Point de presse et entretien de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des affaires étrangères, avec des radios françaises à Khartoum le 29 juillet 2005, sur le soutien de la France à la mise en oeuvre de l'accord de paix de Nairobi au Sud-Soudan, la crise du Darfour et la situation d'urgence humanitaire au Niger.

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Circonstance : Voyage en Afrique de Philippe Douste-Blazy du 28 au 30 juillet 2005 : entretien avec le ministre des affaires étrangères du Soudan Moustafa Osmane Ismail, à Khartoum le 29

Média : Radios françaises

Texte intégral

(Entretien avec des radios françaises à Khartoum le 29 juillet 2005) :
Q - Monsieur le Ministre, quelle est votre réponse à cette demande d'aide d'urgence communiquée par l'UNICEF ?
R - Nous vivons ici une des plus grandes catastrophes humanitaires qui puisse exister puisque, au-delà de la sécheresse, il y a aussi au Niger, comme d'ailleurs dans d'autres pays de la région ici en Afrique sub-sahélienne, un manque total de système de santé publique. C'est la raison pour laquelle la France a décidé d'aider, de manière très directe, ce pays, à la fois au niveau de la malnutrition, mais aussi au niveau de l'eau et, enfin, au niveau de la santé publique.
Ce matin, l'UNICEF a poussé un cri en demandant qu'il y ait deux types d'aides. D'abord, pour 160.000 enfants qui sont en souffrance de malnutrition modérée, et puis surtout un cri pour 30.000 enfants qui sont dans un état de dénutrition totale. Pour cela, la France a décidé, avec l'accord du président de la République, de prendre en totalité ces liquides de réhydratation, ces rations caloriques, ces laits de re-nutrition, pour 37 tonnes qui arriveront dès demain au Niger, de façon à parer au plus pressé pour réhydrater ces enfants qui, s'ils n'ont pas ce lait, cette réhydratation, vont aller très vite très mal.
Q - Alors, pourquoi avoir voulu réagir aussi vite ?
R - Parce qu'aujourd'hui la communauté internationale est devant sa propre réalité. Il y a ici, depuis maintenant trois mois, des appels de l'ONU, mais il y a aussi, au niveau des programmes d'alimentation, un retard, peut-être aussi une mauvaise appréciation qui a été faite localement. En tout cas, l'urgence est là, et quand c'est l'urgence, il ne faut pas attendre. C'est la raison pour laquelle, à New York ce matin, l'UNICEF a fait cet appel pour les enfants qui sont en état de dénutrition avancée, et nous avons immédiatement, nous la France, immédiatement répondu, comme l'avait d'ailleurs proposé le président de la République - il faut bien le dire, un peu seul - lors du G8 de Gleneagles lorsque les chefs d'Etat des huit pays les plus riches étaient réunis début juillet au Royaume-Uni.
Q - Juste un mot sur le Soudan, le camp que vous avez visité cet après-midi. Quelle impression en avez-vous dégagée ? Est-ce qu'on a l'impression qu'il y a une situation qui s'installe un peu là-bas ?
R - La crise du Soudan dure depuis maintenant depuis plus de deux ans, en particulier dans la province du Darfour. Il y a là une catastrophe humanitaire mais aussi politique. C'est la raison pour laquelle la France, depuis le début, est aux côtés du gouvernement soudanais pour régler le problème politique, avec le président du Tchad. Il y a l'accord de paix, mais il reste le Darfour, un élément humanitaire majeur puisqu'il y a près de 2.200.000 personnes déplacées au sein du Soudan, qui ne sont plus chez elles et qui doivent revenir. Le camp que nous avons vu aujourd'hui est un camp de 120.000 personnes déplacées, qui restent là et qui ont peur de revenir chez elles parce qu'elles ont peur de subir des atteintes à leurs droits fondamentaux tout simplement, d'être attaquées, de ne pas pouvoir rester chez elles.
Il est absolument nécessaire, c'est ce que je vais dire dans quelques minutes aux autorités soudanaises, en particulier au ministre des Affaires étrangères mais aussi au vice-président de la République, de mettre en place une aide humanitaire, que la France apporte d'ailleurs aussi, pour que les populations déplacées puissent revenir dans leurs villages, à une seule condition, c'est qu'ils soient en sécurité, et c'est cela le sujet.
Ensuite, pour régler le problème à terme, ce n'est pas uniquement de l'aide humanitaire, ce n'est pas uniquement l'Union africaine, avec l'ONU, qui pourra régler le problème, c'est également un processus politique, un dialogue entre les deux parties. Et la France fera tout, y compris le 24 août, lorsque les deux parties se retrouveront, pour qu'il y ait un processus politique engagé dans un dialogue, quitte à faire des compromis, mais qu'il n'y ait plus de guerre au Soudan, parce que, derrière, ce sont ces femmes, ces hommes, ces enfants qui ne peuvent plus revenir chez eux et qui sont, donc, dans un assistanat total de la communauté internationale, et cela est absolument inacceptable.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 août 2005)
