Texte intégral
Monsieur le Ministre, cher Renaud,
Cher Derek Walcott,
Cher Marcel Bozonnet,
Chers amis d'outre-mer et de métropole,
Je suis très heureuse d'être avec vous ce soir pour honorer dans le cadre de la Comédie française un des grands écrivains de notre temps, une grande figure de la Caraïbe, reconnue partout dans le monde. Vous êtes, cher Derek Walcott, originaire d'une région qui me tient particulièrement à cur. Et il se pourrait bien d'ailleurs que je sois amenée, lors de mon prochain déplacement aux Antilles françaises, dans quelques semaines, à me rendre, à l'invitation des autorités de Sainte-Lucie, sur votre île, dans votre chère ville de Castries.
L'hommage qui vous est rendu aujourd'hui par la République française est l'occasion de mieux faire connaître, dans notre pays, l'apport immense des écrivains de la Caraïbe au patrimoine littéraire et théâtral universel. Je me réjouis qu'une institution aussi prestigieuse que la Comédie française mette à l'honneur les théâtres caribéens. Et je voudrais adresser mes remerciements les plus sincères à Marcel Bozonnet, Marius Gottin et José Pliya qui ont travaillé ensemble pour mieux faire partager aux professionnels, et plus largement à l'ensemble de nos concitoyens, la contribution fondamentale de cette région du monde à l'écriture théâtrale contemporaine.
La démarche qui nous rassemble aujourd'hui permet aussi de réinscrire la Guadeloupe, la Martinique, ou encore la Guyane, dans leur environnement géographique, historique et culturel. Et je m'en félicite. Il convient de ne plus considérer, comme c'est encore trop souvent le cas dans l'hexagone, les collectivités françaises d'Amérique dans leur seul rapport avec la métropole, mais il nous faut aussi comprendre et montrer les innombrables liens historiques, culturels et artistiques tissés avec l'ensemble du bassin caribéen. L'événement que nous vivons restitue, en effet, aux cultures et aux identités de la France d'Amérique leur dimension pleinement caribéenne, et leur donne par conséquent tout leur sens.
Aujourd'hui, souvent faute de moyens, les échanges entre les départements français d'Amérique et les pays qui les entourent restent trop rares, même en matière culturelle. C'est pourquoi le ministère de l'outre-mer a engagé une politique de soutien à la coopération régionale qui vise à favoriser une meilleure insertion des collectivités ultramarines dans leurs milieux régionaux respectifs. Ces aides aux projets ont non seulement vocation à briser l'enclavement et l'isolement de chaque île, mais aussi à faire de la Caraïbe un véritable espace culturel. Elles ont aussi clairement l'ambition, dans le domaine des arts, de placer la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane au cur de leur région.
La France métropolitaine et Paris forment, pour la Caraïbe française, l'autre grand pôle d'échanges. Les liens culturels, forgés par une longue histoire commune, sont une dimension fondamentale de la relation au monde de cette région. Aussi ai-je souhaité que mon ministère contribue au développement des échanges culturels entre les collectivités ultramarines et la métropole. Le fonds d'échanges artistiques et culturels, créé avec le soutien du ministère de la culture et de la communication, vise aussi à construire la continuité territoriale en matière culturelle.
Tous ces efforts de l'Etat sont nécessaires, et plus encore légitimes. Mais au-delà, c'est toute la visibilité de l'outre-mer en métropole qui m'importe. Et votre initiative y contribue grandement aujourd'hui. Il s'agit non pas d'enfermer les artistes dans des ghettos, mais de les aider à inscrire leurs créations dans les réseaux habituels de diffusion : j'ai d'ailleurs le sentiment que les mentalités changent. Ainsi la presse nationale s'est-elle largement fait l'écho ces derniers mois de beaux projets qui ont su faire leur chemin, qui ont su ouvrir les portes et qui ont reçu le soutien de mon ministère. Je pense en particulier, pour me limiter au théâtre, aux talents de ceux qui ont porté: les " Cannibales " de José Pliya mis en scène par Jacques Martial au Théâtre national de Chaillot, ou " la Cerisaie " de Tchékhov dans une mise en scène de Jean-René Lemoine à la Maison de la Culture de Bobigny.
