Texte intégral
Mes Chers Amis,
Après la relance du processus de paix engagé à Libreville avec le président Gbagbo sous l'égide du président Bongo, après la venue du président Gbagbo à Paris, il est important aussi d'être à Abidjan pour vous témoigner de notre fidélité, pour vous dire à quel point, tout au long de ces mois difficiles, vous avez été au coeur de nos préoccupations, à quel point, tout au long de ces mois difficiles, nous avons voulu appuyer vos efforts et aujourd'hui, je veux d'abord vous apporter deux messages. Le premier, c'est bien sûr, un message de remerciements et le second c'est un message d'espoir pour cette Côte d'Ivoire à laquelle nous sommes tous, les uns et les autres, si profondément attachés.
La France vous doit des remerciements pour votre constance, pour votre détermination, pour votre sang-froid, pour le courage que vous avez témoigné tout au long de cette crise. Le calme, la dignité, l'esprit de cohésion de cette communauté a été exemplaire.
Je connais la difficile situation qui a été la vôtre au cours de la crise, au quotidien, et je sais les répercussions que cela a pu avoir dans vos vies professionnelle, familiale. Nous étions conscients des difficultés que cela créait, des ruptures familiales, des séparations douloureuses.
Nous avons aussi été amenés provisoirement à fermer les écoles françaises avec cependant le souci, en liaison étroite avec vos associations de parents d'élèves, de conserver un dispositif minimum pour permettre à tous les enfants restés sur place de suivre les cours et de passer leurs examens.
Dans vos vies professionnelles, vous avez été également confrontés à une situation économique difficile. Beaucoup d'entre vous sont responsables d'entreprises, beaucoup d'entre vous ont investi en Côte d'Ivoire toute une vie d'efforts. Les temps difficiles que vous avez vécus ont affecté vos sociétés, mettant parfois leur survie en péril.
Vous nous avez interrogés sur les possibilités d'appui du gouvernement français pour passer ce cap difficile. Je voudrais vous dire ce soir que la France appuiera résolument le redémarrage de l'économie ivoirienne, qu'elle soutiendra la cause des entreprises françaises, ivoiriennes auprès de l'administration de ce pays - je m'en entretiendrai tout à l'heure avec le président Gbagbo - pour que leur activité économique s'exerce dans l'environnement le plus favorable possible et je pense en particulier au plan fiscal. Nous travaillons, vous le savez, sur des mesures d'appui plus ponctuelles et plus spécifiques aujourd'hui en liaison avec les services de Bercy.
Je connais aussi la mission difficile des militaires de l'opération "Licorne" et je voudrais leur exprimer en notre nom à tous notre reconnaissance. Leur professionnalisme, leur dévouement dans des conditions souvent dangereuses, honorent l'armée française.
Leur comportement est exemplaire :
Sur le terrain, ils jouent un rôle essentiel, vous le savez tous, de pacification, d'apaisement des tensions, de négociation.
Ils aident à la préparation du processus de désarmement, rassurent les populations, participent à la reconstruction du pays.
Nous avons là une armée attentive à tous ceux qui l'entourent, efficace, humaine et dévouée.
Sur ce dossier difficile, nous avons travaillé main dans la main, en étroite complémentarité entre l'outil diplomatique et l'outil militaire, au service d'une même, d'une seule politique : c'est la garantie du succès que nous pouvons constater aujourd'hui.
Dans les prochaines semaines, des troupes des Nations unies vont se déployer en Côte d'Ivoire. Elles prendront le relais des forces ouest-africaines, qui ont accompli avec "Licorne" un travail remarquable.
Ce déploiement de plusieurs milliers d'hommes ne remettra en rien en cause la présence des militaires français, qui resteront sur le terrain. Ils poursuivront leur mission.
Ce dispositif permettra néanmoins de garantir, au cours de la période cruciale qui va s'ouvrir, avec des effectifs suffisants, le retour à la vie normale en tous les points du territoire, sous le contrôle et sous la supervision des Nations unies.
Cette évolution est conforme à la position constante de la France, qui entend privilégier, en tout lieu, les solutions concertées sous l'égide des Nations unies et je me réjouis personnellement qu'il soit possible aujourd'hui de mettre en place un tel dispositif en Côte d'Ivoire.
Mon second message est un message d'espoir parce que le chemin parcouru, depuis un an, est considérable.
Il y a à peine plus d'un an, l'ensemble des forces politiques ivoiriennes signait les Accords de Linas-Marcoussis.
Ce fut une réussite qui exprimait la volonté des signataires d'aboutir à une paix durable. Ces Accords promettaient la cessation des hostilités, la volonté de résoudre les conflits plus profonds de la société ivoirienne.
Je me souviens de l'émotion très forte que nous avons tous ressentis en voyant les participants de cette réunion de Marcoussis se lever et, tous ensemble - alors même que nous savions les tensions qui existaient sur le terrain -, tous ensemble, reprendre en coeur l'Abidjanaise.
Malgré les incompréhensions, malgré les troubles d'une partie de la population à Abidjan, conduisant aux événements des 25 et 26 janvier, malgré les accusations contre la France, malgré les retards dans l'application des Accords, les progrès vers la paix promis par ces Accords ont été réalisés.
