Conférence de presse de M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux affaires étrangères, sur les relations franco-vietnamiennes et sur l'adoption internationale, à Hanoi le 13 avril 2005.

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Circonstance : Déplacement en Asie (Cambodge, Laos, Vietnam) du 7 au 13 avril 2005-conférence de presse à Hanoi (Vietnam) le 13 avril

Texte intégral

Le déplacement que je conclus aujourd'hui au Vietnam s'inscrit dans la lignée des orientations données par le président de la République, M. Jacques Chirac. Cette visite d'Etat qu'il avait effectuée à Hanoi avait représenté un succès et il y avait rappelé le "partenariat historique et exemplaire" entre nos deux pays. Je tiens à remercier les autorités vietnamiennes pour la qualité de leur accueil, leur écoute, leur disponibilité et ce que nous avons essayé de bâtir ensemble lors de ce déplacement.
Je me permets de rappeler que la France est liée avec le Vietnam et qu'au-delà de ce lien, nous sommes les premiers investisseurs occidentaux et le deuxième donateur bilatéral et ceci après le Japon.
Nous apportons notre total et entier soutien à la démarche du Vietnam pour adhérer à l'OMC. Le Vietnam est un grand pays, avec 80 millions d'habitants, 8 % de croissance, avec une situation sur le plan géographique tout à fait unique et il est normal et légitime que ce pays entre dans l'OMC. Ceci se manifeste sur le plan de la coopération à différents niveaux, d'abord par une coopération décentralisée - et nos collectivités locales seront présentes aux 6èmes Assises de la coopération cette année à Hué les 16 et 17 juin - par une coopération pour la francophonie, la langue française, qui correspond aussi à la formation. Il y a des avancées dans la création des deux pôles universitaires français au sein des universités de Hanoi et de Ho Chi Minh Ville, une formation importante - plus de 1.500 personnes passent par le Centre Culturel Français chaque semaine -, une coopération universitaire de tout premier niveau, puisque ce sont plus de 3.400 Vietnamiens qui étaient en France l'an passé pour leurs études. Forts de ce travail collectif et de ce succès, nous lançons un nouveau programme de bourses d'excellence : "Eiffel Doctorat". Il permettra ainsi à des jeunes doctorants vietnamiens d'effectuer une partie de leurs travaux de recherche dans un établissement supérieur dans le cadre d'une thèse menée en co-tutelle.
Il y a une coopération sur le plan de la santé aussi ; nous avons la volonté d'avoir un meilleur partenariat, encore plus efficace, tout en saluant le travail remarquable qui a été fait par le ministère de la Santé et le gouvernement vietnamien avec l'Institut Pasteur lors de l'épidémie de grippe aviaire.
Il y a une coopération en matière d'économie, où nous avons d'une part à suivre de très près l'ensemble des signatures validées par les deux gouvernements lors de la visite du président Chirac, et d'autre part à démultiplier notre coopération sur des programmes et des projets clairement identifiés. Quelques exemples : le tramway de Hanoi, le projet de satellite du gouvernement vietnamien, des propositions de collaboration de travail pour les licences de transports maritimes, la liaison ferroviaire Hanoi-Vinh, des projets aéronautiques potentiels, ou encore au niveau régional, la capacité de la France de structurer une démarche du tourisme, entre la Thaïlande, le Cambodge, le Laos et le Vietnam, qui a été validée par ces quatre pays concernés lors du dernier Sommet de l'ASEAN.
Nous avons signé par ailleurs une déclaration conjointe avec le ministre de la Justice en ce qui concerne l'adoption. Je vous en rappelle les principes : protéger l'intérêt supérieur de l'enfant, lutter contre les trafics, transparence et simplification des procédures. Je tiens à saluer le travail fait par le gouvernement vietnamien pour adhérer à la Convention de La Haye. J'ai présenté la loi qui est en train d'être votée aujourd'hui à l'Assemblée nationale en France, et qui nous permettra, après avoir modifié notre législation, d'être opérationnels avec l'Etat vietnamien dès le 1er janvier 2006.
