Texte intégral
Q- L'obsession générale, aujourd'hui, c'est l'emploi, même dans le cadre européen. Dans Nice matin, le Premier ministre choisit, si l'on peut dire, la franchise et l'autocritique. Son objectif et sa promesse de faire baisser le chômage de 10% seront "décalés, dit-il, de quelques mois". De combien de mois ?
R- Je crois qu'il faut avoir à l'esprit le contexte économique mondial. Nous avons l'impact du prix du pétrole sur nos économies qui est très important. On avait fait des hypothèse, au départ, pour un baril à 36 dollars, on est proche des 55, 56.
Q- Mouais... Mais on peut vous dire aussi que le nouveau choc pétrolier existe mais est-ce que ce n'est pas un prétexte cousu de fil blanc ?
R- Non, les choses sont parfaitement claires par rapport à ce qu'a dit le Premier ministre, cela veut dire un décalage par rapport à notre objectif, de l'ordre de peut-être un trimestre, mais chacun doit bien comprendre que cela ne change strictement rien à la démarche qui est la nôtre : on va chercher les emplois, parce que l'on va chercher la croissance et on le fait à travers une politique qui est totalement déterminée. D'un côté, en baissant les charge sociales, comme nous le faisons dans des proportions très importantes - c'est près de 17 milliards d'euros - pour alléger le coût du travail pour que notre compétitivité soit bonne dans le domaine, et puis, d'autre part, en allant avec le plan de cohésion sociale, les emplois aidés, le plan pour les emplois de service à la personne. Nous avons là des gisements d'emplois extrêmement importants. Donc la stratégie demeure.
Q- Mais vous confirmez, avec J.-P. Raffarin, que le chômage ne se pas réduit autant que prévu et promis. Prudemment dit, c'est une manière de dire que le chômage va encore augmenter au moins pendant trois mois ?
R- Je ne peux pas aller dans votre sens. Nous le verrons bien. Ce que je veux dire, c'est qu'en tout état de cause, l'objectif de réduction très significative du chômage demeure ; les conditions sont créées pour cela à travers tout ce que je viens de vous dire et en même temps, il peut y avoir, peut-être un décalage d'un trimestre.
Q- La réalité est têtue. C'est un recul annoncé. Vous parliez des contrats d'avenir, le plan de cohésion sociale de J.-L. Borloo ; cela veut dire qu'il tarde à produire les résultats
escomptés ?
R- Il vient de démarrer. Le plan de cohésion sociale a été lancé et il est mis en uvre dans les délais. Il faut maintenant qu'il entre dans sa vitesse de croisière. Je crois que vous devez bien avoir l'esprit que lorsqu'on lance des contrats d'avenir pour beaucoup de nos concitoyens qui aujourd'hui sont exclus de l'emploi, avec des allégements de charges sociales, avec une formation à la clef, dans le secteur public comme dans le secteur marchand, derrière, c'est une dynamique que nous voulons lancer. Je peux comprendre que vous exprimiez quelque scepticisme par rapport à cela, nous l'entendons les uns et les autres. En même temps, on ne va pas descendre de vélo pour se regarder en train de pédaler. On fonce avec une idée, et si on veut créer ces conditions, malgré les conditions telles que le prix du pétrole, on y va sur une base qui est claire : d'un côté, on allège le coût du travail, parce que c'est cela qui incite à l'embauche, et de l'autre, on a des contrats aidés pour permettre à des centaines de milliers de Français, d'être sur le marché du travail avec une formation.
Q- Le budget 2005 don vous vous occupez est construit sur une croissance de 2,5 %. Ils ne seront pas atteints. Si la croissance oscille entre 2 et 2,5 %, dit monsieur Raffarin, quand corrigerez-vous le budget et de quelle façon ?
R- Une étape après l'autre ! Nous sommes aujourd'hui...
Q- Et chaque étape entraîne l'autre...
R- Sans doute. Mais n'allons pas plus vite que la musique. Nous sommes au mois d'avril. Aujourd'hui, on n'est pas en situation de dire que l'objectif qui a été fixé et rappelé de croissance entre 2 et 2,5 % ne sera pas atteint, c'est même plutôt l'inverse. Regardez l'année dernière, on était sur une hypothèse initiale de 1,7 et on a fait 2,6 pour 2004 ! Donc, attendons...
