Texte intégral
Monsieur le Préfet,
Madame le Maire-Adjoint,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un grand plaisir d'être cette année parmi vous pour vous présenter au nom de Catherine Tasca et du mien l'édition 2000 des Journées du Patrimoine qui sont le rendez-vous attendu de millions de visiteurs chaque année puisqu'elles sont désormais inscrites dans nos pratiques culturelles. C'est dire, d'entrée de jeu, qu'au fil des circuits et des cheminements que proposent ces journées, c'est le regard modifié que portent les habitants sur leur cadre de vie, et donc une forme concrète de citoyenneté culturelle qui s'exerce.
C'est à ce titre qu'intervient l'Etat initiateur et partenaire aux côtés des collectivités territoriales, pour permettre à chacun d'accéder aux ressources patrimoniales de ce pays et à tous, de se les réapproprier.
Les thèmes choisis pour cette édition 2000 éclairent particulièrement bien l'ambition des Journées. Tout d'abord, l'Europe un patrimoine commun qui pour la deuxième année consécutive s'inscrit dans la campagne du Conseil de l'Europe pour célébrer son cinquantième anniversaire. L'ouverture à la libre circulation culturelle a facilité l'accès aux richesses patrimoniales, à tout ce qui fait la vie réelle des hommes et des femmes, jusque dans ses expressions les plus récentes et ce progrès auquel répond un formidable intérêt de la population est le signe d'un vrai mouvement de société, qui dépasse le cloisonnement des frontières, en rappelant que nous tous, Européens, sommes héritiers et garants d'une culture commune bâtie dans l'échange et la diversité de nos cultures particulières.
Le thème de cette 17ème édition des Journées du Patrimoine porte sur le patrimoine du XX siècle. Longtemps celui-ci fut le domaine d'une minorité de spécialistes ou d'esthètes trop souvent convaincus du seul caractère national et artistique de ces richesses. Aujourd'hui notre objectif est bien sûr de le conserver et de le valoriser, mais aussi de le rendre accessible à tous. Chaque citoyen doit pouvoir se réapproprier son environnement bâti pour contribuer, à son échelle et dans le dialogue, à bâtir la ville.
L'action que nous menons en la matière va bien au-delà d'une défense sectorielle. Notre ambition est de l'inscrire dans une politique architecturale et urbaine globale. Il importe de rappeler que l'architecture, le patrimoine, la culture sont des composantes essentielles du vouloir vivre ensemble. Une ville est d'abord composée d'hommes et de femmes ; c'est une rencontre humaine, un fait de culture qui prend forme et vie architecturale. L'architecture naît par et dans la cité, par et dans la société ; elle ne peut lui être extérieure. Tous nos efforts, en matière de sensibilisation, de formation comme de réforme du métier, poursuivent ce but commun : rétablir l'architecture comme fait social. Tel est, aussi le message de ces Journées du Patrimoine.
Ce patrimoine contemporain, est particulièrement présent dans cette magnifique région Nord-Pas-de-Calais que nous avons choisie pour la présentation de cette manifestation et je voudrais, sans plus attendre, remercier les personnalités locales pour leur chaleureux accueil et leur hospitalité et je salue Monsieur le Préfet...
Cette région est en effet très riche en matière de patrimoine du XXe siècle. Elle y est d'ailleurs particulièrement attentive : saluons les inscriptions récentes du musée d'art moderne de Villeneuve-d'Ascq, première uvre protégée de Roland Simounet et de la bourse du travail de Calais construite par Roger Poyé. Plus largement, elle développe une politique exemplaire dans des domaines qui importent particulièrement : une politique de la ville dynamique et pertinente, élaborée à l'échelon intercommunal, et associée à une politique architecturale d'une grande qualité.
La densité de réalisations remarquables est trop importante pour toutes les citer, mais comment ne pas évoquer les grandes réussites récentes que sont le projet Euralille qui réunit, autour de Rem Koolhaas, des figures de l'architecture contemporaine telles que Jean Nouvel, Christian de Portzamparc Claude Vasconi ou Gilles Clément, la réhabilitation par Alain Sarfati de la filature de coton Motte-Bossut, qui abrite désormais le Centre des Archives du Monde du Travail, celle par Jean-Paul Philippon de l'ancienne piscine devenant musée ou encore le Studio national des arts contemporains du Fresnoy, que nous visiterons tout à l'heure, et qui est déjà reconnue comme l'une des réalisations marquantes du grand architecte qu'est Bernard Tschumi.