Voilà donc, avant de répondre à vos questions, un déplacement fort, dense, affectueux, chaleureux, positif et donc efficace.
Merci pour votre attention, et je vais répondre à vos questions.
Q - Je suis du journal Phap Luat, du ministère de la Justice et j'ai trois questions à vous poser. Premièrement, pouvez-vous faire le point de la situation de l'adoption d'enfants vietnamiens par des familles françaises. La deuxième question concerne une dépêche de l'AFP qui fait état de l'examen par l'Assemblée nationale française le 12 avril d'un texte concernant l'adoption internationale et donc est-ce que cette nouvelle réglementation aura une influence sur l'adoption par les familles françaises. Ma troisième question est que si cette nouvelle disposition est adoptée par l'Assemblée nationale française, est-ce qu'il y aura des changements de la coopération bilatérale entre la France et le Vietnam en matière d'adoption, et donc quelles sont les coordinations particulières entre les ministères français et vietnamien de la Justice pour assurer la poursuite de la bonne coopération dans ce domaine et même dans la durée ?
R - L'adoption est un problème excessivement sensible dans tous les pays du monde. Les responsables gouvernementaux ont un devoir moral à porter du bonheur à ceux qui en demandent, qu'ils soient adultes ou enfants. La règle et les principes que j'ai rappelés sont bien inscrits dans la Convention de La Haye. La situation en France est tout à fait particulière. Nous avons 5 000 adoptions par an, dont 4 000 se font à l'étranger, un peu moins de 10 % au Vietnam, les autres pays étant notamment Haïti, Madagascar, la Colombie, l'Ethiopie et le Chili.
Il s'agit donc d'avoir des normes qui permettent aux parents de donner cet amour dont ils sont porteurs et d'aider des enfants qui n'ont pas un environnement social qui puisse leur permette d'évoluer de façon positive. Nous sommes donc confrontés à des difficultés parce que dans quelques pays il y a des trafiquants d'enfants qui abusent du désespoir des enfants, de l'abandon de ces enfants, et qui abusent des parents qui sont prêts à tout pour avoir des enfants. Donc, en France, nous avons modifié notre législation pour faciliter la tâche des parents au plan administratif et nous avons créé - si le Parlement le vote ce soir ou demain - une Agence française de l'Adoption.
Cette Agence française de l'Adoption permettra pour les pays concernés d'avoir un interlocuteur d'Etat, une solidité juridique et une transparence absolues. Dans un certain nombre de pays, l'adoption se fait souvent de façon individuelle, c'est à dire que des parents vont dans un pays, choisissent des enfants, parfois on leur propose des enfants dans des conditions troubles, ce qui n'est pas acceptable ni pour les gouvernants, ni pour les familles, ni pour les enfants, ni pour les familles des enfants. Nous nous sommes entendus avec le gouvernement vietnamien pour que tout soit opérationnel dès le 1er janvier 2006. Les nouvelles règles du jeu seront appliquées.
D'ici là, un certain nombre de dossiers sont à l'étude et le ministre s'est engagé à les traiter au mieux et le plus vite possible pour finir ce qui est engagé. Je tiens à souligner la parfaite attention du ministre sur ce dossier, le suivi de ce dossier par le ministère et le ministère des Affaires étrangères vietnamien, leur parfaite collaboration qui va nous permettre de régler des cas douloureux. Pour que les choses soient claires, c'est un problème humain qui est traité avec dignité par le pouvoir politique.
Q - Deux questions du journal de la Confédération générale du Travail du Vietnam, la première : est-ce que vous pouvez préciser les entretiens que vous avez eus lors de votre déplacement au Vietnam, et quelles sont les idées principales de ces entretiens. La deuxième question est que nous avons été informés que vous vous êtes déplacé à Dien Bien Phu hier, et quelle est votre impression de ce déplacement ?
