Interview de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, à "France 2" le 17 mars 2005, sur la proposition gouvernementale de verser une prime de 200 euros aux salariés des entreprises bénéficiaires, sur la révision de la directive Bolkestein, directive européenne libéralisant les services.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

P. Devedjian
Q- Avec P. Devedjian, nous allons parler santé de l'économie française. D'abord, une question sur l'inspecteur des Impôts, qui a fini par avouer qu'il avait passé au pilon un certain nombre de dossiers ?
R- C'est surtout un grand désordre ! Parce que, en réalité, les vieilles déclarations d'impôts, c'est-à-dire que quand la prescription est acquise au-delà de quatre ans, finissent au pilon. Il était un peu en avance celui-là !
Q- Surmenage, peut-être ?
R- Je ne suis pas sûr : désordre !
Q- "Désordre", vous maintenez ! Hier, le ministre de l'Economie a annoncé que pour stimuler un petit peu le pouvoir d'achat des Français, il allait proposer aux entreprises de verser une prime d'intéressement, avec un maximum de 200 euros par an. Est-ce suffisant pour soutenir le pouvoir d'achat ?
R- Il y a déjà les autres procédures d'intéressement qui existent depuis toujours, donc c'est une amélioration...
Q- Un coup de pouce supplémentaire ?
R- "Un coup de pouce supplémentaire" et c'est bien, puisque, jamais - heureusement d'ailleurs -, les entreprises françaises n'ont fait autant de bénéfices, c'est un grand progrès. Eh bien, il faut que le monde en bénéficie. Parce que, quand cela va mal, on dit aux salariés qu'ils en subissent les conséquences. Donc quand cela va bien, il faut qu'ils en profitent.
Q- Cela veut-il dire qu'il ne faut pas aller au-delà, en termes de négociations salariales ?
R- C'est à chaque entreprises... L'Etat ne vas régler le niveau des salaires dans chacune des entreprises, c'est à chacune des entreprises de le faire. Mais donner une incitation fiscale, pour permettre d'intéresser aux résultats le personnel, je crois que c'est bien.
Q- Vous parlez des résultats des entreprises, il y a quelque chose qui pèse un peu en ce moment, sur les entreprises et pas seulement sur elles : c'est le prix du baril de pétrole. L'énergie est extrêmement chère. Que peut-on faire ? Pas grand-chose ?
R- D'abord, ce que l'on aurait dû faire, c'est davantage d'investissement - parce que c'est une des raisons de la hausse du coût du pétrole - dans la recherche-production, et un peu dans le raffinage. Cela a été fait, en particulier en France, sur le raffinage, mais cela ne produira des effets que dans 18 mois. Et puis, d'autre part, ce qu'il faut, c'est évidemment promouvoir les énergies alternatives, en particulier les énergies renouvelables, mais aussi le nucléaire. Et c'est pour cela que le Gouvernement a lancé le nouvel EPR, c'est-à-dire la nouvelle génération de production d'énergie nucléaire. La France produit 80 % de son électricité, elle est pratiquement seule au monde à faire cela, à avoir ce niveau d'indépendance énergétique, et il faut continuer. Il faut aussi promouvoir la recherche, parce que dans le domaine automobile, on comprend bien que le nucléaire ne résout rien. Mais par contre, on a lancé un grand programme sur l'éthanol, sur les diesters, les voitures électriques... Et donc il faut avancer dans ce domaine pour dépendre de moins en moins du pétrole, puisque l'on n'en a pas.
Q- GDF va-t-il pouvoir augmenter ses tarifs bientôt, comme il le souhaitait ?
R- Le problème de Gaz de France est assez facile à comprendre. Ils achètent le gaz et ils le revendent, ils ne font que le passer dans les tuyaux - ce n'est pas négligeable -, mais ils ne font pratiquement que cela. Donc, il est normal qu'ils répercutent les prix de l'achat sur la vente.
Q- Cette répercussion sera pour quand ?