Dans les autres régions, de nombreuses manifestations s'attacheront également à ce patrimoine récent. Des circuits de découverte des réalisations architecturales du siècle sont ainsi proposés dans de nombreuses villes. Certaines ont souhaité s'attacher à des aspects, des courants ou des moments particuliers, comme pour ce circuit de découverte de l'Art déco à Nice, celui sur l'architecture des années 30 à Brive-la-Gaillarde, ou celui sur le patrimoine industriel à Troyes. Ces visites sont parfois enrichies de débats sur l'architecture contemporaine, comme à La Roche-sur-Yon.
Durant ce siècle, de nouveaux programmes architecturaux se sont développés, liés à l'activité industrielle, aux nouvelles manières d'habiter, à la civilisation des loisirs. Concurrençant le monumental, les réalisations destinées à l'homme, au quotidien, et à l'habitat se sont multipliées. Traversé par des aspirations idéologiques, sociales et constructives souvent contradictoires, mais bâtisseur et destructeur dans des proportions encore jamais atteintes, notre siècle a considérablement transformé notre cadre de vie actuel, composant un patrimoine à part entière.
Au centre de ce patrimoine diversifié du XX siècle - par exemple logement social, cité-jardins, villes nouvelles, aéroports, édifices culturels et d'enseignement, infrastructures de transports, ouvrages d'art - il y a le patrimoine industriel et la question de son devenir et de sa réutilisation.
Les structures industrielles qui ont perdu leur vocation rencontrent des difficultés particulières dans la quête d'une nouvelle affectation ; la rapidité des reconversions industrielles actuelles impose d'ailleurs de plus en plus une architecture modulable, démontable, évolutive, dont l'ancrage temporel dans l'espace n'est pas assuré. Le Pavillon de l'Aluminium de Jean Prouvé, qui a été réinstallé à Villepinte et inauguré au printemps par Catherine Tasca en est une illustration, et on sait le débat actuel autour des usines Renault à l'Ile Seguin. Doit-on et peut-on conserver un tel patrimoine ? Et que faire d'aménagements fonctionnels dès lors que l'usage pour lequel ils ont été conçus est révolu ?
On peut aussi s'interroger sur la place à accorder, dans une politique patrimoniale, aux lieux de mémoire ; aux sites véhiculant, au-delà de toute considération architecturale, une mémoire sociale forte, celle des hommes et des femmes qui y ont travaillé, souffert, lutté ; au paysage de ces régions façonné par une activité économique aujourd'hui disparue. Enfin, il faut souligner que l'architecture industrielle relève d'un remarquable art de bâtir, qui doit être reconnu et salué en tant que tel et bien sûr conservé !
Mais là encore, la conscience de ce patrimoine doit venir des acteurs eux-mêmes. Ce sont les ouvriers, les employés, les chefs d'entreprise, les élus, les responsables d'association, tous les habitants de ces régions marquées depuis deux siècles par l'activité industrielle qui trouveront, dans leur passé, les références sans lesquelles il est difficile de construire l'avenir.
Et comment, à cet égard, ne pas soulignée cette reconquête sur la ville et son passé, opérée par de jeunes équipes d'artistes et de professionnels, qui investissent des lieux industriels sans effacer leur histoire et leur redonnent vie par l'activité créatrice !
La politique que nous menons en la matière, issue du plan en treize mesures élaboré en 1998 par la direction de l'Architecture et du Patrimoine, et dont Catherine Tasca, ministre de la Culture et de la Communication, a tracé les orientations, en avril dernier, implique tout d'abord des actions de sensibilisation et de développement des connaissances.
La connaissance passe d'abord par l'identification précise et rigoureuse du patrimoine ; elle est bien sûr du ressort des spécialistes et des services de l'Etat, mais doit aussi naître de l'attention portée par les collectivités locales et les habitants eux-mêmes : à côté du travail essentiel de l'inventaire, se multiplient ainsi les conventions d'études, dont le nombre dépasse aujourd'hui les 200, signées entre l'Etat et les municipalités de villes de plus de 10 000 habitants.
