Texte intégral
Mesdames et Messieurs les présidents,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Au terme de cette matinée, qui a permis de mieux cerner les enjeux autour de la Constitution européenne, mais aussi de débattre très librement avec des invités engagés et passionnés, il me revient d'esquisser une synthèse de nos travaux.
Les débats de ce matin montrent clairement que l'Europe est un sujet qui ne laisse pas indifférents les agriculteurs, et pour être très franc, je pense qu'il nous tiens tous à cur.
Même si au quotidien, sur nos exploitations, la situation n'est pas toujours facile, nous savons bien que le défi de la construction européenne se situe au-delà des questions agricoles.
J'ai 32 ans, et comme ceux de ma génération, je suis né français, mais aussi européen. Pour nous, l'Europe, c'est une réalité concrète. Mais c'est aussi une réalité difficile à évaluer, car nous n'avons pas connu les périodes précédentes.
Pour ma part, c'est grâce à des lectures et au travers de discussions avec mes parents et mes grands parents que je me suis forgé une idée sur ce qu'était notre pays, notre continent, avant les débuts de la construction européenne.
Or il existe bien deux visages de l'Europe au 20ème siècle : l'Europe des conflits et des guerres, et l'Europe de la paix.
Et force est de constater qu'au fur et à mesure des élargissements de l'Union européenne, cette paix et cette stabilité politique ont gagné du terrain.
Plus récemment, le conflit des Balkans a démontré que la paix et la stabilité en Europe étaient des biens précieux, qu'il fallait conforter comme socle fondamental du développement de nos sociétés.
De ce point de vue, il est indéniable que la construction européenne est un acte positif, et que le renforcement de l'Europe politique va dans la bonne direction.
S'agissant plus particulièrement de l'agriculture, le sentiment des paysans apparaît beaucoup plus nuancé.
D'un côté, je suis convaincu que les agriculteurs savent parfaitement ce qu'ils doivent à la construction européenne, car notre agriculture ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui si la PAC n'avait pas existé.
Et je vais plus loin, en disant que l'agriculture a permis de donner une vision concrète de ce que pouvait être une politique intégrée au niveau communautaire.
En revanche, il faut admettre qu'en fonction des productions, les organisations de marché n'ont pas connu le même essor, ce qui a généré des écarts importants en terme de développement économique.
Et depuis une dizaine d'années, en fait depuis l'application de la réforme de 1992, les agriculteurs se posent beaucoup de questions sur les choix européens en matière de politique agricole.
L'abandon progressif de la politique de prix et son remplacement par une politique d'aides découplées est perçu comme la négation de l'acte de production, comme une remise en cause des valeurs autour du métier de paysan.
Et je ne parle pas des tracasseries administratives et autres contrôles intempestifs, qui ponctuent la vie de nos exploitations.
Mais je pense que la cerise sur le gâteau, c'est bien l'amende que nous a infligée la Commission européenne pour avoir défendu le revenu des éleveurs en pleine crise de l'ESB.
Comment voulez-vous, avec de telles décisions, que les agriculteurs voient dans l'Union européenne autre chose qu'une machine à broyer l'agriculture.
Et pourtant, au fond de nous mêmes, en prenant un peu de recul, on distingue quand même des avancées, avec par exemple la fin des distorsions monétaires, depuis l'avènement de l'euro.
Mais que de chemin encore à parcourir, quand on voit le déficit d'harmonisation fiscale et sociale, qui fait tant souffrir nos entreprises.
Aujourd'hui, c'est donc un sentiment complexe qui habite le monde agricole vis-à-vis de l'Europe, partagé entre cette perception du quotidien, plutôt négative, une certaine reconnaissance des bienfaits de la construction européenne pour le développement de l'agriculture, et une volonté de continuer à bâtir pour les générations à venir.
Mais venons-en au Traité constitutionnel en tant que tel, sur lequel nous serons amenés à nous prononcer par referendum, sans doute au mois de juin.
Doter l'Union européenne d'une Constitution est incontestablement un acte politique majeur.
C'est faire le choix d'une Europe plus politique, avec des processus de décision adaptés aux
exigences d'un fonctionnement à 25, et peut-être bientôt à 30 pays.
A ce propos, je pense qu'il existe un sentiment d'incompréhension qui est lié au rythme des nouvelles adhésions.
En effet, d'un côté l'Union européenne accueille des nouveaux pays, pour des raisons politiques qui n'échappent à personne, et de l'autre, les politiques internes restent faibles, ce qui provoque des distorsions dans de nombreux domaines.
En disant cela, je pointe du doigt le fait que l'Union européenne a bel et bien besoin d'un nouveau cadre politique, ce qui va dans le sens du projet de Constitution, mais aussi que cette Constitution ne règlera pas tout, car ce n'est pas non plus le rôle d'une Constitution.