Aujourd'hui, à la lumière du chemin parcouru, chacun se rend compte que la position retenue était la seule possible, la seule souhaitable.
Il ne pouvait y avoir de solution militaire à ce conflit. Il appartenait aux Ivoiriens, à eux seuls, de définir eux-mêmes les voies et les moyens politiques de sortir du conflit.
Une fois les passions apaisées, les progrès se sont enchaînés. Le rythme de mise en oeuvre des Accords a peut-être été moins rapide que certains l'espéraient. En réalité, il demeure remarquable quand on connaît la maturation nécessaire, dans tous les pays, à la mise en oeuvre de ce type d'action.
Une à une, les étapes politiques ont été franchies. D'abord prudemment : avec la mise en place au complet du gouvernement ; le vote de la loi d'amnistie ; la déclaration du 4 mai établissant un cessez-le-feu effectif ; celle, fondamentale, du 4 juillet, par laquelle les forces armées en présence déclaraient la fin de la guerre.
Ensuite plus rapidement avec la réouverture des frontières, l'accord du 4 décembre prévoyant le retour en caserne de l'ensemble des forces armées, le retrait des armes lourdes, la levée des barrages routiers... Tout cela, rappelons-le-nous, en moins d'un an !
Dans le même temps, sur le terrain, les signes tangibles d'une amélioration se sont multipliés. Le train s'est remis à circuler, jusqu'à la frontière burkinabè, puis jusqu'à Ouagadougou. Les échanges économiques sur l'ensemble du pays, s'ils n'ont pas retrouvé leur volume normal, se sont redressés. Le redéploiement de l'administration a débuté, dans l'ouest pour le moment, au nord bientôt.
L'espoir que je voudrais témoigner aussi concerne notre communauté.
Après les départs du début de l'année 2003, l'apaisement de la situation a permis le retour de beaucoup d'entre vous à l'issue des congés d'été.
Ainsi, le dispositif d'accueil dans les écoles françaises a pu être adapté à la rentrée 2003, avec la réouverture du lycée Blaise Pascal. Cette adaptation se poursuivra à la rentrée prochaine qui verra, j'en suis convaincu, de nombreuses familles rejoindre Abidjan. D'ores et déjà, nous avons prévu d'affecter près de 30 enseignants supplémentaires en septembre prochain et, à Abidjan comme dans l'intérieur du pays, les dispositions seront prises pour que tout enfant puisse être accueilli dans les meilleures conditions.
Espoir enfin pour la suite, même si le chemin qui reste à parcourir est long, ce qui suscite encore des hésitations, des réticences et des craintes. Je suis pour ma part résolument optimiste.
Je le suis car tous les Ivoiriens, comme tous les amis et les voisins de la Côte d'Ivoire, ont aujourd'hui pris une claire conscience de l'enjeu. L'enjeu que représente pour leur pays la sortie de crise que traverse la Côte d'Ivoire.
Ils savent aujourd'hui que la voie choisie est la bonne et que la paix est au bout du chemin.
Ils savent, comme nous l'avons appris nous aussi sur notre continent, que la désunion et la discorde ne peuvent conduire qu'au désastre, que la reprise du conflit serait une voie suicidaire.
Je suis aussi plein d'espoir car le président Gbagbo partira demain soir pour Paris pour s'entretenir avec le président de la République.
La réconciliation est en marche. Le processus est enclenché, chaque Ivoirien, chaque homme politique, chaque parti politique perçoit clairement ce qu'il a à gagner d'un processus conduisant à des élections libres, transparentes, ouvertes à tous.
En dépit des difficultés, tous les responsables de ce pays, et au premier chef son président, assumeront leur responsabilité historique de contribuer au rétablissement de la Côte d'Ivoire.
Mes Chers Amis,
En ce début d'année, je ne peux pas manquer de vous souhaiter tous mes voeux, tous mes vux personnels pour vous-mêmes, pour vos familles, tous mes voeux également pour la Côte d'Ivoire.
Je veux vous redire l'ambition qui est la nôtre pour ce pays. Je n'oublie jamais que la Côte d'Ivoire fut longtemps la fierté, le miracle de l'Afrique et c'est un défi pour nous que de redonner ces chances à ce peuple, à ce pays. Ce qui justifie votre présence, c'est ce qui justifie la ténacité, la détermination de la diplomatie française. Nous croyons aux chances de la Côte d'Ivoire, nous croyons aux capacités de la Côte d'Ivoire à relever le défi et cette fidélité, cette fidélité qui est la nôtre ici, qui est la nôtre en Afrique ne se démentira pas plus que notre détermination à tout faire pour relever les défis.
Je vous remercie.
Appel téléphonique du président Gbagbo
(...)
Le ministre reprend le micro devant la communauté française.
Le président Gbagbo m'a appelé : il voulait me parler pour exprimer sa joie de me voir sur le sol ivoirien et, en même temps, il m'a demandé de vous exprimer en son nom personnel et au nom de la Côte d'Ivoire ses remerciements, comme je viens de le faire, et de la même façon, il m'a demandé de vous dire qu'il sera heureux, dès son retour de Paris, de réunir cette communauté française pour lui exprimer sa reconnaissance.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 février 2004)