Texte intégral
Merci, Monsieur le Premier Ministre, pour vos chaleureux mots d'introduction.
Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Premier Ministre,
Chers Collègues,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi d'entrer directement dans le vif du sujet, et de souligner la convergence de vue de la Suède et de la France, qui considèrent les Objectifs du Millénaire comme une priorité : j'en veux pour preuve la création de cette "task force" sur les "biens publics mondiaux" que nous avons mise en place en commun et qui donnera de premières orientations prochainement.
L'année 2005 est en effet une étape cruciale vers la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement. L'OCDE, la Banque mondiale, le Secrétaire général des Nations unies, la Commission pour l'Afrique ont tiré la sonnette d'alarme, il ne s'agit plus d'infléchir la course vers 2015, il faut une rupture. Au rythme actuel, la réduction de moitié de la population dont le revenu est inférieur à 1 dollar par jour ne sera atteinte qu'en 2150. La scolarisation primaire universelle sera réalisée en 2130. Je pourrais multiplier les exemples à l'infini mais le temps n'est plus au constat.
En même temps, je voudrais que nous ne soyons ni naïfs ni hypocrites. La gestion de l'insertion dans les échanges mondiaux de plusieurs milliards de personnes n'est une sinécure pour aucun d'entre nous ! Si chacun a des droits, chacun a aussi des devoirs pour que l'insertion des uns comme des autres se passe de manière ordonnée et gagnante pour tout le monde : c'est vrai pour les pays développés mais c'est vrai aussi pour les pays émergents et en développement.
L'année 2005 nous offre heureusement plusieurs opportunités de nous coordonner ; car les tensions ne manquent pas : tensions pétrolières, tensions monétaires et plus largement financières ; tensions commerciales aussi ! Le Sommet du G8 en juillet, le Sommet des Nations unies en septembre, la Conférence de l'OMC à Hong Kong en décembre 2005 sont autant d'occasions qui nous donnent les moyens de réaliser collectivement les Objectifs du Millénaire, de respecter le contrat que nous, pays riches, avons passé à Monterrey avec les pays pauvres, mais aussi d'avancer dans une meilleure régulation de la mondialisation. Le programme de notre réunion identifie d'ailleurs très bien les domaines où nous, membres de l'OCDE, devons avancer en priorité : les échanges commerciaux et l'aide publique au développement et le commerce ; j'ajouterais pour ma part en conclusion un mot sur l'urgente nécessité d'accroître les efforts de R D dans les pays développés, et je ne pense pas être démenti dans cette enceinte qui a beaucoup travaillé sur ce sujet.
La France partage la priorité accordée par l'OCDE à la conclusion rapide du Cycle de Doha. Nous devons placer les préoccupations des pays les plus pauvres, notamment d'Afrique, au premier rang des objectifs de ce cycle. La France travaille en ce sens pour assurer le succès de la conférence de l'OMC à Hong Kong, en décembre, et la conclusion de la négociation en 2006 sur des bases larges et équilibrées.
La libéralisation commerciale mise en uvre dans le cadre du cycle de Doha n'est cependant pas une panacée pour les pays les plus pauvres. La Banque mondiale reconnaît d'ailleurs qu'elle risque d'avoir des effets très limités, voire négatifs, sur de nombreux pays à bas revenus, notamment en Afrique sub-saharienne. Nous avons attiré l'attention de la communauté internationale sur ce point dès 2003 en proposant une initiative commerciale pour l'Afrique sub-saharienne. Il est en effet crucial de réfléchir, parallèlement au cycle de Doha, à des solutions spécifiques pour aider les pays les plus pauvres à tirer profit des échanges commerciaux. J'évoquerai trois des pistes que nous privilégions au niveau français :
Premièrement, les pays développés doivent s'engager à améliorer les systèmes de préférences tarifaires qu'ils accordent aux pays les plus pauvres. L'Union européenne offre déjà dans le cadre de l'initiative "Tout sauf les armes", un accès sans quotas ni droit de douanes à toutes les exportations des Pays les Moins Avancés. Ce régime pourrait utilement être repris par tous les pays développés. Par ailleurs, les pays développés doivent s'engager à simplifier leurs règles d'origine préférentielle, car leur complexité explique très largement que ces préférences tarifaires soient inégalement utilisées.