Je crois en effet qu'il faut distinguer le Traité constitutionnel, qui sera un cadre politique nouveau pour l'Europe, des différentes politiques européennes, au premier rang desquelles la PAC.
J'en veux pour preuve ce qui s'est passé avec la PAC depuis ses origines jusqu'à ce jour. C'est la même base juridique inscrite dans le Traité de Rome qui a permis de mettre en place, d'abord une politique de prix garantis, puis, à partir de 1992, une politique de soutiens directs.
L'évolution de la PAC dans les prochaines années continuera donc à dépendre, pour une très large mesure, du courage politique de nos ministres, aussi bien à Bruxelles qu'à Genève, et de notre capacité à convaincre et à nous mobiliser pour un projet commun.
S'agissant des négociations internationales, et notamment de l'OMC, je pense d'ailleurs qu'une Europe politique plus forte peut nous aider à mieux défendre notre vision de l'agriculture.
Peut-être me trouverez-vous trop positif dans mes propos, mais j'essaie simplement de faire la part des choses entre ce qui est directement dans le champ de la Constitution, et ce qui dépend de la mise en uvre des politiques.
Ce n'est pas parce que nous trouvons absurde l'application de la réglementation sur la conditionnalité que la Constitution est un bon texte ou un mauvais texte !
Ce n'est pas parce que nous sommes contrôlés trois fois dans la même semaine que la Constitution est un bon texte ou un mauvais texte !
Le ras-le-bol des agriculteurs est justifié et compréhensible. Mais le moment venu, nous devrons nous prononcer en notre âme et conscience, en toute connaissance de cause, pour ou contre ce projet de Constitution.
Or, il ressort clairement des débats de ce matin, et aussi de ce que j'entends sur le terrain, que le besoin d'information est immense. C'est de la responsabilité du gouvernement de tout mettre en uvre pour informer les citoyens, rapidement.
Par construction, le projet de Constitution européenne ne peut être pleinement satisfaisant, puisqu'il est le fruit d'un compromis politique, dont l'élaboration nous a été décrite ce matin.
Mais je reste convaincu, en tant que jeune citoyen européen et responsable d'un syndicalisme de bâtisseurs, que c'est la logique de projet qui l'emportera, avec tôt ou tard l'adoption d'un texte fondateur pour une Europe politique forte.
N'oublions pas que l'avenir de l'Europe, c'est aussi l'avenir de la France, et donc l'avenir de notre agriculture.
Je vous remercie.
(Source http://www.cnja.com, le 21 février 2005)
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Au terme de cette matinée, qui a permis de mieux cerner les enjeux autour de la Constitution européenne, mais aussi de débattre très librement avec des invités engagés et passionnés, il me revient d'esquisser une synthèse de nos travaux.
Les débats de ce matin montrent clairement que l'Europe est un sujet qui ne laisse pas indifférents les agriculteurs, et pour être très franc, je pense qu'il nous tiens tous à cur.
Même si au quotidien, sur nos exploitations, la situation n'est pas toujours facile, nous savons bien que le défi de la construction européenne se situe au-delà des questions agricoles.
J'ai 32 ans, et comme ceux de ma génération, je suis né français, mais aussi européen. Pour nous, l'Europe, c'est une réalité concrète. Mais c'est aussi une réalité difficile à évaluer, car nous n'avons pas connu les périodes précédentes.
Pour ma part, c'est grâce à des lectures et au travers de discussions avec mes parents et mes grands parents que je me suis forgé une idée sur ce qu'était notre pays, notre continent, avant les débuts de la construction européenne.
Or il existe bien deux visages de l'Europe au 20ème siècle : l'Europe des conflits et des guerres, et l'Europe de la paix.
Et force est de constater qu'au fur et à mesure des élargissements de l'Union européenne, cette paix et cette stabilité politique ont gagné du terrain.
Plus récemment, le conflit des Balkans a démontré que la paix et la stabilité en Europe étaient des biens précieux, qu'il fallait conforter comme socle fondamental du développement de nos sociétés.
De ce point de vue, il est indéniable que la construction européenne est un acte positif, et que le renforcement de l'Europe politique va dans la bonne direction.
S'agissant plus particulièrement de l'agriculture, le sentiment des paysans apparaît beaucoup plus nuancé.
D'un côté, je suis convaincu que les agriculteurs savent parfaitement ce qu'ils doivent à la construction européenne, car notre agriculture ne serait pas ce qu'elle est aujourd'hui si la PAC n'avait pas existé.
Et je vais plus loin, en disant que l'agriculture a permis de donner une vision concrète de ce que pouvait être une politique intégrée au niveau communautaire.
En revanche, il faut admettre qu'en fonction des productions, les organisations de marché n'ont pas connu le même essor, ce qui a généré des écarts importants en terme de développement économique.
Et depuis une dizaine d'années, en fait depuis l'application de la réforme de 1992, les agriculteurs se posent beaucoup de questions sur les choix européens en matière de politique agricole.