Q- Donc, vous dites encore un effort pour arriver à 2,4-2,5-2,6 ?
R- On va chercher là encore la croissance, avec toutes les conditions que nous y avons mises en termes de baisse d'impôt, de stimulation de l'investissement, de la consommation. Vous savez, quand on baisse les impôts, c'est du pouvoir d'achat supplémentaire pour les Français et c'est cela qui tient la consommation. Donc, on réforme la taxe professionnelle, idem pour l'investissement. C'est avec cela que l'on va chercher la croissance.
Q- D'accord. Donc, continuez à baisser les impôts. Monsieur Chirac promettait une baisse de 30 % de l'impôt sur le revenu pendant son quinquennat, elle est aujourd'hui de 10 %. Le Premier ministre déclare dans Nice-Matin qu'il décidera en fonction du rythme de l'activité économique, c'est-à-dire que la baisse n'est plus obligatoire et automatique, elle devient conditionnelle.
R- La baisse demeure, l'objectif de baisse demeure, simplement le curseur sera ajusté en fonction des moyens dont on disposera, en fonction de la croissance. On ne va pas financer des baisses d'impôts avec du déficit. La baisse d'impôt, c'est une dépense publique comme une autre et nous maintenons ce que le président de la République a rappelé : la maîtrise de la dépense publique qui ne doit pas augmenter plus que l'inflation. C'est cela notre objectif.
Q- Vous devenez de plus en plus prudents, et peut-être modestes face aux réalités ?
R- Le modestie, de toute façon s'impose, ne serait-ce parce que la difficulté de la conjoncture est ce qu'elle est. En même temps, vous avez bien vu, les réformes, nous les engageons, nous les poursuivons, avec la même détermination. C'est aussi cela que les Français attendent.
Q- On a l'impression que les partisans du oui se mobilisent - certains disent "enfin" - et vont se faire entendre dans la semaine, et en particulier, le président de la République qui intervient jeudi. Dans le Grand Rendez-vous d'Europe 1, hier, P. de Villiers a durement ironisé sur deux sujets ; j'en prends tout de suite un : il a qualifié l'intervention de monsieur Chirac, jeudi, de "politique variété marketing choquante". Première réaction ?
R- La première réaction, c'est que P. de Villiers est en campagne, et que selon la bonne vieille formule qu'il incarne à merveille, plus c'est gros, plus ça passe. Parce que honnêtement, cette semaine va être une semaine absolument décisive...
Q- Mais sur le dialogue, est-ce que ce sera un vrai dialogue, spontané ou pas trop
préfabriqué ?
R- Ce sera, de la part du président de la République, un dialogue qui sera direct avec les Français. Et je crois vraiment que la formule qui consiste, pour le président de la République à dialoguer avec les Français, et en particulier avec des jeunes français, puisque le symbole, là aussi, est très important, de répondre à leur question d'avoir un véritable débat avec eux est sans doute la manière la plus démocratique qui soit pour passer à la phase très opérationnelle de cette campagne.
Q- Mais surtout, les jeunes sont encadrés non pas par des journalistes, mais par des animateurs, habitués à autre chose...
R- Je trouve cette polémique - je sais bien que l'on peut polémiquer sur tout... Ils seront là, naturellement, pour être les modérateurs, pour faire en sorte que le débat puisse avoir lieu dans de parfaites conditions, pour les téléspectateurs, évidemment. Mais ce qui est tout à fait nouveau et original, c'est que le chef de l'Etat dialogue directement avec les Français, et en particulier - et j'insiste là-dessus, avec les plus jeunes d'entre eux. Si je me permets d'insister, c'est parce que de Villiers a été extrêmement choquant dans ses propos.
Q- Mais parce que vous avez entendu P. de Villiers qui a dit "J. Chirac se choisit non pas des adultes mais des enfants".