Deuxièmement, il nous faut encourager de manière plus convaincante le développement du commerce Sud/Sud, en incitant les pays émergents à ouvrir leurs marchés aux produits africains. Les pays développés sont actuellement les seuls à offrir un réel accès préférentiel aux produits des Pays les Moins Avancés, alors même que les marchés de certains pays émergents pourraient constituer des débouchés importants. C'est ce que j'appelle un devoir pour une mondialisation ordonnée. L'intégration régionale en Afrique participe également au développement du commerce Sud/Sud. Pour cette raison, la mise en place des Accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les zones régionales africaines sera un puissant outil de développement.
Enfin, la France est favorable au renforcement de l' "Aid for trade" pour aider les pays en développement à tirer réellement profit de la libéralisation commerciale. Gardons néanmoins à l'esprit que le renforcement des capacités ne suffit pas à écarter les risques que fait peser la libéralisation sur certains pays en développement, notamment ceux qui bénéficient de préférences tarifaires ou sont structurellement importateurs de produits agricoles. Pour eux, il nous faut réfléchir à des mesures d'aide à l'ajustement.
L'insertion dans le commerce international est sans doute une condition nécessaire au développement, mais elle est loin d'être suffisante. Plusieurs pays pauvres sont tombés dans des trappes à pauvreté, dont ils ne peuvent se sortir seul. Un appui financier extérieur stable et prévisible leur est indispensable pour organiser leur sortie de la pauvreté. Il nous appartient à nous autres pays riches de leur apporter ces ressources pour réaliser les objectifs qu'ils ont formalisés dans leur contrat stratégique de réduction de la pauvreté.
Les chiffres 2004 du Comité d'aide au développement de l'OCDE sont de ce point de vue encourageants. De 1999 à 2004, l'aide publique au développement a progressé de 20 milliards d'euros. Les pays de l'OCDE sont cependant encore loin de respecter leur part du contrat. Le financement du développement reste très insuffisant au regard des besoins et de la capacité d'absorption des pays pauvres. La Banque mondiale estime les besoins additionnels à 50 milliards de dollars par an et le rapport de Jeffrey Sachs à 70 milliards de dollars.
La solution la plus simple serait sans doute d'augmenter encore plus vite les ressources budgétaires dédiées à cette entreprise. L'Union européenne prend ses responsabilités dans ce domaine. Quatre Etats membres consacrent déjà 0,7 % de leur RNB à l'aide publique au développement. Sept autres ont pris des engagements pour les rejoindre et parmi eux la France. Aujourd'hui, 0,42 % de notre RNB est destiné au développement. Nous avons décidé d'atteindre 0,5 % du PNB en 2007 et 0,7 % en 2012. Cet effort, notre effort, est cependant progressif et encore insuffisant.
C'est pourquoi la France soutient l'adoption de modalités innovantes de financement :
Nous travaillons avec nos amis britanniques à une facilité financière internationale consacrée à la vaccination.
Nous travaillons également sur des contributions internationales de solidarité. La France, l'Allemagne, l'Espagne, le Brésil et le Chili en ont évoqué plusieurs dans le cadre du groupe quadripartite. A la lumière de l'analyse de la Banque mondiale et du FMI, il est temps maintenant de concentrer nos efforts sur celles qui semblent les plus prometteuses, notamment les contributions assises sur le transport aérien, par exemple. Les modalités techniques de leur mise en uvre, notamment à un niveau régional, doivent être examinées avec soin.
Une participation universelle n'est en effet pas indispensable même si elle serait dans l'intérêt du développement notamment en termes financiers. Ce devrait être notre but ultime, mais à court terme des progrès peuvent être accomplis grâce à un groupe plus restreint de pays. C'est pourquoi l'Allemagne et la France ont proposé la création d'une contribution internationale de solidarité assise sur le transport aérien, destinée à financer la lutte contre le sida.
Une contribution assise sur le transport aérien est rationnelle d'un point de vue économique, comme le souligne le rapport de la Banque mondiale. De fait, la fiscalité qui s'applique sur ce secteur est moins forte que pour d'autres modes de transport. Plusieurs options apparaissent faisables techniquement. Une contribution assise sur les billets d'avion peut être mise en place très aisément, et ne se heurte à aucun obstacle juridique. Dans les pays qui ne participeraient pas à cette contribution, les opérateurs économiques pourraient s'y associer sur une base volontaire.
