Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de votre accueil, en ce lieu hautement symbolique pour un ministre de l'économie et des finances comme pour l'ancien président de la plus grosse capitalisation du CAC, pour une manifestation de cette importance, et devant une assemblée qui a un tel rôle dans les priorités de mon ministère et plus largement du gouvernement.
Monsieur Oger, je vous remercie de votre discours, j'ai bien noté les bons résultats dont vous pouvez vous flatter, j'ai bien noté également vos demandes, permettez-moi, en y répondant, de vous exposer brièvement en quoi votre action rejoint nos priorités, et notre politique à cet égard.
Comme vous le savez, nous cherchons à favoriser la réorientation de l'épargne française vers des produits mieux adaptés tant aux motifs d'épargne longue, (plus risqués mais plus rémunérateurs) qu'aux besoins de l'économie réelle à long terme, en finançant les entreprises, particulièrement les entreprises en croissance.
Le Gouvernement a notamment engagé une réflexion sur une réforme générale de la fiscalité de l'épargne. Cette réflexion vise à répondre aux voeux du président de la république, qui appelait à une orientation plus forte de l'épargne vers les produits en action, particulièrement à une détention stable.
A. C'est dans le cadre général de cette politique de réorientation de l'épargne que je souhaite encourager le capital-investissement
Je ne reviens pas sur le poids économique des métiers du capital-investissement que vous venez de décrire très clairement et complètement ; ce secteur constitue un enjeu pour nous, car il est un mode de financement essentiel pour les entreprises à fort potentiel de croissance, et notamment les entreprises innovantes, de l'amorçage au développement. La France doit donc se fixer comme objectif d'être toujours plus attractive pour les investisseurs et notamment les fonds d'investissement qu'ils soient français ou étrangers. Pour le ministre de l'Économie que je suis, pour le chef d'entreprise que je fus, l'investisseur qu'il soit scandinave, américain ou mon voisin, c'est un partenaire de la croissance de notre économie. Il faut l'accueillir positivement et non le considérer comme un prédateur. Il serait bon que, dans la lucidité de la compétition économique, cessent les vaines querelles sur le rôle et la vocation des apporteurs de capitaux de quelque rive de l'Atlantique puissent- ils provenir. La réglementation sur le contrôle des investissements étrangers a donc été modernisée et assouplie.
1. Un travail important pour mieux orienter l'épargne investie dans l'assurance vers le capital-investissement est sur le point d'aboutir
a) Les sociétés d'assurance se sont engagées à investir davantage dans les entreprises innovantes et de croissance
D'ici 2007, et conformément à l'engagement pris par ces secteurs, ce sont 6Md d'euros qui seront investis dans les entreprises non cotées sur un marché réglementé ou les fonds de capital-investissement par les sociétés d'assurance membres de la FFSA, tandis que les membres du GEMA investiront 150 millions d'euros supplémentaires.
Vous savez que j'attache du prix au suivi des engagements et à la mesure de la performance : mes services travaillent à mettre en place rapidement un mécanisme de suivi de cet engagement, en lien avec votre association professionnelle, l'Association Française de Gestion, et les représentants des sociétés et mutuelles d'assurances.
b) Le gouvernement a pris différentes mesures pour faciliter l'investissement des assureurs dans le non coté
Une fois cet engagement obtenu, nous avons assoupli les contraintes réglementaires associées, dans la mesure où elles ne fragilisent pas la protection de l'épargnant, pour en faciliter la tenue.
Les règles de diversification et de dispersion des risques des assureurs ont été assouplies : les placements des assureurs dans ces actifs ne seront plus limités à 5% de leurs engagements totaux mais à 10% ; le seuil de placement dans une même société sera relevé de 0,5% à 1% pour permettre des investissements unitaires plus importants.
Les contrats d'assurance-vie investis en actions ont été modifiés : la part minimale des actions des entreprises non cotées et de faible capitalisation passe de 5% à 10%, en contrepartie d'une diminution de la part minimale d'actions, passant de 50% à 30%.