La sensibilisation, qui bien sûr passe par des manifestations telles que ces Journées, s'appuie sur un travail de longue haleine qui permet notamment aux spécialistes de disposer de bases de données spécifiques ou de développer des programmes d'étude.
Permettez-moi de saluer à ce propos le remarquable investissement de l'école d'architecture de Lille/région Nord en la matière, qui a conclu avec la direction régionale des affaires culturelles un accord de partenariat, comme d'ailleurs d'autres écoles en Ile de France.
Cet effort de sensibilisation est mené en direction de tous les citoyens qui par leur participation massive à ces journées témoignent de leur intérêt renouvelé pour leurs villes. Les nombreuses actions de ces vingt dernières années, la redécouverte des centre-villes, la recherche d'identités urbaines et les efforts d'intégration ont marqué ce mouvement d'intérêt social et culturel pour l'environnement bâti. Cette orientation des Journées du Patrimoine du XX siècle s'enracine dans la volonté de permettre à tous de vivre, au quotidien, le patrimoine et l'architecture.
Je voudrais précisément mentionner nos principales actions:
Nous développons depuis plusieurs années, en partenariat avec l'Education nationale, un plan d'enseignement de l'histoire de l'art et du patrimoine et de sensibilisation à l'architecture ; les ateliers d'architecture et les ateliers du patrimoine - la ville de Roubaix en ouvrira prochainement un - en sont des composantes particulièrement appréciées.
Nous développons le réseau des Villes et Pays d'Art et Histoire. La région Nord-Pas-de-Calais y contribue largement avec désormais six villes membres de cet actif réseau.
Très bientôt la Cité de l'Architecture et du Patrimoine de Chaillot constituera en outre la tête de pont d'un réseau de diffusion national, permettant de promouvoir les initiatives locales ou professionnelles qui fleurissent actuellement.
Cela se double enfin de vecteurs de diffusion plus traditionnels et ponctuels, comme les expositions et l'édition d'ouvrages. Je suis ainsi heureux de vous offrir deux ouvrages édités à l'occasion de ces Journées, dans le cadre du fructueux partenariat que nous avons avec France-Loisirs : 100 monuments du XXe siècle, un ouvrage de grande diffusion qui retrace, sous la direction de Bertrand Lemoine, l'aventure architecturale de ce siècle, selon un plan chronologique. Simple, clair et richement illustré, il participera, je l'espère, à l'information du plus grand nombre. Et puis, le mémopatrimoine du XXe siècle un petit opuscule qui présente sous une forme ludique, les regards avertis, parfois ironiques, de quelques personnalités sur le siècle architectural qui s'achève.
Une question fondamentale touche à l'adaptation des dispositifs de protection. Dans ce domaine, un important travail a été fourni par le Ministère et ses services déconcentrés. Et je suis heureux de vous annoncer aujourd'hui deux conclusions à cette action de fond menée depuis plusieurs années :
I - Vous savez que l'un des axes de notre réflexion était d'adapter la législation actuelle en matière de protection des monuments et des sites à la situation particulière du patrimoine du XXe siècle, dont les caractéristiques - notamment l'importance des ensembles et des réalisations non monumentales - ainsi que la proximité temporelle ne facilitaient guère la protection au titre des monuments historiques. La prise en considération des espaces urbains a ainsi été favorisée par le développement des ZPPAUP et la création des conventions de villes pour l'architecture et le patrimoine. Mais l'outil souple et didactique permettant de désigner ce patrimoine récent faisait encore défaut. Ce manque est aujourd'hui comblé grâce à l'édition d'un logotype Patrimoine du XXe siècle permettant de signaler les éléments architecturaux les plus remarquables. Ce logo a été créé par Patrick Rubin et Valérie de Calignon au terme d'une consultation lancée en avril dernier par la direction de l'Architecture et du Patrimoine.
La plaque sur laquelle figure ce logotype, que je suis heureux de vous présenter et d'offrir à la ville de Lille, a pour objet d'identifier les productions de l'architecture moderne et contemporaine, en précisant les informations sur les constructions (architecte, date de réception). Cette plaque sera apposée sur les édifices bénéficiant déjà, ou non, d'une protection - il pourra d'ailleurs coexister avec le logotype Monument Historique -, susceptibles de recevoir le label Patrimoine du XXe siècle. Ce label, sans incidence juridique particulière, constitue donc une étape importante dans la prise en considération des édifices ou ensembles remarquables de ce siècle.