Ce projet-pilote de contribution assise sur le transport aérien et destiné à financer la lutte contre le sida, par exemple à l'achat d'anti-rétroviraux, est exemplaire : la France souhaite ainsi démonter la valeur ajoutée des contributions internationales de solidarité pour offrir des ressources stables et pérennes aux pays en développement. Ce pilote serait très complémentaire du projet-pilote d'IFF destiné à la vaccination. Plusieurs pays ont déjà indiqué qu'ils étaient prêts à nous rejoindre, notamment l'Espagne. Un accord sur ce projet-pilote pourrait être trouvé dès la réunion des ministres des Finances des Etats membres de l'ONU à la fin du mois de juin prochain.
Permettez-moi d'ajouter que, dans un monde globalisé où les biens publics mondiaux jouent un rôle croissant, la question de leur financement global devient incontournable, et ne pourra être éludée lors de l'Assemblée générale des Nations unies de septembre 2005.
Je voudrais maintenant terminer mon intervention en vous disant quelques mots de l'autre grand service que les pays développés peuvent offrir aux pays en développement : c'est une croissance forte et stable, capable d'absorber leurs exportations !
De ce point de vue l'émergence d'une Europe plus forte, plus intégrée plus démocratique, avec un exécutif économique renforcé, sera naturellement un pole de stabilité utile à une bonne gestion de la mondialisation.
Mais, nous le savons tous, ici en Europe et ailleurs dans les pays développés, pour asseoir durablement notre croissance nous devons relever dans les prochaines années deux défis majeurs :
Le premier est la concurrence avec des économies émergentes dans lesquelles les salaires sont plus faibles. Cela nous impose une spécialisation dans des activités à haut contenu en innovation. Les dépenses de R D et l'innovation sont les clefs de cet enjeu car elles sont gages de créativité et de renouvellement de l'offre. La compétitivité future de nos économies passe nécessairement, dans les pays développés, par un engagement politique fort et des investissements majeurs en faveur de la R D.
Par ailleurs, avec l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nées après la guerre et la faible progression de la population, la croissance future de nos économies "riches" reposera encore plus que par le passé sur des gains de productivité. Vous le savez, ceux-ci ne seront obtenus là encore qu'à travers l'innovation et donc un accroissement sensible de nos dépenses de R D. En tant qu'ancien dirigeant de plusieurs grandes entreprises de haute technologie, j'en suis plus particulièrement conscient et je peux vous dire que le gouvernement français est déterminé à relever ces deux défis, en collaboration avec nos partenaires européens dans le cadre notamment de la Stratégie de Lisbonne.
En France, en 2003, les dépenses de R D représentaient 2,2 % du PIB, donc pas encore au niveau de l'objectif affiché par le gouvernement qui est celui de la stratégie de Lisbonne : 3 % du PIB à l'horizon 2010, dont 2% de ces dépenses financées par les entreprises privées. Même si nous progressons vite, nous sommes également en deçà d'un certain nombre de pays, notamment des Etats-Unis, du Japon, de la Suède, Monsieur le Premier Ministre, et de la Finlande.
Je vois pour ma part deux pistes de travail immédiates pour la France :
Avec 0,9 % du PIB pour les dépenses publiques de R D, nous sommes à peu près à l'objectif quantitatif. Mais il nous faut renforcer l'efficacité des ces dépenses et notamment de la recherche publique. Cela passe notamment par un accroissement des liens entre chercheurs et entreprises ; il ne s'agit d'ailleurs pas tant d'augmenter les incitations financières que de changer les mentalités.
Du côté des dépenses privées, nous en sommes à 1,2 % du PIB et il nous faut donc augmenter rapidement ce ratio. Il s'agit pour moi de créer l'environnement économique et fiscal le plus favorable possible, mais aussi d'accroître les échanges public-privé mais aussi de s'assurer que les plus petites entreprises, potentiellement très innovantes, aient accès à des financements externes. Et ceux-ci ne sont pas toujours faciles à trouver puisque l'innovation est par nature une activité risquée. Je vais proposer un statut de "jeune entreprise innovante" qui devrait faciliter le financement de l'innovation dans les petites entreprises.
