Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur l'histoire du patrimoine et sur la politique d'éducation des jeunes à l'art, Paris le 10 mars 2005.

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Circonstance : Inauguration de la Cité de l'architecture et du patrimoine, à Paris le 10 mars 2005

Texte intégral

Monsieur le ministre,
Cher François,
Mesdames et messieurs,
Je voudrais vous dire combien cette visite est importante pour R. Donnedieu de Vabres et moi parce que nous soutenons ce projet qui est installé ici, ce rayonnement de la Cité de l'Architecture et du patrimoine et que tout ceci demande une mobilisation de multiples talents. Je voudrais remercier tous les partenaires, tous les acteurs, les lycéens qui sont ici bien sûr et ceux , qui sont dans une situation de créateurs puisqu'ils vont participer au retour de la cité radieuse dans ce lieu, ce qui est quelque chose d'extraordinaire que d'être créateur. Vous savez, ce qui est important dans la vie, c'est de laisser la cicatrice sur la terre. Tous ceux qui auront participé à la Cité radieuse, pour les générations et les générations qui passeront ici dans ce site, auront marqué par un acte créateur leur propre présence, et c'est, je crois très important d'avoir les uns et les autres cette conscience. Merci à l'ensemble de l'équipe de la Cité, je vois qu'il y a de multiples compétences qui sont ici rassemblées. Merci à l'ensemble des services du ministère, le ministère dans l'administration centrale comme dans la direction régionale. Merci aussi aux partenariats ; j'ai vu que les collectivités locales, j'ai vu que tout le monde s'associait à cette dynamique et merci aussi aux professionnels et aux architectes qui participent à la construction de ce grand projet qui, avec le musée quai Branly de l'autre côté de la Seine vont entretenir une dialectique créatrice, je crois fertile.
Je suis très intéressé aussi par ce qui est fait sur le plan pédagogique, dans cette démarche et c'est vrai qu'à la fois parce qu'il y a ici la présence de l'uvre et puis il y a ici la présence de l'image de l'uvre notamment, le moulage par exemple. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas aller à Aulnay de Saintonge, il faut aller à Aulnay de Saintonge, mais il faut voir ce qu'est Aulnay de Saintonge, et comprendre ce qu'est cette architecture de la pierre et en même temps cette architecture de la lumière et au fond cette architecture de la vie, puisque ce sont des sites qui traversent le temps et qui ont cette supériorité sur nous-mêmes d'être quelque part un peu éternel. Je voudrais remercier donc cette dimension, tous ceux qui participent à cette dimension pédagogique ici notamment donc les professeurs, l'équipe du musée pour valoriser cette éducation à notre environnement, à ce qui fait la ville, ce qui fait l'habitat, ce qui fait l'architecture, et aussi cette pédagogie des métiers qui sont liés à ces constructions. Il n'y a pas d'acte créateur sans acte fondateur, sans acte professionnel et je pense notamment que tout ce qui est fait ici pour valoriser les métiers du bâtiment mérite considération et, pour ce qui est de l'Etat, mérite gratitude. Je voudrais remercier le lycée de Noisiel et l'ensemble des partenaires de cette action parce qu'il y a là le moyen de respecter le travail de l'autre, aussi de valoriser des capacités de mémoire, mais aussi d'être capable de s'engager pour protéger, pour adopter un monument. C'est une démarche que nous voulons soutenir, cette relation entre toutes formes de collectivités qu'elles soient locales ou éducatives pour s'engager auprès d'un monument et ainsi, en l'adoptant, le connaître. On s'apercevra que c'est souvent en allant vers l'autre, comme on va vers une autre personne, là on verra un monument qu'on perçoit et son histoire et ce qu'il porte et j'entendais tout à l'heure que vous disiez que les jeunes pouvaient aujourd'hui être capables de faire visiter ; faire visiter un monument, c'est déjà une somme de savoirs, une somme de connaissances, une capacité d'expression, de synthèse pour pouvoir expliquer tout cela et c'est, je pense, très important qu'il y ait ce lien entre la vie d'aujourd'hui et le monument.
Cette campagne "adopter un monument" est une campagne que nous voulons développer avec le ministre, dans l'ensemble de la France, pour que notamment l'ensemble du dispositif éducatif puisse, au sein de la politique d'éducation artistique, avec les ministres et les ministères concernés, développer cette capacité à assumer le monument, et à vivre avec lui. Le haut comité pour l'éducation artistique et culturelle sera renforcé dans cette perspective pour mobiliser encore davantage les énergies et démontrer cet engagement et je suis très heureux de vous dire que D. Lockwood, ce grand violoniste de jazz, a accepté d'être le président de ce comité pour l'éducation artistique, et culturelle. Il est fondateur d'une formidable école à Dammarie lès Lys et il est aujourd'hui d'accord pour s'engager dans cette démarche de valorisation de notre capacité à rapprocher les jeunes et le patrimoine.