II - Par ailleurs, la circulaire du 18 juin 1999 avait confié aux directions régionales des affaires culturelles, en lien notamment avec les services départementaux de l'architecture et du patrimoine, la tâche de constituer des groupes de travail chargés de dresser, dans chaque région, une liste d'édifices susceptibles de bénéficier de l'une des procédures de protection existantes. Vous en découvrez aujourd'hui l'aboutissement, sous la forme du livret bleu qui vous été remis et qui présente les 400 édifices que de manière indicative ces commissions ont choisi de retenir sur l'ensemble du territoire. Je tiens à remercier les DRAC pour leur remarquable contribution et je vous laisse parcourir la grande diversité, de bâtiments, apparemment ordinaires aux côtés desquelles trop souvent, nous passons sans voir. Ces deux jours sont l'occasion rare et précieuse de passer de l'autre côté du miroir.
Enfin je tiens à souligner à nouveau la dimension européenne de ces manifestations en faveur du patrimoine. Au récent Forum Européen de l'Architecture, première manifestation sous la présidence française, Catherine Tasca a réaffirmé la place du patrimoine et de l'architecture dans les politiques communautaires et en insistant sur le développement de la culture architecturale et de la qualité de notre environnement bâti.
Ces journées sont bien sûr, coordonnées par la Direction de l'Architecture et du Patrimoine, à qui je voudrais adresser mes très vives félicitations pour son remarquable et patient travail, dont les grandes manifestations publiques ne sont que la partie émergée. François Barré, son directeur, sera prochainement appelé à d'autres fonctions. Je voudrais ici le remercier pour l'engagement qui a été le sien au cours des années passées à la tête de cette importante direction. Le patrimoine du XX siècle lui doit beaucoup. Il a en effet ouvert la voie d'une ambitieuse politique visant à réconcilier, à travers le patrimoine et l'architecture, l'homme et la ville. Cette politique se poursuivra.
Je tiens aussi à remercier tous les acteurs et les partenaires de cette magnifique manifestation. Vous en trouverez le programme complet sur le volumineux dossier qui vous a été remis ainsi que sur le site Internet du ministère. Un standard téléphonique sera par ailleurs mis à la disposition du public à compter du 11 septembre.
Les directions régionales aux affaires culturelles ont, une nouvelle fois, rivalisé de compétence et d'inventivité dans l'organisation des différentes animations. Je voudrais saluer leurs efforts et leur contribution essentielle à la bonne poursuite de la politique en matière de patrimoine du XXe siècle. Grâce à elles, avec le concours des services départementaux de l'architecture et du patrimoine, des propriétaires privés et publics, des architectes des monuments historiques et des architectes des Bâtiments de France, et grâce au soutien du Centre des monuments nationaux, du réseau des Villes et Pays d'Arts et d'Histoire, de la Demeure historique, des Vieilles maisons françaises, de la Fondation du Patrimoine et de bien d'autres associations, les Journées du Patrimoine sont cette grande fête populaire annuelle au succès jamais démenti.
Cette année, nous avons en outre bénéficié de l'appui de nos fidèles partenaires : France-Loisirs, Reflets de France, RTL, et France Télécom, et, pour la première fois, de la participation du Conseil national de l'Ordre des architectes et l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.
Je vous ai réservé une annonce finale qui devrait enfin combler une si longue attente et répondre aux engagements - je n'ose pas dire au militantisme de nombre d'entre vous.
Nous sommes très heureux, Catherine Tasca et moi-même de vous annoncer qu'au titre de notre politique en faveur du patrimoine du XX siècle, nous avons pris la décision de nous porter acquéreur de la Villa Cavroix et d'assurer ainsi définitivement sa sauvegarde.
Ce chef d'uvre architectural de Mallet-Stevens qui symbolise l'audace créatrice des années 30 et qui constitue une référence internationale, confortera encore les grandes ambitions de la région Nord-Pas-de-Calais, de la communauté urbaine et de Lille, capitale européenne de la culture en 2004, en matière d'architecture.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 13 septembre 2000).