Voilà, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Secrétaire général, Mesdames, Messieurs, les quelques mots que je voulais vous dire en introduction de cette matinée de ce passionnant forum. Je vous souhaite une seconde journée de travail riche d'échanges et de propositions dont je prendrais connaissance avec grand intérêt
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 mai 2005)
Monsieur le Secrétaire général,
Monsieur le Premier Ministre,
Chers Collègues,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi d'entrer directement dans le vif du sujet, et de souligner la convergence de vue de la Suède et de la France, qui considèrent les Objectifs du Millénaire comme une priorité : j'en veux pour preuve la création de cette "task force" sur les "biens publics mondiaux" que nous avons mise en place en commun et qui donnera de premières orientations prochainement.
L'année 2005 est en effet une étape cruciale vers la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement. L'OCDE, la Banque mondiale, le Secrétaire général des Nations unies, la Commission pour l'Afrique ont tiré la sonnette d'alarme, il ne s'agit plus d'infléchir la course vers 2015, il faut une rupture. Au rythme actuel, la réduction de moitié de la population dont le revenu est inférieur à 1 dollar par jour ne sera atteinte qu'en 2150. La scolarisation primaire universelle sera réalisée en 2130. Je pourrais multiplier les exemples à l'infini mais le temps n'est plus au constat.
En même temps, je voudrais que nous ne soyons ni naïfs ni hypocrites. La gestion de l'insertion dans les échanges mondiaux de plusieurs milliards de personnes n'est une sinécure pour aucun d'entre nous ! Si chacun a des droits, chacun a aussi des devoirs pour que l'insertion des uns comme des autres se passe de manière ordonnée et gagnante pour tout le monde : c'est vrai pour les pays développés mais c'est vrai aussi pour les pays émergents et en développement.
L'année 2005 nous offre heureusement plusieurs opportunités de nous coordonner ; car les tensions ne manquent pas : tensions pétrolières, tensions monétaires et plus largement financières ; tensions commerciales aussi ! Le Sommet du G8 en juillet, le Sommet des Nations unies en septembre, la Conférence de l'OMC à Hong Kong en décembre 2005 sont autant d'occasions qui nous donnent les moyens de réaliser collectivement les Objectifs du Millénaire, de respecter le contrat que nous, pays riches, avons passé à Monterrey avec les pays pauvres, mais aussi d'avancer dans une meilleure régulation de la mondialisation. Le programme de notre réunion identifie d'ailleurs très bien les domaines où nous, membres de l'OCDE, devons avancer en priorité : les échanges commerciaux et l'aide publique au développement et le commerce ; j'ajouterais pour ma part en conclusion un mot sur l'urgente nécessité d'accroître les efforts de R D dans les pays développés, et je ne pense pas être démenti dans cette enceinte qui a beaucoup travaillé sur ce sujet.
La France partage la priorité accordée par l'OCDE à la conclusion rapide du Cycle de Doha. Nous devons placer les préoccupations des pays les plus pauvres, notamment d'Afrique, au premier rang des objectifs de ce cycle. La France travaille en ce sens pour assurer le succès de la conférence de l'OMC à Hong Kong, en décembre, et la conclusion de la négociation en 2006 sur des bases larges et équilibrées.
La libéralisation commerciale mise en uvre dans le cadre du cycle de Doha n'est cependant pas une panacée pour les pays les plus pauvres. La Banque mondiale reconnaît d'ailleurs qu'elle risque d'avoir des effets très limités, voire négatifs, sur de nombreux pays à bas revenus, notamment en Afrique sub-saharienne. Nous avons attiré l'attention de la communauté internationale sur ce point dès 2003 en proposant une initiative commerciale pour l'Afrique sub-saharienne. Il est en effet crucial de réfléchir, parallèlement au cycle de Doha, à des solutions spécifiques pour aider les pays les plus pauvres à tirer profit des échanges commerciaux. J'évoquerai trois des pistes que nous privilégions au niveau français :
Premièrement, les pays développés doivent s'engager à améliorer les systèmes de préférences tarifaires qu'ils accordent aux pays les plus pauvres. L'Union européenne offre déjà dans le cadre de l'initiative "Tout sauf les armes", un accès sans quotas ni droit de douanes à toutes les exportations des Pays les Moins Avancés. Ce régime pourrait utilement être repris par tous les pays développés. Par ailleurs, les pays développés doivent s'engager à simplifier leurs règles d'origine préférentielle, car leur complexité explique très largement que ces préférences tarifaires soient inégalement utilisées.