L'abandon progressif de la politique de prix et son remplacement par une politique d'aides découplées est perçu comme la négation de l'acte de production, comme une remise en cause des valeurs autour du métier de paysan.
Et je ne parle pas des tracasseries administratives et autres contrôles intempestifs, qui ponctuent la vie de nos exploitations.
Mais je pense que la cerise sur le gâteau, c'est bien l'amende que nous a infligée la Commission européenne pour avoir défendu le revenu des éleveurs en pleine crise de l'ESB.
Comment voulez-vous, avec de telles décisions, que les agriculteurs voient dans l'Union européenne autre chose qu'une machine à broyer l'agriculture.
Et pourtant, au fond de nous mêmes, en prenant un peu de recul, on distingue quand même des avancées, avec par exemple la fin des distorsions monétaires, depuis l'avènement de l'euro.
Mais que de chemin encore à parcourir, quand on voit le déficit d'harmonisation fiscale et sociale, qui fait tant souffrir nos entreprises.
Aujourd'hui, c'est donc un sentiment complexe qui habite le monde agricole vis-à-vis de l'Europe, partagé entre cette perception du quotidien, plutôt négative, une certaine reconnaissance des bienfaits de la construction européenne pour le développement de l'agriculture, et une volonté de continuer à bâtir pour les générations à venir.
Mais venons-en au Traité constitutionnel en tant que tel, sur lequel nous serons amenés à nous prononcer par referendum, sans doute au mois de juin.
Doter l'Union européenne d'une Constitution est incontestablement un acte politique majeur.
C'est faire le choix d'une Europe plus politique, avec des processus de décision adaptés aux
exigences d'un fonctionnement à 25, et peut-être bientôt à 30 pays.
A ce propos, je pense qu'il existe un sentiment d'incompréhension qui est lié au rythme des nouvelles adhésions.
En effet, d'un côté l'Union européenne accueille des nouveaux pays, pour des raisons politiques qui n'échappent à personne, et de l'autre, les politiques internes restent faibles, ce qui provoque des distorsions dans de nombreux domaines.
En disant cela, je pointe du doigt le fait que l'Union européenne a bel et bien besoin d'un nouveau cadre politique, ce qui va dans le sens du projet de Constitution, mais aussi que cette Constitution ne règlera pas tout, car ce n'est pas non plus le rôle d'une Constitution.
Je crois en effet qu'il faut distinguer le Traité constitutionnel, qui sera un cadre politique nouveau pour l'Europe, des différentes politiques européennes, au premier rang desquelles la PAC.
J'en veux pour preuve ce qui s'est passé avec la PAC depuis ses origines jusqu'à ce jour. C'est la même base juridique inscrite dans le Traité de Rome qui a permis de mettre en place, d'abord une politique de prix garantis, puis, à partir de 1992, une politique de soutiens directs.
L'évolution de la PAC dans les prochaines années continuera donc à dépendre, pour une très large mesure, du courage politique de nos ministres, aussi bien à Bruxelles qu'à Genève, et de notre capacité à convaincre et à nous mobiliser pour un projet commun.
S'agissant des négociations internationales, et notamment de l'OMC, je pense d'ailleurs qu'une Europe politique plus forte peut nous aider à mieux défendre notre vision de l'agriculture.
Peut-être me trouverez-vous trop positif dans mes propos, mais j'essaie simplement de faire la part des choses entre ce qui est directement dans le champ de la Constitution, et ce qui dépend de la mise en uvre des politiques.
Ce n'est pas parce que nous trouvons absurde l'application de la réglementation sur la conditionnalité que la Constitution est un bon texte ou un mauvais texte !
Ce n'est pas parce que nous sommes contrôlés trois fois dans la même semaine que la Constitution est un bon texte ou un mauvais texte !
Le ras-le-bol des agriculteurs est justifié et compréhensible. Mais le moment venu, nous devrons nous prononcer en notre âme et conscience, en toute connaissance de cause, pour ou contre ce projet de Constitution.
Or, il ressort clairement des débats de ce matin, et aussi de ce que j'entends sur le terrain, que le besoin d'information est immense. C'est de la responsabilité du gouvernement de tout mettre en uvre pour informer les citoyens, rapidement.
Par construction, le projet de Constitution européenne ne peut être pleinement satisfaisant, puisqu'il est le fruit d'un compromis politique, dont l'élaboration nous a été décrite ce matin.
Mais je reste convaincu, en tant que jeune citoyen européen et responsable d'un syndicalisme de bâtisseurs, que c'est la logique de projet qui l'emportera, avec tôt ou tard l'adoption d'un texte fondateur pour une Europe politique forte.
N'oublions pas que l'avenir de l'Europe, c'est aussi l'avenir de la France, et donc l'avenir de notre agriculture.
Je vous remercie.
(Source http://www.cnja.com, le 21 février 2005)