Madame le Maire-Adjoint,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un grand plaisir d'être cette année parmi vous pour vous présenter au nom de Catherine Tasca et du mien l'édition 2000 des Journées du Patrimoine qui sont le rendez-vous attendu de millions de visiteurs chaque année puisqu'elles sont désormais inscrites dans nos pratiques culturelles. C'est dire, d'entrée de jeu, qu'au fil des circuits et des cheminements que proposent ces journées, c'est le regard modifié que portent les habitants sur leur cadre de vie, et donc une forme concrète de citoyenneté culturelle qui s'exerce.
C'est à ce titre qu'intervient l'Etat initiateur et partenaire aux côtés des collectivités territoriales, pour permettre à chacun d'accéder aux ressources patrimoniales de ce pays et à tous, de se les réapproprier.
Les thèmes choisis pour cette édition 2000 éclairent particulièrement bien l'ambition des Journées. Tout d'abord, l'Europe un patrimoine commun qui pour la deuxième année consécutive s'inscrit dans la campagne du Conseil de l'Europe pour célébrer son cinquantième anniversaire. L'ouverture à la libre circulation culturelle a facilité l'accès aux richesses patrimoniales, à tout ce qui fait la vie réelle des hommes et des femmes, jusque dans ses expressions les plus récentes et ce progrès auquel répond un formidable intérêt de la population est le signe d'un vrai mouvement de société, qui dépasse le cloisonnement des frontières, en rappelant que nous tous, Européens, sommes héritiers et garants d'une culture commune bâtie dans l'échange et la diversité de nos cultures particulières.
Le thème de cette 17ème édition des Journées du Patrimoine porte sur le patrimoine du XX siècle. Longtemps celui-ci fut le domaine d'une minorité de spécialistes ou d'esthètes trop souvent convaincus du seul caractère national et artistique de ces richesses. Aujourd'hui notre objectif est bien sûr de le conserver et de le valoriser, mais aussi de le rendre accessible à tous. Chaque citoyen doit pouvoir se réapproprier son environnement bâti pour contribuer, à son échelle et dans le dialogue, à bâtir la ville.
L'action que nous menons en la matière va bien au-delà d'une défense sectorielle. Notre ambition est de l'inscrire dans une politique architecturale et urbaine globale. Il importe de rappeler que l'architecture, le patrimoine, la culture sont des composantes essentielles du vouloir vivre ensemble. Une ville est d'abord composée d'hommes et de femmes ; c'est une rencontre humaine, un fait de culture qui prend forme et vie architecturale. L'architecture naît par et dans la cité, par et dans la société ; elle ne peut lui être extérieure. Tous nos efforts, en matière de sensibilisation, de formation comme de réforme du métier, poursuivent ce but commun : rétablir l'architecture comme fait social. Tel est, aussi le message de ces Journées du Patrimoine.
Ce patrimoine contemporain, est particulièrement présent dans cette magnifique région Nord-Pas-de-Calais que nous avons choisie pour la présentation de cette manifestation et je voudrais, sans plus attendre, remercier les personnalités locales pour leur chaleureux accueil et leur hospitalité et je salue Monsieur le Préfet...
Cette région est en effet très riche en matière de patrimoine du XXe siècle. Elle y est d'ailleurs particulièrement attentive : saluons les inscriptions récentes du musée d'art moderne de Villeneuve-d'Ascq, première uvre protégée de Roland Simounet et de la bourse du travail de Calais construite par Roger Poyé. Plus largement, elle développe une politique exemplaire dans des domaines qui importent particulièrement : une politique de la ville dynamique et pertinente, élaborée à l'échelon intercommunal, et associée à une politique architecturale d'une grande qualité.
La densité de réalisations remarquables est trop importante pour toutes les citer, mais comment ne pas évoquer les grandes réussites récentes que sont le projet Euralille qui réunit, autour de Rem Koolhaas, des figures de l'architecture contemporaine telles que Jean Nouvel, Christian de Portzamparc Claude Vasconi ou Gilles Clément, la réhabilitation par Alain Sarfati de la filature de coton Motte-Bossut, qui abrite désormais le Centre des Archives du Monde du Travail, celle par Jean-Paul Philippon de l'ancienne piscine devenant musée ou encore le Studio national des arts contemporains du Fresnoy, que nous visiterons tout à l'heure, et qui est déjà reconnue comme l'une des réalisations marquantes du grand architecte qu'est Bernard Tschumi.