Deuxièmement, il nous faut encourager de manière plus convaincante le développement du commerce Sud/Sud, en incitant les pays émergents à ouvrir leurs marchés aux produits africains. Les pays développés sont actuellement les seuls à offrir un réel accès préférentiel aux produits des Pays les Moins Avancés, alors même que les marchés de certains pays émergents pourraient constituer des débouchés importants. C'est ce que j'appelle un devoir pour une mondialisation ordonnée. L'intégration régionale en Afrique participe également au développement du commerce Sud/Sud. Pour cette raison, la mise en place des Accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les zones régionales africaines sera un puissant outil de développement.
Enfin, la France est favorable au renforcement de l' "Aid for trade" pour aider les pays en développement à tirer réellement profit de la libéralisation commerciale. Gardons néanmoins à l'esprit que le renforcement des capacités ne suffit pas à écarter les risques que fait peser la libéralisation sur certains pays en développement, notamment ceux qui bénéficient de préférences tarifaires ou sont structurellement importateurs de produits agricoles. Pour eux, il nous faut réfléchir à des mesures d'aide à l'ajustement.
L'insertion dans le commerce international est sans doute une condition nécessaire au développement, mais elle est loin d'être suffisante. Plusieurs pays pauvres sont tombés dans des trappes à pauvreté, dont ils ne peuvent se sortir seul. Un appui financier extérieur stable et prévisible leur est indispensable pour organiser leur sortie de la pauvreté. Il nous appartient à nous autres pays riches de leur apporter ces ressources pour réaliser les objectifs qu'ils ont formalisés dans leur contrat stratégique de réduction de la pauvreté.
Les chiffres 2004 du Comité d'aide au développement de l'OCDE sont de ce point de vue encourageants. De 1999 à 2004, l'aide publique au développement a progressé de 20 milliards d'euros. Les pays de l'OCDE sont cependant encore loin de respecter leur part du contrat. Le financement du développement reste très insuffisant au regard des besoins et de la capacité d'absorption des pays pauvres. La Banque mondiale estime les besoins additionnels à 50 milliards de dollars par an et le rapport de Jeffrey Sachs à 70 milliards de dollars.
La solution la plus simple serait sans doute d'augmenter encore plus vite les ressources budgétaires dédiées à cette entreprise. L'Union européenne prend ses responsabilités dans ce domaine. Quatre Etats membres consacrent déjà 0,7 % de leur RNB à l'aide publique au développement. Sept autres ont pris des engagements pour les rejoindre et parmi eux la France. Aujourd'hui, 0,42 % de notre RNB est destiné au développement. Nous avons décidé d'atteindre 0,5 % du PNB en 2007 et 0,7 % en 2012. Cet effort, notre effort, est cependant progressif et encore insuffisant.
C'est pourquoi la France soutient l'adoption de modalités innovantes de financement :
Nous travaillons avec nos amis britanniques à une facilité financière internationale consacrée à la vaccination.
Nous travaillons également sur des contributions internationales de solidarité. La France, l'Allemagne, l'Espagne, le Brésil et le Chili en ont évoqué plusieurs dans le cadre du groupe quadripartite. A la lumière de l'analyse de la Banque mondiale et du FMI, il est temps maintenant de concentrer nos efforts sur celles qui semblent les plus prometteuses, notamment les contributions assises sur le transport aérien, par exemple. Les modalités techniques de leur mise en uvre, notamment à un niveau régional, doivent être examinées avec soin.
Une participation universelle n'est en effet pas indispensable même si elle serait dans l'intérêt du développement notamment en termes financiers. Ce devrait être notre but ultime, mais à court terme des progrès peuvent être accomplis grâce à un groupe plus restreint de pays. C'est pourquoi l'Allemagne et la France ont proposé la création d'une contribution internationale de solidarité assise sur le transport aérien, destinée à financer la lutte contre le sida.
Une contribution assise sur le transport aérien est rationnelle d'un point de vue économique, comme le souligne le rapport de la Banque mondiale. De fait, la fiscalité qui s'applique sur ce secteur est moins forte que pour d'autres modes de transport. Plusieurs options apparaissent faisables techniquement. Une contribution assise sur les billets d'avion peut être mise en place très aisément, et ne se heurte à aucun obstacle juridique. Dans les pays qui ne participeraient pas à cette contribution, les opérateurs économiques pourraient s'y associer sur une base volontaire.