La France est un grand pays multiculturel. Pourtant cette réalité n'y est pas encore toujours pleinement reconnue et acceptée. Les représentations culturelles, l'image que la société française renvoie d'elle-même, à travers ses médias notamment, ou même ses institutions culturelles, sont encore trop souvent en décalage avec le réel et le vécu d'une partie de nos concitoyens. C'est pourquoi nous devons nous attacher, tous ensemble, à ce que la diversité, de réalité sociale, devienne aussi une réalité culturelle. Je sais que les communautés ultramarines sauront donner une impulsion à ces transformations nécessaires et inéluctables. Le ministère de l'outre-mer restera à vos côtés, comme il l'est ce soir, pour accompagner vos actions.
La présence de l'outre-mer français doit devenir effective dans les médias ou les institutions culturelles. C'est une évidence. La visibilité à l'écran ou sur scène des nombreux talents ultramarins : journalistes, artistes, comédiens Et je crois que, sur ce terrain, les choses avancent, notamment à la télévision. Mais aussi la reconnaissance de ces imaginaires de la Caraïbe, du Pacifique ou de l'océan Indien qui fondent aussi la culture française actuelle. Combien de scénarios, de manuscrits ou de projets de théâtre sont-ils encore aujourd'hui refusés ou négligés, au prétexte qu'ils n'intéresseraient pas l'ensemble de nos compatriotes ? Ces imaginaires qui viennent de loin mais qui ne sauraient être réduits à l'exotisme ou à un ailleurs étranger font la richesse de notre pays. Ils sont encore trop peu reconnus, trop peu acceptés. C'est là, cher Renaud, un défi que nous avons à relever
Je me réjouis donc, une nouvelle fois, du choix de la Comédie française de mettre, dans les jours à venir, les écritures de la Caraïbe à la portée des professionnels et de nos concitoyens. Et je forme le vu, au-delà de l'écho des textes, d'assister un jour très proche à l'entrée au Français d'uvres, de metteurs en scène ou de comédiens, originaires de l'outre-mer.
Je suis sûre que cette semaine sera l'occasion d'échanges et de dialogues entre la métropole et l'outre-mer, entre la France et la Caraïbe, et entre les collectivités d'outre-mer et leurs voisins caribéens et américains.
Je vous remercie.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 8 avril 2005)
Cher Derek Walcott,
Cher Marcel Bozonnet,
Chers amis d'outre-mer et de métropole,
Je suis très heureuse d'être avec vous ce soir pour honorer dans le cadre de la Comédie française un des grands écrivains de notre temps, une grande figure de la Caraïbe, reconnue partout dans le monde. Vous êtes, cher Derek Walcott, originaire d'une région qui me tient particulièrement à cur. Et il se pourrait bien d'ailleurs que je sois amenée, lors de mon prochain déplacement aux Antilles françaises, dans quelques semaines, à me rendre, à l'invitation des autorités de Sainte-Lucie, sur votre île, dans votre chère ville de Castries.
L'hommage qui vous est rendu aujourd'hui par la République française est l'occasion de mieux faire connaître, dans notre pays, l'apport immense des écrivains de la Caraïbe au patrimoine littéraire et théâtral universel. Je me réjouis qu'une institution aussi prestigieuse que la Comédie française mette à l'honneur les théâtres caribéens. Et je voudrais adresser mes remerciements les plus sincères à Marcel Bozonnet, Marius Gottin et José Pliya qui ont travaillé ensemble pour mieux faire partager aux professionnels, et plus largement à l'ensemble de nos concitoyens, la contribution fondamentale de cette région du monde à l'écriture théâtrale contemporaine.
La démarche qui nous rassemble aujourd'hui permet aussi de réinscrire la Guadeloupe, la Martinique, ou encore la Guyane, dans leur environnement géographique, historique et culturel. Et je m'en félicite. Il convient de ne plus considérer, comme c'est encore trop souvent le cas dans l'hexagone, les collectivités françaises d'Amérique dans leur seul rapport avec la métropole, mais il nous faut aussi comprendre et montrer les innombrables liens historiques, culturels et artistiques tissés avec l'ensemble du bassin caribéen. L'événement que nous vivons restitue, en effet, aux cultures et aux identités de la France d'Amérique leur dimension pleinement caribéenne, et leur donne par conséquent tout leur sens.