Dans les autres régions, de nombreuses manifestations s'attacheront également à ce patrimoine récent. Des circuits de découverte des réalisations architecturales du siècle sont ainsi proposés dans de nombreuses villes. Certaines ont souhaité s'attacher à des aspects, des courants ou des moments particuliers, comme pour ce circuit de découverte de l'Art déco à Nice, celui sur l'architecture des années 30 à Brive-la-Gaillarde, ou celui sur le patrimoine industriel à Troyes. Ces visites sont parfois enrichies de débats sur l'architecture contemporaine, comme à La Roche-sur-Yon.
Durant ce siècle, de nouveaux programmes architecturaux se sont développés, liés à l'activité industrielle, aux nouvelles manières d'habiter, à la civilisation des loisirs. Concurrençant le monumental, les réalisations destinées à l'homme, au quotidien, et à l'habitat se sont multipliées. Traversé par des aspirations idéologiques, sociales et constructives souvent contradictoires, mais bâtisseur et destructeur dans des proportions encore jamais atteintes, notre siècle a considérablement transformé notre cadre de vie actuel, composant un patrimoine à part entière.
Au centre de ce patrimoine diversifié du XX siècle - par exemple logement social, cité-jardins, villes nouvelles, aéroports, édifices culturels et d'enseignement, infrastructures de transports, ouvrages d'art - il y a le patrimoine industriel et la question de son devenir et de sa réutilisation.
Les structures industrielles qui ont perdu leur vocation rencontrent des difficultés particulières dans la quête d'une nouvelle affectation ; la rapidité des reconversions industrielles actuelles impose d'ailleurs de plus en plus une architecture modulable, démontable, évolutive, dont l'ancrage temporel dans l'espace n'est pas assuré. Le Pavillon de l'Aluminium de Jean Prouvé, qui a été réinstallé à Villepinte et inauguré au printemps par Catherine Tasca en est une illustration, et on sait le débat actuel autour des usines Renault à l'Ile Seguin. Doit-on et peut-on conserver un tel patrimoine ? Et que faire d'aménagements fonctionnels dès lors que l'usage pour lequel ils ont été conçus est révolu ?
On peut aussi s'interroger sur la place à accorder, dans une politique patrimoniale, aux lieux de mémoire ; aux sites véhiculant, au-delà de toute considération architecturale, une mémoire sociale forte, celle des hommes et des femmes qui y ont travaillé, souffert, lutté ; au paysage de ces régions façonné par une activité économique aujourd'hui disparue. Enfin, il faut souligner que l'architecture industrielle relève d'un remarquable art de bâtir, qui doit être reconnu et salué en tant que tel et bien sûr conservé !
Mais là encore, la conscience de ce patrimoine doit venir des acteurs eux-mêmes. Ce sont les ouvriers, les employés, les chefs d'entreprise, les élus, les responsables d'association, tous les habitants de ces régions marquées depuis deux siècles par l'activité industrielle qui trouveront, dans leur passé, les références sans lesquelles il est difficile de construire l'avenir.
Et comment, à cet égard, ne pas soulignée cette reconquête sur la ville et son passé, opérée par de jeunes équipes d'artistes et de professionnels, qui investissent des lieux industriels sans effacer leur histoire et leur redonnent vie par l'activité créatrice !
La politique que nous menons en la matière, issue du plan en treize mesures élaboré en 1998 par la direction de l'Architecture et du Patrimoine, et dont Catherine Tasca, ministre de la Culture et de la Communication, a tracé les orientations, en avril dernier, implique tout d'abord des actions de sensibilisation et de développement des connaissances.
La connaissance passe d'abord par l'identification précise et rigoureuse du patrimoine ; elle est bien sûr du ressort des spécialistes et des services de l'Etat, mais doit aussi naître de l'attention portée par les collectivités locales et les habitants eux-mêmes : à côté du travail essentiel de l'inventaire, se multiplient ainsi les conventions d'études, dont le nombre dépasse aujourd'hui les 200, signées entre l'Etat et les municipalités de villes de plus de 10 000 habitants.