R- Pardon, mais je trouve cela extrêmement choquant, parce que je trouve formidable au contraire, comme symbole, que le premier rendez-vous du président de la République, à l'occasion de cette campagne, ce soit avec l'avenir de la France. Ce sont des débats qui dépassent nos contingences quotidiennes. Nous avons le 29 mai, un rendez-vous, à certains égards, historique avec l'avenir de la France.
Q- Mais pour vous tous, c'est extrêmement important que J. Chirac se fasse entendre et qu'il donne vraiment une impulsion et que cela réussisse, parce que sinon, si le démarrage des "oui" rate...
R- C'est d'autant plus important, que lorsque l'on regarde les études d'opinion, je suis très frappé de voir que ceux qui votent plutôt majoritairement "oui", ce sont soit nos aînés - sans doute parce qu'ils n'ont pas toujours la paix dans leur vie - soit les plus jeunes, c'est-à-dire ceux qui voyagent probablement le plus, qui sont passionnés de dialogue, d'écoute, de découvertes et qui voit la perspective d'une Europe à 450 millions d'habitants. Donc un rendez-vous d'avenir extraordinaire.
Q- J. Dray, le porte-parole du PS a dit, je crois à France Soir - : "ceux qui dénoncent l'information spectacle sont des partisans du non" ; est-ce aussi simple ?
R- J'ai envie de dire qu'ils sont aussi partisans de l'information spectacle dont ils font parfois le spectacle, on le voit bien à travers les déclarations d'un certain nombre de partisans du "non". Vous avez cité P. de Villiers, mais il y en a d'autres.
Q- Reconnaissez qu'il y a des moments où le climat social et politique est meilleur en Europe et en France.
R- Oui, c'est exact. Mais en même temps, nous sommes les uns comme les autres engagés dans des programmes de réforme qui sont lourds, dans des moments où comme la croissance économique est moins au rendez-vous qu'on pourrait le souhaiter, cela se traduit ici ou là par l'expression de scepticisme. C'est pour cela aussi qu'il faut expliquer que l'Europe va servir à aller chercher la croissance et l'emploi. Quand vous ouvrez un marché de 450 millions d'habitants, que vous avez une Constitution qui a vocation a en fixer les règles du jeu, pour que, justement, on ne tire pas les uns ou les autres vers le bas mais que tout le monde ailleurs vers le progrès économique, fiscal, social, démocratique, cela vaut la peine de regarder de près.
Q- Donc, pour vous, le "oui" va générer ou devrait générer de l'emploi ? Vous dites le contraire de M.-G. Buffet, qui dit que c'est la délocalisation, le chômage. "Il ne faut pas se mettre, dit-elle, une camisole libérale".
R- Je peux dire que, venu de M.-G. Buffet, le coup de la camisole, cela prouve qu'elle a vraiment une bonne idée de ce qu'est l'histoire. Mais en même temps, c'est tout l'inverse. De quoi parlons-nous ? Oui, c'est vrai, c'est un espace de liberté fantastique, mais de liberté pour aller chercher, je le répète encore une fois, de la croissance et de l'emploi. Il faut que les Français sachent bien, que par exemple, la France, est le premier pays investisseur en Pologne, que nous avons donc là de quoi trouver des emplois pour nos concitoyens. Lorsque Renault investit en Europe, Renault crée des emplois en France de la même manière, à travers ses différentes usines et établissements. Je crois que c'est une énorme erreur historique de penser que l'Europe, telle qu'elle est, génère des délocalisations. Les vraies délocalisations, ce n'est pas dansles anciens pays d'Europe de l'Est, elles sont en Chine ou dans d'autres pays du monde.
Q- En Inde, au Brésil...
R- Donc, c'est pour cela que pour nous, l'Europe est vraiment un marché extrêmement important.
Q- Un thème qui est en train de monter, ou qui va monter : la durée de la semaine de travail. Est-ce que c'est l'Union européenne qui va l'imposer à chaque pays, donc à nous
les Français ?