Aujourd'hui, souvent faute de moyens, les échanges entre les départements français d'Amérique et les pays qui les entourent restent trop rares, même en matière culturelle. C'est pourquoi le ministère de l'outre-mer a engagé une politique de soutien à la coopération régionale qui vise à favoriser une meilleure insertion des collectivités ultramarines dans leurs milieux régionaux respectifs. Ces aides aux projets ont non seulement vocation à briser l'enclavement et l'isolement de chaque île, mais aussi à faire de la Caraïbe un véritable espace culturel. Elles ont aussi clairement l'ambition, dans le domaine des arts, de placer la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane au cur de leur région.
La France métropolitaine et Paris forment, pour la Caraïbe française, l'autre grand pôle d'échanges. Les liens culturels, forgés par une longue histoire commune, sont une dimension fondamentale de la relation au monde de cette région. Aussi ai-je souhaité que mon ministère contribue au développement des échanges culturels entre les collectivités ultramarines et la métropole. Le fonds d'échanges artistiques et culturels, créé avec le soutien du ministère de la culture et de la communication, vise aussi à construire la continuité territoriale en matière culturelle.
Tous ces efforts de l'Etat sont nécessaires, et plus encore légitimes. Mais au-delà, c'est toute la visibilité de l'outre-mer en métropole qui m'importe. Et votre initiative y contribue grandement aujourd'hui. Il s'agit non pas d'enfermer les artistes dans des ghettos, mais de les aider à inscrire leurs créations dans les réseaux habituels de diffusion : j'ai d'ailleurs le sentiment que les mentalités changent. Ainsi la presse nationale s'est-elle largement fait l'écho ces derniers mois de beaux projets qui ont su faire leur chemin, qui ont su ouvrir les portes et qui ont reçu le soutien de mon ministère. Je pense en particulier, pour me limiter au théâtre, aux talents de ceux qui ont porté: les " Cannibales " de José Pliya mis en scène par Jacques Martial au Théâtre national de Chaillot, ou " la Cerisaie " de Tchékhov dans une mise en scène de Jean-René Lemoine à la Maison de la Culture de Bobigny.
La France est un grand pays multiculturel. Pourtant cette réalité n'y est pas encore toujours pleinement reconnue et acceptée. Les représentations culturelles, l'image que la société française renvoie d'elle-même, à travers ses médias notamment, ou même ses institutions culturelles, sont encore trop souvent en décalage avec le réel et le vécu d'une partie de nos concitoyens. C'est pourquoi nous devons nous attacher, tous ensemble, à ce que la diversité, de réalité sociale, devienne aussi une réalité culturelle. Je sais que les communautés ultramarines sauront donner une impulsion à ces transformations nécessaires et inéluctables. Le ministère de l'outre-mer restera à vos côtés, comme il l'est ce soir, pour accompagner vos actions.
La présence de l'outre-mer français doit devenir effective dans les médias ou les institutions culturelles. C'est une évidence. La visibilité à l'écran ou sur scène des nombreux talents ultramarins : journalistes, artistes, comédiens Et je crois que, sur ce terrain, les choses avancent, notamment à la télévision. Mais aussi la reconnaissance de ces imaginaires de la Caraïbe, du Pacifique ou de l'océan Indien qui fondent aussi la culture française actuelle. Combien de scénarios, de manuscrits ou de projets de théâtre sont-ils encore aujourd'hui refusés ou négligés, au prétexte qu'ils n'intéresseraient pas l'ensemble de nos compatriotes ? Ces imaginaires qui viennent de loin mais qui ne sauraient être réduits à l'exotisme ou à un ailleurs étranger font la richesse de notre pays. Ils sont encore trop peu reconnus, trop peu acceptés. C'est là, cher Renaud, un défi que nous avons à relever
Je me réjouis donc, une nouvelle fois, du choix de la Comédie française de mettre, dans les jours à venir, les écritures de la Caraïbe à la portée des professionnels et de nos concitoyens. Et je forme le vu, au-delà de l'écho des textes, d'assister un jour très proche à l'entrée au Français d'uvres, de metteurs en scène ou de comédiens, originaires de l'outre-mer.
Je suis sûre que cette semaine sera l'occasion d'échanges et de dialogues entre la métropole et l'outre-mer, entre la France et la Caraïbe, et entre les collectivités d'outre-mer et leurs voisins caribéens et américains.
Je vous remercie.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 8 avril 2005)