La sensibilisation, qui bien sûr passe par des manifestations telles que ces Journées, s'appuie sur un travail de longue haleine qui permet notamment aux spécialistes de disposer de bases de données spécifiques ou de développer des programmes d'étude.
Permettez-moi de saluer à ce propos le remarquable investissement de l'école d'architecture de Lille/région Nord en la matière, qui a conclu avec la direction régionale des affaires culturelles un accord de partenariat, comme d'ailleurs d'autres écoles en Ile de France.
Cet effort de sensibilisation est mené en direction de tous les citoyens qui par leur participation massive à ces journées témoignent de leur intérêt renouvelé pour leurs villes. Les nombreuses actions de ces vingt dernières années, la redécouverte des centre-villes, la recherche d'identités urbaines et les efforts d'intégration ont marqué ce mouvement d'intérêt social et culturel pour l'environnement bâti. Cette orientation des Journées du Patrimoine du XX siècle s'enracine dans la volonté de permettre à tous de vivre, au quotidien, le patrimoine et l'architecture.
Je voudrais précisément mentionner nos principales actions:
Nous développons depuis plusieurs années, en partenariat avec l'Education nationale, un plan d'enseignement de l'histoire de l'art et du patrimoine et de sensibilisation à l'architecture ; les ateliers d'architecture et les ateliers du patrimoine - la ville de Roubaix en ouvrira prochainement un - en sont des composantes particulièrement appréciées.
Nous développons le réseau des Villes et Pays d'Art et Histoire. La région Nord-Pas-de-Calais y contribue largement avec désormais six villes membres de cet actif réseau.
Très bientôt la Cité de l'Architecture et du Patrimoine de Chaillot constituera en outre la tête de pont d'un réseau de diffusion national, permettant de promouvoir les initiatives locales ou professionnelles qui fleurissent actuellement.
Cela se double enfin de vecteurs de diffusion plus traditionnels et ponctuels, comme les expositions et l'édition d'ouvrages. Je suis ainsi heureux de vous offrir deux ouvrages édités à l'occasion de ces Journées, dans le cadre du fructueux partenariat que nous avons avec France-Loisirs : 100 monuments du XXe siècle, un ouvrage de grande diffusion qui retrace, sous la direction de Bertrand Lemoine, l'aventure architecturale de ce siècle, selon un plan chronologique. Simple, clair et richement illustré, il participera, je l'espère, à l'information du plus grand nombre. Et puis, le mémopatrimoine du XXe siècle un petit opuscule qui présente sous une forme ludique, les regards avertis, parfois ironiques, de quelques personnalités sur le siècle architectural qui s'achève.
Une question fondamentale touche à l'adaptation des dispositifs de protection. Dans ce domaine, un important travail a été fourni par le Ministère et ses services déconcentrés. Et je suis heureux de vous annoncer aujourd'hui deux conclusions à cette action de fond menée depuis plusieurs années :
I - Vous savez que l'un des axes de notre réflexion était d'adapter la législation actuelle en matière de protection des monuments et des sites à la situation particulière du patrimoine du XXe siècle, dont les caractéristiques - notamment l'importance des ensembles et des réalisations non monumentales - ainsi que la proximité temporelle ne facilitaient guère la protection au titre des monuments historiques. La prise en considération des espaces urbains a ainsi été favorisée par le développement des ZPPAUP et la création des conventions de villes pour l'architecture et le patrimoine. Mais l'outil souple et didactique permettant de désigner ce patrimoine récent faisait encore défaut. Ce manque est aujourd'hui comblé grâce à l'édition d'un logotype Patrimoine du XXe siècle permettant de signaler les éléments architecturaux les plus remarquables. Ce logo a été créé par Patrick Rubin et Valérie de Calignon au terme d'une consultation lancée en avril dernier par la direction de l'Architecture et du Patrimoine.
La plaque sur laquelle figure ce logotype, que je suis heureux de vous présenter et d'offrir à la ville de Lille, a pour objet d'identifier les productions de l'architecture moderne et contemporaine, en précisant les informations sur les constructions (architecte, date de réception). Cette plaque sera apposée sur les édifices bénéficiant déjà, ou non, d'une protection - il pourra d'ailleurs coexister avec le logotype Monument Historique -, susceptibles de recevoir le label Patrimoine du XXe siècle. Ce label, sans incidence juridique particulière, constitue donc une étape importante dans la prise en considération des édifices ou ensembles remarquables de ce siècle.