R- Non, absolument pas. Attention à la désinformation, là encore ! Ce la reste de la législation nationale. Je crois qu'il ne faut pas se méprendre, car là-dessus, les amalgames sont trop faciles. Tous ces domaines restent du domaine national, chaque pays déterminera les conditions de la durée du travail. Je crois que tout cela exige vraiment beaucoup d'information, et puis aussi que les Français, ceux qui doutent, ceux qui pourraient tenter par le "non", aient bien à l'esprit qu'elles seraient les conséquences du "non". Mais c'est normal, tout cela est important.
Q- Vous dites que le non c'est une catastrophe, madame Buffet et d'autres, comme monsieur de Villiers disent que ce n'est pas une catastrophe, que de toute façon, on renégociera assez vite le traité.
R- Enlevons le mot si le mot choque, mais disons simplement une chose, c'est que ce n'est pas simplement du temps perdu, si le "non" l'emporte. Si le "non" l'emporte, c'est une prime à la paralysie, cela veut dire que les pays ne pourront pas avoir de règle du jeu entre eux. C'est d'autre part une vraie incertitude pour l'avenir, parce que quoi que l'on dise, les choses ne vont pas se régler comme cela. Enfin, c'est un sacré discrédit pour la France qui, jusqu'à présent, était le moteur de l'Europe.
Q- J.-A. Miller, un psychanalyste lacanien, dans Libération d'aujourd'hui, dit "attention ne prenez pas les Français pour des demeurés, les menacer du ciel qui leur tomberait sur la tête, c'est les inviter à dire "chiche". L'argument le plus contre-productif dans une campagne, c'est le rappel à l'ordre".
R- Je crois que les philosophes peuvent participer au débat et nous apprendre beaucoup de choses. Je veux simplement dire que c'est l'heure d'un appel à la responsabilité quand même. Que chaque Français sache bien que voter non, cela n'a pas que des conséquences de courts termes, cela peut vraiment être un blocage pour très longtemps. Et ce n'est pas forcément l'intérêt des Français.
Q- Dernier mot - l'information vient d'arriver - : le ministre belge des Finances estime possible une décision sur le budget sous la présidence luxembourgeoise, une augmentation du budget de l'Union européenne ; est-ce possible ?
R- En tout cas, aujourd'hui ce n'est pas la position qui est la nôtre. Nous sommes plutôt en train de maîtriser la dépense publique.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 avril 2005)
R- Je crois qu'il faut avoir à l'esprit le contexte économique mondial. Nous avons l'impact du prix du pétrole sur nos économies qui est très important. On avait fait des hypothèse, au départ, pour un baril à 36 dollars, on est proche des 55, 56.
Q- Mouais... Mais on peut vous dire aussi que le nouveau choc pétrolier existe mais est-ce que ce n'est pas un prétexte cousu de fil blanc ?
R- Non, les choses sont parfaitement claires par rapport à ce qu'a dit le Premier ministre, cela veut dire un décalage par rapport à notre objectif, de l'ordre de peut-être un trimestre, mais chacun doit bien comprendre que cela ne change strictement rien à la démarche qui est la nôtre : on va chercher les emplois, parce que l'on va chercher la croissance et on le fait à travers une politique qui est totalement déterminée. D'un côté, en baissant les charge sociales, comme nous le faisons dans des proportions très importantes - c'est près de 17 milliards d'euros - pour alléger le coût du travail pour que notre compétitivité soit bonne dans le domaine, et puis, d'autre part, en allant avec le plan de cohésion sociale, les emplois aidés, le plan pour les emplois de service à la personne. Nous avons là des gisements d'emplois extrêmement importants. Donc la stratégie demeure.
Q- Mais vous confirmez, avec J.-P. Raffarin, que le chômage ne se pas réduit autant que prévu et promis. Prudemment dit, c'est une manière de dire que le chômage va encore augmenter au moins pendant trois mois ?
R- Je ne peux pas aller dans votre sens. Nous le verrons bien. Ce que je veux dire, c'est qu'en tout état de cause, l'objectif de réduction très significative du chômage demeure ; les conditions sont créées pour cela à travers tout ce que je viens de vous dire et en même temps, il peut y avoir, peut-être un décalage d'un trimestre.