(Point de presse suite à l'entretien avec le ministre soudanais des affaires étrangères, Moustafa Osmane Ismail, à Khartoum le 29 juillet 2005) :
C'est vrai que c'est mon premier déplacement en Afrique et je suis heureux de venir au Soudan. Le Soudan est un pays majeur. La conclusion de l'accord de paix avec le Sud, après vingt ans de guerre, est un événement majeur. Je suis venu pour apporter au gouvernement le soutien de la France à la mise en uvre de l'accord de paix de Nairobi qui a récemment enregistré des progrès encourageants.
Je suis également venu me rendre au Darfour. Malgré certaines avancées, la situation au Darfour est encore préoccupante. Concernant l'accord de paix, l'accord avec le Sud, nous pensons que la paix permettra de reconstruire le Sud-Soudan, une des régions les plus défavorisées.
La France est déterminée à appuyer cette évolution essentielle, à vous aider. Sur le plan bilatéral, elle engagera 35 millions d'euros d'aide à la reconstruction et au développement pour les deux années à venir. En incluant nos contributions via l'Union européenne, l'effort global pour le Soudan atteindra environ 120 millions d'euros. Voilà ce que je voulais dire.
Sur le Darfour, le retour de la paix au Sud du Soudan sera un processus inachevé et donc menacé s'il ne s'accompagne pas d'un retour de la paix dans le Darfour. Beaucoup de progrès ont été faits, en particulier l'acheminement de l'aide humanitaire, je tiens à en remercier le gouvernement. Mais la situation humanitaire reste très dégradée et l'absence de sécurité s'oppose au retour de certaines populations déplacées ou réfugiées. Or, la vie dans un camp n'est une perspective tenable pour personne.
La France apporte à la résolution de la crise du Darfour un appui humanitaire, bien sûr, mais aussi politique et militaire. Elle poursuivra cet appui avec détermination. Nous avons, pendant la saison des pluies, août-septembre 2004, mobilisé nos moyens militaires au Tchad pour acheminer plus de 700 tonnes de fret humanitaire de Ndjamena vers des camps de réfugiés situés près de la frontière du Soudan. Au total, l'appui de la France au seul Darfour s'élève à plus de 80 millions d'euros. Nous poursuivons un dialogue approfondi et sérieux avec les autorités soudanaises pour trouver un règlement à ces deux crises. Nous appuyons l'action essentielle de l'Union africaine sur le terrain, comme les négociations diplomatiques qu'elle conduit à Abuja. Seule une solution politique permettra un règlement de fond de la crise du Darfour. Nous saluons la conclusion de la déclaration de principe le 5 juillet dernier à Abuja.
Nous appelons maintenant toutes les parties, le gouvernement soudanais et les mouvements rebelles, à reprendre les pourparlers sans condition préalable et à négocier de bonne foi pour aboutir à la conclusion d'un accord de paix global.
Q - (A propos de la mise en uvre des engagements pris à la Conférence d'Oslo)
R - La France souhaite tout faire pour qu'il y ait une véritable parole tenue des différents pays donateurs, d'autant plus que, maintenant que les accords de paix sont faits, il est tout à fait nécessaire de pouvoir continuer à faire confiance au Soudan et à le soutenir.
Q - Est-ce que vous avez discuté avec le gouvernement soudanais des résolutions du Conseil de sécurité concernant le Darfour, et surtout concernant les criminels de guerre au Darfour ? Est-ce que la France croit que l'application de ces résolutions est nécessaire pour résoudre le problème du Darfour ?
R - Nous pensons que le problème du Darfour ne sera réglé que par un processus politique. Ce n'est pas par toujours plus de forces onusiennes, même s'il les faut, ce n'est pas uniquement par l'aide humanitaire, même s'il la faut, c'est en mettant ensemble le gouvernement soudanais et les rebelles dans un processus politique que nous résoudrons le problème du Darfour.
Concernant votre question sur la Cour pénale internationale, je vous répondrai d'abord que la France est l'amie du Soudan. A aucun moment, nous ne voulons montrer du doigt un pays, encore moins le Soudan. A aucun moment, nous ne voulons montrer du doigt une philosophie, une religion, une idéologie. Nous voulons simplement que, dans tous les pays du monde, tout criminel puisse être puni. Ce n'est rien contre le Soudan, ni contre la France, ni contre les Etats-Unis, ni contre la Russie, c'est un principe. Et je pense que toutes les démocraties du monde ne peuvent que souscrire à ce que j'ai dit.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 9 août 2005)