R - Je me suis entretenu avec le vice-ministre de la Justice, le vice-ministre des Affaires étrangères, le vice-président de la Commission des Relations extérieures du Parti communiste vietnamien, et le vice-Premier ministre. Bien sûr j'ai rencontré la communauté française et des représentants des chefs d'entreprises françaises, qui travaillent ici au Vietnam. L'ensemble des entretiens ont été de très bonne qualité, très positifs. La communauté française est ici heureuse de vivre, c'est une communauté dynamique, enthousiaste, qui a confiance dans ce pays. Je me suis déplacé à Dien Bien Phu ; j'ai déposé deux gerbes, une sur la stèle française des morts français à Dien Bien Phu, une autre au cimetière vietnamien. Je suis allé me recueillir à la mémoire des 13 Français dont les corps ont été récemment retrouvés. J'ai remercié les autorités vietnamiennes pour la façon dont les dépouilles et les sépultures ont été traitées, et nous nous sommes entendus sur le fait que les urnes qui contiennent les restes de ces 13 corps seront rapatriées sur la France. Ce qui se dégage pour moi de ce déplacement, c'est une très grande émotion et on ne peut pas ne pas penser au courage de tous ces hommes qui se sont battus là bas et dont beaucoup sont morts. C'est un passage de notre histoire, et je constate qu'aujourd'hui on est en train de créer, sur la base de notre histoire commune, notre avenir commun.
Q - Une question du journal Hanoi Moi, le journal de la capitale, quelle est votre impression sur notre capitale durant votre séjour, et pour le moment la capitale vietnamienne a des problèmes concernant son agencement, son aménagement et son architecture. Donc en visitant la capitale vietnamienne, est-ce que vous avez une suggestion dans ce domaine ?
R - J'en ai beaucoup, parce que moi-même je suis premier adjoint au maire de Marseille et quand vous travaillez dans une grande ville et que vous avez envie d'organiser cette cité, vous vous servez toujours de l'expérience de ce qui se passe ailleurs pour essayer de construire chez vous. Cela donne toujours des idées. Une petite page de "publicité" pour ma ville, c'est la deuxième ville de France, le premier port français, le troisième port européen, et à mon avis, le plus bel endroit en France, mais je ne suis pas objectif !
La première impression, c'est que vous avez une circulation qui est très dense, et que ce trafic fait en sorte que l'on klaxonne beaucoup, qu'on ne circule pas très bien et que cela crée de la pollution. J'ai demandé quelles étaient les solutions envisagées et, surprise très agréable, il y a la volonté de faire un tramway - parce que nous faisons un tramway à Marseille aussi. Je crois très sincèrement que c'est une très bonne idée, c'est le seul moyen pour arriver à réorganiser le trafic en ville. Et lutter contre la pollution. Ce qui est très impressionnant, quand le feu passe au vert, c'est que vous devez avoir pratiquement la moitié des véhicules aux feux qui sont des cyclomoteurs. C'est très sympathique, sauf que, comme je suis médecin, je suis toujours inquiet pour ceux qui roulent en cyclomoteur. Donc, si je faisais une réforme ici, je dirais "portez le casque".
Sur l'architecture de la ville, j'ai beaucoup aimé et apprécié les petites rues marchandes du vieil Hanoi. Il y a beaucoup de vie, beaucoup d'animation, beaucoup de choses très différentes. En ce qui concerne le centre-ville ici, où il y a des bâtiments qui sont absolument superbes, où il y a de belles avenues, de vastes trottoirs, de grands arbres, c'est une ville qui a su garder son âme, qui a su garder son patrimoine architectural, qui a su entretenir ses maisons et je crois que les choix qui sont faits, qui sont de ne pas casser le passé pour construire des tours, des buildings ou des gratte-ciel, eh bien c'est un très bons choix, parce qu'il y a beaucoup de villes d'Asie qui ont cassé leur passé pour fabriquer des tours, et je ne crois pas que ce soit une bonne chose. Donc, voyez que j'ai quelque peu le souci du détail, mais pour autant l'impression générale c'est que c'est une ville qui bouge, qui est jeune, qui a de l'énergie et cela dans la vie c'est essentiel.
Je dirais "Hanoi la dynamique".
Merci beaucoup.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 avril 2005)