Q- La réalité est têtue. C'est un recul annoncé. Vous parliez des contrats d'avenir, le plan de cohésion sociale de J.-L. Borloo ; cela veut dire qu'il tarde à produire les résultats
escomptés ?
R- Il vient de démarrer. Le plan de cohésion sociale a été lancé et il est mis en uvre dans les délais. Il faut maintenant qu'il entre dans sa vitesse de croisière. Je crois que vous devez bien avoir l'esprit que lorsqu'on lance des contrats d'avenir pour beaucoup de nos concitoyens qui aujourd'hui sont exclus de l'emploi, avec des allégements de charges sociales, avec une formation à la clef, dans le secteur public comme dans le secteur marchand, derrière, c'est une dynamique que nous voulons lancer. Je peux comprendre que vous exprimiez quelque scepticisme par rapport à cela, nous l'entendons les uns et les autres. En même temps, on ne va pas descendre de vélo pour se regarder en train de pédaler. On fonce avec une idée, et si on veut créer ces conditions, malgré les conditions telles que le prix du pétrole, on y va sur une base qui est claire : d'un côté, on allège le coût du travail, parce que c'est cela qui incite à l'embauche, et de l'autre, on a des contrats aidés pour permettre à des centaines de milliers de Français, d'être sur le marché du travail avec une formation.
Q- Le budget 2005 don vous vous occupez est construit sur une croissance de 2,5 %. Ils ne seront pas atteints. Si la croissance oscille entre 2 et 2,5 %, dit monsieur Raffarin, quand corrigerez-vous le budget et de quelle façon ?
R- Une étape après l'autre ! Nous sommes aujourd'hui...
Q- Et chaque étape entraîne l'autre...
R- Sans doute. Mais n'allons pas plus vite que la musique. Nous sommes au mois d'avril. Aujourd'hui, on n'est pas en situation de dire que l'objectif qui a été fixé et rappelé de croissance entre 2 et 2,5 % ne sera pas atteint, c'est même plutôt l'inverse. Regardez l'année dernière, on était sur une hypothèse initiale de 1,7 et on a fait 2,6 pour 2004 ! Donc, attendons...
Q- Donc, vous dites encore un effort pour arriver à 2,4-2,5-2,6 ?
R- On va chercher là encore la croissance, avec toutes les conditions que nous y avons mises en termes de baisse d'impôt, de stimulation de l'investissement, de la consommation. Vous savez, quand on baisse les impôts, c'est du pouvoir d'achat supplémentaire pour les Français et c'est cela qui tient la consommation. Donc, on réforme la taxe professionnelle, idem pour l'investissement. C'est avec cela que l'on va chercher la croissance.
Q- D'accord. Donc, continuez à baisser les impôts. Monsieur Chirac promettait une baisse de 30 % de l'impôt sur le revenu pendant son quinquennat, elle est aujourd'hui de 10 %. Le Premier ministre déclare dans Nice-Matin qu'il décidera en fonction du rythme de l'activité économique, c'est-à-dire que la baisse n'est plus obligatoire et automatique, elle devient conditionnelle.
R- La baisse demeure, l'objectif de baisse demeure, simplement le curseur sera ajusté en fonction des moyens dont on disposera, en fonction de la croissance. On ne va pas financer des baisses d'impôts avec du déficit. La baisse d'impôt, c'est une dépense publique comme une autre et nous maintenons ce que le président de la République a rappelé : la maîtrise de la dépense publique qui ne doit pas augmenter plus que l'inflation. C'est cela notre objectif.
Q- Vous devenez de plus en plus prudents, et peut-être modestes face aux réalités ?
R- Le modestie, de toute façon s'impose, ne serait-ce parce que la difficulté de la conjoncture est ce qu'elle est. En même temps, vous avez bien vu, les réformes, nous les engageons, nous les poursuivons, avec la même détermination. C'est aussi cela que les Français attendent.
Q- On a l'impression que les partisans du oui se mobilisent - certains disent "enfin" - et vont se faire entendre dans la semaine, et en particulier, le président de la République qui intervient jeudi. Dans le Grand Rendez-vous d'Europe 1, hier, P. de Villiers a durement ironisé sur deux sujets ; j'en prends tout de suite un : il a qualifié l'intervention de monsieur Chirac, jeudi, de "politique variété marketing choquante". Première réaction ?
