette exigence élevée et la même détermination.
Je vous remercie.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 18 mars 2005)