Entretien de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, à Public Sénat le 17 février 2005, sur la situation au Liban après l'assassinat de son ancien Premier ministre, Rafik Hariri.

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Texte intégral

Q - Michel Barnier, quelle va être maintenant l'action de la France concernant la situation au Liban ?
R - Il y a naturellement le temps de l'émotion, de la solidarité, celles qu'a exprimé le président de la République en venant lui-même à Beyrouth. L'amitié qui nous liait à Rafic Hariri est une amitié indéfectible entre le peuple de la France et le peuple du Liban. Au-delà de l'émotion qu'ont manifesté des dizaines et des dizaines de milliers de Libanais, nous sommes et nous resterons attachés à la démocratie et à la souveraineté de ce pays. Alors, vous me demandez quelle est l'action de la France ? Elle est celle que nous avions commencée il y a quelques semaines dans le cadre de la communauté internationale, pas nous Français seulement, tous les pays du monde, dans le cadre d'une résolution des Nations unies, en étant soucieux que cette résolution soit mise en oeuvre par tous ceux qui doivent la mettre en oeuvre et notamment par la Syrie, pour que ce pays, le Liban, auquel nous sommes attachés, retrouve progressivement sa souveraineté politique et préserve son intégrité.
Q - Cela veut dire accentuer les pressions sur la Syrie pour qu'elle respecte cette résolution 1559 ?
R - Cela veut dire mettre chacun devant ses responsabilités. Il faut que toutes les présences étrangères s'en aillent, que le Liban retrouve sa liberté, la maîtrise de son destin. Cela veut dire que nous serons attentifs et vigilants au rapport que devra faire le Secrétaire général des Nations unies sur les conditions de mise en oeuvre de cette résolution 1559 que le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté à l'unanimité pour, encore une fois, que le Liban retrouve sa souveraineté politique.
Q - Et sur ce dossier, vous allez continuer ce travail aux côtés des Américains ?
R - Il ne s'agit pas d'une résolution franco-américaine, même si nous avons soutenu et parrainé ce texte au début. Elle est maintenant la résolution de l'ensemble de la communauté internationale. Et le Secrétariat général des Nations unies et le Conseil de sécurité sont, en quelque sorte, comptables de sa bonne mise en oeuvre, et nous sommes vigilants.

Q - Mais concrètement, est-ce que la Syrie vous a donné déjà un peu des gages pour avancer ? Parce que pour l'instant ils n'ont rien fait sur cette résolution 1559 ?
R - Il y aura, dans quelques semaines, un premier rapport du Secrétaire général des Nations unies. C'est à ce moment-là que l'on vérifiera si les pays voisins, et en particulier la Syrie, mettent en oeuvre cette résolution. Pour moi, le test - et peut-être est-ce le premier hommage qu'on puisse rendre à l'action et à la mémoire à Rafic Hariri - ce sera que des élections législatives aient lieu au Liban et qu'elles soient libres et vraiment démocratiques.
Q - Une dernière question : la rue libanaise a exprimé hier son impatience pour que le pays n'éclate pas, pour qu'il n'y ait pas un risque à nouveau de guerre civile. Est-ce qu'il ne faut pas leur apporter très vite des réponses ?
R - La réponse est celle que je vous apporte, celle de la solidarité de la France, de l'amitié que le président de la République française est venu lui-même apporter par sa présence à Beyrouth, et celle de notre vigilance et de notre attention, dans le cadre des Nations unies. C'est cela le cadre du droit et de l'action internationale, il n'y en a pas d'autre. C'est ce cadre-là qui a permis à cette résolution 1559 d'être décidée, et nous sommes très vigilants pour qu'elle soit mise en oeuvre.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 février 2005)