Par ailleurs, les assureurs souhaitent investir aux travers de fonds de fonds , qui permettent de mieux mutualiser les risques . Un groupe de travail réunissant votre association professionnelle, les représentants des sociétés de gestion et mes services se réunit donc régulièrement pour harmoniser, simplifier et le cas échéant élargir les possibilités d'investissement des fonds de fonds FCPR.
c) plus values de long terme
Vous mentionniez à l'instant, Monsieur Oger, les risques que fait peser sur votre profession la baisse progressive de l'imposition des plus values de cession sur titres de participation. La loi de finances rectificative pour 2004 prévoit en effet que les plus-values à long terme sur les titres de participation seraient progressivement exonérées en quasi-totalité d'impôt. Les plus-values faites au travers des fonds de capital-risque sous forme de FCPR et SCR ne bénéficieront pas, en l'état actuel des textes, d'une exonération similaire et ces fonds seront pénalisés par rapport à des holdings sous forme de sociétés
Je veux profiter de cette rencontre pour vous dire de la manière la plus claire qu'avant la fin de ce semestre, je vous présenterai les termes et conditions d'un nouveau régime de neutralité fiscale . J'ai missionné à cet effet la direction de la législation fiscale et la direction générale du Trésor et de la politique économique, qui sont déjà en contact avec l'AFIC.
2. Des efforts importants ont été menés pour faciliter les sorties en bourse
Afin de dynamiser toute la chaîne d'investissement, le gouvernement a pris d'importantes mesures pour faciliter les sorties en bourse.
a) Les FCPR et les FCPI peuvent désormais investir en bourse jusqu'à 20% de leur actif
La loi de finances pour 2005 a modifié la réglementation relative aux FCPR. Les fonds qui souhaitent obtenir la qualification de FCPR doivent, en contrepartie de l'avantage fiscal dont bénéficient leurs souscripteurs, investir à hauteur de 50% de leur actif dans des entreprises européennes non cotées sur un marché réglementé. Ils pourront aux termes de la loi de finances consacrer 20% de leur actif, au sein du quota de 50%, à des entreprises cotées.
b) Création d'Alternext
Euronext a annoncé la création d'Alternext, dont le lancement aura lieu dans quelques semaines, et qui constituera un marché intermédiaire entre la Bourse de Paris et le non coté. Ce "chaînon manquant" constituera un marché d'adaptation dans lequel des PME pourront avoir accès à un financement de marché tout en étant soumises à des règles adaptées à des sociétés de taille petite et moyenne. Il s'agira potentiellement d'un tremplin vers les marchés réglementés. Cette initiative contribuera efficacement à dynamiser les cessions boursières des fonds de capital-investissement et à un accès direct et simplifié à la cotation pour les entreprises.
Ainsi, le projet de loi que je défendrai au printemps prévoit d'étendre à Alternext la sanction des infractions boursières par l'Autorité des marchés financiers ainsi que la mise en place d'une procédure de garantie de cours supervisée par l'Autorité des Marchés Financiers.
Par ailleurs, je rappelle que dans le cadre de la préparation d'AlterNext, il a été décidé que toutes les transactions sur des capitalisations inférieurs à 150 millions d'euros seraient exonérées d'impôt de bourse. Je rappelle en passant que cet impôt est nettement inférieur à Paris que sur la place financière de Londres.
c) réforme de l'appel public à l'épargne de la loi Breton
La réforme de l'appel public à l'épargne que j'ai souhaitée dans mon projet de loi vise également à un meilleur fonctionnement de notre économie en diversifiant les modes de placement sur la place de Paris. Elle participera en particulier à accroître la liquidité d'un marché secondaire pour le capital investissement en permettant de placer des titres auprès du public sans faire appel public à l'épargne lorsque les investisseurs visés acquièrent ces titres pour plus de 50 000 de titres par opération.
B. Au sein du capital-investissement, un segment particulièrement important pour la croissance et l'avenir recueille toute mon attention : celui du capital-risque technologique.
Plus que jamais, notre effort de recherche doit être intensifié. Les enjeux sont clairement identifiés dans la stratégie européenne dite " de Lisbonne " puisque celle-ci se donne pour objectif que les dépenses de R D des Etats membres atteignent au moins 3% du PIB d'ici 2010..
La France consacre environ 2,2% de son PIB à la recherche, ce qui la situe dans la moyenne européenne, mais loin derrière le Japon, les Etats-Unis ou les pays nordiques (respectivement 3,2%, 2,7%, 3,4% pour la Finlande). En France, la dépense publique de recherche représente environ 1% du PIB, ce qui est déjà l'un des niveaux élevés de l'OCDE. La France souffre principalement d'une insuffisance de R et D privée soulignée par les comparaisons internationales. C'est pourquoi le gouvernement a une politique d'incitation à la R D très active et complète, que vous connaissez : crédit d'impôt recherche, dont nous étudions le renforcement, pôles de compétitivité, agence de l'innovation industrielle Mais vous avez aussi votre rôle à jouer, en apportant des financements aux PME innovantes. Le gouvernement est, là aussi, à vos côtés.