Ce projet-pilote de contribution assise sur le transport aérien et destiné à financer la lutte contre le sida, par exemple à l'achat d'anti-rétroviraux, est exemplaire : la France souhaite ainsi démonter la valeur ajoutée des contributions internationales de solidarité pour offrir des ressources stables et pérennes aux pays en développement. Ce pilote serait très complémentaire du projet-pilote d'IFF destiné à la vaccination. Plusieurs pays ont déjà indiqué qu'ils étaient prêts à nous rejoindre, notamment l'Espagne. Un accord sur ce projet-pilote pourrait être trouvé dès la réunion des ministres des Finances des Etats membres de l'ONU à la fin du mois de juin prochain.
Permettez-moi d'ajouter que, dans un monde globalisé où les biens publics mondiaux jouent un rôle croissant, la question de leur financement global devient incontournable, et ne pourra être éludée lors de l'Assemblée générale des Nations unies de septembre 2005.
Je voudrais maintenant terminer mon intervention en vous disant quelques mots de l'autre grand service que les pays développés peuvent offrir aux pays en développement : c'est une croissance forte et stable, capable d'absorber leurs exportations !
De ce point de vue l'émergence d'une Europe plus forte, plus intégrée plus démocratique, avec un exécutif économique renforcé, sera naturellement un pole de stabilité utile à une bonne gestion de la mondialisation.
Mais, nous le savons tous, ici en Europe et ailleurs dans les pays développés, pour asseoir durablement notre croissance nous devons relever dans les prochaines années deux défis majeurs :
Le premier est la concurrence avec des économies émergentes dans lesquelles les salaires sont plus faibles. Cela nous impose une spécialisation dans des activités à haut contenu en innovation. Les dépenses de R D et l'innovation sont les clefs de cet enjeu car elles sont gages de créativité et de renouvellement de l'offre. La compétitivité future de nos économies passe nécessairement, dans les pays développés, par un engagement politique fort et des investissements majeurs en faveur de la R D.
Par ailleurs, avec l'arrivée à l'âge de la retraite des générations nées après la guerre et la faible progression de la population, la croissance future de nos économies "riches" reposera encore plus que par le passé sur des gains de productivité. Vous le savez, ceux-ci ne seront obtenus là encore qu'à travers l'innovation et donc un accroissement sensible de nos dépenses de R D. En tant qu'ancien dirigeant de plusieurs grandes entreprises de haute technologie, j'en suis plus particulièrement conscient et je peux vous dire que le gouvernement français est déterminé à relever ces deux défis, en collaboration avec nos partenaires européens dans le cadre notamment de la Stratégie de Lisbonne.
En France, en 2003, les dépenses de R D représentaient 2,2 % du PIB, donc pas encore au niveau de l'objectif affiché par le gouvernement qui est celui de la stratégie de Lisbonne : 3 % du PIB à l'horizon 2010, dont 2% de ces dépenses financées par les entreprises privées. Même si nous progressons vite, nous sommes également en deçà d'un certain nombre de pays, notamment des Etats-Unis, du Japon, de la Suède, Monsieur le Premier Ministre, et de la Finlande.
Je vois pour ma part deux pistes de travail immédiates pour la France :
Avec 0,9 % du PIB pour les dépenses publiques de R D, nous sommes à peu près à l'objectif quantitatif. Mais il nous faut renforcer l'efficacité des ces dépenses et notamment de la recherche publique. Cela passe notamment par un accroissement des liens entre chercheurs et entreprises ; il ne s'agit d'ailleurs pas tant d'augmenter les incitations financières que de changer les mentalités.
Du côté des dépenses privées, nous en sommes à 1,2 % du PIB et il nous faut donc augmenter rapidement ce ratio. Il s'agit pour moi de créer l'environnement économique et fiscal le plus favorable possible, mais aussi d'accroître les échanges public-privé mais aussi de s'assurer que les plus petites entreprises, potentiellement très innovantes, aient accès à des financements externes. Et ceux-ci ne sont pas toujours faciles à trouver puisque l'innovation est par nature une activité risquée. Je vais proposer un statut de "jeune entreprise innovante" qui devrait faciliter le financement de l'innovation dans les petites entreprises.
Voilà, Monsieur le Premier Ministre, Monsieur le Secrétaire général, Mesdames, Messieurs, les quelques mots que je voulais vous dire en introduction de cette matinée de ce passionnant forum. Je vous souhaite une seconde journée de travail riche d'échanges et de propositions dont je prendrais connaissance avec grand intérêt
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 mai 2005)