II - Par ailleurs, la circulaire du 18 juin 1999 avait confié aux directions régionales des affaires culturelles, en lien notamment avec les services départementaux de l'architecture et du patrimoine, la tâche de constituer des groupes de travail chargés de dresser, dans chaque région, une liste d'édifices susceptibles de bénéficier de l'une des procédures de protection existantes. Vous en découvrez aujourd'hui l'aboutissement, sous la forme du livret bleu qui vous été remis et qui présente les 400 édifices que de manière indicative ces commissions ont choisi de retenir sur l'ensemble du territoire. Je tiens à remercier les DRAC pour leur remarquable contribution et je vous laisse parcourir la grande diversité, de bâtiments, apparemment ordinaires aux côtés desquelles trop souvent, nous passons sans voir. Ces deux jours sont l'occasion rare et précieuse de passer de l'autre côté du miroir.
Enfin je tiens à souligner à nouveau la dimension européenne de ces manifestations en faveur du patrimoine. Au récent Forum Européen de l'Architecture, première manifestation sous la présidence française, Catherine Tasca a réaffirmé la place du patrimoine et de l'architecture dans les politiques communautaires et en insistant sur le développement de la culture architecturale et de la qualité de notre environnement bâti.
Ces journées sont bien sûr, coordonnées par la Direction de l'Architecture et du Patrimoine, à qui je voudrais adresser mes très vives félicitations pour son remarquable et patient travail, dont les grandes manifestations publiques ne sont que la partie émergée. François Barré, son directeur, sera prochainement appelé à d'autres fonctions. Je voudrais ici le remercier pour l'engagement qui a été le sien au cours des années passées à la tête de cette importante direction. Le patrimoine du XX siècle lui doit beaucoup. Il a en effet ouvert la voie d'une ambitieuse politique visant à réconcilier, à travers le patrimoine et l'architecture, l'homme et la ville. Cette politique se poursuivra.
Je tiens aussi à remercier tous les acteurs et les partenaires de cette magnifique manifestation. Vous en trouverez le programme complet sur le volumineux dossier qui vous a été remis ainsi que sur le site Internet du ministère. Un standard téléphonique sera par ailleurs mis à la disposition du public à compter du 11 septembre.
Les directions régionales aux affaires culturelles ont, une nouvelle fois, rivalisé de compétence et d'inventivité dans l'organisation des différentes animations. Je voudrais saluer leurs efforts et leur contribution essentielle à la bonne poursuite de la politique en matière de patrimoine du XXe siècle. Grâce à elles, avec le concours des services départementaux de l'architecture et du patrimoine, des propriétaires privés et publics, des architectes des monuments historiques et des architectes des Bâtiments de France, et grâce au soutien du Centre des monuments nationaux, du réseau des Villes et Pays d'Arts et d'Histoire, de la Demeure historique, des Vieilles maisons françaises, de la Fondation du Patrimoine et de bien d'autres associations, les Journées du Patrimoine sont cette grande fête populaire annuelle au succès jamais démenti.
Cette année, nous avons en outre bénéficié de l'appui de nos fidèles partenaires : France-Loisirs, Reflets de France, RTL, et France Télécom, et, pour la première fois, de la participation du Conseil national de l'Ordre des architectes et l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat.
Je vous ai réservé une annonce finale qui devrait enfin combler une si longue attente et répondre aux engagements - je n'ose pas dire au militantisme de nombre d'entre vous.
Nous sommes très heureux, Catherine Tasca et moi-même de vous annoncer qu'au titre de notre politique en faveur du patrimoine du XX siècle, nous avons pris la décision de nous porter acquéreur de la Villa Cavroix et d'assurer ainsi définitivement sa sauvegarde.
Ce chef d'uvre architectural de Mallet-Stevens qui symbolise l'audace créatrice des années 30 et qui constitue une référence internationale, confortera encore les grandes ambitions de la région Nord-Pas-de-Calais, de la communauté urbaine et de Lille, capitale européenne de la culture en 2004, en matière d'architecture.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 13 septembre 2000).