1. Le gouvernement mène une politique volontariste en faveur du capital-risque technologique
Cette action est menée en collaboration avec la Caisses des Dépôts et Consignations, qui gère pour le compte de l'Etat le programme PIG PME Innovation, et notamment les fonds de fonds technologiques : le fonds public puis le FPCR 2000. Cette politique a permis l'émergence d'une quinzaine de fonds d'amorçage technologiques et de soutenir plusieurs dizaines d'équipes de gestion.
J'entends poursuivre cette action : mes services travaillent en collaboration avec la CDC sur le successeur du fonds de fonds technologique FPCR 2000.
2. Développement de partenariats : mesure exceptionnelle IS2004
Enfin, j'ai annoncé une mesure exceptionnelle qui va vous être favorable. En effet, nous bénéficions ponctuellement d'une opportunité : les plus grandes de nos entreprises ont bénéficié de la bonne conjoncture 2004, et abordent cette année avec des bilans sains, une bonne trésorerie et de bons résultats. Face à cela, ces entreprises n'investissent pas assez dans la R D, et en particulier, ne tirent pas assez profit de l'excellence des laboratoires publics, ni du potentiel de croissance des PME innovantes.
C'est pourquoi j'ai décidé et annoncé une mesure exceptionnelle de réduction d'IS 2004, qui vise à préparer l'avenir en encourageant les grands groupes à nouer des partenariats avec les PME innovantes et les laboratoires publics.
Cette mesure a deux volets :
Volet investissement en capital : réduction d'IS à hauteur de 25% des apports en capital réalisés en faveur de PME innovantes, directement ou indirectement (via fonds qui respecteront les conditions), ce qui vous intéresse de près ! participation devra rester inférieure à 25% du capital, liée à une augmentation de capital.
Volet financement de projet : réduction d'IS à hauteur de 65% pour le financement d'un projet de recherche réalisé dans un laboratoire public ou privé..
Ces deux mesures figureront dans la loi Breton du printemps.
Pour conclure, j'attire votre attention sur le fait que le pilotage de la politique économique d'une grande nation comme la France ne peut se réduire à quelques grands indicateurs macroéconomiques : au-delà de chacun d'eux, il y a des réalités multiples, qui constituent souvent des points forts, parfois des défis pour notre pays. Or, la politique économique, les progrès de notre économie doivent être lisibles par tous. C'est la clé de la confiance retrouvée que j'entends mettre au cur de mon action.C'est tout le sens du tableau de bord d'indicateurs de progrès de l'économie française que j'ai souhaité mettre en place rapidement et dont je me suis engagé à rendre compte régulièrement de l'évolution.
J'ai ainsi mis l'accent sur l'innovation dans ce tableau de bord.
Il mettra en avant des données traditionnelles comme la part des dépenses de R D dans le PIB ou le nombre de chercheurs.
Afin de fournir une vision plus proche du terrain, reflétant la dynamique d'innovation des entrepreneurs, j'ai également souhaité y intégrer les estimations du nombre d'entreprises innovantes crées, le nombre de salariés employés dans des secteurs technologiquement innovants, ainsi que le volume de brevets publiées d'origine française.
Ces quelques éléments essentiels suffisent à faire ressortir la situation contrastée de notre pays en matière d'innovation que j'ai décrite, mais aussi de mettre en évidence la forte dynamique de l'innovation résultant de l'action du gouvernement.
Je vous invite à noter en particulier que le rythme de création d'entreprises innovantes vient de rejoindre puis de dépasser les sommets atteints en 2000 avant la fin de la bulle technologique.
Je vous remercie de votre attention [ et suis à votre disposition pour répondre à quelques questions].
(1) Fédération Française des Sociétés d'Assurance
(2) Groupe des Entreprises Mutuelles d'Assurance
(3) Fonds commun de placement à risques
(4) Fonds commun de placement à risques
(5) Fonds commun de placement dans l'innovation
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 7 avril 2005)