R- Le Premier ministre doit décider de cette date, mais je pense qu'il le fera de toute façon.
Q- La mise sur le marché, de toute façon, se fera aussi dans les délais ?
R- Oui, on a parlé du début des vacances, au mois de juin, vers la fin du premier semestre.
Q- Avec un prix, là encore, qui n'est pas déterminé ?
R- Pas déterminé...
Q- Alors, on va être obligé de vous réinviter - c'est quand même très
compliqué, ce n'est pas grave !
R- Oui !
Q- Un mot sur la directive européenne, [la directive Bolkestein], du nom de ce commissaire européen qui est parti à la retraite et qui, en partant, nous a laissé "une bombinette" comme on dit, qui est reprise d'ailleurs par la plupart des pays européens. Que va-t-on faire de cette directive ?
R- On va la réviser, complètement. Ce n'est pas mauvais de libéraliser le fonctionnement des services, parce que cela donne de la croissance. Et c'est très intéressant pour la France, puisqu'elle est le premier pays exportateur de services à l'intérieur de l'Union européenne...
Q- Qu'exporte-t-on comme services par exemple ?
R- Par exemple les assurances, la banque, toutes ces choses-là, mais plein d'autres choses encore. Mais en revanche, dans cette directive, il y a des choses qui sont inacceptables. Il n'y a pas le "dumping social", c'est un peu mythologique...
Q- Quand on parle d'artisans, de commerçants, d'électriciens ...
R- ... Qui viendraient travailler au rabais en France ? Ce n'est pas possible, parce qu'il y a une directive de 1996 déjà qui ne le permet pas ! Mais il y a d'autres choses dedans qui sont très embêtantes. Et nous avons donc demandé, et obtenu, la rediscussion, la renégociation de cette directive, pour laquelle, d'ailleurs, parmi les 25 pays européens, il faut le dire, il y en a une vingtaine qui poussent frénétiquement pour que cela ait lieu.
Q- Quelles sont "les choses très embêtantes" que vous voulez renégocier ?
R- C'est le principe d'application de la loi du pays d'origine. Cela pose vraiment un certain nombre de problèmes, parce que, par exemple, en matière de droit pénal, on ne va pas appliquer en France le droit pénal d'un pays étranger, qui peut parfois ne pas sanctionner les infractions que l'on sanctionne en France.
Q- Quels services les pays européens pourraient-ils exporter chez nous ?
R- Par exemple les architectes, un architecte d'un pays européen pourrait librement exercer sa profession en France.
[...]
Q- Avez-vous vu la Une de Match ?
R- Je l'ai vue. Je l'ai vue sur vos antennes d'abord...
Q- Vous êtes plutôt proche de N. Sarkozy, c'est toujours le cas ?
R- Je suis très ami avec Nicolas, bien sûr, depuis très longtemps. Nous sommes dans le même département.
Q- Quand vous le voyez, en photo comme cela, avec F. Hollande, que dites-vous ?
R- Je pense que le journal a fait une opération publicitaire réussie.
Q- C'est tout ce que vous avez à en dire ?
R- La politique ne se fait pas comme cela... Mais c'est vrai qu'entre Hollande et lui, il y a un peu de symétrie : ils sont de la même génération, ils rénovent un peu aussi le discours dans chacune de leur formation politique...
Q- Tout ce que les journalistes, qui ont parfois mauvais esprit, imaginent, comme tension entre "les sarkoziens ou sarkozistes" et "les chiraquiens", est-ce exagéré ?
R- Non. Je vais vous dire : dans le passé, nous avons tellement souffert de nos divisions que nous sommes un peu traumatisés de ce côté-là. Et donc, la prochaine fois, rassurez-vous, il n'y aura qu'un seul candidat de l'UMP, nous nous mettrons d'accord.
Q- Et ce sera fait avant que les disputes ne soient trop profondes ?
R- Mais il n'y a pas de "disputes" ! Il y a parfois des débats, il y a d'autres manières de voir. Mais cela marche quand même assez bien.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 mars 2005)