R- La première réaction, c'est que P. de Villiers est en campagne, et que selon la bonne vieille formule qu'il incarne à merveille, plus c'est gros, plus ça passe. Parce que honnêtement, cette semaine va être une semaine absolument décisive...
Q- Mais sur le dialogue, est-ce que ce sera un vrai dialogue, spontané ou pas trop
préfabriqué ?
R- Ce sera, de la part du président de la République, un dialogue qui sera direct avec les Français. Et je crois vraiment que la formule qui consiste, pour le président de la République à dialoguer avec les Français, et en particulier avec des jeunes français, puisque le symbole, là aussi, est très important, de répondre à leur question d'avoir un véritable débat avec eux est sans doute la manière la plus démocratique qui soit pour passer à la phase très opérationnelle de cette campagne.
Q- Mais surtout, les jeunes sont encadrés non pas par des journalistes, mais par des animateurs, habitués à autre chose...
R- Je trouve cette polémique - je sais bien que l'on peut polémiquer sur tout... Ils seront là, naturellement, pour être les modérateurs, pour faire en sorte que le débat puisse avoir lieu dans de parfaites conditions, pour les téléspectateurs, évidemment. Mais ce qui est tout à fait nouveau et original, c'est que le chef de l'Etat dialogue directement avec les Français, et en particulier - et j'insiste là-dessus, avec les plus jeunes d'entre eux. Si je me permets d'insister, c'est parce que de Villiers a été extrêmement choquant dans ses propos.
Q- Mais parce que vous avez entendu P. de Villiers qui a dit "J. Chirac se choisit non pas des adultes mais des enfants".
R- Pardon, mais je trouve cela extrêmement choquant, parce que je trouve formidable au contraire, comme symbole, que le premier rendez-vous du président de la République, à l'occasion de cette campagne, ce soit avec l'avenir de la France. Ce sont des débats qui dépassent nos contingences quotidiennes. Nous avons le 29 mai, un rendez-vous, à certains égards, historique avec l'avenir de la France.
Q- Mais pour vous tous, c'est extrêmement important que J. Chirac se fasse entendre et qu'il donne vraiment une impulsion et que cela réussisse, parce que sinon, si le démarrage des "oui" rate...
R- C'est d'autant plus important, que lorsque l'on regarde les études d'opinion, je suis très frappé de voir que ceux qui votent plutôt majoritairement "oui", ce sont soit nos aînés - sans doute parce qu'ils n'ont pas toujours la paix dans leur vie - soit les plus jeunes, c'est-à-dire ceux qui voyagent probablement le plus, qui sont passionnés de dialogue, d'écoute, de découvertes et qui voit la perspective d'une Europe à 450 millions d'habitants. Donc un rendez-vous d'avenir extraordinaire.
Q- J. Dray, le porte-parole du PS a dit, je crois à France Soir - : "ceux qui dénoncent l'information spectacle sont des partisans du non" ; est-ce aussi simple ?
R- J'ai envie de dire qu'ils sont aussi partisans de l'information spectacle dont ils font parfois le spectacle, on le voit bien à travers les déclarations d'un certain nombre de partisans du "non". Vous avez cité P. de Villiers, mais il y en a d'autres.
Q- Reconnaissez qu'il y a des moments où le climat social et politique est meilleur en Europe et en France.
R- Oui, c'est exact. Mais en même temps, nous sommes les uns comme les autres engagés dans des programmes de réforme qui sont lourds, dans des moments où comme la croissance économique est moins au rendez-vous qu'on pourrait le souhaiter, cela se traduit ici ou là par l'expression de scepticisme. C'est pour cela aussi qu'il faut expliquer que l'Europe va servir à aller chercher la croissance et l'emploi. Quand vous ouvrez un marché de 450 millions d'habitants, que vous avez une Constitution qui a vocation a en fixer les règles du jeu, pour que, justement, on ne tire pas les uns ou les autres vers le bas mais que tout le monde ailleurs vers le progrès économique, fiscal, social, démocratique, cela vaut la peine de regarder de près.