La Cité de l'Architecture, va combler un vide très important dans toute l'histoire urbaine, dans cette culture quotidienne qui est la nôtre, pour notre société et notamment pour tous ceux qui viendront à Paris pour connaître la France. Ils auront ici par l'histoire de notre patrimoine, par l'histoire de l'architecture, par l'histoire de tout ce qui est notre bâti, notre vie en tracé, notre vie en structure. Tous ceux-là auront la possibilité d'avoir accès à ce qu'est la démarche créatrice de notre pays, avec cette volonté notamment de faire en sorte que l'on comprenne mieux ce qu'est l'architecture. Merci à D. Perrault, à F. Soler, aux équipes MAJA, à tous ceux qui participent à ce dialogue entre l'architecte et la société, dialogue professionnel évident pour l'architecte mais pas toujours évident pour la société. Je pense que c'est un élément très important de cette démarche que vous engagez pour qu'on comprenne bien qu'au fond nous sommes tous des architectes. Il y a les très grands mais nous sommes tous des architectes de notre propre vie, de notre propre parcours, de notre propre personnalité et de ce que nous faisons avec les autres. Nous sommes tous des bâtisseurs et le dialogue avec l'architecture, c'est un dialogue avec la vie, avec la vie ensemble, avec tout ce que nous avons à construire notamment dans une période où on est en train de restructurer des villes entières, on est en train de repenser des quartiers. C'est très important d'apporter chacun sa pierre parce que finalement il n'y a pas une vérité de l'architecture, il y a des vérités, il y a des créations, il y a des mouvements, c'est une vie, donc chacun a sa place dans sa vie. Il n'y a pas, si je puis dire, même si je suis très heureux de voir que les grands architectes français sont capables aujourd'hui d'être choisis pour les plus grands projets partout dans le monde, mais au fond les grands architectes tracent la route comme tous ceux qui sont des grands artistes mais, ils ouvrent la vie pour de multiples autres artistes qui, derrière, peuvent participer. Je crois que ce qui est en train de se passer dans un certain nombre de villes de France, dans la reconstruction des villes, dans la restructuration des quartiers. Cela se fait avec les habitants, cela se fait avec l'ensemble de ceux qui peuvent se sentir concernés par cette dynamique aujourd'hui de l'architecture. Alors, merci de nous avoir montré ce qui est une étape importante du projet de la Cité. Je crois vraiment que nous serons déterminés, et le ministre peut compter sur la mobilisation sur ce projet, lui qui est toujours à la recherche de moyens financiers. Vous savez quand vous faites, quand vous construisez un gouvernement vous choisissez des personnalités qui ont des capacités et puis en plus à un moment si elle peut avoir des relations personnelles, c'est encore mieux. Alors là, j'ai un ministre de la Culture, j'ai quelqu'un qui a des grandes capacités et avec qui j'ai une relation personnelle ancienne ; alors maintenant qu'il est ministre de la Culture, cette relation personnelle est gâchée parce que je l'ai nommé ministre de la Culture pour ses idées et il ne me parle que d'argent et donc, mais j'ai compris que c'était quand même très important et il peut compter sur mon aide.
Je voudrais terminer sur cette réflexion générale sur le patrimoine parce que c'est un élément très constituant de notre vivre ensemble. Nous célébrons aujourd'hui le centenaire de la naissance de R. Aron et R. Aron disait : "le passé est définitivement fixé quand il n'a plus d'avenir". Je pense que c'est un élément très important par rapport au patrimoine. Le patrimoine, au fond, a de l'avenir parce qu'il n'est pas définitivement fixé et c'est un élément essentiel de voir et d'expliquer aux jeunes. Tous ceux qui participent à ces actes de création le sentent bien : Le Corbusier comme tous les autres, ce n'est pas le passé, c'est la vie. Le patrimoine ce n'est pas le passé, c'est la vie de l'humanité. C'est autant l'avenir que le passé, c'est le mouvement, c'est cela qui est très important dans le patrimoine. Cette capacité à avoir ce dialogue avec la vie qui, de temps en temps, s'appelle l'Histoire mais qui peut s'appeler aussi le dépassement, et qui s'appelle notamment l'imagination quand il s'agit d'inventer, de créer, et ce dialogue avec le patrimoine, ce n'est pas le regard un peu dominateur du présent sur le passé qui analyse, qui fait la somme de tous ses savoirs, c'est au contraire un dialogue très actif, car dans le patrimoine, il y a ces forces de vie parce que, derrière le patrimoine, derrière ce porche, derrière tout ce qui est aujourd'hui dans la pierre, c'est la vie et c'est cela qui est, je crois très importante dans cette Cité. Ce ne sera pas une cité du souvenir, ce ne sera pas une cité de la nostalgie, ce ne sera pas une cité des compétences simplement historiques - bien sûr il y a tout ça - mais c'est le lieu de la vie parce que l'architecture, cette cité là au fond c'est comment les femmes et les hommes s'organisent pour vivre ensemble et c'est le fait de chercher un toit et le toit c'est ce qui nous rassemble. Le toit qu'on mette cela avec un "t" ou qu'on mette avec un "i"" seulement finalement, c'est ce qu'il y a de mieux, c'est d'aller vers l'autre. Le patrimoine nous permet ce chemin vers l'autre qui est le chemin de l'avenir. Je vous remercie.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 21 mars 2005)