Q- Donc, pour vous, le "oui" va générer ou devrait générer de l'emploi ? Vous dites le contraire de M.-G. Buffet, qui dit que c'est la délocalisation, le chômage. "Il ne faut pas se mettre, dit-elle, une camisole libérale".
R- Je peux dire que, venu de M.-G. Buffet, le coup de la camisole, cela prouve qu'elle a vraiment une bonne idée de ce qu'est l'histoire. Mais en même temps, c'est tout l'inverse. De quoi parlons-nous ? Oui, c'est vrai, c'est un espace de liberté fantastique, mais de liberté pour aller chercher, je le répète encore une fois, de la croissance et de l'emploi. Il faut que les Français sachent bien, que par exemple, la France, est le premier pays investisseur en Pologne, que nous avons donc là de quoi trouver des emplois pour nos concitoyens. Lorsque Renault investit en Europe, Renault crée des emplois en France de la même manière, à travers ses différentes usines et établissements. Je crois que c'est une énorme erreur historique de penser que l'Europe, telle qu'elle est, génère des délocalisations. Les vraies délocalisations, ce n'est pas dansles anciens pays d'Europe de l'Est, elles sont en Chine ou dans d'autres pays du monde.
Q- En Inde, au Brésil...
R- Donc, c'est pour cela que pour nous, l'Europe est vraiment un marché extrêmement important.
Q- Un thème qui est en train de monter, ou qui va monter : la durée de la semaine de travail. Est-ce que c'est l'Union européenne qui va l'imposer à chaque pays, donc à nous
les Français ?
R- Non, absolument pas. Attention à la désinformation, là encore ! Ce la reste de la législation nationale. Je crois qu'il ne faut pas se méprendre, car là-dessus, les amalgames sont trop faciles. Tous ces domaines restent du domaine national, chaque pays déterminera les conditions de la durée du travail. Je crois que tout cela exige vraiment beaucoup d'information, et puis aussi que les Français, ceux qui doutent, ceux qui pourraient tenter par le "non", aient bien à l'esprit qu'elles seraient les conséquences du "non". Mais c'est normal, tout cela est important.
Q- Vous dites que le non c'est une catastrophe, madame Buffet et d'autres, comme monsieur de Villiers disent que ce n'est pas une catastrophe, que de toute façon, on renégociera assez vite le traité.
R- Enlevons le mot si le mot choque, mais disons simplement une chose, c'est que ce n'est pas simplement du temps perdu, si le "non" l'emporte. Si le "non" l'emporte, c'est une prime à la paralysie, cela veut dire que les pays ne pourront pas avoir de règle du jeu entre eux. C'est d'autre part une vraie incertitude pour l'avenir, parce que quoi que l'on dise, les choses ne vont pas se régler comme cela. Enfin, c'est un sacré discrédit pour la France qui, jusqu'à présent, était le moteur de l'Europe.
Q- J.-A. Miller, un psychanalyste lacanien, dans Libération d'aujourd'hui, dit "attention ne prenez pas les Français pour des demeurés, les menacer du ciel qui leur tomberait sur la tête, c'est les inviter à dire "chiche". L'argument le plus contre-productif dans une campagne, c'est le rappel à l'ordre".
R- Je crois que les philosophes peuvent participer au débat et nous apprendre beaucoup de choses. Je veux simplement dire que c'est l'heure d'un appel à la responsabilité quand même. Que chaque Français sache bien que voter non, cela n'a pas que des conséquences de courts termes, cela peut vraiment être un blocage pour très longtemps. Et ce n'est pas forcément l'intérêt des Français.
Q- Dernier mot - l'information vient d'arriver - : le ministre belge des Finances estime possible une décision sur le budget sous la présidence luxembourgeoise, une augmentation du budget de l'Union européenne ; est-ce possible ?
R- En tout cas, aujourd'hui ce n'est pas la position qui est la nôtre. Nous sommes plutôt en train de maîtriser la dépense publique.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 avril 2005)